- Encore un.

Le barman me regarda d'un air suspicieux et me resservit un énième verre de saké en poussant un soupir de lassitude. Il était tard et il projetait certainement d'aller se coucher alors que j'avais franchi le pallier de son établissement miteux d'un quartier dont je me moquais du numéro, en bordure du Seireitei. Depuis, la nuit avait fait place au petit matin et le mec frais, à l'ivrogne de service qui tenait à peine debout. Mon foie reprenait du service après 500 ans d'eau et de pain sec - j'exagère un peu - et c'était pas vraiment joli à voir. Le mec m'avait dis plusieurs fois qu'il fermait et je lui avais répondu que j'en avais rien à foutre que j'avais de quoi le payer jusqu'à ce que je crève. Pour appuyer mes propos, j'avais sorti mon Zanpakuto, ce qui avait fait fuir les derniers retardataires du bar, et j'avais libéré mon Shikai pour recouvrir un tabouret d'or massif où j'avais désormais mon cul posé. Cette démonstration avait attiré deux Shinigamis qui m'avaient prestement demandé de revenir au centre de la Soul Society afin de décuver dans mes appartements. Eux aussi, je les ait envoyé chier. Ils ont pas demandé leur reste, après tout, qu'est ce qu'ils foutaient là eux aussi? Bref, le tenancier avait pas bronché, sa pièce de mobilier sur laquelle j'étais assis valait bien plus que tout ce que j'avais consommé jusque là, alors il pouvait bien supporter ma présence jusqu'à ce que je décide d'en avoir assez. Je bu d'une traite la coupelle et j'écrasais ma cigarette contre le bois du comptoir, l'autre tiqua et je lui balançais un coup d’œil féroce. Le client était roi, mieux, le client était un roi. Du moins c'est ce que je pensais de moi quand j'étais bourré. Sobre j'étais un sombre crétin. Je m'avachis, la tête dans les bras et me repassa les événements de la journée.

Mon premier jour de liberté dont j'aurais espéré qu'il serait bon c'est avéré une catastrophe. La faute à quoi? À ma mégalomanie, à mon narcissisme. J'avais eu la prétention de croire que l'on se souviendrait de moi, niet. J'étais un débris du passé. La plupart des gens que je connaissais étaient morts en mission et je ne me retrouvais pas dans la prime jeunesse qui composait désormais le Gotei. J'étais en pleine crise existentielle et ça faisait mal, très mal. J'aurais mieux fait de rester en prison et encore je suis pas sur qu'on veuille de moi là bas. Et puis, au fil de ma pensée et des verres d'alcools, je me suis dit que les autres ne pouvaient se souvenir d'un criminel. C'est vrai quoi. Je faisais partie des méchants limites. On retient pas les méchants, sauf ceux qui ont du charisme et je peux dire qu'un mec qui a presque 900 ans, pour le charisme, il repasse. Et puis c'est uniquement à cause de moi même. J'ai fais le con j'ai payé point barre.

Je me levais difficilement de ma chaise et tituba jusqu'à la sortie. De l'air, enfin. J'allumais une autre cigarette, la tête au bord de l'explosion et je pris une bouffée que je soufflai vers le ciel, longuement. En fait ça faisait du bien d'être libre. Qu'importe que je n'occupe plus le poste que j'avais, qu'importe qu'on m'ait oublié. En fait, on m'offrait une autre chance. J'étais un homme nouveau. Un bâtard nouveau. Parce que ouais, fallait pas déconner, j'allais pas changé ma façon d'être pour lécher les bottes de mes supérieurs, Sanzo resterait Sanzo. C'est dans cette joyeuse optique que je me mis en route pour mes quartiers, direction mon pieux avant d'entamer ma deuxième journée de conquérant. Enfin, direction plutôt un autre bar avant, le saké de celui là était dégueulasse. Je demandais à un quidam l'heure, il l'avait pas. Je me frappais la tête: mais bien sur j'étais au beau milieu des bouseux, comment ai-je pu douter une seule seconde que l'un d'eux pourrait me renseigner sur l'heure qu'il était.

Je pénétrer chez un autre vendeur de boisson, le pas décidé. Yavait personne. Oh si, un mec avec un manteau blanc qui somnolait sur une table...manteau blanc? Un capitaine? Ici? Bon ok. Je commandais une bouteille de saké, l'autre roupillait comme un bien heureux, la tête écrasée sur le bois, la bave aux lèvres. Encore un jeune. Décidément, les génies étaient légions au sein de l'élite. Je claquais la bouteille sur la table, l'autre se réveilla en sursaut, je lui tendit la coupelle pleine.

- Allez! Capitoche, c'est l'heure de se lever. Tenez pour vous mettre en forme.

Je m'assis et mis mes pieds sur la table. Pour l'instant, je regardais l'autre et me servit moi même. Il avait une triste mine mais je devais à peu près lui ressemblait. Un jeu de miroir. Amusant.

- Seisui Sanzo, Capitaine oublié de la douzième division et maintenant troisième siège. À vous maintenant.

Je buvais d'une traite.

Hein ?

Capitoche ? L’heure de me lever ? Qu’est ce qu’il croyait celui là ! Ne pouvait-il donc pas me laisser dormir, comme tous les autres ? Mon Haori ne suffisait-il donc plus à les faire m’éviter comme la peste ? Après tout croiser un Capitaine à des heures si tardives n’était pas réellement la chose la plus cool du monde. La plus part des Shinigamis avaient l’impression que j’allais les engueuler pour une raison ou pour une autre alors que je n’étais pas le moins du monde là pour eux.

Et aujourd’hui ne dérogeait pas à la règle. Je venais bien souvent faire la fête par ici, me rendant dans le bar de Shinjirô pour me saouler. Mais en l’occurrence aujourd’hui je n’étais pas le moins du monde là pour ça. Si j’étais venu ici c’était simplement pour boire quelque chose et je m’étais assoupi. Cela faisait maintenant deux jours que je n’avais pas dormi, une expédition bien trop chiante au delà du Rukongaï. Il y avait là-bas des choses dont on ignorait encore tout, et j’avais du partir là-bas pour ramener du boulot à Akihiko. Mes hommes étaient partie devant pour ramener ce que nous avions trouvé à la Douzième. Et en chemin je n’ai pu résister à rentrer ici...

Non merci, pas si tôt le matin !

Je repoussais le verre avant de commander un café noir, bien serré ! J’en avais besoin si je désirais me réveiller correctement et être capable de rentrer jusqu’à ma Division pour y écrire mon rapport. Cette expédition avait vraiment était éprouvante. Courir après des bestioles inconnues qui en plus d’être rapide était balèze tout ça pour ramener des échantillons à l’autre scientifique fou, franchement qu’est ce qu’y faut pas faire ! Je m’étais retrouvé né à né avec un espèce de gros Mammouth qui en plus d’être imposant se déplaçait bien plus vite que je ne l’avais pensé. Un véritable bordel dont j’avais du me charger tout seul, et donc, le peu de sommeil, la dépense d’énergie, le stress, tout ce qu’il fallait pour réussir à me mettre dans un état de Zombie. Je ne rêvais en cet instant que d’une chose, mon lit !

Jamais entendu parlé ! Moi c’est Igarashi Shu, Capitaine de la Dixième en manque de sommeil !

Un ancien Capitaine qui finissait troisième siège, ça devait faire sacrément mal au cul si j’puis me permettre... Et à l’égo forcément. Surtout qu’il semblait bien sûr de lui le bonhomme. Je ne le reprenais pas sur la façon dont il s'adressait à moi, il était un ancien Capitaine, il n’avait qu’à vivre sa vie comme bon lui semblait, après tout je n’avais jamais entendu parlé de lui, il ne devait pas avoir marqué l’histoire...