Teippei n'était jamais allez à la cinquième division, refuge des archives de la soul society. Il voyait ça comme une grande bibliothèque avec tous les clichés que cela imposait : des secrétaires millénaires vous ordonnant de vous taire dès que vous faisiez le moindre bruit, des étagères remplies de bouquin poussiéreux et dans l'ensemble, un lieu que vous évitiez autant que possible. Peut-être un ou deux livres avec des ailes pour trouver directement ce que vous cherchiez ou un petit robot en forme d'armure médiévale. Mais peut-être confondait-il ça avec une autre division voire carrément un autre film.

-N’empêche que ça serait vachement sympa ! Vous imaginez des livres qui vole un peu partout comme ça ?

Le membre de la Yonbantai tentait d'expliquer à une collègue assise derrière un bureau ce qu'il fallait faire pour améliorer leurs divisions. Un simple devoir civique selon lui. Ce qui faisait qu'il ne comprenait pas l'étrange grimace de du shinigami, entre la peur et la colère. Après un temps, il baissa les bras, littéralement. Avec un long soupir, il se détourna de la jeune femme qui ne faisait décidément AUCUN EFFORT. Si une division refusait de s’améliorer, au final, ce n'était pas son souci....

À la base, le schizophrène était venu apporter son rapport ainsi que celui de sa toute nouvelle capitaine Kuragari Asuna. Bien sûr, pas folle la tarée en haori, elle lui avait juste confié une copie du vrai rapport envoyé directement au capitaine-commandant. Il faut dire que l’expédition sur terre avait des allures d’échecs pour beaucoup de soldats. Si un monolithe avait été brisé, les pertes avaient été très nombreuses, à commencer par la directrice de la sixième division. Tué par ses propres collègues. Là venait le cas du Midorima. Nombreux, trèèèèèèèèèèèèès nombreux avaient été ceux totalement submerger par la volonté d'autrui. Celle du Maho Tsukai Hyoma particulièrement. Il n'était pas à son coup d'essai et encore une fois, avait démontré tout son talent. Il en avait résulté des pulsions meurtrières chez de nombreux shinigamis qui avaient dès lors, pas hésiter à frapper leurs alliés.

Le blondinet lui-même avait attaqué Asuna, ce qui rendait bien maintenant qu'elle était passé du troisième siège au capitanat. D'un autre côté, vu la façon dont elle avait atteint ce poste... ce n'était pas comme si elle-même était sans reproche.

-Que celui qui n'a jamais péché me jette le premier kido hein ? Hein ?

Teippei eut beau faire un clin d’œil ravageur digne des plus grands acteurs hollywoodien, accoudé sur la moitié supérieure du bureau, la secrétaire ne semblait décider à ne pas partager ses idées. Au minimum à le comprendre. Il la sonda une dernière fois du regard avant d'abandonner toute tentative d’éducation de la jeune femme. Heureusement, elle finit par bégayer quelque chose après avoir reçu un petit papier d'un énième shinigami de la cinquième division.

-Ho ? Le capitaine carrément ?

Une lumière venait de s'allumer dans l'âme du shinigami. Ce n'était ni plus ni moins que le directeur des archives à qui il allait donner ses dossiers. Ce qui expliquait d'ailleurs pourquoi on l'avait fait attendre si longtemps. On ne pouvait pas venir voir le chef comme ça. Enfin d'habitude. Suivant le doigt tendu de la secrétaire, le schizophrène entra directement dans le bureau, ne prenant même pas la peine de frapper.


-Bonjour !

Sans plus attendre, le blondinet vint réquisitionner une chaise de libre pour s’asseoir en face du bureau du Gobantai Fukutaisho. Affichant un grand sourire, il posa son barda en plein milieu, juste avant de libérer un flot de paroles ininterrompues pendant de longues minutes.

-Voici la copie de la mission sur terre mené par ma division, tout ça, tout ça. Dites, vous, vous n'avez pas eu votre poste en tuant votre prédécesseur vous n'est-ce pas . Non parce qu'en fait. Pendant la mission, j'étais sous le commandement du troisième siège Asuna. Enfin « commandement », c'est beaucoup dire vu la débâcle sur place mais passons. Le leader de ma division était, à ce moment, le capitaine Kotetsu. À peine rentré, à peine soigné, voilà que Miss Glauque va défier ma gentille directrice et la vide de son sang en pleine court de la Yonbantai. Bon, vider de son sang, j'exagère. Mais elle l'a quand même exécuté sur place, dans la neige devant deux cents personnes de notre division. Elle est loin l'image de la gentille quatrième division maintenant !

Le Midorima éclata d'un grand rire à la fin de sa tirade, preuve qu'il ne mesurait pas réellement les conséquences et la gravité de l'acte qu'il venait de raconter. Rares étaient les capitaines éliminant leur prédécesseur, encore moins à la quatrième division, censé être le plus paisible, la plus douce, celle favorisant la vie et combattant la mort !
C'est pourtant avec ce même visage enjoué, que le médecin dévisagea l'homme en face de lui.

-Sinon, ça va ?

En cette fin de matinée, la pièce est éclairée mais il y règne une atmosphère pesante. Isolé dans son bureau, Leon épluche les informations qui foisonnent dans la Division des archives. Fixant d'un regard prédateur les articles qu'on lui remet en main, ses shinigamis s'enchaînant les uns après les autres pour lui remettre le fruit de leur collecte, il se sent envahi par un flux continu de papiers. Il doit trier, classer, triturer, revisiter tout ce qu'on lui présente. Il a déjà recontacté trois sièges pour des incohérences qu'il a relevé. Ce travail est épuisant. Il requiert une concentration de fer. Les mots défilent devant ses iris jaunes et il ne peut que survoler les lignes. Ces évènements à Karakura bouleversent les archivistes qui doivent, dans les plus brefs délais, récapituler toute cette pagaille. Leon supervise l'ensemble des travaux de sa Division en classant ce qui est valide et ce qui ne l'est pas. Les visages foisonnent dans son bureau, tous désirant se distinguer pour faire bonne figure devant leur grand patron, qui lui-même se navre de constater que beaucoup ne recherchent que la promotion.

Il relâche son attention un bref instant pour porter à ses lèvres sa tasse de café. Cette invention humaine est prodigieuse, non pas seulement pour le goût et l'effet excitant, mais aussi pour son aura apaisante. Paradoxalement à ses effets, Leon voit ce liquide noirâtre comme un agent déstressant. Il y voit aussi, dans sa minute perdue, le reflet de son âme : elle est brûlante et ténébreuse. Leon est l'incarnation de la revanche, de la frustration. Son passé tumultueux le hante constamment ; il se revoit consumé par ses propres flammes, le jour de sa déchéance. Il revisite ses longues décennies de captivité, seul, dans l'ombre du monde, rongé par le ressentiment. Il n'oublie pas que s'il est là, c'est pour retenter sa chance, raviver le flambeau de ses idéaux, par l'extermination parfaite de tout ce qui parasite le vivant et le mort. Encore faut-il, pour y parvenir, acquérir plus de pouvoir. La patience est, à ce titre, sa meilleure arme.

Soudain, la porte s'ouvre en fracas. Leon, déstabilisé, renverse sa tasse sur ses papiers. Il se dégage immédiatement de sa chaise pour prendre un chiffon et essuyer le fruit de cet incident. Tandis qu'il s'efforce de sauver les écrits qu'il a consulté, son visiteur s'installe à son aise sur la chaise destinée à l'accueillir et étale sans gêne sa logorrhée. Le Capitaine, dans l'urgence, parvient tout de même à enregistrer son discours. Il arrête le nettoyage quand il entend la nouvelle : le troisième siège Asuna vient de saigner Kotetsu pour lui prendre sa place. Chose dont le Capitaine de la Vème n'était pas au courant. C'est qu'à rester dans son bureau, on n'est pas toujours au courant de ce qui se passe en dehors. Il observe son invité qui s'esclaffe en racontant cet acte ô combien tragique. Il reste interdit, les yeux écarquillés, le corps figé.

>> Le Capitaine... Kotetsu ? Par un troisième siège ?

Teippei est souriant, comme insensible à ce drame. Une telle indifférence inquiète sérieusement le Capitaine de la Vème qui voit dans cette conduite la manifestation d'une conduite puérile, irrespectueuse à l'égard du défunt. Ce garçon est vraisemblablement atteint d'un désordre psychologique. Est-ce dans sa nature ou est-il bouleversé ? Difficile pour l'archiviste de le déterminer. Il aurait presque envie sur le coup de relâcher Gehenne sur lui et de laisser les flammes le dévorer, mais cela va à l'encontre de la réputation qu'il entretient. Afin de respecter sa notoriété, il prend donc un ton diplomatique.

>> Auriez-vous la courtoisie de vous présenter Monsieur ? Et puis-je savoir ce qui vous fait sourire en racontant ce drame ?

Leon observe le shinigami de la IVème sans colère, tentant de garder un air sympathique. Il se saisit de la feuille souillée par le café et la place sur la pile des documents à revoir, avant de se rasseoir lentement, posant les yeux sur le rapport de son invité.

Apparemment, la forme du capitaine ne nécessitait pas de réponse. Teippei tiqua légèrement mais son esprit sauta bien vite à d'autres sujets. Comme la tache de café sur certains dossiers. Tout de suite, la possibilité du pourquoi du comment. Quand ? Par qui ? Est-ce que le café était bon ? Et plein d'autres questions lui passèrent par la tête. Il se trouva que l'homme avec l'haori se rentra dans la danse et le questionna à son tour, rendant le Midorima muet, submergé par tant de voix, réelles et imaginaires parlant à la fois.

-Midorima Teippei, membre de la quatrième division. Il se trouve qu'avant j'étais le cinquième siège de la Yonbantai mais mon capitaine était jaloux de mon sens artistique et la décoration de ses jardins zen ne lui ont pas plus.

Comme souvent avec le schizophrène, la vérité était bien différente de ce qu'il pensait ou au moins racontait. Dans le même temps, il n'était pas tant dans le faux que cela. Il était vrai qu'il avait refait le jardin zen de Tenzen, il était vrai que le résultat n'était visiblement pas au goût du directeur de la justice. Il n'était probablement pas jaloux d'un malade mental par contre...
Un coude sur le dossier de la chaise, nonchalamment installé, le jeune posa sa cheville gauche sur son genou droit, croisant les jambes dans l’exécution. Son esprit l’empêchait de saisir la différence d'expression entre lui et le capitaine. Encore moins l’apparence rigide et stricte qui semblait transpirer de chaque objet dans la pièce. Bien loin de ce qu'il exsudait.

-Ho, vous savez, c'est juste qu'on considère souvent la Yonbantai comme une division de looser. Les inutiles qui ne savent pas se battre et tutti quanti. Mais ils ne connaissent pas la vérité hi! hi !

Un sourire torve vint se placer sur les lèvres du shinigami. Amusé par un rien, il appréciait particulièrement de surprendre les gens en révélant la vérité caché derrière la brume du monde. Voir sa nouvelle capitaine exécutée l'ancienne possédait un goût des plus appréciables. Peu de gens ne l'auraient pas vu venir, lui y comprit. Il s'en régalait d'autant plus. Bien sûr, il regrettait la mort d'Isane. Elle avait été une très bonne capitaine, douce et compétente. Peu l'auraient recueilli après son pétage de plomb à la neuvième division. Pour ceci, il lui serait toujours redevable. Seulement...seulement... une nouvelle ère commençait à la quatre. Un jour nouveau et il était assez conscient de la situation pour en retirer tout le plaisir à témoigner de ce moment historique.

-N'est-ce pas intéressant ? Hi ! Un soleil carmin vint de danser dans le ciel. Cela annonce autant de désastre que d’événement sensationnel...

Les yeux du schizophrène brillèrent d'une intensité malade. Folle. Rien que d'en parler, il sentait son cœur battre plus vite. Sa curiosité demandé plus d'exploits. D'action épique. Le coût en vie, en bienséance ou tout autres conséquences ne l’intéressait pas. Pire, il n'y pensait même pas, ne pouvant comprendre de telle cause à effet avec son esprit brisé.

Un sourire se dessine sur le visage de l'archiviste, jouant le masque de l'hospitalité. Le discours de ce Teippei est sans queue ni tête mais on peut y déceler une trace de cohérence ; le Capitaine, sous un air cordial, décortique les propos du shinigami qui lui fait face pour tenter d'établir un diagnostic. Si cet énergumène exerce la même profession que les autres, c'est qu'il est, quelque part, aussi compétent. Ainsi a-t-il réussi, en théorie, l'examen psychologique. En conclusion, Leon est convaincu que son interlocuteur n'est pas aussi con qu'il en a l'air.

Ignorant les envolées lyriques du membre de la Quatrième, il retient de celui-ci les termes les plus frappant. "Ils ne connaissent pas la vérité", l'annonce d'un "désastre". Leon, qui dans un premier temps voulait renvoyer le pitre et exiger un suivi psychiatrique par une lettre recommandée, s'intéresse de plus près à ce personnage. A fortiori, il ne possède aucune inhibition, et semble cacher quelque chose. Quelque chose que le Capitaine tient à mettre en lumière. Car si ce quelque chose est de mauvais augure pour l'intégrité du Gotei, il est primordial que l'archiviste soit le premier au courant de ce qui se trame dans l'ombre de tous, afin de prévenir les dégâts ou, pourquoi pas, en profiter.

>> Pouvez-vous développer, cher camarade, cette vérité que les gens ne connaissent pas ? Quels sont les présages dont vous parlez ?

Le dialogue est simple, sans tension. Leon espère que derrière les évasions du visiteur, il puisse tout de même tirer quelque chose de concret afin de contribuer à ses intérêts. Il croise les mains en guise d'écoute, prêt à traiter les informations peut-être précieuses de ce Teippei.

Le Midorima effectua un grand sourire, se penchant vers le capitaine. Ses yeux pétillaient d'envie, de jeux et d'une joie probablement mal placée. Ajouté à son regard fou quelques secondes plus tôt, c'était un beau chaudron d’émotion bien différente, une mixture qui n'attendait qu'une chose : exploser... Son index vint se poser sur ses lèvres en guise de réponse muette à l'homme derrière son bureau. Après quelques secondes, il ne tint pourtant plus et reprit la parole.

-Mais si je vous le dis, ce n'est plus marrant hihihi. Mais je suis d'humeur gentille et puis vous êtes capitaine tout ça, tout ça.

Le jeune homme reprit sa position initiale sur la chaise, son dos bien calé contre le dossier. Il avait eu beau dire qu'il ne voulait pas en parler, le fait était qu'il était heureux de la prise de pouvoir d'Asuna à la Yonbantai. Probablement qu'elle le jetterait à la moindre incartade, voire même avant. Dès qu'il justifierait de remplir la paperasse grosso modo. Pour autant, l'espoir de voir ses méthodes déboulées et changer tous les concepts gentillets, naïf même, de la quatrième division lui faisait oublier l'épée de Damoclès au-dessus de sa tête.

-Voyez-vous, dans la noblesse et encore plus dans la petite noblesse, on aime les complots, les médisances et cetera. Voilà longtemps que ma chaleureuse famille a laissé tomber l'idée de m'impliquer dans ses stratagèmes. Ça tourne pas très rond chez moi...

Le shinigami ne put s’empêcher d’éclater de rire alors qu'il faisait tourner son index libre près de sa tempe en un signe bien connu. Après tout, le fou ne se croit jamais fou. Pour lui, entendre des voix, voir des choses et même être paranoïaque un lundi après midi était tout ce qu'il y avait de plus normal. Discourir sur sa famille et leurs jugements sur tout et n'importe quoi, les notions de grandeur, influence et pouvoir le rendaient tout simplement hilare. Il leur préférait de loin ses petites voix.

-... Et donc, de temps en temps, ce côté un peu sadique fait que j'aime voir les choses s'effondrer. Ou peut-être est-ce à cause de mes symptômes? J'aime beaucoup le chaos. La vie est beaucoup plus fun quand ça bouge non?

Tout en parlant, donnant des expliquant et des réponses à des questions que Leon n'avait pas du tout posées, le Midorima refusait de donner les justifications réelles. Tout du moins, quels étaient ces présages, ce « soleil carmin dansant dans le ciel ». Le pire était qu'il ne faisait même pas exprès. Suivant les voix dans sa tête, il estimait ses raisonnements logiques et pour lui, il répondait bel et bien aux demandes du seigneur des lieux.

-La vérité c'est qu'Asuna est vilaine. Ouh qu'elle est vilaine. Non mais sérieux, tuer sa capitaine, qui fait ça ? Bon vous allez me dire les gars de la onzième, ok. Mais ils sont connus pour être des Berzerk tout juste bon à compter des haricots non?

C'est que Teippei avait des rapports plutôt explosif avec la division du kempachi. S'il n'avait jamais rencontré ce dernier, la rivalité entre celle-ci et la kyuubantai s'était finalement bien imprimé dans son esprit malade. De fait, il ne manquait pas une occasion de titiller les membres. Que faisait Karot ces jours-ci ? On n'en entendait plus parler. Était-il mort? Cela n'aurait pas été étonnant. Peut-être avait-il finit par céder à ses pulsions et tenter de violer sa génitrice. Peut-être était-il en taule dorénavant.

-Je disais donc, à part ces barbares sans classe que sont ceux de la Juichibantai, qui fait ça? J'vous parle même pas de ses mémos sur la crémation des morts tout ça. Faut la surveiller cette fille, ses dents rayent le parquet. Peut-être même qu'elle est passé sous le bureau... oups j'en ai trop dit !

Mimant la surprise voir la gêne, Teippei était en réalité très content de ses révélations. Si le chaos pouvait être physique, il pouvait aussi se faire par des petites rumeurs par-ci, par-là. Après tout, n'était-ce pas ainsi que le capitaine Tojo avait pété un boulon, à force d'avoir été pris pour un pédophile? Finalement, le blondinet avait un penchant pour les médisances. S'en rendant compte, sa surprise feinte se métamorphosa en réelle surprise. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits, pas aidé par ses voix.

-Et sinon, vous êtes là depuis quand vous? Première fois que je vous vois. Vous êtes passé sous le bureau aussi? Vous avez tué votre prédécesseur?

Il fallait préciser que le poste de directeur de la cinquième division était peu enviable. Lui-même en avait déjà connu quatre depuis sa sortie de coma il y a de ça quatre ans. Entre le traître Kaito, la directrice de la division fêtes foraines Homura ou Isho le rétrograder qui n'avait pas tenu plus d'un an... il était loin le temps où l'aura du capitaine Aizen rendait cette division glorieuse et adorée.