Lili s’ennuyait. Assise au cœur de la pièce, elle venait de déballer son énième bonbon, la tête penchée à l’arrière et les yeux rivés sur le plafond. Couchée sur sa chaise en bois de la manière la plus tordue qui soit, elle balançait ses jambes de haut en bas, sans s’inquiéter qu’on puisse y voir, sous sa jupette blanche, la trace d’une lingerie fine. Peu importe, si quelqu’un devait pénétrer l’endroit, elle aurait tout le temps nécessaire pour retrouver sa posture de reine, bien avant qu’un pervers n’ait le temps de reluquer ses sous-vêtements. Elle était seule depuis un long moment à réfléchir sur différents aspects de sa vie, maintenant que celle-ci venait d’être chamboulée à jamais. Elle se devait de trouver de nouveaux objectifs, à commencer avant tout par recruter un ami fidèle qui la suivrait comme un petit chien docile. Elle avait toujours aimé les animaux. Lorsqu’elle avait appris que les Espada avaient leur troupeau, prêts à servir le maître, elle en voulait de semblables. Tout ce qu’elle avait croisé dans son quartier, c’était de stupides créatures qui n’étaient pas foutues de créer un Bala. Hors de question qu’elle traite ces choses comme ses amis. La Quinta voulait quelqu’un de mieux qualifier. Ainsi était choisi son tout premier objectif.

À la suite de cela, accompagnée ou non, Lili allait répandre sa bonne nouvelle sur Terre, notamment en traversant l’autre dimension pour se faire connaitre de tous. Le Rey n’ayant pas besoin de ses services, elle avait donc le loisir de se promener où bon lui semblait, tant qu’elle restait attentive à ses messages. Il lui fallait donc trouver des victimes à terroriser. Ces humains étaient beaucoup trop faciles, alors elle préférait prendre dans sa mire des Shinigamis. À la seule pensée de faire frémir les plus grosses pointures de la Soul Society, l’ombre d’un sourire cruel vint se dessiner sur son faciès pourtant faussement angélique. Ce sera plaisant à coup sûr. Ils allaient entendre parler d’elle!

Ennuyée par ce manque d’activités, l’Espada se releva dans un élan bien calculé, puis, extirpant le bonbon baveux de sa bouche le temps d’en savourer toutes les calories, observa les larges portes en face d’elle qui menaient vers les couloirs. Même si elle avait déjà vécu à Las Noches, l’époque se faisait loin et les changements, nombreux. Une petite marche de santé lui permettrait de déambuler dans ce dédale sombre et d’en mémoriser le moindre recoin. Presqu’en gambadant, elle fourra de nouveau la sucette dans sa bouche et partit à la conquête du nouveau, s’aventurant dans l’une des nombreux avenues que lui offrait l’immense palais. Sans savoir vraiment où elle se dirigeait, son regard ne cessait de balayer l’environnement à chaque détour qu’elle prenait; qui sait, peut-être découvrirait-elle des gens sympathiques dans le coin. Contrairement à ses confrères et consœurs, elle n’avait pas besoin de se parer de la plus diabolique expression, mêlée à la plus sanguinaire des grimaces, jointes de quelques paroles acerbes, pour terroriser les gens. Elle n’avait pas peur, d’ailleurs, d’afficher un sourire à chacune des venues. En fait, son répertoire d’expression ne se résumait pas à « froideur ». Elle en avait une panoplie.

Plongée dans ses pensées, ses petites jambes la menèrent sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte à son point de départ. Du moins, c’était ce qu’elle crut, jusqu’à ce qu’elle remarque que les portes n’étaient pas similaires aux siennes. Ainsi donc, elle les poussa sans grands efforts, découvrant une salle finalement bien différente de ses quartiers. Sa curiosité étant vite fait piquée par le luxe de l’endroit, elle s’invita à y entrer et à reluquer les décorations qui jonchaient le sol ici et là. C’était effectivement de la belle déco, bien qu’elle ne fût pas une experte en matière abstraite. Bien sûr, Lili ne savait pas qu’elle venait de mettre les pieds chez le Cuarta, ou du moins, dans une des ailes lui appartenant. Elle n’était pas non plus le genre à s’excuser pour cette entrée tapageuse. En se retournant, son fin sens de l’observation tomba sur la meurtrière, qui permettait à l’air de se faufiler dans la salle pour en rafraichir l’atmosphère. La jalousie eut tôt fait de l’emporter. De quelle importance était donc cette personne pour avoir le droit à meilleurs quartiers qu’elle? « Tsk. C’est pas grave, après les réno’, la mienne sera beaucoup plus belle. » Ravalant sa convoitise, elle traversa la pièce, rouvrit les portes pour sortir de cet endroit, et tomba nez-à-nez avec un individu…

Depuis que son Espada, son ami mais également son maitre, était parti, la rouquine passait presque tout son temps dans le désert de sable blanc, la forteresse du roi ne lui offrant que peu de divertissement. En fait, elle ne lui avait offert rien de plus qu'un point d'accroche avec le Scorpion qu'elle n'avait servit que pour une trop courte période. Les somptueux appartements de la Cuarta semblaient bien vides en son absence, déjà qu'elle s'ennuyait quand il était là mais maintenant qu'elle y résidait seule avec quelques autres serviteurs, c'était encore pire.

A propos des autres Hollows qui désormais étaient sous ses ordres directs, et bien leur compagnie n'était pas des plus plaisantes. Ils s'agissaient pour la plupart de monstres informes dont la seule vue débecquetait Zora et lui donnait des envies brutales qu'elle ne se gênait pas pour assouvir de temps en temps. Après tout, elle disposait de leurs vies comme bon lui semblait, quitte à repeindre les murs d'une fine pulpe sanglante. Même si elle n'était pas Espada, elle jouissait dans ses quartiers d'une autorité certaine dont elle en abusait allégrement. Elle ne faisait pas vraiment ça par plaisir, mais plutôt par habitude, des vestiges de son ancienne vie de noble subsistants au plus profond de son subconscient, qui lui assuraient de dominer toutes ses larves. Autrefois, elle les aurait fait punir par un de ses plus fidèles laquais, qui avait été également son amant. Maintenant, elle avait la puissance de son côté et pouvait pleinement profitait du plaisir malsain de châtier et d'écraser les plus faibles de ses propres mains.

Pour le moment, la Marquesa rentrait d'une de ses nombreuses sessions de chasses. Celle-ci avait duré plusieurs jours et avait été particulièrement divertissante. Elle avait notamment affronté une troupe de Hollows particulièrement agressifs. Malheureusement pour eux ils auraient certainement pu accéder au stade supérieur de leur évolution s'ils ne s'étaient pas attaqués à la Pestilence. Elle c'était délecté de découper leurs chaires avec son arme enduite d'énergie semblable à celle des Ceros. Elle était une experte dans le maniement de sa fine rapière, aussi vive que puissante, elle tranchait et perçait sans état d'âme.

Elle atteignit enfin les portes de Las Noches, son teint blafard barbouillait de sang séché et ses magnifiques habits style victorien, recouvert de poussières. Elle remit ses talons qu'elle tenait à la main, ceux-ci n'étant que peu pratiques pour se mouvoir sur le sable et franchit l'arcade, se dirigeant vers ses appartements espérant secrètement y trouver le Scorpion.

Elle arriva à destination et sentit une forte pression spirituelle. Ce n'était pas son maitre. Elle sortit son arme et concentra l'énergie sombre au bout, prête à punir l'individu, quel qu’il soit. La porte s'ouvrit alors qu'elle s'apprêtait elle même à cette action et elle tomba sur une jeune femme blonde, un poil plus petite qu'elle et dont elle ignorait l'identité.Que faites-vous là? Ses appartements sont ceux de mon maitre et je doute que vous n'ayez été invité. Elle libéra elle même son Reiatsu, l'air s'emplit d'une lourdeur malsaine, porteur de maladie. L'inconnue, même si elle était puissante ne tarderait pas à avoir la nausée et des maux de têtes si la Pestilence décidait de continuer à laisser son pouvoir s'exprimait ainsi.

Un mot. « Son maître. » Lili ne prit guère de temps à conclure que la bestiole suicidaire qui se tenait courageusement face à elle n’était pas de l’Espada. L’élite n’avait comme maître que le Rey, dont elle aurait reconnu les appartements dès son premier pas. Elle mâchouillait nonchalamment la sucrerie coincée entre ses dents sans trouver l’utilité de s’identifier pour éviter que la situation s’envenime, préférant observer le microbe aux cheveux particulièrement attractifs de par sa couleur, qui faisait contraste avec la pâleur de son épiderme. Elle ne prit pas la peine de se dégager de l’entrée, ni d’expliquer sa venue en ces lieux. Pour le moment, toute son attention était rivée sur le curieux personnage qui la menaçait de son arme blanche. À qui donc appartenait ce larbin, c’était la question qui trottait continuellement dans l’esprit de Lili, alors que très lentement, une idée parallèle à ses interrogations germait dans le creux de sa tête, qu’elle préférait pour l’instant mettre de côté pour une plus ample réflexion. De toute manière, elle avait ressenti la puissance de l’énergie spirituelle libérée par précaution et elle n’était pas stupide non plus pour mésestimer les répercutions que cela pourrait engendrer.

L’Espada aurait pu tenter une escarmouche avec elle, mais l’idée qui persistait dans son esprit lui empêchait d’agir de manière coutumière. Elle dévora donc l’infime distance qui la séparait de son hôte en se penchant par-devant, prenant soin de repousser d’un geste délicat la lame sur le côté pour éviter tout dommage collatéral, puis tendit sa dextre vers son bonbon pour l’extirper de sa bouche, alors que son visage n’était séparé que par quelques centimètres de celui de l’Arrancar. Dans ce geste, impossible pour la Fraccion de manquer le numéro gravé en encre indélébile dans la chair du dessus de sa main, aussi pourrait-elle comprendre qu’elle ne faisait pas le poids contre Lili et qu’il ferait mieux de conserver une docilité semblable à celle qu’elle devait témoigner à son prétendu maître. Avant de se redresser, un sourire plus qu’amusé se dessina sur ses lèvres, mimique dont l’ombre continua de flotter, même après s’être éloignée de quelques pas. Elle devait avoir compris les conséquences que son audace aurait pu avoir si Lili avait décidé d’agir autrement.

— Maître? À qui doit-on ce titre?

Une question qui n’allait pas tarder à avoir sa réponse. Elle était piquée d'une certaine curiosité à connaître le chiffre de son supérieur, elle qui n'avait rencontré à ce jour qu'un seul de ses semblables, soit l'un des plus puissants du Rey. Sans attendre une réponse immédiatement et ne pouvant tenir plus longtemps en ce lieu précis, elle se promena dans les environs, observant les ornements des murs sans trop s’éloigner du champ de la Fraccion. Sa main n’avait pas lâché sa sucette qui avait retraversé la barrière de ses lèvres. Elle s’amusait par le fait même à la frapper contre sa dentition, provoquant un son agaçant. Après une rapide tournée, elle revint tranquillement vers son interlocutrice. D’un ton cinglant, sans mesurer la portée de ses mots, elle laissa filer un commentaire désagréable;

— Ce maître ne doit pas être bien diligent à laisser ses chiennes se promener sans surveillance.

Puis revint se poster au même endroit, en face d’elle, tout en la dardant d’un regard sournois, plus qu’amusée à l’idée d’être peut-être témoin d’une réaction répréhensible à venir. Après tout, même si elle n’était pas son maître, elle demeurait bien supérieure à elle. Cela expliquait ce pourquoi elle ne ménageait pas ses paroles et la provoquait dans le but précis de la voir sortir de ses gonds.