A l’ombre d’un cerisier de ma division, je réfléchissais intensément. Ces derniers temps constituaient une grosse période noire pour moi, vu comment je rechutais comme par le passé. Passé chaotique s’il n’en est. Des morts, j’en occasionnais à la pelle dans le rukongai, tout en tirant un plaisir presque jouissif. Mais le pire, c’est que mes actions ne décontenançaient en rien les autres raclures des bas-fonds de ces districts infâmes qui continuaient toujours à défier le moindre shinigami qui passerait par là. Ces gens étaient malades. Encore plus tarés que je ne l’étais moi-même, ce qui était désolant, puisque ce constat ne m’aidait pas à cesser mes assauts meurtriers. Les remords ne m’affligeaient que lorsque je me tenais face à ma femme. Ne plus être un monstre était chose tellement difficile que je n’y croyais plus. Je prévoyais même d’opter définitivement pour le double-jeu que j’effectuais depuis un certain temps déjà. Après tout, il me réussissait très bien et seule une personne pouvait se targuer de véritablement me connaitre. Irrité par le simple souvenir de ladite personne, je fis un peu d’ordre dans mon esprit pour repenser à autre. Relativiser par exemple. Car si l’on ne prenait pas en compte le fait que tirait un plaisir malsain à les tuer, on pouvait constater que je débarrassais ce monde de misérables vermines, ce qui en soit, n’était pas vraiment un mal.

Alors que j’étais profondément plongé dans mes réflexions, l’un de mes hommes de main s’approcha vers moi avec une pile de dossiers à traiter. En temps normal, j’aurai dû disparaitre suite à shunpo. En temps normal je dis bien. Mais j’étais tellement secoué par les évènements de ces derniers temps que je ne fis juste que soupirer, avant d’avoir la bonté de le décharger sans même prononcer le moindre mot. Mon geste inattendu secoua le jeune homme qui me regarda d’un air abasourdi. Il n’en revenait certainement pas. Pour lui faire prendre confiance, je lui fis un joli sourire avant de me diriger vers mes locaux où je comptais ne pas rechigner à la tâche. Finalement, cette paperasse allait me changer de la violence gratuite dans laquelle je me complaisais. Mais c’était peut-être penser de manière trop optimiste. Car quelques temps plus tard après un énième dossier complètement et correctement épluché, je sentis l’ennui revenir de très loin avec l’effet d’un coup de poing dévastateur en pleine tronche. Là encore, je me suis mis à repenser à mes dernières exactions, non sans me pourlécher les babines. J’allais sans aucun doute faire un tour au Rukongai, ce soir. Mais à peine avais-je pensé ainsi qu’on frappa à ma porte. L’instant d’après se tenait devant moi un jeune homme blond que je n’avais pas oublié et qui revenait me défier une fois encore. Halala…

- Je vais finir par croire que Shinjiro ne t’accorde pas beaucoup d’attention. Mais là, tu éveilles ma curiosité. J’ai hâte de voir comment tu as progressé en si peu de temps !

Enfin, un peu d’action ! Karot rendrait ma journée moins ennuyante avant la soirée. De quoi me faire plaisir et me faire sourire. Alors, sans trop faire le faire attendre, je délaissai mes dossiers à traiter pour me lever et enfiler mon haori. Oui. Histoire de lui dire que je n’allais pas lui faire de cadeau aujourd’hui et que j’allais me battre comme un capitaine le ferait. Par la suite, je m’avançai vers la sortie, non sans lui dire de me suivre. J’aurai bien voulu l’emmener dans un district du rukongai, bien loin des regards, mais je préférai ne pas le faire de peur de chuter bêtement et lui montrer mon vrai visage lors de notre confrontation. Vrai visage qui me forcerait sans aucun doute à l’éliminer et à éveiller les soupçons sur mon cas, déjà que les rumeurs qui circulaient sur moi n’étaient pas forcément des plus élogieux. Là encore, je m’évertuai à chasser ces raisonnements de ma petite caboche pour traverser les couloirs de ma division d’un air serein et paisible. Sur notre chemin, moult shinigamis nous saluèrent avec respect et à l’un de nos nombreux détours, nous pûmes apercevoir au loin certaines personnes qui s’entrainaient consciencieusement. Après une petite marche de cinq minutes, nous débouchâmes enfin sur le terrain d’entrainement que nous avions utilisé la dernière fois. Là même où je l’avais vaincu. C’est alors que je pris enfin la parole :

- Cette fois-ci, pas de restrictions. Utilise tout ce que tu as dans le ventre. Sauf le bankai, si tu l’as, vu que nous sommes au seireitei. Allez, fais-moi voir ce que tu vaux Karot !

- Hoho !

Ne jamais se décourager. Toujours avancer. Toujours persévérer. En voilà un petit qui avait la fièvre de l’apprentissage ! A peine lui avais-je prononcé mes derniers mots qu’il se releva non sans un sourire qui en disait long sur ses états d’âmes. Il voulait devenir plus fort. Il aspirait à faire honneur à sa division et c’était cette persévérance que j’appréciais chez les gens de son calibre. Bien longtemps que je n’avais pas eu d’élèves de la sorte. Les grimaces qu’il retranscrivait malgré son sourire n’étaient que légères. Cela démontrait à quel point il pouvait encaisser et faire durer un combat. Encore plus spectaculaire et plus merveilleux, hé ! Pour être franc, il me rappelait ma jeunesse. Le moi à ses heures honnêtes. Le moi qui voulait changer et qui faisait tout pour. Le moi qui se cherchais en gros. Quelque part donc, j’étais jaloux de ce petit. Il était peut-être un pur produit de sa division, mais il avait bon fond. Aucun vice dans son esprit. Aucune rupture. Un digne bras droit en quelque sorte. J’eus alors un soupir, et c’est ce relâchement qui lui avait permis alors d’enchainer ses coups. Si les deux premiers me surprirent, le troisième ne me décontenança point puisque j’étais resté solide, bien sur mes appuis, le visage souriant et bienveillant.

- Tu vois… Tu peux taper fort quand tu veux, héhé.

Il ne restait plus qu’à Karot d’observer mon visage pour comprendre le sens de ma phrase. En effet, même si je n’étais pas tombé, un filet de sang s’était mis à couler depuis l’une des commissures de mes lèvres. C’était ça l’esprit ! Mettre autant de volonté dans un coup de poing que dans un coup de sabre. Dès lors, j’inspirai légèrement, avant de projetter un jet de salive sanguinolent sur le sol, un peu plus loin. On pouvait voir quelques instants plus tard que j’avais craché une dent qu’il m’avait bousillé. Bougre ! Son niveau s’était sensiblement élevé, mais le fait était notable pour être appréciable. Plus de doutes possibles. J’avais affaire à une future machine de guerre et un potentiel capitaine de division en devenir. Avec encore un peu d’entrainement et d’expérience au vrai combat, le haori ne lui serait certainement plus hors de portée. De quoi m’inciter à lui infliger un autre coup de poing qui l’envoya bouler plus loin de moi, tandis que d’une autre main, je touchai ma joue qui avait été frappé de manière impitoyable. Ah ouais. Ma molaire manquante me faisait plutôt mal. Arriver à me l’ôter comme ça, d’un coup… C’était bien la première fois que quelqu’un me faisait ça. Fallait en avouer que c’est plutôt moi qui en cassait, en général.

- Je pense que tu as déjà saisi le principe, Karot. Il ne te reste plus qu’à te forger seul ! Mais avant...

J’émis alors un petit rire qui n’annonçait vraiment rien de bon. Puis j’arborai un sourire démoniaque ! Il m’avait tout de même cassé une dent cette enflure ! Et il allait payer ! ‘Fin, manière pour moi de conclure ce petit entrainement qui devait me servir à voir son amélioration. Sûr qu’il avait eu du progrès de son côté, le petiot ! Entre son énergie spirituelle, sa maitrise du sabre quasi-parfaite et l’endurance qu’il démontrait, il fallait avouer qu’il était sur la bonne voie. Il avait du potentiel. Et certainement que Shinjiro s’en était déjà rendu compte. Je ne connaissais pas vraiment ses méthodes, mais peut-être pourrais-je prendre de l’avance sur lui pour compléter l’entrainement de son lieutenant dans les quelques jours à venir. Cela me plairait bien, que de l’avoir à ma charge. Tellement d’ailleurs, que mon réiatsu commença à s’intensifier une nouvelle fois. Il était presque à son paroxysme. Autour de nous, moult shinigamis firent leur apparition. S’ils avaient senti l’énergie de leur capitaine inonder la division avec inquiétude, c’est plutôt avec une surprise réelle qu’ils me virent faire face au vice-capitaine de la onzième division. En live, devant plus d’une cinquantaine de sous-officiers curieux, une confrontation intéressante s’annonçait :

- J’ARRIVE, KAROOOOT !!!

Sans relâcher ma pression spirituelle, je m’élançai vers le jeune homme, poing droit en avant, avec toute la vitesse qui était la mienne, et avec l’espoir qu’il aurait dans l’idée de croiser son poing avec le mien ! La meilleure défense dans ces moments-là, c’était l’attaque. Et s’il ne réagissait pas comme je l’espérais vu ma vitesse, c’était une puissante attaque qu’il allait encaisser et qui risquerait très certainement de lui briser les os !

J’avais dégagé sa main qui avait agrippé mon shihakusho au dernier moment, pour ne pas tomber avec lui. Mais j’avais encaissé son coup de pied à la nuque, avant de ressentir une vive douleur qui me tétanisa l’espace d’une seconde ou deux. Complètement abasourdi, j’avais écarquillé les yeux devant le corps de Ryuu au sol, le cœur battant et l’esprit un peu embrumé par ses dernières actions. Puis, je me mis à sourire, avant même d’éclater de rire ! Autant j’avais bousillé sa main et qu’il lui faudrait certainement deux ou trois jours pour la récupérer en passant par la case « quatrième division », autant sa détermination dans les derniers instants m’impressionna du tout au tout. Il avait avec lui, l’esprit et la volonté de la onzième division. Un pur guerrier. Je pense bien avoir oublié cette ferveur de ma division d’antan. Et il venait de me la rappeler en une séance seulement. J’eus finalement un léger soupir, avant de constater que tout mon bras était bizarrement raide. Malgré la relative faiblesse de ses coups, il avait réussi l’exploit de raidir mon bras, ce qui dénotait déjà d’une certaine évolution à n’en point douter. On aurait dit que j’avais affaire à un génie de la trempe de l’ex capitaine de la dixième division ; car si Ryuu était déjà baraqué, il n’en demeurait pas moins qu’il restait un jeune homme qui ne devait pas dépasser les deux-cent ans d’existence.

- Ne pas se tordre de douleur, ni gémir… T’es un excellent vice-capitaine. Définitivement !

J’étais bluffé. Et finalement conquis par ce petit. Une âme pure, dans un corps sain. Que demande le peuple ? Qui plus est, il était plutôt rigolo et beau gosse. Le genre à faire tomber les filles à ses pieds. Ouaip ! Il me rappelait moi dans ma jeunesse avec les petites poulettes du rukongai, et même les saintes nitouches qui abondaient dans les différentes cours de la noblesse du seireitei. J’eus une grimace un instant, avant de me reprendre et de sourire sobrement. Ce petit moment m’avait vraiment amusé. Je me demandai encore s’il était nécessaire de m’en aller au rukongai, mais je verrai très certainement dans quelques petites heures. Le temps en tout cas de relever le petit ce que je fis d’un tour de bras seulement : « T’es un sacré gaillard, tout de même. Tu as vraiment tous mes respects ! » Ouais. Il pouvait être fier d’être autant couvert d’éloges par un capitaine. Mis à part Noboru et Yoshiko dans le temps, il n’y avait pas eu d’autres lieutenants qui m’avaient fait de tels effets, ouais. Les gens autour de nous se mirent à applaudir Karot. Résister à ce choc et n’avoir que la main et non l’avant-bras détruit, ça méritait vraiment le respect, ouais. C’est alors que de belles filles de ma division se mirent à s’approcher de lui, tandis que je lui tournais le dos en levant le bras gauche en guise de salutations. Ça avait été un excellent moment, ouais.

- Je n’ai plus rien à t’apprendre à ce niveau petit. Je pense que tu as vite saisi quelle voie emprunter pour te perfectionner encore ! Et la prochaine fois que tu viens me voir, ramène du saké !

Je me retournai une dernière fois vers lui avec une mine presque boudeuse pour faire genre, avant de continuer ma route d’un air serein et imperturbable. D’ailleurs, je disparus d’un shunpo après seulement quelques pas pour rapidement me rendre dans mes quartiers. Hilda, l’une de mes meilleurs éléments m’avait suivi de près avec une trousse de secours. Arrivé devant mes appartements, elle s’approcha de moi et commença à examiner mon bras droit. C’est dire qu’elle avait l’œil et que j’avais plutôt été secoué par la technique de la carotte ! Alors qu’elle s’était mise à appliquer un baume pour faire passer le peu de douleur que j’avais, je me mis à observer le ciel en soupirant. Si les Maho Tsukai ne viendraient pas tout gâcher, le seireitei allait sans aucun doute avoir une très bonne relève ce qui était rassurant d’une manière ou d’une autre. Lorsque Hilda finit enfin de me bander le bras, j’essayai de le bouger, non sans grimacer légèrement. Il y avait très longtemps que je ne n’avais pas encaissé comme ça. Depuis notre assaut sur le Hueco Mundo je crois. Remerciant alors ma chère Hilda, je finis par rentrer dans mes quartiers, avant d’aller prendre un bon bain et prendre un repos bien mérité. Les racailles du rukongai pouvaient bien attendre un autre jour.