Blessé. Meurtri. Le jeune homme glissa sa main sur une de ses blessures, accusant le contre-coup de la puissance dévastatrice qu'avait déchaîné le Quincy trahi lors de cette bataille qui de nouveau, avait fait de terrible ravage au cœur de Tokyo. Nulle victime cette fois, hormis les créatures mi-humaines, mi-monstres qu'ils avaient été contraint de combattre. Encore une fois. Le goût du sang dans sa bouche se mélangeait à l'amertume d'avoir été de nouveau obligé de pointer son arme sur des êtres innocents. Car qu'importe leurs formes, il lui apparaissait que ces êtres étaient bels et bien des humains ordinaires avant cette métamorphose grotesque. Avaient ils mérités pareil sort ? Klaus n'en savait rien, ne connaissant guère les tenants et les aboutissants de ces expériences funestes, cela dit... Est ce qu'un être pouvait réellement mérité une telle fin ? Ils souffraient. Ils souffraient en gémissant, encore et encore, et il lui paraissait que ses oreilles résonnaient encore de leurs plaintes étouffées sous les grognements gutturaux. Je suis si faible. Combien de temps encore se torturerait il ainsi, à ressasser sans cesse ce qui ne pouvait être changé ? Quelque part, il était presque soulagé que le Quincy qu'ils avaient affronté n'ait tué dans la foulée les monstres chimériques qu'il avait lui même appelé. Cette pensée était si odieuse, le déchargeant d'un poids qu'il se devait pourtant d'assumer lui aussi. Si ce n'était pas eux, il y avait encore les autres éliminés plusieurs semaines auparavant, et toute la rage qu'il pouvait déployer contre l'Hallingen ne pourrait le protéger éternellement de ce triste constat.

Il était aussi coupable, aussi fautif que cet homme, quand bien même ce dernier n'avait guère ce genre de scrupule. Qu'importe. L'Aleksander n'était pas un être dénué de conscience morale, et même si il avait tendance à dissimuler cet aspect de lui même, il n'en restait pas moins un être sensible, humain. Mais là n'était plus la question, ou tout du moins n'était ce qu'une partie d'un problème bien plus important. Après tout, il faisait face à un questionnement inédit à présent. Les coupables, les vrais, ceux qui, bien à l'abri, dirigeaient les opérations se révélaient faire parti du gouvernement. Cela ressemblait au scénario d'un film américain comme il en sortait des dizaines par an, et pourtant, comme pour les pouvoirs que chacun ici possédait, c'était bel et bien la réalité et non pas une fiction sans fondement. C'était presque absurde. Incongru pour le jeune étudiant qui, quelques mois auparavant, était encore un type banal et sans histoire – si il omettait sa capacité à voir les esprits tout du moins.

Ils voulaient les tuer. Dans quelle galère je me suis fourré... L'étudiant inspira doucement alors qu'il laissa un instant son regard dériver sur l'âtre qui lui faisait face. Klaus avait l'impression d'avoir remonté le temps. Là, plusieurs semaines auparavant, il s'était retrouvé à la même place, faisant face à un feu semblable, hypnotisant, apaisant. Mais il était venu ici par ses propres moyens cette fois ci et non pas en étant sauvé par la musicienne. Peut être était-ce une manière de dire qu'il  était devenu plus fort entre temps, qu'il était parvenu, au moins en parti, à utiliser le savoir enseigné par l'anglaise. En vérité... Il n'en avait cure à l'instant, seul cette impression sinistre de se sentir pris au piège demeurait dans son cœur. Il était totalement dépassé par les événements et il se demanda si c'était également le cas pour ceux qui avaient face à la menace, aussi. Assit sur le canapé face à la cheminé dans ce qui devait servir de salon chichement décoré à la chanteuse dans son préstigieux manoir, l'air las, le jeune homme se perdait dans ses réflexions.

Qu'allaient ils faire à présent ? Est ce qu'ils pouvaient encore marcher dans la rue comme tout humain lambda ou devaient ils se méfier de chaque être croisant leur route et qui pouvaient potentiellement être des agents à la solde du gouvernement ? Un rire bref et sans joie vint secouer ses épaules, ravivant la douleur mordant ses chairs face à cette interrogation absurde. Tellement incongrue. Ses mains glissèrent sur son visage, comme pour en effacer la fatigue, le trouble, et toutes les émotions qui parasitaient son esprit. Si seulement c'était aussi simple que ça. Il y avait tellement de chose à dire, à développer, à savoir. Tant de questions sans réponse et même si le Quincy trahi était à présent sous la garde de Melody, il n'empêchait qu'il n'était pas en l'état pour l'heure de dire quoi que ce soit. Pas après ça. Paradoxalement.

Et maintenant ? Par quoi commencer...

Je vais finir par connaitre cette pièce par cœur... souffla t-il plus pour lui même qu'autre chose. Il était dans un piteux état, mais c'était déjà mieux que la dernière fois. C'était peut être la seule bonne nouvelle de la journée. Cela dit, des quatre, c'était probablement Thomas qui s'avérait être le plus touché. Vivant, mais blessé grièvement. Ils auraient pu mourir cette fois encore, et il avait l'étrange impression qu'il en était moins affecté que la dernière fois. Est ce qu'on s'habituait à ce sentiment ? C'en était presque effrayant.

Ahah:

Melody était comme neuve. Elle avait passé les dernières heures à refermer ses blessures une à une, à mesure que son énergie se régénérait. Une opération fastidieuse, mais qui à terme lui donna presque l'impression de s'être fabriqué un nouveau corps de toutes pièces. Et il ne resta plus que la fatigue, physique comme psychologique. Les séquelles de la batailles. Les affres d'un nouveau désastre. Cela n'en finirait-il donc jamais ? N'étaient-ils voués qu'à rencontrer un ennemi après l'autre, jusqu'à ce qu'il ne reste rien de ce qu'ils tentaient de protéger ? La musicienne était lasse. Lasse de tout ce savoir, de tout ce pouvoir. C'était une pression qu'elle ne pourrait supporter éternellement, si solide qu'elle soit. Elle l'avait toujours su.

Rien ni personne, pas même un God-wannabe n'avait réussi à la pousser à bout. Mais là, elle commençait très clairement à ressentir ses limites. Si son inconscient l'incitait à le prendre avec humour, à coups de J'suis trop vieille pour ces conneries !, sa pensée lucide voyait les choses autrement. Mais l'instant n'était pas aux signes de faiblesse. À quoi était-il, d'ailleurs ? Elle n'en savait trop rien. Elle s'était contentée de rentrer ici le plus vite possible. Avant que les gens reviennent, avant que les gens sachent, mais elle savait qu'il était déjà trop tard pour ça. Trop tard pour tout. Elle aurait voulu s'enfoncer la tête dans l'oreiller, pourquoi pas hurler, pleurer un coup et dormir jusqu'au lendemain. Mais elle ne le pouvait pas.

Elle avait des invités.

Le manoir lui semblait bien vide ces derniers temps. Calum avait prolongé son voyage d'affaires dans elle ne savait plus quel pays exotique pour des raisons obscures. Elle avait cru comprendre les mots « ouragan » et « pouvoir de merde » avant que la lignée ne soit coupée, et plus de nouvelles depuis. Elle ne s'en faisait pas trop pour lui. S'il avait survécu à une apocalypse poche, ce n'était pas un peu de vent qui allait lui faire peur. À moins qu'elle n'essaie de se convaincre qu'elle n'avait pas encore perdu quelqu'un. Sasha lui manquait parfois. Souvent. Mais il fallait faire sans. Comme il fallait faire sans tout ce qu'ils avaient déjà perdu. Tout ce qu'ils perdraient encore. Quand son sourire avait-il perdu tant d'éclat ?

Mais bref. La musicienne devenait amère, et elle n'aimait pas ça – ni ne l'était : ce n'était pas dans sa nature, et elle espérait très sincèrement que ça ne le serait jamais. Et le meilleur moyen pour y pallier était encore de rester active. De carburer. Et c'était exactement ce qu'elle faisait en plaçant Hans dans ses nouveaux quartiers. Oh, il serait bien traité : l'endroit n'avait pas été prévu ou pensé pour être une prison, jusque dans ses sous-sols où elle l'avait installé. Mais il n'en était pas moins son prisonnier. La question épineuse du moyen de le garder sous contrôle ne s'était pas posée. Le Quincy n'avait même pas cherché à lutter. Il avait perdu tous ses pouvoirs dans l'explosion et avec eux toute volonté. L'interrogatoire en serait d'autant facilité... Si d'ici là il ne se mettait pas à baver.

Désolée de vous avoir fait attendre.

Remontant des profondeurs de l'institut, Melody se dirigea vers le salon principal (« un par étage, c'est un minimum ! », dixit l'irlandais qui avait co-financé le projet) où l'attendaient ses amis. Ses frères d'armes. Si elle s'était attendue à ce qu'on trouve un jour une telle expression dans sa bouche, ou ne fût-ce que dans sa tête... Passer de chanteuse à la mode à général de corps d'armée, ce n'était pas tous les jours. Elle aurait presque songé à en faire une autobiographie si la publier n'avait pas été synonyme d'internement psychiatrique... Contrairement à ce qu'elle avait pu supposer, sa mine n'était pas si épouvantable que ça, à en croire les miroirs du couloir. Si Klaus était déjà venu, c'était la première fois qu'elle accueillait Liz et Thomas en sa demeure.

J'aurais aimé vous recevoir en d'autres circonstances... Mais bon, on fait avec ce qu'on a. Comment va-t-il ?

Ce dernier était en effet encore assez mal en point des suites du combat les ayant opposés au nouveau pensionnaire de l'institut. Si elle avait elle-même veillé à soulager ses blessures de sorte qu'ils puissent le transporter, elle s'attendait à devoir finir le travail. Aussi avait-elle gardé tout ce temps sa guitare en bandoulière – même en présence de personnes de confiance, elle n'aimait pas la laisser loin d'elle. Ses yeux errèrent sur la scène sans trouver sur quoi s'arrêter, sans croire à tout ce confort qu'elle avait fini par regagner. C'était terminé. Une fois encore, ils s'en étaient sortis... Mais à quel prix ? Et encore ; ils étaient parvenus à réduire un tant soit peu les dégâts. Qu'est-ce que ça aurait été sans ça ? Elle tourna la tête vers les escaliers.

Avec tout ça, j'ai failli oublier... J'ai quelqu'un à vous présenter. Alice ! Viens dire bonjour !

Il ne fallut qu'une poignée de secondes à l'intéressée pour débouler. Nul besoin d'être un expert pour reconnaître dans son approche un déplacement rapide – en l'occurrence un Sonido. Une nuance qu'un novice comme Klaus n'arriverait certainement pas à discerner, mais la popstar ne doutait pas que Liz se montre plus perspicace à ce sujet... Ainsi, tous purent voir une masse indistincte de cheveux blonds lui foncer droit dessus, sans l'ombre d'une retenue. Si elle réussit à la rattraper au vol (cette façon de faire était hélas en passe de devenir une manie), la britannique n'en eut pas moins le souffle coupé. L'enfant n'avait pas encore la présence d'esprit d'éviter de la percuter tête la première... Agrippée à elle comme si sa - deuxième - vie en dépendait, elle s'exclama avec candeur et joie :

Maman ! Tu es rentrée !

La vedette leva sur eux un regard gêné.

Euh... C'est pas ce que vous croyez.

Apparence d'Alice (PNJ Arrancar):