« Non Sima, non ! Défends-toi ! Détruis-les ! Tu es tout puissant ! Tu es indestructible ! Là ! Ils sont des milliers, à attendre d'être bouffés, ce n'est pas quelques Shinigamis qui vont t'en empêcher ! Tues-les ! Tues-les tous, ces salauds ! J'ai tout donné pour toi, alors arrête de reculer, merde ! Bats-toi ! BATS-TOI SALOPERIE !!! »

- Uchikudake, Tengumaru.

- Bien. Il semble que l'heure soit venue de se comporter de façon héroïque.

- Bankaï ! Tekken Tachikaze !

Si, au commencement, il y eut un dieu de parole, qui par son verbe engendra le monde ; si ce dieu là était, alors fut-il possible qu’il en existât un second, non de verbe mais d’acte. Et ce second dieu pouvait être celui-ci, à se dresser devant eux tous : une divinité non de voix ou de parole, mais de volonté inaltérable, et qui à présent se livrait à l’acte, fondamental et créateur, de défaire ce qui avait été fait.
L’entité gigantesque, de foisonnements infinis, de bouches affamées, et de courbes si étranges qu’elles en parurent fléchir l’espace lui-même, cette créature indicible que d’aucuns nommaient un dieu, et à raison sans doute, moissonnait le Rukongaï et ses habitants avec une violence qu’aucun esprit inférieur aurait pu se représenter auparavant. Sa silhouette masquait le ciel, flottant dans les airs sans bruit, et la monstruosité qui n’avait ni face ni yeux, n’exprimait quoi que ce soit d’un tant soit peu humain. Au contraire, puisqu’avec cette obstination terrible, ses tentacules longs de plusieurs centaines de mètres labouraient les maisons, creusaient des sillons dans la terre-même, et récoltaient, agriculteurs gigantesques, le labeur de ce monde fait d’âmes hurlantes. Les pseudopodes fauchaient les êtres, et un contact seul suffisait à s’en retrouver consumé, et englouti dans le réseau nerveux des longs membres, visible sous la peau translucide et épaisse.

Pour les plus sensibles spectateurs, une vérité plus effroyable encore s’imposa. Cette déité, fille de l’éternité, fille des éons primordiaux et des méandres oubliés, cette terreur venue du début des temps, abandonnée en la dévoration de tout un monde, cette créature-là pensait. D’une pensée autre, d’une conscience qui n’était humaine, qui ne l’avait jamais été, dont les courants intérieurs se soumettaient à une intelligibilité inaccessible pour ce qui n’était pas elle. Il y avait dans sa manière d’engloutir les âmes, dans les mouvements gondolants de son corps gargantuesque, une précision trop franche, un degré d’intelligence de la destruction trop grand pour croire plus de quelques secondes, après l’avoir saisi, que la divinité se résumait à n’être que gourmandise aveugle. Son œuvre de mort s’accompagnait de principes informulables, dont la destination laissait que peu de doute : la fin de tout.

Un roi s’approcha, traînant derrière lui ses rêves brisés, ses terreurs face à l’avatar du néant qu’il avait cru bon de convoquer. Il hurla, il cria, et ses mots ne furent que des bourdonnements, et son dieu fut sourd à ses lamentations. Quand le feu fusa des doigts désespérés du souverain, il eut la mort comme réponse silencieuse ; sa silhouette minuscule disparut sous l’étendue dévorante d’un tentacule, et son âme pourtant puissante fut consommée avec la même inflexibilité que toutes les autres. Les couronnes, les manteaux, les beaux atouts, les titres, n’étaient de rien pour le père des Hollows. Il dispensait l’évaporation de l’existant avec impartialité, et chaque être, quel qu’en fût le rang ou la nature, embrasserait le vide avec la même égalité.

Une omnipotence avérée, faisant ployer jusqu'à la dernière once d'espoir. Et pourtant, arriva le moment où le Démiurge vint envoyer ses émissaires renvoyer son ombre dans les ténèbres d'où elle était apparue. Pris individuellement, nul ne pouvait espérer inquiéter le mastodonte. Une réalité qu'aucun n'ignorait ; en témoigne l'acharnement conjoint de chacun sur le fossoyeur des trois mondes. Et qui l'eut cru ? Si leurs assauts ne suffirent à inquiéter l'existence du Sima, ces derniers n'en firent pas moins basculer le titan vers une brèche à sa mesure. Des secondes aux allures sempiternelles, révélatrices de la tension qui éreintait l'ensemble de la Soul Society. Un ultime grondement, avant que ne se referme sur lui-même le Garganta. Si le calme restauré marquait une fin en soi, les stigmates sinistres éventrant le Rukongai devaient cristalliser dans la mémoire la Terreur alors repoussée.