Il rêve. Le dos sur l’étagère, la jambe parcourue de spasmes fréquents, paisible sommeil. Aucune rêverie n’est immuable. Il se voit courir dans une rue. Les bonbons qu’il chassait jusque-là ont soudain viré dans l’hostilité. Poursuivi, le malheureux gourmand cherche une cachette. Dans la chambre d’hôpital, toujours endormi, la belle au bois dormant se lève. Le buisson fait une mauvaise planque, le chef des bonbons fait son apparition, vêtu d’un imposant manteau et balafré. Le somnambule ouvre la fenêtre, la brise extérieure effleure son visage. Un vent puissant appuie l’arrivée du boss final, lui, pris au piège au bord d’une corniche, reste béat. Figé au sol, raide comme un poteau, à fixer cette boule de charisme à le zieuter du vide, une force le pousse dans ce dit vide.

Le jeune arrancar tombe, il tombe du haut de sa fenêtre. Le vent frappe sa figure. La tornade l’emporte au sol. Ses paupières s’entrouvrent. Un arbre. Une brusque pulsation neuronale, ses sens s’éveillent en une fraction de seconde. Tout juste le temps de se protéger le visage avec ses bras. Ces bras encaissent les coups. Plusieurs branches se cassent sous son passage. Ces branches l’amortissent assez pour que son atterrissage contre la pelouse ne lui soit pas fatal.

Petits gémissements de douleurs… Sûr que ça fait pas du bien de tomber du haut du quatrième étage. Du bruit… Du bruit qui ne vient pas de lui. Fuan lève sa bouille innocente et trouve devant deux silhouettes. Une debout, une autre qui tombe par terre. L’effet du réveil brutal se sent toujours, il n’a pas fini d’émerger. Ça goutte par terre, il pleut ? Ba non, pas un nuage dans cet horizon de noirceur.

-Qu’qu’c’est ?

Premier acte de communication avancé, sa vue brouillée reprend lentement possession de sa netteté. Il a quelque chose devant la tronche ce truc… Un masque ?

-Qu’qu’c’est ?

Le registre de la répétition ne semble pas le gêner, gênera-t-il son interlocuteur ?

Le temps. C'était une notion que nous avions finies par perdre totalement, tout comme les saisons ou la nuit et le jour. Notre vie n'était que grisaille et était aussi morne qu'un hiver pluvieux. Chaque journée passée nous perdait un peu plus profondément, toujours plus que la veille. Elle prenait de plus en plus de place dans nos vies et nous manipulait toujours plus facilement. Si notre coeur était toujours bon, notre tête, elle, était parasitée par cette araignée géante maléfique et belliqueuse, toujours prête à attaquer et à exploser à tout instant. Sa voix nous rendaient folles. Ma soeur et moi, nous tentions parfois de nous consulter pour savoir ce que nous pouvions faire mais lorsque c'était le cas, elle arrivait immédiatement pour nous l'interdire et cela provoquait un nouveau bain de sang. Alors nous ne le faisions plus discrètement, attendant qu'elle se soit manifestée et qu'elle soit affaiblie pour communiquer entre nous, c'était encore les moments où elle était la plus vulnérable.

Ainsi, encore une fois ce ne fut pas une exception lorsque nous fûmes prises d'un sursaut de douleur intense au crâne, symptôme irréfutable de son arrivée imminente et cela ne manqua pas cette fois encore. Nous fûmes terrassées par le mal et nous tombions dans un état semi-conscient mais totalement catatoniques, comme une marionnette manipulée ou comme prisonnières dans un robot piloté, condamnées à le regarder avancer en étant totalement léthargique à l'intérieur. Cette fois elle semblait avoir flairée quelque chose non loin et c'était quelque chose que nous connaissions bien : un shinigami. Je sentis ma tête se remplir d'un sang chaud, limite bouillonnant et une furie monumentale m'envahir. C'était l'unique exception pour laquelle nous étions en parfait accord avec elle. Lorsque nous sentions la présence de l'un d'entre eux, notre sang ne faisait qu'un tour. Nous partîmes ainsi comme des bêtes sauvages affamées afin de tailler en pièces notre proie.

Aussitôt arrivée à lui, je le transperçais de ma lame et l'ouvrait littéralement en deux dans le sens de la hauteur. Un coup de la lame recourbée de Kagibari qui le perfora dans le ventre et sortant par le dos suivi d'un geste puissant vertical le souleva dans un premier temps et finit par le trancher en deux parties sanguinolantes. La furie était telle que je n'avais pas entendue quelqu'un m'interpeller la première fois. Mais aussitôt l'adversaire éliminé, la répétition fut parfaitement perceptible, quelqu'un m'observait. Encore sous l'effet de l'adrénaline, et sous la domination de Supaida, je me ruais sur lui à toute vitesse, agitant la lame encore recouverte du sang du Shinigami et reflétant par endroit la lumière lunaire, éclaboussant les environs d'une encre rougeâtre et visqueuse. Puis arrivée à quelques mètres de lui je m'effondrais au sol, terrassée par un nouveau mal de crâne qui marquait la fin de sa domination et nous nous divisions à nouveau, ma soeur et moi. Le masque du Hollow avait disparu. Nous ramassâmes Kagibari qui gisait à nos pieds, encore à moitié étourdies et nous retournâmes vers le shinigami coupé en deux. Un large sourire se dessina sur notre visage. Puis nous fîmes face au garçon à l'air un peu bêta qui nous dévisageait.


- Bonsoir ! Qui tu es toi et comment tu t'appelles et que fais-tu ici hein? hein? Nous espérons que c'était pas ton copain celui-là.

Nous nous sentions dans un état euphorique, faisant de grands gestes avec nos bras, nos visages et cheveux encore à moitié recouverts de projections de sang. Nous le regardions sans ciller avec de grands yeux écarquillés en attendant sa réponse.

Qu’qu’c’est ? Ça y est, il voit clair le bambin. Une gamine à peine plus gamine que lui-même. Sa pupille n’a pas le temps de tourner vers l’autre belligérant qu’une violente pulsation matraque son pauvre cœur. Cette étrangère, munie d’un cure-dent dangereux, fonce tête baissée vers lui, avec des intentions clairement meurtrières. Son menton sur le gazon prend appui dessus, donnant de la hauteur à un buste qui bondit en arrière grâce au bon travail des membres supérieurs. Les jambes pleines de fourmis, paralysées, Fuan traine son séant quelques mètres en arrière, sa vitesse ne suffisant à semer une poursuivante zélée. C’est fini… Dos au mur, l’arrancar froussard se recroqueville sur lui-même, se servant de ses bras squelettiques et pathétiques pour protéger sa figure terrorisée. Ultime lamentation.

-Nooooooon !

Son déni de trépasser si bêtement emprunte une voix suffocante qui perd en intensité et volonté par la constatation… que rien ne se passe. Son coude se lève, assez pour que son champ de vision perçoive une nouvelle silhouette. Le Candide frotte ses paupières. Une hallucination ? Avait-il halluciné ou hallucinait-il ? Son assaillante venait de… se dédoubler… C’était quoi ? Une cellule ? Fuan ne comprenait rien à ces machins scientifiques, biologiques, bidules, chouettes. Oui, il avait affaire à une cellule géante, ce devait être ça. Une cellule qui venait de comprendre qu’il n’était pas une bactérie à atomiser, pour preuve, elle venait de stopper net son processus d’extermination. Réaction normale. L’arrancar aux iris d’opales avait déjà un tantinet accepté cette version alambiquée de la réalité. Un tantinet car son front continuait de produire en abondance un torrent de sueurs froides déversé sur une surface qui peinait à retrouver ses couleurs.

L'imbécile s’attelle à mieux ouvrir ses mirettes tandis que les cellules ramassaient leur cure-dent ensemble pour se rendre sur… Qu’qu’c’est ? Toujours figé sur cette question. Ah tiens, ça parle une cellule ? Les cellules lui parlent. Oh mais, ils ont des bouches, comme lui, comme c’est pratique. Le Candide, le visage ouvert, répond en toute authenticité.

-Qui que j’suis ? J’m’appelle Yuzuru mais j’préfère qu’on m’appelle par mon nom, Fuan, c’est plus court. C’que j’fais ici… Euuuh… Hé bien… J’étais dans un autre monde… Puis j’me retrouve là, à vous parler… D’ailleurs, qui qu’vous êtes ? Et quel cop…

Hein ? Copain ? Où ça un copain à lui ? Ses paupières s’ouvrent comme il n’est pas possible de plus s’ouvrir. Ce truc… Sous les pieds de ses interlocutrices… Deux shinigami ? Non… Un shinigami… Ces cellules, toutes recouvertes de sang… Cette attitude extrêmement hostile quelques secondes plus tôt… Ces sous-entendus… Ce sont elles qui ont fait ça ? Devant cette vision horrifique, la nausée l’emporte. Une main compressant sa bouche… ça ne suffit pas. Derrière le buisson… vite… Il régurgite ses bonbons. Des halètements, des tremblements, des larmes. Ce ne sont pas des cellules, les cellules, ça charcute pas des shinigamis… D’ailleurs, ce n’est pas si gros… une cellule. Une prise de conscience tardive. Son avant-bras tremblotant devant sa mâchoire en protection psychologique. Son estomac est noué, au moins autant que ses cordes vocales désormais muettes. Trouverait-il la force de reprendre possession de ses moyens avant d’agacer ses vis-à-vis ?

Le cri de désespoir que poussa le petit homme en face de nous lorsque nous lui fondîmes dessus à toute allure nous fendit le coeur. Peut-être était-ce même cela qui avait réussi à affaiblir Supaida, notre hollow et qui nous avait permis de reprendre le contrôle? Nous étions pourtant habituées à ce genre de supplications et autres variantes mais c'était la première fois que cela nous atteignait vraiment. Nous le trouvions vraiment trop chou autant par son visage que par son attitude et sa voix, on aurait dit un ours en peluche qu'on avait envie de serrer dans nos bras. Jamais personne ne nous avait fait cet effet-là auparavant, ce garçon avait-il un pouvoir particulier? Aucune idée mais il ne fallait pas se reposer sur nos lauriers, nous savions que l'autre ne dormait jamais très longtemps et pouvait repasser à l'attaque à tout moment sans prévenir. Il fut pris de convulsions pendant sa phrase sans que nous comprenions pourquoi puis il partit vomir derrière un buisson. Il était malade? Nous nous approchions de lui puis nous penchions à côté.


- Qu'est-ce que tu as? Tu es malade?

Jusque là nous ne parlions que d'une voix comme d'habitude mais de temps en temps il nous arrivait de nous dissocier. Il n'y avait pas forcément de raison à cela et la plupart du temps nous avions notre raison propre, c'était juste que nous pensions quasiment toujours la même chose en même temps alors sans le vouloir nous disions la même chose. Enfin, de temps en temps une troisième voix venait se greffer aux nôtres mais celle-ci nous étions les seules à l'entendre, elle était même parfois très bavarde, celle de cette fichue araignée qui nous soufflait toujours de vilaines choses qui nous faisait souffrir... mais le pire c'est que commencions à nous y faire et à l'accepter et ainsi à ressentir moins de dégoût. Petit à petit, nos âmes se faisaient ronger et dévorer par elle. Mais lorsque nous posions nos yeux sur ce petit bout au regard si innocent, notre coeur s'emplissait de tendresse et nous avions vraiment envie de nous jeter sur lui pour lui faire des papouilles.


- Enchantées de te connaître Fuan, tu es tout choupinou tu permets qu'on te serre dans nos bras?

Mais sans lui laisser le temps de répondre, d'une pulsion nous lui sautions dessus et enroulions nos bras autour de son cou. Puis après quelques câlins nous le lâchions et nous excusions pour n'avoir pas pu résister.


- Nous sommes désolées pour ça et pour t'avoir fait peur plus tôt, c'est l'autre méchante araignée qui nous dit de faire tout ça. Dis, de quel monde tu parlais? Il était bien? C'était quoi? Ah ! Et nous sommes Ubu Hime ! Toutes les deux, nous sommes indissociables !


Puis nous nous demandions ce qu'il était? Il ne ressemblait pas à un Shinigami ni à un Hollow alors qu'était-il? Un humain? Toujours sans lui laisser le temps de répondre et toujours survoltées nous enchaînions.


- Au fait t'es quoi toi? T'es pas un Shinigami j'espère? disions-nous avec un air sévère.

Spoiler:

Carotte… Carottes rappées de ce midi qu’il venait de dégobiller sur le gazon. C’est qu’il savait aussi manger équilibré de temps à autres. Quoi qu’il ait sans doute confondu la chose avec des nouilles au ketchup. Ketchup, délicieux ketchup qui lui faisait visualiser une belle tomate bien fraîche... Drôles de pensées. Malade ? Simplement écœuré par ce qu’il venait de voir. Non, pas simplement écœuré, aussi terrorisé à un point d’expulser concrètement son malaise hors de lui. D’ailleurs, maintenant qu’il avait rendu à mère nature son repas, ses battements cardiaques reprenaient un rythme normal. Ses sueurs nombreuses le sensibilisent à la froideur de la brise nocturne, sensation qui lui fait grand bien, tout chaud qu’il était.

Malade ? Plus malade ! Un infime mouvement de tête horizontal pour certifier cette vérité. Des mots auraient bien suffi, si seulement ses cordes vocales daignaient remballer leurs panneaux de grève et retourner au travail. Ce n’est pas la mort quand même… Ironie de la situation, ça l’était. Toutes deux automates, deux automates synchronisées, synchronisées sur leurs phrases, gestes et pensées. Ces deux paires de mirettes qui le fixent tout impuissant… Que se passait-il derrière ? Réfléchissaient-elles sur la façon la plus abominable de le charcuter ? Comme l’autre là-bas qui ne pouvait plus se vanter d’être une pièce unique. Ça y est, les mots de menaces viennent… Elles lui parlent… Elles vont le manger… Lui, pauvre dommage collatéral de leur folie.

L’arrancar sent une impulsion des jumelles… Sa dernière seconde… Impossible de la regarder en face… Encore à fermer ses paupières dans l’espoir de supprimer le danger en même temps que sa vision. Sa sphère intime est bousillée par deux gamines. Elles tentent de l’étrangler… Diable, désespoir, morbidon ! Quelle pitié que le dernier soupir de son esprit soit un mot bâtard n’ayant de sens que celui accordé par l’émotion du moment… Mince… Se fait-il réellement étrangler ? Ça ne fait pas bien mal. Fuan rouvre ses paupières et constate, non sans désarroi, les deux gamines prises d’une expression ô combien pas terrifiante du tout.

Réflexe astucieux, celui d’effleurer la nuque de l’une d’elles avec sa main gauche. Son imaginaire se connecte à celui de la cible prédatrice et prend compte de l’absence d’hostilité dans cette boîte crânienne, ni dans l’autre qui demeure bien en phase avec sa sœur. Constatation troublante, elles ne lui veulent vraiment aucun mal ? La figure de l’arrancar froussard reprend des couleurs tandis que ses interlocutrices lâchaient prise. Son expression se relâche, ce ne sont pas des ennemis, plus besoin de se faire le moindre mouron. Ses valves auditives peuvent enfin se rouvrir.

-L’araignée ? Où ça une araignée ?

Fuan regarde aux alentours, en vain, cessant sa recherche sous prétexte que le coupable s’était sans doute évanoui dans la nature en quête d’autres proies. Un monde ?

-J’ai parlé d’un monde moi ?

Ses prunelles d’opales essaient désormais de fixer son lobe frontal, sans doute dans l’espoir de fouiller dans son répertoire mémoriel.

-Oh ! Ce monde !

Ce beau monde imaginaire façonné de toutes pièces par son subconscient… Là où il…

-Là où je…

Là où il…

-J’ai oublié… Me souviens plus.

Petite grimace qui affiche son dernier effort de remémoration, encore en vain. Pauvre poisson rouge qu’il était. Qui il était ?

-Qui qu’j’suis…

Ne l’avait-il pas déjà dit ? Oh, elles parlent de shinigami… De race ?

-Ah ! Ce que j’suis ! Euuuh…

La mauvaise réponse, dans ce questionnaire, paraissait être « shinigami ». Devait-il répondre pour autant « arrancar » ? De son expérience, ça n’avait jamais été ce qu’on pourrait appeler la bonne réponse. Petite tournure de phrase faussement subtile.

-Heu, ça dépend, si j’étais un arrancar… ça veut pas dire que je l’suis hein ! Ba… Vous m'feriez quoi ?

Sacré stratège.


[désolé pour le retard, je vais essayer de me reprendre]

Le jeune homme commençait à reprendre un peu de consistance mais ses propos étaient toujours aussi détachés et incohérents. On parlait la même langue mais nous ne comprenions rien à ce qu'il racontait car il ne terminait aucune de ses phrases. Ca avait un côté agaçant mais aussi mignon car il s'emmêlait totalement les pinceaux. C'était un drôle d'individu celui-ci. Alors que nous étions concentrées sur le garçon aux cheveux blancs, nous entendions un bruit étrange derrière, comme un tout petit crépitement très très léger. Nous regardâmes derrière nous et vîmes l'autre Shinigami qui commençait à se décomposer et se transformer en particules de poussière blanche qui, elle même se décomposait pour finir par disparaître complètement. Nous avions déjà pu observer ce phénomène auprès des âmes communes mais cela était beaucoup moins long en général.

D'ailleurs, l'autre se présenta comme étant peut être un Arrancar. C'était quoi ça déjà? Cela sonnait en nous comme quelque chose de familier, comme un très très lointain souvenir enfoui et d'en rechercher l'origine nous poussait à fouiller dans nos têtes. Plusieurs vagues de brefs flashs vinrent s'interposer dans nos recherches, nous causant de très vives douleurs et les maux de crâne commençaient à arriver, mais cette fois Supaida n'y était pour rien. Non, elle n'y était pour rien, c'était bien plus profond et semblait dater d'il y a longtemps tout en étant en même temps très proche. Certains flashs montraient des lumières, des hommes encapuchonnés très flous, d'autres un endroit verdoyant et magnifique puis ça disparut. Les interruptions avaient totalement mis à sac nos recherches et la douleur était bien trop présente maintenant pour que je puisse retrouver d'où je connaissais ce terme.


- Arrancar? Qu'est-ce que c'est un Arrancar?

Nous nous regardions avec ma soeur mais aucunes de nous ne semblait se souvenir de quelque chose, pourtant nous avions déjà entendu parler de ça auparavant, c'était certain. Mais toute tentative de réflexion était devenue vaine voire même dangereuse. Si l'autre semblait être calme depuis que nous lui avions offert ce Shinigami en pâture, le danger n'en était pas pour autant écarté et elle était totalement imprévisible. Si nous nous reposions sur nos lauriers, elle pourrait très bien en profiter pour surgir et attaquer. Elle l'avait déjà fait à plusieurs reprises. En effet, nous sentions sa présence en nous, ses cinq paires d'yeux rouges briller dans le noir à l'affût du moindre signe de faiblesse. D'ailleurs le garçon ne nous avait-il pas posé une question à ce sujet?


- Ah euh l'araignée? Tu ne peux pas la voir, personne ne le peut, même pas nous. Mais pourtant elle est bien là...

Une nouvelle vague de douleur surgit à son évocation comme si elle était fière que nous parlions d'elle. Mais ce n'était rien de plus qu'un spasme qui disparut aussitôt.


- Et puis d'abord pourquoi es-tu là et comment tu peux nous voir? Les humains ne semblent pas nous voir mais toi oui, pourquoi? Hein? Tu es comme nous?

Argh… Il le savait bien que c’était une erreur d’envisager l’honnêteté… En effet, une simple évocation de son espèce et ses interlocutrices manifestaient déjà des vacillements inquiétants. Ces grimaces, elles ont mal ?

-ça va ?

Réponse incongrue. Elles ne savent pas ce que c’est qu’un arrancar ? Vraiment ? Vraiment de chez vraiment de pas du tout ? De quel patelin peuvent-elles bien sortir ? Après les grabuges passés… Remarque, elles ne sont pas très vieilles, du moins, elles n’en ont pas l’air. Qui sait si en plus, elles ne jouaient pas à cache-cache dans un village du coin au moment des faits. Répondre.

-C’…

Pas le temps, une araignée le coupe sur sa lancée. Une araignée ? Celle dont elles avaient parlé tout-à l’heure ? Ah mais c’est vrai qu’il avait posé une question à ce sujet. Des bruits. Le shinigami n’était plus là. L’arrancar se rappelle… L’araignée tueuse.

-Hu ? Comment ça ? Elle est invisible en plus ?

Mauvais réflexe que de celui de regarder aux alentours pour ne pas se faire surprendre. Heureusement, Fuan s’adapte vite et bien, activant radar sonore, olfactif, kinesthésique et spirituel. Rien à signaler. Confirmation qu’elle n’est plus dans les parages. Conclusion hâtive ? Comment pourrait-il se tromper ? Lui, esprit cartésien de nature. Distrait, Fuan passe à côté d’une nouvelle oscillation spirituelle chez ses deux interlocutrices. Élève bon dernier, il sait pas faire les choses à l’endroit. Répondre à la dernière question.

-Comme vous ? Heu… Atta, j’regarde.

L’expert ferme ses paupières et inspecte la nature du reiatsu de ses comparses. Cette odeur, ça sent le shinigami.

-Shin…

Pas si vite… Un arrière-goût… Un goût plus rustique. Du bœuf ? Non.

-Un hollow ?

Qu’est-ce qu’il fout là lui…

-Je comprends pas… C’est quoi ce truc ? Vous êtes des vraies fausses shinigamis ou des vrais faux hollows ? C’est bizarre…

Première fois qu’il rencontre ce genre de besti… Oh mais non… En fait, il se souvient d’une odeur qui ressemblait à peu de choses près à ce truc. Ce jour… L’assassin de son seigneur… Sa figure s’assombrit.

-J’ai déjà senti des gens qui avaient une odeur qui ressemblait à la votre… Mais c’que j’suis sûr, c’est que j’suis différent de vous. J’suis un arrancar. Un hollow qui ressemble à un shinigami. Vous, vous êtes plus l’inverse. Des shinollows.

Pensait-il à de la guimauve en inventant ce mot ? Reste que c’était sorti tout seul.

-J’peux vous voir parce que moi aussi j’peux pas être vu. Les humains peuvent voir ce qui peut être vu. C’est normal qu’un truc qui peut pas être vu puisse voir un autre impossible à voir, non ?

Une logique bien particulière animée d’une gestuelle assez théâtrale, révélatrice de sa foi quant à la clarté de son expression.

Spoiler:

Le garçon était long à la détente, ne semblant pas comprendre ce que nous lui disions. A vrai dire, nous le comprenions, même pour nous cela n'était pas très clair. Pour la bonne et simple raison que nous ne pouvions fouiner dans notre propre passé sans subir de terribles flashes et autres bribes désagréables, nous causant de terribles douleurs. Comment comprendre ce que l'on est si nous ne pouvons fouiller dans notre mémoire? La connaissance naît de l'expérience, si nous oublions toutes nos expériences, comment accéder à ces connaissances? C'était un véritable problème épineux dont nous ne trouvions pas de solution jusqu'à maintenant, solution que, nous l'espérions, le garçon allait nous offrir. Mais nous n'étions peut être pas tombées sur le bon pour nous expliquer car lui même semblait un peu attardé par moment.

Toutefois, il ferma les yeux pour nous examiner, nous restions là à l'observer avec un léger sourire face à sa drôle de tête. Il était vraiment trop choupi quand il fermait les yeux, il s'en fallut à deux doigts que nous lui sautions au cou une nouvelle fois pour l'enlacer. Mais alors que nous nous apprêtions à le faire, il commença à prononcer quelque chose qui nous dressa nos cheveux sur la tête. Heureusement pour lui il s'était arrêté à temps car en nous nous sentions l'autre bouillir et prête à surgir de toute sa hargne, comme pour l'autre qui avait été coupé en deux, nous n'aurions rien fait pour l'empêcher cette fois. Cela aurait fini en bain de sang sans le moindre doute. La question ne se posa pas puisqu'il n'en prononça que la première syllabe mais déjà nous étions prêtes à dégainer notre Zanpakutô. Puis il passa à autre chose.


- Un Hollow? Où ça?

Nous regardions bêtement autour de nous avant de comprendre qu'il parlait de nous. Nous? Des Hollows? Nous ne savions comment prendre cette idée. C'était moins désagréable que d'être traitées de Shinigamis à nos oreilles mais pourtant nous étions presque sures de pas être des Hollows.


- Je... je ne sais pas ce que nous sommes. Des Shinhollows tu dis? Qu'est-ce que c'est?

En tout cas, il nous avait apporté un début de réponse et c'était déjà un progrès important, nous ne connaissions pas bien ce petit bonhomme mais il nous avait déjà bien aidé, bien plus que ces dizaines d'esprits paumés rencontrés par le passé. Toutefois pour son propre bien, il était important de bien lui faire passer un certain message. Nous approchions notre visage du sien très lentement et le regardions bien droit dans les yeux afin d'être bien sures que cela rentrerait bien.


- Cela dit, retiens bien une chose : nous ne sommes PAS des Shinigami, en aucune sorte ni en aucune façon.

Nul besoin de lui demander confirmation si le message était bien arrivé, le ton et le visage que nous avions pris à ce moment-là parlait de lui même. C'était un avertissement. Peu importe comment il allait m'expliquer ce qu'était un Shinhollow, à aucun moment il ne devrait prononcer le mot Shinigami en me désignant.

Paumées ces deux-là, encore plus que lui-même. Lui au moins sait ce qu’il est à défaut de vraiment savoir qui il est. Un arrancar, une abjection de la nature, des mégots de cigarettes infestant les trottoirs, des déchets que les shinigamis se chargent de jeter aux ordures. Celles-là, elles ne connaissent même pas leur vraie nature. Remarque, bien qu’il soit censé être habilité à le savoir, Fuan n’en sait pas plus qu’elles sur ce sujet. Mystère. Casse-tête qui ne manque pas de lui donner une migraine. Non, un mal de tête illégitime. La réponse est simple, l’arrancar vient de faire la découverte d’une nouvelle espèce, lui, grand archéologue. Doit-il les convaincre de s’exposer dans un musée ? Mais comment ? Ah mais non… Ce n’est pas la première, et il n’est pas le premier à en rencontrer un spécimen. Oui, cette expérience… d’il y a dix ans.

Le candide n’a pas le temps d’y réfléchir que ses interlocutrices adoptent un comportement suspect, menaçant. À se rapprocher si près, à le regarder si intensément, à quoi pensent-elles ? Le corps immobile, sa tête, sceptique, n’en recule pas moins de quelques centimètres, signe d’appréhension. Ces shinhollows sont inoffensives, pas vrai ? Voilà qu’il se met à douter… ça n’augure rien de bon. Elles parlent, ça y est !

Concentré au possible, aux aguets du moindre geste hostile, l’arrancar froussard demeure tétanisé par ce qui ressemble à une menace, menace que son instinct prend très au sérieux. Il doit s’expliquer sur ses théories. S’apprête-t-il à mettre en jeu sa vie dans son explication ? Doux pressentiment, des sueurs froides commencent à glisser sur son visage. Il s’essuie, halète. Son souffle est court, son cœur bat la chamade, des vertiges se manifestent. Un vacillement, il se reprend in extremis, s’empêchant de faire un malaise. Concentré, le jeunot marque une profonde respiration. Que sont-elles ? Il se lance.

-D’accord d’accord ! Vous êtes pas des shinigamis ! Des shinhollows, j’crois qu’ce sont des sortes d’hybrides. J’en ai déjà croisé un jour, ils étaient une petite dizaine. Quand ils combattaient, y’avait des masques qu’apparaissaient de temps en temps, des masques bizarres. Avec ces masques, ils devenaient d’un coup super fort, c’est vraiment terrifiant.

Les souvenirs tirés chargés d’émotions fortes, il en oublie presque les avertissements de ses interlocutrices, assez pour ne pas prendre la mesure de ses sous-entendus.

-Oui… Je me souviens… Ils s’battaient contre les gens comme moi, les arrancars. Ce jour-là, cette bataille contre les shinigamis. Les shinhollows étaient arrivé en renfort des shinigamis. Ils paraissaient très proches… Oui, très proches… Leurs pouvoirs se ressemblent beaucoup, plus qu’ils ressemblent aux nôtres.

Le regard introspectif, il ne prend pas vraiment compte de la réaction de ses vis-à-vis. Erreur fatale ?