Le grand bureau du capitaine de la deuxième division était dans un beau chantier. Des piles de papiers s’élevaient du sol jusqu’au plafond, dans un équilibre on ne peut plus précaire. Des dossiers en retard, des comptes-rendus, des rapports de missions, des rapports d‘espionnage, des rapports de situations, des rapports d’entretiens… Il y avait même des rapports de rapports sous forme de résumé. Partout, où que l’on veuille poser le regard, on tombait sur un rapport. Il y avait trop d’informations à digérer en si peu de temps ! Le commandant de la section espionnage se devait de tout savoir sur tout le monde, bien entendu, mais jamais Rain ne se serait douté que cela représentait un si grand volume de données. S’il avait su, il aurait peut-être réfléchit à deux fois avant d’accepter de devenir le capitaine. Mais, tout au fond de lui, il adorait savoir tout à propos de tout. Cela lui donnait forcément une longueur d’avance sur les autres, il comprenait les situations inextricables, beaucoup de secrets de la Soul Society lui étaient révélés. Il avait également accès aux archives. Et une telle connaissance méritait bien de passer six jours et six nuits à lire des rapports et à les classer.

A bout de force, il laissa tomber sa tête contre la table, juste à côté de la pile vertigineuse de tasses de café vides. Cela ne se voyait pas vraiment sur son visage repoussant, brûlé au quatrième degré, mais il avait des cernes qui lui tombait jusqu’au nez. Il poussa un soupir de dépit.

-Tsssss…. C’est chiannnntt…

Au dehors, le soleil brillait, lui envoyant un rai de lumière en plein dans les yeux, lui arrachant un nouveau grognement. Il détestait la lumière. A force de vivre caché dans l’ombre, honteux de son aspect repoussant, il avait obtenu des pupilles extrêmement dilatées et souffrait fortement en cas de grande luminosité. Il se jeta en arrière et cogna dans une pile de dossiers qui s’effondra dans un grand fracas. Des feuilles volèrent dans tous les sens, retombant doucement sur le sol. Tout son classement venait de s’effondrer et toute cette pile était à refaire. Quel cauchemar...

D’un naturel extrêmement calme, il n’avait pas l’habitude de s’énerver, mais là, c’était trop. Il se releva en hurlant, oubliant de dissimuler son reiatsu. Il l’avait gardé masqué pour que personne ne vienne le déranger pendant son dur labeur. Tentant de reprendre son calme, il relativisa en se disant que cela aurait pu être pire. Après tout, il n’avait fait tomber qu’une seule pile sur une cinquantaine. Cela aurait pu être pire.

On toqua à sa porte. Et voilà, il savait qu’il ne devait pas libérer son reiatsu… Irrité, il se leva et se dirigea vers la porte qu’il ouvrit d’un geste sec.

-Quoi ?!

L’ouverture violente de la porte provoqua un grand courant d’air, la fenêtre étant restée ouverte pour lui permettre de s’oxygéner un petit peu les neurones. La totalité des papiers s’envolèrent et toutes les piles de paperasses s’écroulèrent. Son visage hideux tourna au rouge et ses doigts se crispèrent sur la poignée de porte qui se brisa sous la poigne du capitaine.

-« Lieutenant Hisamura, au rapport Capitaine ! »

Un long silence s’installa. Rain fixait avec intensité l’homme qui se tenait devant lui. On aurait pu croire qu’il réfléchissait mais pas du tout. Son cerveau était en miette et c’était l’information de trop. Il ne se souvenait pas du tout d’avoir un vice-capitaine du nom d’Hisamura. Qu’est ce que c’était que cette mascarade encore ? Soudain, un petit engrenage se remit à tourner et tout repartit de plus belle.

-Hein ? On est déjà mercredi ?! Ha euh… Bon, enchanté de vous connaître, je suis votre capitaine Rain Maniko.

Il fit un pas en arrière pour inviter son nouveau lieutenant à entrer afin de pouvoir faire un petit peu connaissance. Mais lorsque son regard tomba sur les montagnes de papiers déclassés, il sentit son sang se remettre à battre violemment sur sa tempe. Il repoussa Hisamura avec mauvaise humeur et claqua la porte derrière lui en lui hurlant presque dessus qu’ils seraient bien mieux dehors. Après tout, il faisait beau ! Il n’était pas du genre à apprécier les ballades au soleil mais… Il n’en pouvait plus d’être enfermé. Cela faisait une semaine maintenant qu’il n’était pas sorti de son bureau et la vue du travail à refaire le mettait hors de lui.

Ils marchèrent un moment en silence le long du terrain d’entraînement. Le capitaine de la deuxième division était totalement épuisé. Il n’avait pas prévu cet entretien et ne s’en sentait pas la force. Mais c’était important. Le vice-capitaine était celui en charge de la division lorsqu’il était absent. Il fallait donc qu’il s’assure qu’il n’était pas un véritable incompétent.

-Vous savez lieutenant. Quitte à être rude, je vais vous le dire. Je me moque totalement de votre personnalité. Nous ne sommes pas là pour être amis ou lier une quelconque relation. Nous sommes là pour gérer cette division du mieux possible. Seuls les capacités comptent. Vous devez être en mesure de mener à bien n’importe quelle mission à n’importe quel prix. Autrement dit…

Rain s’arrêta un instant, regarda Tashi et dégaina son Zanpakuto.

-Vous devez être le plus puissant de la division. Sinon, pourquoi les autres compteraient-ils sur vous ? Montrez-moi ce dont vous êtes capable.

Le regard bouffi par le sommeil qui ne demandait qu’à l’envahir, il fixait le nouveau. Son sabre pointé devant lui ne bougeait pas d’un millimètre. Son calme était revenu et était absolu.

Le vice-capitaine venait de… refuser ? C’était bien la dernière chose auquel s’était attendu Rain Maniko de la part de son nouveau lieutenant. Il ne pensait pas être en mesure de donner le meilleur de lui-même en se battant ici. Le capitaine ne s’était pas attendu à une telle attitude. Il resta un instant coi, ne sachant pas comment réagir. Après tout, il n’allait pas le forcer, l’agresser ouvertement. Il avait bien assez de travail comme ça sans devoir faire le baby-sitter d’un homme qui avait peur de se battre. Il soupira et se redressa en soupirant.

D’un geste légèrement théâtral, il rengaina son zanpakuto dans son fourreau et le replaça à sa ceinture. Il referma son shiakusho et renoua sa ceinture. Puis, il tourna le dos à Tashi et s’éloigna d’un pas lent. Il était vraiment déçu. Mais il était nouveau comme capitaine de la deuxième division, il ne pouvait pas encore se permettre de critiquer ouvertement les membres de son équipe. Il s’arrêta et s’adressa à l’homme dans son dos.

-Vous savez Hisamura-san, le poste de vice-capitaine n’est pas simplement un titre. Ce n’est pas une preuve de votre travail ou une récompense pour vos efforts. Le vice-capitaine est l’homme à qui je confie mes hommes en mon absence, celui sur qui chacun doit compter autant que sur moi-même et celui qui gère les situations les plus difficiles.

Il se retourna et plongea son regard dans celui de Tashi. Derrière ses bandages, on ne pouvait apercevoir que les orbites creuses et brûlées mais l’intensité de son regard était palpable. Il s’approcha lentement. Non, il ne pouvait pas laisser passer ça, il devait assumer son propre rôle.

-Vous avez donc accepté une grande responsabilité en acceptant ce poste. Or, il est hors de question que je confie mes hommes à un homme dont je ne sais rien, un homme qui ne sera pas capable de les protéger, un homme qui refuse de sortir son sabre ! Vous êtes le second de la division des assassinats ! Vous n’avez pas le droit de refuser un combat ! Vous devez être en mesure de mener à bien n’importe quelle mission, peu importe ce qu’il en coûte ! Vous devez même pouvoir tuer un shinigami ! Votre ami ! Ou même moi, si telle est votre mission ! Alors tant que vous ne m’aurez pas prouvé votre valeur, je ne vous confirai aucune mission et vous n’aurez aucun homme à votre charge ! Je ne peux pas prendre un tel risque !

Il resta là, à le fixer. Après tout, il pouvait peut-être montrer ses capacités autrement u’avec un duel. Rain ne voyait pas comment mais Tashi pouvait tout à fait le surprendre. A vrai dire, il espérait vraiment être surpris.