Le seigneur et l'empereur. [PV Borick]

Avais-je perdu toute notion de temps ? Ou étais-ce simplement la lassitude du quotidien qui me suivait telle une compagne importune dans la nuit du désert ? A vrai dire, je n'y réfléchissais plus tant que ça et la question fut éludée en à peine quelques secondes. Le temps n'avait plus d'emprise sur moi, alors pourquoi y songer. La mort elle-même me tournait le dos, refusant continuellement les défis que je pouvais lui proposer. Auparavant, celle-ci jouait volontiers avec moi, prenant les traits de l'engeance sans cœur cherchant à se tailler la part du lion. Notre petit jeu perdis en intensité au fil des millénaires. Las, la faucheuse me pointait aujourd'hui du doigt un piédestal que je ne pouvais que lorgner au loin de mes orbites sanglantes. Elle ne riait pas, elle ne se moquait point. Elle attendait simplement l'heure de mon trépas, de notre trépas à tous, en cherchant à trouver un moyen ludique de passer le temps sans doute. Consumer le pouvoir de la panthère se prétendant Roi, l'assimiler dans l'acier de ma lame. Une tâche bien ambitieuse en soi, j'en étais conscient.

Les bêtes empiétant malgré elles sur mon territoire ne constituaient pas vraiment une distraction suffisante pour elle. La mort ne se contentait pas de si peu. Pourtant, je le ressentais. Cela me frappa lorsque j'eus enfin la paix sur mon territoire aux confins du Monde Creux. Je perçu le regard en coin que me lança la faucheuse, comme un soubresaut, un regain d'intérêt. Aux abords de la crevasse délimitant le sud de mon royaume se massait un attroupement peu commun d'auras en tout genres. Serait-ce un semblant d'organisation ? L'instinct grégaire sans doute. Les sombres idiots... Mon sonar m'indiquait leur avancée. Un sourire carnassier se dessina derrière mon heaume. J'allais donc accueillir mes invités comme il se devait. Ainsi, au bout de quelques pas soniques, j'apparus devant eux.

Là, sur mon côté de falaise surplombant la profonde crevasse posant les limites de mon espace, j'observais leur avancée au loin, encore nuage informe derrière les dunes. Peu à peu, des silhouettes émergèrent de la poussière. Ils se rapprochaient à vive allure. Je restais impassible, tel le gardien austère des portes intangibles de mon royaume. A ma vue, la troupe sembla réduire son allure dans une cacophonie rageuse de cris et de râles plaintifs. J'exultais intérieurement en pensant à tout ces déchets qui rejoindraient bientôt le cheptel des âmes emprisonnées dans mon arme, alimentant ainsi mon pouvoir. Mon excitation grimpa d'un cran lorsque des menaces volèrent à mon encontre. Mes pupilles cherchèrent alors du regard l'origine de ces quolibets. Parmi la cinquantaine de monstres sous mes yeux, certains avaient visiblement atteint un stade assez évolué pour commander les autres. Voilà donc ce qui les unissaient. Adjuchas.

Ce conglomérat bestial anima le monstre en moi. Un rire sombre, d'abord sourd, puis montant crescendo, ronfla à leurs oreilles. Je jouissais de leur hésitation en attendant que l'un d'eux daigne bondir à ma rencontre. Je n'attendais que ça, mais rien ne vint. Une guerre froide s'instaura entre nous, ce qui nourrit mon agacement naissant. Même si une tension presque palpable comblait le gouffre nous séparant, la retenue peu coutumière de ces monstres était étrange. Alors, fatigué par leur petit manège, je leur déclama les mises en garde d'usage. Vu le quotient intellectuel de la masse, j'aurais tout aussi bien fait de parler à un mur, mais bon. Je m'avança au bord de la crevasse en portant la main à mon épée. L'aura noire que je dégageais s'éveilla et se rétracta aussitôt, comme éprise de vertige. Excédé, j'en força les effluves, courbant l'air sous cette soudaine pression.

Mes iris tournés vers le bas cherchèrent instinctivement ce qui pouvait déstabiliser à ce point mes éternelles captives. Des éclairs rougeoyants, d'abords myriade de petits points écarlates, craquèrent à l'unisson au fond de la gorge auparavant noyée dans la pénombre. Une gigantesque colonne d'énergie vermeille explosa sous mes pieds en remontant le gouffre dans un boucan de tout les diables, tout en y décrochant la rocaille instable. Cero. Astucieux, mais futile. Je réapparu en plein milieu de l'armée improvisée, indemne, lame au clair. Les plus abrutis du lot mirent quelques secondes à constater ma présence et n'esquissèrent donc aucun mouvement de recul. D'une ample parabole de mon no-dachi, j'en faucha trois avant d'en repousser un quatrième de la paume. Celui-ci vola en arrière en en emportant une demi-douzaine d'autres dans son sillage. Vif, je pris de la hauteur pour me retrouver au dessus de la faille.

En y regardant plus attentivement, je les vis. Comme un tapis de masque se mouvant de façon désordonné, les Menos Grande tentaient de s'accrocher aux paroies de ce qui deviendrait leur tombeau, pour tenter de m'attraper. De la piétaille, dommage qu'ils soient aussi stupide. De ma paume tendue vers eux, un rayon rouge tout aussi dévastateur que le précédent les souffla sans autre forme de procès. Voilà ce qui arrive lorsque l'on montre sa paire de deux face à un carré d'as... La boucherie qui s'en suivit ne m'arracha qu'une simple question. Qu'espéraient-ils en venant me provoquer sur mes terres ? Avec de tels moyens, pensaient-ils ne serait-ce que me blesser ?! Je me sentais insulté. Si eux ne parvenaient même pas à me mettre en difficulté, je comprenais pourquoi le Roi chaton avait réussi à se placer au dessus du lot aussi facilement...

Leurs rangs s'étaient éclaircis à vu d’œil et je m'échauffais à peine. Seul restait désormais un petit groupe d'évolués. Un bel assortiment d'animaux difformes et tous recouvert de leur plus belle ossature d’apparat. Je lisais la peur dans leur yeux, nimbée de défi. Eux-même se lorgnaient en me tournant autour, comme s'ils cherchaient à décider qui des sept se jetterait le premier sur moi. Qui mourrait le premier... Mais il n'en fut rien car ces êtres étaient au final bien plus organisés que je ne l'aurait pensé. Par deux fois ils me mirent sur la défensive sans pour autant me pousser dans mes retranchements. Leurs assauts précis n'avaient rien d'improvisé. En groupe, ils étaient fort, mais pas à ce point là. L'un d'eux tomba, la meute eut un frisson. Un autre le rejoignit, la meute fut ébranlée. Un troisième vit sa tête tranchée nette, la meute perdit tout espoir. Impérieux, je m’approchais lentement, prêt à leur donner le coup de grâce lorsque l'un d'eux pris la parole...

« Nous connaissons le sort que tu réserves aux vaincus pour en avoir déjà été les témoins par la passé. Oui, tu nous a épargné, il y a de cela des années... et tu l'as sans doute déjà oublié. Sous notre forme actuelle, nous pensions nous approprier ta force. Pure folie... »

Je m'arrêta devant eux. Non pas que son éloquence me subjugua, mais une sensation étrange, familière, m'étreignit en détournant mon attention vers les alentours proche. Je venais de percevoir une aura bien connue, une perturbation dont je pensais être à l’abri aussi loin de la citadelle. Je bandais mon sonar dans sa direction par besoin de précision. Le quatuor en face de moi ne semblait pas l'avoir ressenti. J'étais tout de même assez curieux de connaître la raison de ce plaidoyer. Cherchaient-ils à gagner du temps ? Pourquoi ? Rien de tout ça, car ce qui se produisit alors m'arracha à mon pesquisa. A mes pieds griffus furent jetés quatre morceaux d'os nimbés de sang noir, leur sang. Tous venaient de s'amputer d'une partie de leur être, ce que je savais être un signe clair de soumission. L'incapacité pure et simple de prétendre à une quelconque évolution. Des siècles auparavant, j'avais pensé à me mutiler de la sorte... et à me laisser mourir, las, sans but... Au final, le sort en a décidé autrement. L'adjuchas à l'allure reptilienne reprit de sa voix sifflante.

« Ceci montre notre allégeance... Nous ne connaissons pas tes motivations, mais si tu nous épargnes une fois de plus, nous te suivrons jusqu'à la mort. »

Comment en étais-je arrivé là ? Habituellement, ma lame n'offrait aucune pitié. La justice s'imposait à tout ceux osant me défier de la sorte. Eux, la chimère, venaient, semble-t-il, de se résigner à une vie de servitude sans pour autant être esclave de mon pouvoir. Ils venaient de choisir leur destinée. Je ne l'avais jamais vu sous cet angle mais, si parmi les milliers que j'oblitérais de la surface du désert, quelques-uns se résignaient à voir la vérité en face en abandonnant leur désir d'évolution, alors je me montrerai clément. S'ils me suivent, ils embrasseront ma cause. Ainsi, résorbant mon reiatsu à son minimum, je leur répondit calmement.

« Qu'il en soit donc ainsi... »

Un grognement sourd de la part de l'adjuchas félinoïde, les yeux rivés vers une dune sur le côté, attira mon attention pendant que j'étendais de nouveau mon pesquisa. Je me tourna, mes rétines couleur sang roulèrent pour accrocher l'ange blond, posté au sommet d'une dune, surplombant le charnier hollow tachant le sable d'une encre noirâtre sur une grande surface tout autour de moi. Mes sens ne m'avaient donc pas trompé. Borick, Empereur auto-proclamé et arraché de la citadelle... Je n'aurais su dire si sa présence ici, aussi loin de la forteresse, était de bonne augure. Même si l'accord tacite entre nous était encore d'actualité, une certaine stupéfaction m'étreignit. D'un geste de la main, je calmais la petite troupe devant moi. Puis, empoignant fermement mon épée, j'en focalisa l'aura sur les corps mutilés étendus ça et là. Tout en avançant doucement vers l'angélique, j'absorbais les âmes des vaincus. Du sang versé, de leur corps blessé, une multitude de filaments noires brumeux filèrent lentement en direction de mon no-dachi, ne laissant au désert que des coquilles vides.

Le quatuor adjuchas sur mes talons, je rengaina mon arme d'un ample mouvement du bras, toujours en se rapprochant de l'empereur. Les hollows derrière moi avaient chacun une caractéristique particulière. Le premier, serpent au moins deux fois plus imposant que moi, ondulait dans le sable. Le second, de sa démarche chaloupée, rappelait les grands félins. Le troisième, plus petit que les autres, agitait ses ailes en volant à la manière des guêpes. Le dernier enfin, me surplombant d'une tête, massif et l'air un peu lourdaud, ressemblait à un grand singe. Tous étaient recouvert d'une épaisse armure d'os, offert par leur évolution maintenant compromise. Encore assez loin de lui, ma voix porta jusqu'à ses oreilles, forte, grave, déformée par mon heaume.

« C'est un honneur de t'accueillir au confins du désert, Empereur. »

J'arrivais enfin à sa hauteur, suivit par les amputés qui ne montraient visiblement aucune gêne en sa présence. Pour avoir entre-aperçu la force de l'angélique au combat, je savais désormais que le jeu d'intrigue qu'il jouait à la forteresse n'était en réalité qu'une façade. Pour cela, Borick avait d'ors et déjà tout mon respect. Aussi, je n'aurais su dire s'il avait été mis au courant de ma convalescence à Las Noches suite à l'affrontement dans le Yermo. Les liens entre les soldats du chat monarque restaient encore obscures pour ma personne, mais j'espérais que Tibors ne lui avait pas fait part de ma faiblesse, qui m'était toujours aussi difficile à admettre. En ce lieu, à l'écart de tout, j'avais rétablis une certaine zone de confort, en attendant mon heure, et je comptais bien la conserver.

« J'ose espérer que ce ne sont pas les affaires de la citadelle qui t'amènent ici... »

Détendu au possible, comme si le simulacre de bataille s'étant déroulé récemment n'avait été en fait qu'une simple formalité, je restais à l'écoute, attentif aux nouvelles ainsi qu'à la raison qu'il invoquerait pour justifier sa présence aussi loin de son domaine.

La découverte du charnier ne fit même pas sourciller l'Empereur qui ne voyait là qu'une démonstration de plus de la bestialité de ces Hollows. Du haut de son promontoire, il avait une vision claire et parfaite de la scène et il ne lui était pas difficile d'en percevoir tous les rouages. Une bataille avait eu lieu. Courte. Sanglante. Alors qu'Alecto se rapprochait de lui, il lui adressa un sourire sincère. Il y avait longtemps que leur route ne s'était pas croisée. Même si dans le cas présent, la rencontre était volontaire. Un instant, il détailla les créatures qui suivaient le Vasto Lorde. A n'en point douter, elles étaient ses serviteurs. L'attitude, l'aura qui se dégageait d'eux, cette absence de peur face à un danger mortel. Autant d'éléments qui confirmaient son point de vue. Ces bêtes pensaient sans doute que leur maître saurait les protéger des dangers environnants. Une sorte d'alliance, en quelque sorte. Il était courant pour ces animaux de se regrouper en meute. N'était-on pas plus fort en groupe ? Ce qui accentuait plus encore l'amusement de l'Ange blond. Mais il n'était pas ici pour contempler des bêtes. La raison de sa présence dépassait même le cadre de ses qualifications au sein de Las Noches.

S'il y a une chose que Borick mettait en avant, c'était la parole donnée. Et le souvenir de leur dernière véritable discussion était encore dans la tête de l'Exequias. Savoir se rappeler à ceux qui avaient jurés de mettre leur lame à sa disposition était d'une nécessité absolue pour celui qui se voulait Empereur. Et maintenant que ses projets pouvaient avancer sans encombre, il ne se gênerait pas à ramener à lui ses alliés temporaires. La confiance n'était pas quelque chose qu'il donnait souvent. Mais Alecto avait su capter son attention. Mieux, il lui avait fourni une nouvelle carte susceptible de faire pencher la balance de son côté. Un atout précieux donc, qu'il ne désirait pas voir se perdre dans les confins du Yermo.

Doucement, prenant son temps, il remit en place certaines de ses mèches blondes qui lui tombaient sur le visage, veillant en permanence à laisser la partie de son masque brisée bien cachée derrière cette cascade blonde. Il répondit à son salut d'un signe de tête, abaissant légèrement celle-ci tout en portant la main vers son thorax. La politesse de cette créature l'avait toujours épatée. Mais sa condition de Vasto Lorde en faisait une créature autrement plus complexe et évolué que les autres animaux de son espèce. Plus que par le passé, Borick savait comme ces Nobles Hollows pouvaient se montrer fiers.

- L'honneur est partagé, Alecto. Rassure-toi : les affaires de Las Noches ne sont pas concernées par mon voyage. Disons que je m'inquiétais de ton sort... Je souhaitais seulement m'assurer que mes intérêts étaient préservés.

Il souriait alors même que ses propos restaient nébuleux. Sauf pour Alecto, il en était persuadé. Lors de leur entrevue passée, ils avaient passés un accord : la lame d'Alecto serait au service de l'Empereur et en échange, ce dernier lui ouvrirait les portes de Las Noches pour le laisser accomplir sa destinée. En bon Vasto Lorde libre qu'il était, il ne pouvait accepter la présence d'un Roi. D'un Roi au sang mêlé. Il ne lui jetait pas la pierre, bien qu'il ne partage pas ce point de vue. Seulement il avait besoin de cet esprit libre et pour cela, il était prêt à toutes les concessions. Ou peu s'en faut.

- Je constate que le Vagabond Solitaire s'est trouvé une horde. C'est une bonne chose : savoir s'entourer est primordial en ces temps de malheurs.

Il parlait autant à Alecto qu'à lui-même. Il était l'exemple le plus évident des bénéfices de ce genre d'entourages. Dans le dos du Vagabond, les Adjuchas commençaient à s'agiter. Était-ce de la nervosité ? Les créatures resteraient à leur place, il le savait. Mais toujours attentif à ce qui se passait autour de lui, les actions des Adjuchas n'échappaient pas à son attention. Borick n'était pas un idiot et savait que si loin du domaine des Arrancars, il risquait plus que n'importe où ailleurs de subir une attaque. Les fous et les simples d'esprits ne se rendaient compte de leur erreur que trop tard. Il restait toutefois maitre de lui et de ses émotions. L'assurance était sans doute ce qui le caractérisait le mieux.

- Marchons un peu, veux-tu ? Ce spectacle me soulève le cœur et je peine à me concentrer sur autre chose que ce cimetière.

Bien sûr, il exagérait. Il avait balayé la zone du bras comme pour montrer ce qui semblait lui aspirer tant de dégoût. Outre le fait de s'assurer que le Vagabond vivait encore, il désirait surtout s'assurer que sa haine des Arrancars était toujours aussi grande. Depuis la disparition de certains de ses alliés, El Emperador avait craint qu'il en soit de même d'Alecto.

Quelle amusante sollicitude. Si j'en était capable, j'en pleurerai presque. Le blondinet ne perdait pas le nord et je me doutais que ses pas ne l'avaient pas mené ici par hasard. De là à m'en considérer comme la raison principale, j'en restais plutôt dubitatif. Bien entendu, oublier notre première entrevue n'aurait pas été digne de moi. Même si je n'avais pas la verve de mon vis-à-vis, ni le pouvoir volé de ces arrachés, je gardais au moins mon honneur sauf. Une parole donnée ne pouvait ,et ne devait, en aucun cas être brisée, pas même par le temps. Les âmes prisonnières de mon pouvoir pouvaient en témoigner. Aussi éludais-je sa remarque concernant le quatuor adjuchas sur mes talons. Ces être m'avaient choisi au détriment de leur misérable vie. D'autre en feront de même, ici, dans cette étendue rocailleuse, loin du joug de la citadelle. J'en étais convaincu. Un horizon nouveau venait de s'ouvrir devant moi, embrassant sans délectation aucune l'idée de pouvoir faire face au Roi avec ma propre armée...

J'acquiesçais silencieusement, approuvant moi-même la décision que j'avais prise concernant les futur combats que je mènerai à l'avenir. Mes ennemis auraient désormais le choix. Mourir, ou me servir. Je changeais. Oui. Je me surprenais même à penser que je pourrai éventuellement faire preuve de clémence envers ceux que j'exècre. Je souriais derrière mon heaume, stupéfait par ma propre réflexion. Mes yeux scrutaient tous azimuts, calmement, comme un radar visuel surveillant les alentours proches. Ceux derrière mes épaules se posèrent sur le reptile, sans doute le chef de cette petite horde. Avant d'accéder à la requête de Borick, je leur montrai mon profile.

« La terre derrière vous est mon domaine. Allez vous y réfugier. Pansez vos plaies. Je vous rejoindrai plus tard. »

Je fus surpris de constater à quel point ces quatre bêtes répondaient déjà aussi docilement à mes ordres. En quelques secondes, ils avaient disparut, devenant silhouettes indistinctes au loin derrière l'empereur et moi. Là, ne relevant pas la remarque de mon interlocuteur concernant l'étendue de coquilles vides en contrebas, je lui emboîtais le pas, confiant. L'intérêt que me portait l'angélique était réciproque. Il avait été le premier à m'accueillir ainsi qu'à me préserver par la suite du sort réservé aux intrus dans la forteresse. Même si je peinais à l'admettre, lui et Tibors m'avaient été d'une aide inestimable jusqu'à présent. Toutefois, je restais lucide quant à mon objectif principal. Tous deux faisaient parti intégrante de l'armée du chaton monarque, et je n'aurai aucun remord à leur faire face le moment venu. Mais chaque chose en sont temps. Pour le moment, je me devais de connaître la raison qui avait poussé l'angélique à me retrouver ici. Ma voix humaine, altérée par mon casque d'os et tout simplement par ma condition de hollow, alla jusqu'à ses oreilles. Posé, je marchais toujours à son côté.

« Dis-moi Borick, tu n'es pas venu jusqu'ici simplement pour t'entretenir de mon état de santé. »

Au dos de ma main se balançant au rythme de mes pas, deux yeux aux reflets purpurins suivaient avec attention la marche de l'empereur. Mon ton aurait pu paraître jovial s'il n'était pas autant déformé par la résonance du casque que je portais malgré moi depuis tant de siècles. En y repensant, cela faisant longtemps que je n'avais pas atteint un tel degré de sérénité. La raison en était simple. J'avais retrouvé ma zone de confort, un vaste territoire purifié de ma main contre toute engeance. Pourtant, cela ne constituait qu'un grain de sable dans le désert. Une maigre avancée comparé à ce vers quoi j'aspirais à anéantir, mais ma détermination restait intacte. Au final, mes déconvenues et mes défaites n'avaient fait que me grandir. Le remord de renouer avec mes instincts s'avérait être toujours présent dans un coin de mon esprit. Cependant, je ne le retenais plus, et le montrais ouvertement, par mes actes. Je ne perdais pas pour autant le sentiment qui m'avait fait avancer jusqu'alors, mettre un terme à l'avidité de pouvoir toujours plus grande des puissants de ce monde. Quitte à emprunter le même chemin. Non, ma cause demeurait la seule « véritable » en ce monde. Après moi, tout ne deviendrait que paix...

Je m'étais perdu dans mes pensées, laissant peser un court silence. L'innocence intrigante de l'Empereur cachait autre chose qu'une simple visite de courtoisie. Je continua alors, visiblement à l'aise en sa compagnie. Du moins, c'est ce que je m’efforçais de lui faire croire.

« Parle sans détours. En quoi pourrais-je t'être utile ? »

Bien entendu, avec ces créatures, il était préférable d'aller droit au but sans tarder. Ils ne possédaient pas la patience des êtres plus évolués et El Emperador pouvait le concevoir. De toute façon, il n'avait pas non plus de temps à perdre. Il était temps de passer à l'étape supérieure de son projet et cela nécessitait la participation de plusieurs de ses pions. Même si Alecto n'avait qu'une parole, rien ne garantissait sa participation volontaire à ce qui allait suivre. Et l'Ange devait s'assurer qu'il ne changerait pas d'avis. Il faut dire que la situation de l'Exequias deviendrait plus que précaire si Grimmjow apprenait ses manigances. La tendresse qu'il portait aux êtres considérés comme des traîtres n'était pas très grande.

Le visage angélique de l'ancien Espada se fit plus sérieux. Il était temps de faire un bond en avant et cela passait par une prise de risque plus grande. Se tournant complétement vers le Marcheur, il fixa son attention sur son casque. Les multiples "yeux" pouvaient déstabiliser ceux qui croisaient cette silhouette particulière mais Borick n'était pas homme à être facilement intimidé. Pour autant, il prenait toujours ses précautions. Sait-on jamais, la folie faisait partie intégrante de ces bêtes après tout. Et Alecto lui-même avait démontré par le passé son attitude à faire de mauvais choix. Sa défiance des Arrancars était compréhensible mais sa méconnaissance de ce peuple hybride avait failli lui causer sa perte.

- Il est temps d'agir, Alecto. Et je vais avoir besoin de toi et de tes capacités pour mener à bien mon projet. Si cela fonctionne comme je l’entends, alors tes actes n'aideront pas seulement mes plans... Mais aussi les tiens.

Il voulait Grimmjow, cela n'était pas un secret. Et si les plans de Borick fonctionnaient, alors cela affaiblirait obligatoirement l'armée du Rey. Offrant sans doute une ou deux opportunités à cette créature pour arriver jusqu'à la Panthère. Mais n'allons pas trop vite en besogne. El Emperador savait que cela nécessitait de la prudence. Et obligatoirement, cela voulait aussi dire prendre son temps. Mais le temps, les êtres millénaires comme eux en possédaient à foison.

- Ce monde n'est pas pour moi. Tu l'auras compris, j'aspire à plus que ce territoire désolé. Mais pour parvenir à ce que je désire, il me faut neutraliser ceux qui se dresseront obligatoirement sur ma route. L'anticipation est le nerf de mon projet. Et si Grimmjow peut être un frein, il n'est pas mon principal problème. Les Shinigamis... Voilà ceux qui me posent un vrai problème.

Borick en était arrivé à la conclusion suivante : pour éviter d'avoir les Shinigamis sur le dos, il devait les occuper. Cela passait par un projet bien ficelé mais dont les étapes étaient toutes indispensables. Et en premier lieu, il devait capturer un haut gradé du Seireitei. Les bases de ses espoirs reposaient intégralement sur cette première étape. Les raisons qui le poussaient à cette capture restaient toutefois siennes et il ne divulguait jamais l'intégralité de ses projets.

- Je vais donc avoir besoin de capturer l'un d'eux pour l'interroger. Mais je ne peux pas encore agir seul... Je souhaite que tu participes à cette capture avec un autre de mes alliés. Mais cela signifie une chose. Tu vas devoir me suivre sur terre.

Et c'est là que le problème se pose. Alecto était une créature de ce monde. Sauvage, fier, arrogant. Des qualités qui pouvaient poser problème dans un monde autant surveillé que la Terre. Mais c'était aussi pour ces raisons qu'il avait besoin de ce Vasto Lorde. Une telle créature attirerait les Shinigamis comme la lumière attirait les insectes. Et Alecto était l'appât idéal pour son piège. Et selon lui, l'équipe parfaite ne pouvait être constituée que d'Alecto et d'Aleksi. Quant à Daestra, il avait un tout autre projet pour elle. Mais cela viendrait plus tard. Passant sa main dans ses cheveux, il reprit avec assurance.

- Sache que la proie que je souhaite capturer est autrement plus puissante que le Shinigami standard. Pour que cette mission soit une réussite, il me faut un représentant de leur élite. Les attirer n'est pas un problème et j'en fais mon affaire. Mais la capture reposera intégralement sur vous. Qu'en penses-tu ?

« Ce que j'en pense ? »

Forme massive, géant aux yeux de l'angélique qui semblait sonder mon heaume à la recherche d'un quelconque faciès, je ne lui offris que silence. Si ma connaissance précaire des hybrides du désert se limitait à quelques individus, des visages dont les noms m'évoquaient un curieux mélange de dégoût et de respect, celle en rapport avec la caste shinigami me laissait de marbre. A l'inverse de Borick, je ne considérais pas ces êtres en noir comme étant une gène pour ma personne ou mon entreprise. Une seule et unique fois avait-je eu l'occasion d'en observer un dans ce monde. Il n'y a pas si longtemps que ça d'ailleurs. Une âme d'une puissance diabolique, du genre à réveiller mes instincts de mort. Outre la rencontre, je m'étais nourri de son savoir et lui du mien. Capitaine Kirito Akihiko... Je taisais volontairement cette rencontre. Voilà donc le type d'objectif que l'immaculé blondinet s'était fixé pour le moment. Une capture en terrain ennemi. Rien que ça. Son ambition méritait un jugement, mais après tout, devais-je lui jeter la première pierre désormais ?

Le silence, encore, et je m'écarta de quelques pas, pensif. Je lui offrais mon dos, tranché par l'immense crinière d'argent effleurant le sable, et ces rubis, le lorgnant encore et toujours de leur reflet reptilien. J'émis un grave soupir, à mi-chemin entre l'envie et le désintérêt. Les aspirations de Borick pour le monde des hommes ne m'intéressaient guère. Ce qui m'intriguait, c'était de savoir que cet arraché avait vraiment l'air de savoir ce qu'il faisait. J'aurais presque pu affirmer que la confiance suait de tous ses pores. Communicative, elle l'était. En fait, la simple évocation du chaton monarque dans la conversation pesait déjà gros dans la balance et même si je ne parvenais pas à cerner ses véritables intentions dans ses propos, l'idée de le suivre sur terre, de contribuer à faire grincer les dents du Roi... Me séduisait.

Mes lèvres fermées, couvertes par mon casque d'os, firent barrière à un rire grave, sans équivoque, résonnant de malice. Revoir encore une fois la terre et ses humains, fourmis insignifiantes à mes yeux, me ferait un bien fou. Dans leur monde, la lutte pour le pouvoir, les guerres, tout ceci n'était qu'un grain de poussière comparé à ce qui pouvait se passer dans les mondes spirituels. S'il n'était question d'une descente armée chez les hommes, j'aurais pu prendre ce voyage pour une sorte de cure de désintoxication. A la pensée de leur vie éphémère, de cette infime marque que certains désiraient laisser dans l'histoire, de leur train-train quotidien... Tout ceci m'inspirait une quiétude indescriptible. S'il leur était donné l'opportunité d'entrevoir l'épée de Damocles retenue aux portes de leur monde, ce serait la panique, l'incompréhension la plus totale, un message divin pour les uns, démoniaque pour d'autres. Oui, nous serions sans doutes des dieux, des démons capable de les plier à leur volonté d'un simple regard...

Sans réellement pouvoir afficher ma satisfaction à mon vis-à-vis, je lui tins simplement ces mots, de trois-quart.

« Laisser le sable pour la terre ne me dérange en aucune façon. Et puis... Capturer un « capitaine » dis-tu ?! »

Je ne pouvais plus cacher mon excitation, allant jusqu'à se ressentir dans la moindre fluctuation de mon aura pourtant presque en sommeil. Je me retourna finalement face à mon invité, mangeant lentement la distance qui nous séparait l'un de l'autre. Tout en marchant, je continua, agrémentant mes mots de frasques gestuelles peu communes, reflets de mon impatience grandissante.

« Ici, comme tu as pu le constater, seule la piétaille daigne se briser sur la frontière de mon territoire. Eux ne valent rien, mais là... Tu me demandes d'honorer la parole donnée en m'offrant l'opportunité de me mesurer au sommet de l'échelle shinigami ?! Nul besoin d'en déclarer davantage Borick et peu importe l'escorte... »

Je me tenais maintenant à sa hauteur, imposant d'envie, presque d'ivresse.

« Dis-moi simplement... Quand partons nous ? »

Cette dernière question, je n'avais pu le formuler autrement que par un râle, rauque et bestial. J'avais l'impression de revenir des siècles en arrière, au sein de la meute, insouciante, colérique, hargneuse, horde faussement désordonnée en perpétuel mouvement. Je frémissais d'un plaisir insoupçonné, difficile à refréner. Mes pupille s’étrécirent en une ellipse féline. Un rire semblable au précédent naquit dans mon heaume, résonnant de vice, comme si une douce folie venait d'alimenter le feu de mon esprit. Je n'osais me méfier d'un éventuel piège tendu en amont car je ne pouvais concevoir le fait que le blondinet puisse briser sa parole. Et puis peu importait ! J'allais fouler le sol humain, démon au masque d'os, écho du chaos. Finalement, je me ressaisis... A peine... Laissant ainsi le soin à l'angélique de me donner sa réponse.

Alecto avait fait le dernier pas pour enfin franchir cette frontière invisible qui faisait qu'une créature appartenait à ses projets. Et il en était heureux. A la question du "quand", il n'avait pas de réponses précises. Pour la simple et bonne raison que la guerre couvait et qu'il serait compliqué de faire face au Maho Tsukai sans l'aide de Las Noches. Les choses s'accéléraient dans le monde et cette alliance avec les Shinigamis restait un moyen efficace d'arriver à ses fins. Bien sûr, elle offrait également des opportunités intéressantes mais le Roi Panthère n'était pas un idiot : il gardait ses élites à portée de main pour les lancer dans la grande bataille qui arrivait doucement mais sûrement. Trop tôt. Il était définitivement trop tôt.

Mais alors comment contenir l'impatience d'une telle créature ? Pour l'Empereur, il n'y avait rien de plus facile. Le temps était une notion particulièrement relative pour les Hollows. Et encore plus pour ceux de la caste supérieure des Vasto Lorde. Des générations durant, ils avaient parcourus les terres en solitaire. Sans jamais s'apercevoir que le temps s’écoulait. Inutile de se soucier d'une chose qui n'avait en ce monde aucun impact, aucune incidence. Le Vagabond qu'il était saurait attendre le signal, il en était persuadé. Plus encore maintenant qu'il connaissait la partie qui lui incomberait.

Si Alecto montrait des signes d'excitations palpables, il en était tout autre de l'Exequias qui restait stoïque. Et pourtant, il était véritablement emballé de voir ce Vasto accepter sa proposition. L'équipe qu'il proposait n'était évidemment pas commune mais la réussite de cette mission résidait précisément dans l'élaboration d'un tel contingent. La Terre n'avait qu'à bien se tenir, en réalité... Car bientôt l'Empereur y lâcherait ses fauves.

- Bientôt, je l'espère. Il me reste à trouver le moyen d'attirer ma cible là où je le désire afin de bénéficier de l'avantage du terrain. Je reviendrais à toi, Seigneur de l'Autre Monde. Moi-même. Tu reconnaitras ma signature, crois-moi. Et lorsque le moment sera venu, alors nous partirons sans un regard en arrière. Prends-garde, néanmoins. La guerre est à nos portes et la prudence peut parfois être nécessaire.

Ce monde échappait au Roi. Échappait à l'Espada. Mais échappait-il aux Maho Tsukai qui cherchaient à détruire l'armée de la Panthère ? Au moins avait-il donné son avertissement. Inclinant très légèrement la tête, il lui adressa ces derniers mots avant de disparaître. Littéralement parlant. D'autres affaires l'attendaient maintenant. Bientôt... Très bientôt, il serait chez lui. Son véritable "chez lui".

- Je dois prendre congé, Alecto. Mais nous nous reverrons prochainement. Très prochainement.

Fin du rp pour cause d’ellipse. On se retrouvera deux ans après pour la mise en place du projet ^^

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Le seigneur et l'empereur. [PV Borick]

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