« Tout vient à point à qui sait attendre », voilà à peu de choses près l'une de mes expressions humaines préférées. Le degré de patience que prônait ces quelques mots n'avait aucun écho dans le Yermo, sauf auprès des Vasto Lordes. Ces êtres millénaires, dont j'avais été le congénère, ne manquaient ni de patience, ni de puissance. Il était intéressant de noter que souvent les deux allaient de pair : à vouloir grandir trop vite, l'oisillon impatient se brûlait les ailes. Et une fois l'heure de s'envoler hors du nid, il tombait au sol et mourait, rejoignant l'anonymat que seule la mort peut accorder. Et par mort, j'entendais celle véritable, inconnue, dont personne n'était jamais revenue.

Les simples Hollows, pour en venir aux faits, étaient encore de simples oisillons. Ils n'hésitaient pas à dévorer les âmes humaines qui passaient à leur portée comme s'il ne s’agissait que de simples larves, mais restaient désespérément impatients, trop pressés d'atteindre le stade supérieur. Et ils finissaient par s’adonner au cannibalisme, jusqu'à la construction de l'être dénué d'intelligence par excellence, à peine bon à remplir l'estomac des moins capricieux : j'ai nommé le Gillian. Un oisillon sans ailes qui, par manque d'exercice mais surtout de patience, avait fini par atteindre une taille aussi phénoménale qu'inutile. Écrasé au sol par le poids de multiples consciences, toutes plus bestiales les unes que les autres, sa médiocrité n'avait d'égale que la taille de son masque.

Véritable petit cachalot à plumes, perdu en plein désert, il était compréhensible que je m'abaisse à leur offrir le repos éternel. Non, vraiment, s'il y a une qualité qui allait de paire avec la puissance, c'est bien la patience. Bien entendu, une volonté extrêmement forte comme celle du bon roi Grimmjow pouvait compenser un fort manque de patience. Mais existerait-t-il encore, dans quelques siècles ? Il serait présomptueux de répondre par l'affirmative à cette question, au vu de la rapidité et de la gravité des dernières décisions prises par le seigneur autoproclamé.

Mais que venait faire cette patience, qui m'était si chère, dans la situation actuelle ? Elle expliquait pourquoi, totalement immobile, j'attendais depuis maintenant deux jours que quelqu'un daigne passer non loin de moi. En effet, habillé de mon smoking gris, de ma tignasse brune et de mon sourire franc, j'étais aussi immobile qu'une statue datant de la Renaissance. Drôle de statue, d'ailleurs, puisque il s'agissait de celle d'un ridicule petit enfant. Pourtant, j'étais bien loin d'être complexé par ma taille : la forme que j'avais était, à mes yeux, la plus parfaite qui soit. Même la pire ordure pouvait ressentir une certaine gêne à tuer un enfant et c'était à mon avantage. Enfin, il existait des exceptions dont je faisais, bien évidemment, parti. Une menace, future comme présente, restait une menace. Par exemple, les objets que je ne pouvais manipuler n'avaient aucune utilité à mes yeux, et donc aucune raison d'exister. Et d'objets matériels à créatures organiques, il n'y avait qu'un pas que je franchissais avec une certitude née de l'expérience.

Tandis que j'étais plongé dans ces sombres réflexions quant au monde qui m'entourait, l’événement que j'attendais depuis maintenant quelques jours arriva enfin : une silhouette venue du palais approchait, se découpant sur le paysage environnant. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il s'agisse d'un Espada.

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