Pour certains, il était l'heure d'aller se coucher, pour d'autres, il était l'heure d'aller au travail. À Karakura, petite ville portuaire du Japon, les deux populations étaient équilibrées et il n'était pas rare qu'un citoyen diurne décide de s'immiscer dans la vie nocturne de l'agglomération. La réciproque était également vraie mais moins courante, les gens actant la nuit étant généralement responsable d'une certaine activité underground, nécessitant la discrétion du manteau noir et de la pâle lueur de la Lune pour œuvrer. Et puis il y avait également ceux qui avaient des horaires allongées, qui commençait tôt le matin et finissait tôt le matin également. À vrai dire, c'était le cas de la plupart des bars et des restaurants qui se devaient d'être à la disposition du flux d'habitants et de nomades qui traversaient sans cesse Karakura. Ainsi, comme tout ces établissements hybrides, le bar de Yujiro, le Bartender Law, était ouvert de 7h du matin à 3h du matin sans discontinuer et cette activité quasi incessante, contribuait à faire sa renommée grandissante. Le propriétaire n'était bien sur pas tout le temps présent pour gérer son business, mais il était là une bonne partie de la nuit, la période où l'affluence était à son comble. Après de savoir si il y avait beaucoup de monde parce qu'il était là ou parce qu'il y avait beaucoup de monde, il était là , était une autre question pointue. Les habitués vous répondraient qu'il y avait certainement un peu des deux. Son nom avait en tout cas, un certain poids dans le milieu nocturne.

Actuellement, il était 20h, le Blond avait commandé des sushis, chose qu'il ne faisait que très rarement et uniquement s'il était pressé. Il aurait déjà du être sur son lieu de travail, les clients devaient commencés à déborder ses trois employées malgré leurs compétences. Dans ces instants de rush, son pouvoir était le bienvenue. Dès que le livreur arriva, il déchira le papier plastique et commença à engloutir les morceaux de poisson cru, d'algue et de riz , en regardant sans cesse sa montre. Une fois cela fait, il se précipita dehors, hésita un moment, retourna sur ses pas et ressorti, cette fois-ci non sans oublier son précieux ustensile qui avait fait sa réussite.

Il courrait à bonne allure en direction de son établissement, le shaker bringuebalant dans la sacoche en bandoulière. S'il avait su ce qu'était le Bringerlight, nul doute qu'il l'aurait utilisé. Mais Yujiro ignorait tout de la théorie de son pouvoir. Il savait juste qu'il possédait un don qui lui permettait de déplacer des trucs, d'altérer légèrement des structures et de faire des cocktails aux propriétés étranges. Savoir d'où ça venait? Il s'en fichait. Ah! Et des fois aussi il avait l'étrange sensation quand il passait à coter de certains qu'ils irradiaient une sorte d'aura, mais il ne s'était jamais arrêté pour s'y intéresser. À vrai dire, presque rien ne pouvait le surprendre, du moins, il aimait à le penser.

Justement, il arrivait à son bar. Il salua son employé et videur d'un signe de tête. Il n'en avait pas vraiment besoin et aurait pu se débarrasser des gêneurs lui même avec l'aide de son pouvoir mais il préférait se passer d'une mauvaise publicité. Ainsi avait il engagé Igor, un immigré russe , 2 mètres pour 110 kilos de muscles, dont la seule présence suffisait à assurer la sécurité des clients du bar.

Mais voilà à peine avait il esquissé un signe de la main qu'il ressentit une présence au dessus de lui, un peu en avant. Le genre de présence évoquée précédemment. Il leva la tête et vit un mec, visiblement d'origine chinoise assit sur son toit avec un chien étrange à ses coters. Yujiro regarda sévèrement Igor et désigna l'imprudent du doigts.

- Peut tu me dire qui c'est ce type?

L'autre regarda dans la direction indiquée, regarda avec insistance et se tourna vers son patron avec un air inquiet.

- Heu quel type? Vous allez bien Boss?

Le Blond hallucinait, c'est ça, il hallucinait. L'autre ne voyait donc pas qu'un chinois et son putain de clébard squattait le toit de SON bar? Il regarda ce dernier et hêla.

- Héééééééééééé! Toi! Descend de là!

La foule qui rentrait dans le bar le regardait, mais il s'en fichait. Yujiro était en colère. Très en colère.

Fou-Lu était habitué à faire à sa guise, faisant fi des humains. Les simples mortels ne l'intéressant pas, et ne le voyant pas, pourquoi s'intéresser à eux ? Ce dédain des plus total était la raison pour laquelle ses actions étaient dictés totalement en marge de leur considération. Il lui était arrivé d'entrer dans des demeures appartenant à certains d'entre eux, sur une simple envie.
En ce jour, c'était quelque chose de bien moins original si l'on pouvait dire. Il s'était simplement installé sur un toit, prenant un peu de repos tout en étant perdu dans ses réflexions. Il s'agissait à ses yeux de quelque d'entièrement naturel, certains des cloportes faisant de même. Sauf que, dans leur cas, il arrivait qu'ils soient rappelés. Dérangement n'arrivant donc pas à l'Arrancar.
Du moins en règle général.

Car, soudainement, il entendit quelqu'un crier. Ses paroles laissaient penser qu'il s'adresser justement à quelqu'un faisant exactement ce qu'il était en train de faire. L'Empereur observa donc autour de lui, vérifiant si l'un des simples humains n'avait pas décidé de prendre le même repos que lui. Il ne lui suffit que d'un instant pour se rendre compte que non. Il baissa donc le regard, remarquant qu'en effet celui s'étant adressé à lui était en train de le fixer.
Un simple barman, du moins en apparence. Le simple fait qu'il était capable de le voir prouvait qu'il était bien plus que ça. Et, peut être, bien plus intéressant que ses homologues donc.

>> Etonnant, tu es capable de me voir. Mais je te conseille d'arrêter de crier, tu risques de passer pour un fou. Après tout, tu es le seul dans ce cas...

Et, en effet, le blond était observé de façon assez étrange, certains passants s'écartant autour de lui. S'il y a bien une chose que l'être aux yeux d'or avait compris, c'était le fait qu'il n'était guère considéré comme sain de parler dans le vide, d'autant plus lorsqu'on haussait la voix. C'était l'une des premières fois que cela lui arrivait, mais il s'amusait de la situation. Après tout, que pouvait tenter cet homme ? La moindre action ne ferait que renforcer l'impression qu'il était fou.
C'était au final cela qui assurait la tranquillité de l'homme en blanc. Il était difficile pour lui de l'empêcher de faire selon sa simple volonté. Encore plus qu'un autre être du même « type » que lui, donc spirituel étant totalement invisible pour les humains. Pourtant, il décida de profiter encore plus de la situation.

>> Cependant, si tu veux me faire descendre, il y a en effet une possibilité. M'y contraindre. Bien que je doute que tu en aies les capacités.

Qu'il ait des capacités tout court, c'était entièrement possible, sinon il ne pourrait pas le voir. Et c'était en cela d'ailleurs que le défi pouvait se montrer intéressant. Cependant, qu'il puisse le forcer à quitter son perchoir, il s'agissait d'une toute autre histoire, dont l'issue avait de grandes probabilités d'être en faveur du chinois.
Enfin, ceci à condition que la provocation soit relevée.

Cet individu là, Yujiro pouvait le sentir, il était différent. Pas différent comme lui. Non. L'énergie qu'il dégageait n'étais pas tout à fait semblable à la sienne. Ajouté à ce point là, le fait qu'il n'avait pas une apparence tout à fait humaine et son chien...il était inutile d'en parler également: semblable à un Komainu, les chiens que l'on trouve à l'entrée des temples Shintoïsme. Non. Vraiment cet homme là venait d'un autre monde. Peut-être était ce un extraterrestre? Ou un esprit? Non, dans ce cas le blond ne ressentirait pas cette sorte de présence autours de lui comme chez certains de ses congénères qui pourtant, eux, sont bien vivants. Il se retourna vers son employé et les quelques personnes qui le regardaient d'un oeil inquiet, un sourire au lèvre et éclata de rire.

- Ah! Ah! Je vous ai bien eut hein? Vous y avez cru!

Les autres soupirèrent de soulagement. Cette ruse, Yujiro avait eu de forts doutes qu'elle marche mais bon, le résultat était au delà de ses attentes et les quidams commencèrent à s'en aller. Il fit signe à Igor qu'il assurait les entrées ce soir et celui-ci rentra à l'intérieur, tout de même légèrement inquiet pour son patron. L'humain tourna la tête vers l'individu installé sur son toit, remonta ses lunettes de soleils sur son nez, et tendit la main en direction de la poubelle la plus proche. Celle-ci se déplaça jusqu'en bordure de l'établissement et Yujiro s'en servit pour monter sur le haut du bâtiment qui était, cela dit accessible à quelqu'un de grande taille. Cette escalade, lui fit penser qu'il devrait d'ailleurs, construire un étage à son bar, histoire d'accueillir toujours plus de monde. Il s'avança tranquillement vers l'autre et le toisa à travers ses verres teintés.

- J'en ai les capacités, en effet. Mais tu m'intrigue. Tu ne ressemble à rien que je ne connaisse. Es-tu un extraterrestre?

Il s'avança vers le chinois.

- Un esprit? Hmmm non... mais la question principale ce n'est pas ce que tu es mais...

Il était à moins d'un mètre de l'autre.

- Qu'est ce que tu fais sur mon putain de toit?

La phrase résonna dans la nuit. Sans pour autant obtenir de réponse immédiate. Yujiro reprit son calme et son souffle. Il n'aimait pas crier. Ça faisait mal à la gorge et c'était souvent peine perdue. Il resta donc planter là à observer l'autre.

- Bon t'es qui? Moi c'est Satomi Yujiro. Un mec assez spécial avec des pouvoirs assez spéciaux.

Sa présentation était faite - et c'était vraiment ce qu'il pensait de lui même -. Maintenant, il attendait des explications.

Il laissa échapper un soupir, son expression trahissant l'ennui l'habitant. L'homme n'allait même pas pouvoir lui offrir la distraction d'être pris pour un fou par ses semblables étant donné qu'il avait réussi à leur raconter une histoire. Histoire qu'ils ne mirent pas longtemps à croire, démontrant le manque total d'intelligence de leur espèce. Un spectacle possible en moins. Il ne comptait donc plus que sur une seule et unique possibilité. Sa petite provocation.
Sur l'instant, nulle réponse. Jusqu'à ce que le mortel se mette à sa hauteur. L'Arrancar n'avait pas bougé d'un pouce, si ce n'était ça tête maintenant reposée contre son poing. Il observait son interlocuteur, son manque d'intérêt entièrement visible. Il écoutait pourtant avec grande attention, bien que les mots prononcés n'étaient pas grand chose pour lui.
Puis il ferma les yeux, prenant la parole.

>> Je pense que tu n'es pas conscient d'à quel point tu es banal en vérité. Tu peux me voir ? Bien, tu n'es pas le seul. Tu as des capacités particulières ? Comme un certain nombre de personnes dans cette ville.
Mais à mes yeux, tu ne resteras qu'un simple cloporte ayant une vie aussi éphémère qu'un feu de paille.

Il ne fallait pas en attendre plus de la part de Fou-Lu. Les humains partaient avec ce handicap à ses yeux et il fallait faire preuve de capacités purement exceptionnelles pour le faire changer d'avis. Mais son postulat de départ n'impliquait que mépris pour ces être. Par rapport à lui, ils n'étaient que des fourmis face à un Dieu. Mais des fourmis bien arrogantes. Encore un fois, lui ne faisait pas exception. Tous persuadés d'être si particuliers. Tous persuadés d'être les meilleurs des leurs.
Pourtant si faciles à briser. Il pourrait le faire. Prouver à ce Yujiro à quel point son existence elle-même était futile. Mais, là encore, ce serait lui accordait un intérêt supérieur à ce qu'il méritait. Pour que Fou-Lu daigne ne serait ce que se redresser, il serait nécessaire qu'il prouve à quel point il était particulier, même dans un lieu comme celui-ci. Et il fallait dire que cela commençait plutôt mal.

>> Ton toit... Tu as l'air de n'avoir que ça à l'esprit. Je vais t'avouer une chose. Je m'en moque totalement. Je m'y suis installé par pur hasard et pour le moment j'y suis bien. Comme je l'ai dit, si tu veux que je le quitte, à toi de faire en sorte que ça arrive.

Pendant un instant il eut un sourire. Un court instant avant de reprendre son expression précédente. Puis de reprendre la parole.

>> Mais tu te demandais qui je suis ? Mon nom est Fou-Lu. Ce que je suis ? Quelqu'un ayant surpassé ton degré d'existence. J'étais humains il y a deux millénaires, mais je suis maintenant bien plus que ça.
Si tu veux t'adresser à moi, appelle moi Dieu. Car c'est ce que je suis par rapport à toi.

Il semblait manquait entièrement de connaissance vis à vis de ce qui transcendait l'humanité, si bien que l'Arrancar comptait en profiter. Pour quelqu'un connaissant sa nature, ce discours passerait difficile, bien que lui-même le considérait comme vrai. Pour une personne comme le mortel face à lui... Et bien cela valait le coup d'être tenté.