L’odeur, métallique, forte. Une pestilence pour la plupart des êtres confrontés à cette scène. Pourtant, Hel humait le parfum qui nimbait la victime. Il s’agissait d’un amalgame de carne putréfiée et de sang séché. Elle ne s’en régalait pas; elle s’en empreignait, tout comme ses âtres ténébreux qui prenaient soin de soulever chaque détail du cadavre en décomposition. Échoué dans ce désert de quartz, il ne trainait avec lui ni histoire ni indice qui puisse expliquer cette fin à laquelle il fut condamné. On ne connaissait pas son passé, mais une chose se voulait certaine, c’est que son futur n’était plus que poussière, comme allait inévitablement devenir les dernières traces de son existence en ce bas monde. Quelle triste fin pour le trépassé qui n’aura marqué cet univers que de ses viscères, qui s’étalaient autour de sa viande, éparses. Subjuguée par ces détritus nauséabonds, la Vasto Lorde admirait ce morbide tableau tout en se privant d’y toucher. Loin d’en être dégoutée, déplacer les organes ou y cueillir ce qui avait de la valeur représentaient pour elle un grotesque manque de respect à l’endroit de cette sépulture. Il ne fallait pas altérer l’art de la nature par la marque de l’Homme; l’admirer sans y toucher, comme s’il s’agissait d’une œuvre dans un musée.

Si cette règle lui tenait bien à cœur, Hel l’avait pourtant enfreinte le jour d’avant, lorsqu’elle fut tiraillée par cette absurde idée d’extirper un minuscule os du corps de son défunt ami, qu’elle avait abandonné aux griffes de la Mort sans une once de scrupule. Avide de garder en mémoire cet homme qui a tant fait pour elle avant d’être prisonnier de sa folie, elle n’avait pu s’opposer à cette envie irrépressible de transformer une partie de lui en un discret pendentif qu’elle gardait précieusement au cou. Hormis cette légère incartade, elle vouait un culte pour la Mort, fascinée par ce phénomène mystérieux auquel nul ne pouvait s’échapper. Pas même elle.

« Je n’en suis pas l’auteure, prononça-t-elle d’avance à l’intention du quidam qu’elle avait flairé dans son dos. Et celui responsable de cet art doit être déjà loin, ce qui me parait bien dommage, car je lui aurais fait part de mon admiration pour son talent.
Hel ne jugea nécessaire de faire face au voyageur anonyme qu’après avoir partagé d’une tonalité indifférente ces quelques paroles. D’un flegme intarissable, la dame continua :
— À moins que ce ne soit vous, ce fameux artiste?
Un sourire discret ourla ses lippes, et sans donner suite à cette hypothèse qui, si elle s’avérait vraie, serait le fruit d’un incroyable hasard, l’Arrancar s’éloigna du cadavre pour instaurer une proximité plus confortable à une discussion.
— À qui dois-je cette rencontre inopinée? »