Ses tatouages, derniers stigmates d’un triste passé. Jamais ses séjours sur terre ne furent confiés à quelqu’un. Un fragment d’une longue existence que l’être spirituel a voulu demeurer dans l’ombre. Jamais une épaule n’avait encore reçu l’honneur de voir s’y reposer la tête de Namida. Les quelques informations qu’il daignait transmettre, c’était les multiples ornements de son corps. Symbole de son amour pour la musique et, pour elle … Le Shinigami avait inscrit sur son écorce charnelle une partition, ode composé par ses soins, en l’hommage de ses seules passions. Quelques poésies viennent également s’inscrire ici et là. D’autres esquisses plus implicites s’arrachent aussi les places encore vierges sur sa chair . Tel ce chrysanthème immaculé ou, ce cerisier céleste fleurissant ; en n’oubliant pas ce papillon ténébreux. Son favori était le plus abstrait, ou tout du moins, pour ceux n’en connaissant pas la signification.

Il s’agissait de plusieurs traits, courbes et tâches. Ceux-ci rendaient hommage à cette idylle chimérique qui avait bousculé son quotidien. Seul l’auteur connaissait la nature de ces œuvres. Peu aisé de trouver un médecin correct pour effectuer de tels services, Namida avait pris contact avec Isane. Appréciant autant sa conscience professionnelle que ses prédispositions pour l’art, l’ange de la mort lui faisait régulièrement appel pour peindre son tégument. De plus, la vice capitaine était d’une discrétion certaine, donc, toutes les caractéristiques requises. Ainsi, c'était régulièrement que Shiragiku se rendait dans les quartiers de la quatrième division, quémander quelques tableaux supplémentaires. N’adullant guère la compagnie, ce dernier devait quand même se résoudre à l’évidence, ces moments avec la demoiselle étaient des plus agréables.

L’astre nocturne trônait sur la cité des âmes et l’activité s’était estompée au Seireitei. Une douce mélopée berçait la Soul Society. Un amalgame de douceur et de mélancolie qui s’accordait magnifiquement avec le calme qui régnait. Depuis déjà plusieurs heures, l’homme s’échauffait les doigts sur le piano, ne parvenant pas à trouver le sommeil. Comme à son habitude lorsqu’il ne pouvait accéder aux bras de Morphée, le Shinigami refaisait le monde sur son instrument, associant quelques vers, rimes, anaphores … jusqu’au petit matin. Cependant, son inspiration se dissipait au fur et à mesure que la nuit avançait. Substituant la musique par quelques bouffées de tabac, même celles-ci semblaient fades. Rien n’y faisait, le versificateur n’arrivait pas à trouver la paix.

Usant des quelques heures qu’il lui restait avant le levé du jour, le séraphin s’éclipsa de son appartement et s’en alla déambuler dans le Seireitei. Flânant ou admirant le ciel d’encre, l’âme ne paraissait pas inquiète devant ce trouble - devenu habituel - du sommeil. Vêtu d’un simple kimono blanc, l’ange de la mort arpentait les rues, sans but. Ou tout du moins c’est ce qu’il fit comprendre aux quelques patrouilles qui gardaient le Gotei XIII. En effet, ce dernier prenait la direction des bureaux de la quatrième division. Certainement de garde, Shiragiku était sûr d'y trouver Isane. Il arriva d’ailleurs dans le corridor de la division, où se jalonnaient plusieurs portes dont la plus éloignée était le bureau des officiers. S’y engouffrant discrètement, Namida n’y aperçut qu’un homme, à son plus grand regret.

« Pouvez-vous me conduire à la vice-capitaine, je vous prie. »