Un grand gaillard tout en noir et avec un seul oeil. J’avoue que c’est pas commun, encore moins quand le gaillard en question vous observe bizarrement alors que vous sortez du bar de Shinjirô ! J’ai bien cru que c’était l’alcool qui m’avait fait halluciné d’abord et qu’il n’était même pas là, ou qu’il me regardait pas. Mais non c’était clair, il était bien là et c’est moi qu’il regardait. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, j’étais légèrement alcoolisé, voire bien alcoolisé, et je pensais rentrer au Seireitei tranquillement, mais voilà que ce gars là il se prenait pour je-sais-pas-qui et il me matait comme ça ! Non mais ho c’est quoi le délire ici ! Je le regardais d’un air étrange, entre l’étonnement et la suspicion, me donnant probablement un air bizarre, pas exactement à l’image d’un Capitaine, que je devrais représenter !

A l’intérieur fallait quand même avouer que j’avais bu jusqu’à plus soif, et que forcément, même si je tenais bien l’alcool j’avais pris un coup ! La rencontre avec ce Nathaniel j’sais plus quoi avait été plus sympa que prévu, il était sortie de nul part et avait été un amusement intéressant ! Malheureusement chaque chose avait une fin, et il avait été temps que je rentre chez moi ! Et maintenant je me retrouvais à observer ce gars de mon air toujours autant étrange !

Et toi ! J’sais pas qui t’es ! Mais tu arrêtes ça tout de suite ! J’suis pas d’accord ! Hein ! OH ! Eh tu cesses maintenant !

Un gars inconnu qu’il allait arrêter, oh ça oui ! J’le laisserais pas me prendre de haut ainsi, oh ça non ! Il avait plutôt intérêt à me respecter ! Je partais de là sans même me préoccuper de ce qui arriverait ensuite ! Ce gars j’comptais pas le moins du monde le laisser me parler, il en avait pris pour son grade, enfin j’avais l’impression que c’était le cas, et donc je partais ! Loin ! Hors de question de rester un instant de plus en face d’un mec pareille ! Il ne m’aurait pas, oh ça non ! J’irais retrouver son nom et j’lui ferais comprendre qu’il était hors de question qu’il me regarde comme ça ! J’étais un Capitaine et il me respecterais qu’il le veuille ou non !

Je disparu, marchant aléatoirement dans le Rukongaï, le chemin pour revenir était pourtant si facile, il avait été fait de nombreuse fois, et surtout il était fait pour que même un homme dans mon état soit capable de le suivre. Pourtant pour des raisons inconnues je pris des rues au hasard, persuadé d’être juste, me rapprochant malgré tout du Seireitei. Je marchais d’un pas bizarre, ayant failli chuter plusieurs fois. Le tout passa en un instant alors bien même que je mis plus d’une heure pour me retrouver devant les limites du Seireitei, j’y étais presque, persuadé que j’avais fait le chemin d’une traite facilement. Un sourire planté sur ma face j’avançais, fier de ma performance. Pourtant une ombre vint gâcher cette magnifique victoire de mon corps contre mon état alcoolisé, un homme en noir avec un seul oeil !

WOOOO TOI ! J’t’avais dit d’arrêter ! T’es qui déjà hein ?!

La réalité était en vérité bien plus triste qu’elle n’y paraissait. Je n’avais jamais rencontré cette homme à la sortie de ce bar, j’avais parlé à un poteau sur lequel une affiche d’un homme borgne était affiché, persuadé qu’il était vivant, mon état étant en réalité pire que j’avais pu l’imaginer. Et voilà que maintenant je tombais réellement en face d’un borgne, mon esprit prenant les raccourcis si facilement qu’il était évident que c’était lui, le même homme !

Ce pauvre gars ne m’avait rien fait, mais voilà qu’un Capitaine complètement bourré s’en prenait à lui. J’avais perdu de ma stature et l’on voyait que j’avais de la peine à me maintenir. J’étais dans un état second.

Serpiente fixait la lune de son œil unique, et esquissa un sourire. Il s’agissait d’une soirée comme il les appréciait, ou du moins ça en prenait tout l’air. Il avait bu un simple verre de whisky. Un seul, comme d’habitude, dans un bar quelconque, pour ne pas changer. Il s’était assis là, en silence, sans dévisager qui que ce soit. Au milieu du tumulte des voix des clients du bar, il s’était isolé, comme dans une bulle. Son apparence rebutait les inconnus, et ce n’était pas plus mal. La solitude, était une libération, une récompense après une journée de dure labeur à devoir supporter les jérémiades incessantes de ses sous-fifres. Bref, il avait été tranquille jusqu’alors et le calme ambiant ne semblait pas déroger du reste de la soirée. Une sorte de prélude à une nuit calme et réparatrice, en quelque sorte, pensait-il. Il ne pouvait pas plus se tromper.

Déambuler dans les rues du Rukongai pouvait être un petit plaisir pour Le Serpent. Il ne craignait aucunement les petits guet-apens que certains malandrins pouvaient tendre aux passants. Oh, il était bien tombé dans une ou deux de ces agressions, mais à chaque fois il avait collé une belle rouste aux bandits, aussi bien que très vite ils s’étaient donné le mot : « Ne pas s’attaquer au borgne en veste en cuir. » L’américain s’y était attendu et ils avaient été assez intelligents pour s’en rendre compte assez vite. Il appréciait tout particulièrement se mélanger à la population, parmi laquelle il se sentait plus à l’aise qu’autre chose. Si les regards qui se posaient sur lui étaient emprunts d’une certaine curiosité, ils différaient de ceux des autres Shinigamis, qui ne voyaient en lui qu’un meurtrier. Tel était le lot de tout membre de la deuxième, après tout… Quoi qu’il en soit, tout ça pour dire qu’il appréciait tout particulièrement le petit trajet qu’il était en train de prendre, jusqu’à l’arrivée saugrenue d’un … ivrogne ?

Ce dernier s’était adressé à lui comme s’ils se connaissaient, ce qui n’était évidemment pas le cas. Enfin, pas personnellement. Il savait que le sac à vin en face de lui était un capitaine, mais il n’avait pas la moindre idée de son nom ou même de sa division. Il semblait avoir égaré son badge, probablement au même endroit que sa sobriété. Se doutant qu’il ne pouvait pas le renvoyer dormir comme le premier bon à rien qu’il croisait, l’ancien tueur à gages réalisa que la situation pouvait totalement dériver dans un grand n’importe quoi. Il leva un sourcil, comme pour marquer son incrédulité, et se passa la main sur le visage en soupirant.

« Je crois que vous ne vous fourvoyez, capitaine, vous devez me prendre pour quelqu’un d’autre.» lança-t-il d’un air fatigué. « Un autre borgne peut-être ? » lui demanda-t-il.

C’est vrai que les éborgnés semblaient être nombreux à la Soul Society. C’était facilement explicable par l’activité des Shinigamis qui demandait parfois quelque sacrifice. Un peu comme celui qu’était en train d’effectuer Serpiente en tentant de tenir une conversation avec un capitaine clairement pas dans son état naturel.

« Peut-être celui qui se trouve sur l’étiquette de la bouteille de whisky que vous avez sifflé ? » marmonna-t-il, en espérant que l’ouïe de son interlocuteur était aussi affectée par l’alcool que le reste de son être.

Ouais c’est ça ! Et tu va essayer de me faire croire que je parlais à un poteau avec une affiche de mec borgne dessus c’est ça Hein !

J’avais en cet instant toute l’apparence d’un véritable Capitaine, du véritable Capitaine que j’étais en tout temps. Mais ce ne fut qu’une seconde, qu’un passage. En vérité ce n’était qu’une sortie de je ne sais où, persuadé que j’avais raison, dans cet état la présomption d’innocence n’existait pas, pas pour lui ! J’étais bourré, et pourtant tellement sûr de moi, à ce stade je ne me rendais même plus compte de l’état dans lequel je me trouvais, simplement préoccupé par le fait que ce gars louche se trouvait entre moi et mon lit !

EH j’te vois ! Tu baisses d’un étage hein ! Oui, en toi même tu baisses d’un étage ! Ho !

Je l’avais vu marmonner, n’entendant pas un traitre mot de ce qu’il pouvait dire, mais pourtant persuadé qu’il disait quelque chose d’offensant à mon encontre. Ce qui était clairement le cas, mais ça c’était pas réellement le plus important en cet instant ! J’étais énervé, certains que ce mec essayait de m’empêcher d’aller dormir ! Je tournais des regards inquiet vers l’arrière, comme si je faisais une crise de paranoïa, pensant l’espace d’un instant qu’il était peut être la pour me retenir le temps que ses copains viennent me faire les poches, ou pire !

J’t’ai à l’oeil toi ! Fait gaffe ! Tu sais pas à qui t’a affaire hein !

Mon doigt pointait dans ma direction, me montrant comme si j’étais quelqu’un qui avait le pouvoir de faire changer les choses, de lui créer des emmerdes. C’était le cas, oui, mais pas dans cet état, il y avait d’ailleurs de bonne chance que je ne me rappelle de rien demain en me réveillant et qu’il ne soit qu’un fantôme de mes souvenirs. Je ne le reverrais peut être même jamais. Même si en l’occurrence ce n’était pas réellement ma plus grande préoccupation il fallait bien l’avouer !

Déjà tu t’es même pas présenté devant un de tes supérieurs ! Alors Hein, Oh, Monsieur-je-suis-pas-le-borgne-que-vous-avez-vu, tu pourrais te prés... Ouais... Tu vois de quoi je parle !

A cet instant précis il aurait pu me dire qu’il était le Capitaine Commandeur en personne que j’aurais pu le croire. J’étais dans un tel état que comprendre ce qu’on me disait était maintenant mission impossible. Du moins comprendre les choses correctement. Un vrai discours de sourd, à sens unique ! Je le regardais de mon air toujours aussi étrange, ne tenant même pas sur place, je finis par simplement aller m’asseoir sur le bord d’une maison juste à côté de moi. Au moins là j’avais un semblant de tenue. Heureusement pour moi que je n’ai pas eu l’idée de m’asseoir par terre au milieu de la rue comme un véritable déchet.

Serpiente commençait lentement à en avoir sa claque des énergumènes sortis de nulle part qui faisaient n’importe quoi. Il avait déjà eu sa dose avec le bon Teippei de la deuxième division, et il se souvenait encore de cet ersatz de conversation sans queue ni tête qui avait manqué de le rendre marteau. Alors d’accord, il était face à un capitaine, mais ce dernier était rond comme une queue de pie et il n’allait pas non plus se laisser marcher dessus sous prétexte de son rang. Pour autant qu’il ne le sache lui non plus n’était pas le dernier des clodos ! Campé bien fixement sur ses pieds, il regardait, assez incrédule, l’Isharagi se lancer dans une sorte de monologue qui ne prenait réellement tout son sens qu’au bout du cinquième ou sixième whisky.

Il demandait exigeait de savoir de qui il s’agissait, et honnêtement, Serpiente n’avait aucune envie de lui donner son patronyme. Déjà, parce qu’il ne savait pas trop ce qu’il allait en faire. Contacter son capitaine ? Il risquait de prendre une bonne réprimande si ça venait à se faire savoir. L’utiliser pour lui mettre des bâtons dans les roues, ad vitam aeternam ? Honnêtement il espérait que non. Après tout, il n’avait pas la moindre idée du caractère de cet anonyme capitaine. Si ça se trouvait il s’agissait de la pire ordure possible ! D’un autre côté, il était tout à fait possible pour lui d’oublier la moitié de la conversation – voir de la soirée – étant donné son état plutôt avancé d’imbibition. Le doute s’était installé, mais heureusement, il ne dura pas bien longtemps. Son interlocuteur vacillait. Etait-il carrément en train de chanceler ? C’était sans doute le cas, vu qu’il s’était assis sur le perron d’une maison. Il n’était franchement pas beau à voir.

« Vous avez vraiment du picoler comme un sourd pour vous mettre dans cet état là … capitaine. Vous devriez manger quelque chose. Y parait que ça aide dans ces cas là... » informa le Serpent d’une voix monocorde. Il ne cherchait pas particulièrement à changer de conversation, mais s'il y arrivait, ça aurait pu être un bon point pour lui.

Restait donc le problème du nom à lui livrer, ou non. L’ancien tueur à gages décida qu’il n’était pas disposé à fournir plus d’informations que nécessaires au sujet de sa petite personne, et ignora donc la demande. Il ne pouvait cependant pas espérer que le capitaine oublie si commodément une demande qu’il avait quasiment vociféré. Il lui donna donc un petit os à ronger.

« J’suis un simple shinigami de la deuxième division, mon g… monsieur. Par contre j’ai pas la moindre idée de qui vous êtes, sans vouloir vous vexer… Surement parce qu’j’suis plutôt nouveau dans l’coin ?» lui dit-il avant de rentrer sa main dans sa poche intérieure. Dans cette dernière se trouvait son paquet de cigarettes, qu’il attrapa sans crier garde. Se collant une clope dans le bec, il regarda Shu avant de faire mine de lui tendre le paquet, comme en l’invitant à s’en servir.

« Une sèche, Cap’taine ? » lui proposa-t-il.

OH Manger ! Oh wouaaais ! Un sushi de chez Takiomaki ! Vas-y ! Va m’en chercher un ! C’est a deux pas du QG ! Oh tu sais bien où c’est ! En face du nouveau Apple store ! Fait pas genre que tu sais pas où il est ! Hein !

Qui sait pourquoi le fait de penser à la bouffe me faisait penser à Karakura, mais toujours est-il que j’étais persuadé d’y être en cet instant. La bêtise n’avait donc pas de limite ! J’étais sûr que j’étais sur terre, redevenu Général du Suzaku ! Et justement à côté du QG nous avions le meilleur restaurant de Sushi de toute ville ! C’était une des raisons qui m’avait à l’époque fait choisir l’emplacement, mais ça faut pas dire !

Pschuuuuut !

Soufflais-je avec mon doigt devant la bouche et tout le sérieux du monde ! Persuadé qu’on avait pu m’entendre, ou que je m’étais exprimé à haute voix ? Ou que je ne sais pas ! J’étais bourré, pas besoin de trouver une explication à chacun de mes gestes ! Je relevais d’un coup le visage pour regarder une fois de plus le borne. Tournant la tête dans un sens, puis dans l’autre, essayant de découvrir un secret caché sur son visage. Il ne me disait toujours rien, c’était définitif !

Moi ?! Je suis le Général du Suzaku Igarashi Shu ! Oui M’sieur ! J’sais on dirait pas ! C’est fou hein !

Je le regardais, les yeux perdus dans un océan de connerie en tout genre. Il n’y avait pas le moindre signe de lumière là dedans, non ce soir j’étais en mode bourré, très très très bourré ! Je tentais tant bien que mal de me relever, pour finalement m’accrocher à une colonne du perron sur lequel j’étais assis ! Je causais un remue-ménage sans fin et ce n’est pas étonnant que finalement les habitants de cette maison furent réveillé ! Je les regardais sortir de chez eux l’air incrédule, comme si je n’avais pas imaginé une seule seconde que cela soit possible !

Eh bonjour ! Vous auriez pas à manger vous ? Le méchant là-bas il veut pas aller chercher des Sushis ! S’vouuuus plait !

L’homme et la femme qui venait de sortir de chez eux me regardèrent cette fois-ci incrédule. Il ne devait rien y comprendre. Un Capitaine du Gotei 13 qui leur demandait à eux, de simple habitant du premier quartier du Rukongaï à manger, et ceux en plein milieu de la nuit. Il y avait de quoi halluciné. La dame bafouilla avant de finalement disparaitre. Pour revenir moins de cinq minutes plus tard. Qui passèrent tel un claquement de doigt pour l’homme ivre que j’étais, me passant enfin de quoi manger.

Oh ! Z’êtes bien trop gentil vous ! J’ai bien de la chance que vous puissiez me voir, j’ai pas pensé à prendre un Gigaï ! Meeerci !

Toujours persuadé d’être sur terre je déblatérais des bêtises sans queue ni tête. Du moins pour eux. Je me comprenais parfaitement même si chez eux ça devait être la pagaille, il devait pas piger un traitre mot de ce que je disais. Trop bourré que j’étais ! J’avalais le sandwich en quelques morceau, reprenant enfin un peu de couleur, bien que toujours trop loin pour espérer redevenir celui que j’étais en théorie.

Et non j’t’ai déjà dit que je voulais pas de ta daube !

Pour la énième fois, Serpiente se passa la main sur le visage regrettant presque la guerre de Corée. Mais quel faisait-il encore là ? N’était-il pas possible d’abandonner le délirant capitaine et ses envies soudaines de nourriture ? Probablement pas. Après tout c’était de sa faute s’il était affamé désormais, et, n’étant pas sur des souvenirs qu’il garderait le lendemain, il ne pouvait pas vraiment l’abandonner sans sommation. Par contre, aussi capitaine fusse-t-il, il était impossible de se permettre une petite expédition à Karakura. Espérant avoir mal entendu, Serpiente ignora la demande du capitaine, qui de toutes manières n’en avait très clairement pas grand-chose à battre.

Après lui avoir demandé de se taire – le toupet ! – Il s’était présenté comme le Général du Suzaku. Cette réplique l’avait littéralement laissé sans voix, la bouche béante. Mais c’était qu’il tenait vraiment mal l’alcool le bon capitaine ! Ou peut-être avait-il englouti la moitié de la production mensuelle de la Soul Society ? Il n’avait que rarement croisé des gens aussi puissants dans un tel étant de déchéance. Il était dans un tel état, et provoquait un tel vacarme que les habitants de la bicoque en furent alarmés. C’était limite si le pauvre hère n’était pas sorti sa fourche à la main !

« Oh mazette, il va réveiller tout le quartier si ça continue… » grommela Serpiente, cherchant désespéramment une occasion de s’éclipser. « Ohh… bonjour monsieur… » s’élança-t-il dans une sorte d’explication. C’était très clairement nécessaire. Les deux vieux reconnurent le capitaine et, l’œil hagard, remontèrent en duo le regard sur le shinigami de la deuxième. « Il ne sait pas boire » répliqua ce dernier en haussant les épaules, arborant une moue de dépit.

Quelques minutes plus tard, et un sandwich avalé, le capitaine continuait à raconter n’importe quoi. Il se croyait sur terre, c’était la meilleure, et Serpiente ne voyait pas comment le faire réaliser que ce n’était pas du tout le cas. Après avoir refusé sa proposition de cigarette – tant mieux, c’était toujours ça d’économisé – Shu avala ce qu’il restait du repas, semblant reprendre un peu de poil de la bête. Le new-yorkais se passa la main sur son menton mal rasé, et chercha comment il pouvait, à défaut de disparaître, faire revenir le capitaine à son état naturel.

« Vous pourriez boire un café, p’tet. » avança-t-il comme s’il s’agissait d’une évidence. En général, sur lui, le café avait cette propriété qui était de le rendre quasi immédiatement sobre. Il espérait que son supérieur aime le breuvage, et que les effets fussent les mêmes. Mais peut-être en demandait-il trop ?

« L’autre possibilité c’est d’vous balancer un seau d’eau sur la tronche. » continua-t-il en acquiesçant de la tête. Voyant le regard incendiaire de l’Isharagi, cette idée était loin de faire l’unanimité. « C’est bon, c’était juste une proposition, pas la peine d’me faire les gros yeux, cap’taine. » ajouta-t-il aussitôt.

Ouaaais ça pourrait être bien après ce bon repas !

Lâchais-je tout en regardant avec un sourire tellement honnête qui n’était que le fruit de l’alcool circulant dans mon sang les deux habitants de la petite maison qui devait être en train de se demander s’il n’était pas tombé dans la quatrième Dimension. La nourriture commençait tout juste à faire effet, bien que ma consommation ait été bien trop importante pour que je réussisse à reprendre mon état normal si facilement ! Néanmoins l’idée de boire un café n’était de loin pas si stupide que ça. Après tout après un bon repas c’était bien souvent ce que je faisais, si ce n’était pas du thé. Mais je ne voulais pas d’un Thé Terriens infâme. Je voulais du vrai thé de la Soul Society, un café ferait donc l’affaire pour aujourd’hui !

Meeeeerci bien ! Z’êtes vraiment sympa vous ! Et toi j’crois que tu m’aimes vraiment pas hein ! Un sceau d’eau, c’est pas gentil gentil d’abord !

Je le regardais d’un air outré. Ou pas. Je n’avais pas le moins du monde la possibilité de m’énerver de quelque façon que se soit. Après tout je n’étais clairement pas dans mon état normal. Je bus néanmoins mon café cul sec, sans me poser la moindre question, la température du liquide réchauffa mon corps instantanément, me faisant lâcher un sourire satisfait !

N’empêche faut avouer qu’il est drôlement sympa ce nouveau quartier. Il me fait vraiment penser au Rukongaï. Fin vous devez pas connaître c’est vrai. C’est de là où je viens. Fin j’y suis pas retourné depuis longtemps quand même !

Ces gens devaient me prendre pour un fou. J’étais après tout vraiment mal, et dans mon délire j’étais partie bien loin. Impossible d’en revenir ce soir, pas comme ça. Pas si facilement ! Je déblatérais beaucoup d'ânerie à la minute il fallait tout de même l’avouer ! Et cet homme borgne qui me prenait pour un véritable cinglé, si j’en avais été conscience je ne pourrais avoir que prié que jamais je ne le revois encore, car après ce soir, ma réputation risquait d’en prendre un sérieux coup...

Ouais allez toi là ! Même si tu m’aimes pas, tu veux pas me guider un bout jusqu’à chez moi ! J’avoue que je sais plus exactement comment j’suis censé rentrer !

Ce nouveau quartier de Karakura m’était inconnu et il y avait fort à parier que j’étais en terrain étranger, j’allais devoir retourner jusque chez moi et si ce méchant borgne était malgré tout décidé à m’aider ce serait sans doute une bonne façon de se faire pardonner pour toutes les méchantes méchanceté qu’il avait pu me dire jusqu’à maintenant !

C’est de cette manière-là que le jeune Shinigami devint le porteur officiel du Capitaine Ishiragi Shu. Le café n’avait pas eu entièrement l’effet escompté : s’il était toujours aussi loquace et un peu plus enjoué, le capitaine de la dixième division était toujours incapable de se mouvoir correctement de lui-même. Pire encore, son taux d’alcoolémie n’avait pas baissé, et il se croyait toujours en plein milieu de la ville humaine de Karakura. Ce n’était pas vraiment problématique, tant qu’il ne s’amusait pas à activer son Bankai, ou à taillader les lampadaires en les prenant pour des Hollow grands mais néanmoins fort maigres.

« On dirait que j’ai pas le choix. » annonça le Serpent avec un haussement d’épaules. Le fait que le capitaine soit totalement ivre ne rentrait pas vraiment en compte. S’il se souvenait de toute la scène le lendemain, il risquait d’en prendre pour son grade. D’autant plus que les Shinigamis borgnes qui portaient un pardessus en cuir n’étaient pas légion. Dans le doute, donc, il s’abstint de l’abandonner à son triste sort. Laissant donc le loisir à Shu de dire au revoir à la pauvre famille qu’il avait réveillé, il se demanda comment il allait s’en tirer pour amener le capitaine à bon port. Il délaissa immédiatement l’idée de le porter sur les épaules, tel un sac de patates bruyant et aux effluves nauséabondes. Soudainement, il eut une idée. En longeant le mur, il se rappelait avoir discerné des travaux.

« Je reviens tout d’suite. » dit-il à Shu, en espérant que ce dernier ne se mettrait pas à lui crier dessus en le voyant s’en aller provisoirement. Un pâté de maison plus loin, il trouva ce qu’il cherchait : une brouette. Après l’avoir vidé de son contenu par terre, il la poussa jusqu’au perron de la porte qu’occupait apparemment toujours le général.

« J’ai pas trouvé mieux comme véhicule. » annonça-t-il à ce dernier. C’était vrai que ça ne puait pas la classe, mais d’un autre côté pouvait-il trouver mieux pour transporter l’ivre capitaine ? Probablement pas. Et puis, de toutes façons, ce mode de transport avait un avantage certain : il avait le mérite d’exister !

« Vous montez alors ? » demanda-t-il au Shinigami de la dixième division, pas sûr qu’il accéderait à sa requête. D’un autre côté, s’il ne montait pas dans la brouette, il le laisserait là, un peu comme un chien sur une aire d’autoroute pendant les départs de grandes vacances. Fallait pas non plus le prendre trop pour un jambon.

« Z'avez qu'à vous dire que c'est vot' carrosse, général ! » ajouta-t-il avec un petit sourire. Il imaginait déjà la scène, et elle semblait plus que cocasse. Il devait juste éviter de l'emmener dans le quartier des officiers de cette manière là. Encore qu'il était peu probable qu'on l'arrête pour lui demander d'explications, son air menaçant lui évitant grand nombre de questions dans ce genre de situations.

Tu vas me transporter avec une brouette... Genre, tu crois que... Pfff... Franchement... Non mais... Non quoi ! ‘Fin faut avouer que... ouais... Mais... Non... J’sais que... Ouais... Non... Allez soyons fou !

J’étais en cet instant réellement dans un état second. Je n’avais plus quoi que se soit à voir avec l’homme que j’avais pu être à n’importe quel moment de cette vie. Non je n’étais plus qu’un déchet, cela faisait déjà un moment, mais là j’avais atteint un pique, le paroxysme de ma propre déchéance. Et j’étais bien trop loin de mon naturel pour comprendre que si qui que se soit voyait cette scène je serais la risée de tous le Seireitei, et plus encore... Mais après tout j’avais pris ma cuite, il fallait assumer maintenant !

En avant Jolly Jumper ! On a de la route !

Et c’est ainsi que mon voyage jusqu’à la dixième Division commença. Mes yeux divaguait, passant d’un côté à l’autre des rues que nous prenions, sans même me poser la question de savoir si l’on croiserait quelqu’un ou non. Après tout dans l’état dans lequel j’étais la seul chose qui m’importait encore était de savoir si oui ou non j’allais réussir à rester dans mon carrosse si «classe» ! Car depuis le point de non retour que j’avais passé, l’idée même de devenir l’homme le moins respecté du Gotei 13 avait disparu.

Je m’amusais comme un grand gamin sur ma brouette alors que j’avais un borgne à la mine sombre qui me faisait avancer. L’espace d’un instant je m’arrêtais, réfléchissant à une chose de la plus grande importance !

Hey STOOOP ! J’leur ai pas dit au revoir ! Z’étaient troooooooop sympa ! A moins que ? Non ? Tu crois pas ? Si j’pense que j’ai du, j’m’en souviens plus. Non ? DIIIIT MOI STEEEEUPLAIT !

Je faisais un boucan de tous les diables, et pourtant toujours personne ne pointait le bout de son nez sur notre chemin. Je pouvais au moins remercier ma bonne étoile sur ce coup là. Il y avait après tout au moins un point positif à tout ça. Je retournais à mes occupations sans même laisser plus de considération à l’homme qui me poussait. Celui-ci devait en cet instant me prendre pour un cinglé, mais bon je risquait de ne plus jamais le revoir, qui sait...

Tout se passait à vrai dire pour le mieux, alors qu’on s’approchait toujours plus de la Dixième, sans que personne n’ait été rencontré sur le chemin. Oui tout se passait parfaitement bien, jusqu’à l’instant où une personne s’avança en notre direction. Un regard furieux sur le visage. Un instant plus tard j’avais disparu. Purement et simplement disparu. Pourtant, les bras de Serpiente devait lui prouver que j’étais toujours dans cette brouette. D’ailleurs n’importe qui avec des capacités de détection aurait été capable de le dire, cacher mon énergie dans cet état n’était plus qu’un doux rêve. Pourtant je faisais réellement comme si je n’étais plus là, essayant de fuir ce Shinigami qui arrivait !

CAPITAINE ! Je sais que vous êtes là ! Ça sert à rien de vous cacher !
Joooooooolly ! FOOOOONCE !

Un soupir sortit de la bouche du Shinigami, alors qu’il lançait un regard compatissant à Serpiente. Celui-ci ne devait plus vraiment comprendre ce qu’il se passait là... Je n’étais toujours pas visible de là où j’étais, et le Shinigami toujours inconnue vint d’un simple geste de la main faire disparaître le Kekkai qui me protégeait de la vue de tous. J’étais là, le visage apeuré à l’idée que l’on le rencontre maintenant ! Le Shinigami quant à lui regarda Serpiente qui ne devait toujours rien capter à la situation.

Je suis Akiji, troisième siège de la Dixième Division. Désolé pour le dérangement. Merci néanmoins de l’avoir ramené... Je vais m’occuper de lui maintenant. J’ose espérer que vous n’ébruiterez pas ce que vous venez de voir...

Il m’attrapa pour me déposer sur son épaule comme un vulgaire sac à patate, n’ayant pas la même pensé pour la dignité de ma personne. J’étais à la Dixième, ce qui se passerait ici ne sortirait pas de là, heureusement pour moi. Alors qu’Akiji tourna le pas pour rentrer à la Division, mon regard croisa une dernier fois celui de l’oeil unique de Serpiente.

SAAAAAAAUVE MOIIII ! AAAAAAAAAAAAH !