- Une petite pièce s'il vous plaît ! supplia-t-elle, assise sur le trottoir et recroquevillée contre le mur.

La passante l'ignora superbement, ne daignant même pas poser le regard sur elle. Snö poussa un profond soupir. La journée était passée trop vite, précipitant la ville dans un crépuscule qu'elle craignait par dessus tout. Les cieux flamboyaient déjà d'une lumière incarnate prophétisant la venue de la nuit. Posée dans une rue de Karakura qu'elle ne connaissait pas, elle s'était mise à attendre l'obscurité avec une appréhension sans précédent. Ses vêtements étaient encore frais, peints de noir et de blanc comme d'habitude, elle-même restait propre et présentable. Bientôt, la vie dans la rue allait ronger sa beauté, souiller la blancheur immaculée de sa chevelure et mordre le velours de sa chair pâle. Alors, on la regarderait encore moins ou bien la contemplerait-on avec dégoût ; on ne pourrait même plus avoir pitié d'elle.

Jetée hors de chez elle, livrée à la menace perpétuellement renouvelée de l'absence de foyer ; Snö se trouvait désormais privée de refuge. Après avoir fermé le magasin qu'elle n'avait pas su tenir, dépourvue de revenus elle s'était vue contrainte d'évacuer l'appartement de ses parents défunts. Elle était totalement libre de toute attache, de toute responsabilité mais surtout elle était seule. Abandonnée. Elle n'avait pas emporté grand chose, elle craignait que les objets ne lui rappellent ce qu'elle avait perdu. Contrainte par les circonstances, elle s'était lancée dans cette aventure sans trop savoir comment elle allait procéder. Elle devait désormais vivre au jour le jour. Chaque nuit passée serait pour elle une véritable victoire sur la vie.

Fouinant dans son sac, elle en sortit sa boule à neige, l'unique trésor qui lui restait. Elle la retourna pensivement pour regarder les flocons tomber sur la figurine de chérubin qui se tenait au milieu du petit globe de verre. Toute son attention se portant sur l'objet, elle en vint à oublier de mendier. Des pas s'arrêtant face à elle se hâtèrent toutefois de lui remémorer pourquoi elle était là et de quoi dépendait sa survie. Elle lova le trésor contre son ventre, abrité par ses genoux repliés. Snö leva machinalement les yeux vers l'être qui la surplombait, l'effleurant de ses pupilles sans réellement le regarder :

- Une petite pièce s'il vous plaît... souffla-t-elle d'une voix sans enthousiasme, tendant vers lui l'une de ses mains déliées.

De plus en plus, Koshiro s'est reclus. Ses dernières sorties n'ont de toute façon pas été des plus concluantes. Que peu d'attraits à explorer la ville à présent. Plus rien à découvrir et avec le nombre d'individus à potentiel, il ne faisait que s'attirer de nouveaux ennuis à chaque fois. Enfin, ennuis, ennuis... C'est là un grand mot, quand on a tendance à tout faire cramer sans laisser le moindre témoin, l'on ne peut pas vraiment parler de préjudice. Son impression de patiner cependant, de ne plus parvenir à apprendre quoi que ce soit, à développer son pouvoir... ça finissait forcément par le miner. Même Kamui qui faisait genre « j'm'y connais trop » y connaissait en fait que dalle, du moins rien qui puisse lui être d'une quelconque utilité. Alors, pourquoi sortir encore ? Son commerce illégal se porte très bien et fonctionne sans qu'il n'ait besoin de s'en mêler ou presque. De plus, il ne risque pas vraiment de se prendre les flics au cul, ces derniers ayant mieux à faire avec les nombreux cas inexpliqués inhérents à une ville où tout un joyeux contingent d'êtres à pouvoir se mettait sur la tronche pour un oui ou pour un non.

Aussi s'était-il plu à s'isoler. Ses sbires lui apportaient vivres, alcools et autres réclamations sans sourciller, les revenus de sa petite entreprise permettant de ne se priver de rien. Glander et « s'occuper » de Paloma, voilà comment le déséquilibré notoire occupait son temps. Jusqu'à ce que l'inaction finisse par le noyer sous un tsunami de soupirs... Un besoin irrépressible de prendre l'air. Tout d'abord s'assurer que Paloma soit bien attachée. Se passer sa fétiche lourde veste sur les épaules. Et puis marcher, tout simplement, sans but précis que d'espérer trouver un peu de distraction, remettant cela aux mains du hasard. Et à Karakura, le hasard fait souvent les choses... en bien ou en mal, voilà qui reste à déterminer !

En effet, soudain cette impression étrange qu'il commence à connaître vient lui chatouiller l'estomac, s'accentuant peu à peu sans qu'il comprenne réellement d'où cela peut venir. Jusqu'à ce qu'on lui demande une pièce, lui permettant alors enfin de localiser la source... Il hausse un sourcil à son adresse, une pointe de mépris dans son regard.

Qu'est-ce tu branles là, sans déconner ? « une p'tite pièce », tu t'foutrais pas un peu d'ma gueule là ?

Légère agression, certes. Mais il ne parvient tout simplement pas à comprendre comment quelqu'un doté de pouvoirs peut se complaire dans la mendicité... Elle a la capacité de prendre ce qu'elle souhaite, d'affirmer sa suprématie sur les simples humains. Et préfère vivre sur le sol en miséreuse, en moins que rien. Voilà bien un concept qu'il aurait du mal à comprendre...

Elle rangea nonchalamment la boule à neige dans la sacoche qui pendait à son épaule droite avant de se relever d'un mouvement preste et félin, déployant face à lui sa ravissante silhouette. Elle perçut dans les yeux de l'inconnu quelque dédain qui, s'ajoutant à l’agressivité du ton avec lequel il s'était adressé à elle, lui donnait une première impression fort négative. Elle le détailla longuement du regard, les lèvres pincées et la mine dépitée. Du costume à l'odeur, de l'attitude au langage, il avait tout d'un voyou. Elle, nimbée des dernières lueurs du jour, avait au contraire l'air de l'ange égaré au cœur d'un enfer urbain. Elle se tenait droite, avec le port d'une reine, armée d'une fierté qui jurait avec son état de mendiante.

- Ce que je fais là ? traduisit-elle d'une voix conciliante, si je me moque de toi ?

Elle abandonna l'air contrarié qui planait sur son visage depuis le début de la rencontre pour le couvrir d'un masque de flegme et de placidité. Parée de cette impassibilité séraphique, le toisant de toute la nitescence de ses iris, elle daigna enfin répondre à la question :

- Je suis là où j'ai laissé la vie me précipiter, c'est ça qui te scandalise ? Et je ne suis pas en position de railler qui que ce soit, vois-tu...

Comme par une mesure de prudence inconsciente, quelques pas hésitants l'écartèrent de lui. Snö n'avait pas honte de mendier. La situation l'attristait sans aucun doute, parce qu'elle se trouvait livrée à des forces qui la dépassaient mais les échecs de sa vie ne lui apparaissaient plus comme sujets d'infamie. Elle restait digne.

- J'ai livré mon destin au hasard, elle se frotta les mains pour les réchauffer, va-t-il m'enterrer définitivement ou décider que je dois être sauvée ? Vais-je mourir avant d'avoir vécu ou pourrais-je un jour entrevoir ce que je cherche depuis longtemps ?

Elle s'étira de tous ses membres, poussant un petit soupir de lassitude avant d'en revenir à son interlocuteur. Elle avait décidé de prendre la suite de son existence avec toute la philosophie possible, ainsi serait-elle plus supportable. Elle tenait un discours bien plus désinvolte qu'elle ne l'était au fond comme pour se rassurer elle-même, comme pour se convaincre qu'il n'y avait plus rien à regretter. Il n'y aurait plus jamais rien à regretter.

- Je ne me battrai pas pour sortir d'ici et je me moque bien de savoir que ça énerve les gens tels que toi. Cela dit, si tu veux être l'heureux hasard qui me tirera hors de cette mauvaise passe, je ne suis pas nécessairement contre...

Un battement de cils ébranla ses paupières. Un léger sourire, à peine distinct, fendit sa bouche blême. Était-elle si désespérée pour en venir à minauder face à un truand ?

Blabla blabla blah ! Peuh !

Voilà sa première réaction à la manière qu'avait eu la jeune femme de se défendre de son mépris. Négligemment il en profite même pour sortir un cigare de la poche intérieure de sa lourde veste, le décapiter d'un coup de dent et en trois bouffées de l'allumer, armé de ce briquet à essence qui ne le quitte jamais. Ce qu'il peut bien penser ce qu'elle vient d'avancer ? Et bien, sa « réponse » le laisse clairement présager. Livrer sa vie au destin... Voilà bien une théorie à laquelle il ne souscrirait jamais. Quelque chose de réservé aux faibles et aux moutons, et l'incendiaire estime clairement ne faire partie d'aucune de ces deux catégories, bien au contraire. Ouep, laisser le destin décider à sa place est pour lui une philosophie tout à fait condamnable, de toute évidence. Et pourtant... Cette va-nu-pied se paraît d'un manteau de dignité, tentant de relever le menton face au Jimushi, comme si sa position était réellement défendable...

Nan, tu t'plantes... ça m'fout pas en rogne, juste que ça m'débecte ! Quand on veut queq'chose, on l'prend et puis c'est tout ! Surtout pour des gens... comme nous...

En fait, Koshiro commence même à douter de la possibilité qu'elle soit réellement au courant de ses capacités. Comment peut-on se contenter de cette vie misérable si l'on se sait capable de plier tous ces insectes à ses volontés ? Peut-être que ses dernières paroles permettront de déboucher sur une réaction l'informant sur ce point – même s'il n'y compte pas réellement, il n'est pas assez futé que pour tenter ce genre de manipulation en sous-entendu. Par contre il souhaite encore revenir sur une dernière chose.

Tu dis qu'tu t'fies au destin, mais c'est des conneries. Les types qui t'filent une pièce ne sont pas l'destin, juste des crétins qu'essayent de s'donner bonne conscience. Regarde-toi... Je débarque et j'te méprise, et qu'est-ce tu trouves de mieux à faire ? Te d'mander si j'pourrais pas t'sortir de la merde. Sauf que moi non plus, j'suis pas l'destin. J'suis juste Koshiro, qui pense qu'à sa gueule et n'agit qu'dans son seul profit.
La vérité, c'est qu'si tu penses pas à ta pomme, personne d'aut' le f'ra pour toi. Ces larves qui se traînent, qui s'font des amis avec qui y peuvent glousser, y sont pareils t'sais... C'pas aux autres qu'ils pensent, mais juste à eux. Et s'ils prennent soins d'leurs proches, s'ils tiennent à eux, c'est juste parce qu'ils ont pas envie d'crever seuls. J'dis pas qu'il faut faire comme eux hein ! Sont pitoyables, tous autant qu'ils sont. Mais pose-toi les bonnes questions. Tu penses que t'as b'soin d'moi, mais c'vraiment l'cas ? Et moi, j'ai b'soin toi tu crois ? Mouais...

Quelques nouvelles bouffées sur son cigare, ne se souciant pas le moins du monde qu'elle se trouve englobée dans son nuage de fumée. Une manière comme une autre d'illustrer son propos.

L'âcre fumée qui embruma le champ de vision de Snö la fit tousser. Jouant d'une de ses mains comme d'un éventail pour dissiper le nuage, elle finit par se décaler d'un pas pour échapper à ce brouillard irritant.

- Il est des choses dans la vie qui filent sans cesse entre les doigts de ceux qui cherchent à les prendre. Ce que je veux est une de ces choses. Le reste m'indiffère.

Un soupçon de dédain se détachait dans le ton désormais froid de sa voix onctueuse, flamboyant en écho dans l'éclat de ses prunelles mais elle ne l'y laissa pas s'éterniser. Il savait ce qu'elle était et affirmait être son semblable. Cela suffisait à éveiller encore plus l'intérêt de la jeune femme.

- Tu vis avec pour seul horizon ton propre plaisir. Tu te crois différent de ceux qui s'enferment dans des illusions de bonté et de générosité. Mais au final, tu n'es pas plus heureux qu'eux... Tu es pitoyable, toi aussi.

Elle détourna les yeux comme s'il ne valait même plus la peine d'être regardé.

- Eux s'inventent des vérités, toi tu te mens. C'est tellement rassurant de se dire qu'on n'a besoin de personne... Mais un jour, la réalité te rattrape et te rappelle douloureusement que seul, tu ne vaux rien.

Et elle était plutôt bien placée pour en parler. Combien de fois s'était-elle persuadée que la solitude était la seule solution ? Que, seule, tout serait plus simple ? Et voilà où elle en était, enfin consciente qu'elle avait besoin de quelqu'un. De lui. Pourquoi ? Elle-même ne pouvait le dire clairement. Ce n'était plus une simple question d'opportunité. Selon toute logique elle aurait dû s'enfuir à toutes jambes. D'autres, plus bienveillants, auraient volontiers volé à son secours si elle les avait implorés comme il le fallait. Lui était dangereux, fou peut-être même. Elle le sentait. Et de surcroit, il était plein de mépris pour elle. Elle lui jeta une oeillade chagrinée.

- Regarde-toi, tu me craches ton mépris à la figure mais tu perds ton temps à discuter avec moi. Tu ne t'ennuierais pas un peu, par hasard ? Si ta conception de la vie était si juste, tu ne serais pas là.

Snö esquissa un petit sourire navré.

- A force de prendre tout ce dont tu as envie, tu as oublié ce dont tu avais besoin.

Elle baissa les yeux, fixant pensivement le trottoir.

- Au fond, ne te manque-t-il pas une raison de vivre ?

Pour débuter, Koshiro ne fait que ricaner. Sans doute ce que ferait le Soleil ardent si la pâle Lune venait à le dire misérable, non ? Pour l'occasion, l'image est intéressante et s'applique plutôt bien. À cela près que ce n'est pas là l'habituelle réaction de l'incendiaire. Il a déjà pu exploser bien des crânes et piétiner tant de vies pour moins que ça, sans se poser la plus infime question. C'est même pour lui un amusement particulièrement efficace et plaisant, prenant même goût à se moquer des âmes de ceux tombés sous ses poings et flammes. Le cas présent est particulier en cela que c'est à une "consoeur" qu'il s'adresse. Mieux valait cependant lui faire comprendre tout de même qu'à trop lui manquer de respect, de gros risques seraient à redouter. Bien sûr c'est là faire peu de cas du mépris qu'il avait lui-même affiché, mais en bon représentant du "faites ce que je dis, pas ce que je fais", le Jimushi se moquant pas mal de ce que ses interlocuteurs pouvaient bien penser de sa ligne de conduite.

Pitoyable ? Vaurien ?

Il ricane derechef avant la démonstration. Préservant donc son sourire en coin, son cigare toujours coincé entre ses dents. Sa pression spirituelle s'élève alors, la chaleur ambiante suivant une courbe parallèle. Les passants ne la supporterait pas, et peut-être même certains s'évanouiraient-ils, sans qu'il ne s'en tracasse pourtant le moins du monde. Puis soudain, son bras se tend avec violence. Heureusement pour elle, il ne la vise pas, son poing allant s'écraser sur le mur derrière elle. La pierre ne résiste pas, une cavité s'y ouvrant sous la puissance de la frappe.

Tu rigoles ou quoi ? J'suis au sommet d'la chaîne alimentaire !

Ramenant son bras à lui, sa pression spirituelle revenant à son stade habituel, il affiche sur son visage une espèce de fierté mal placée assez aisément discernable. L'animalité brutale dans toute sa gloire, pour qui seule la loi du plus fort compte réellement.

T'inquiète pas pour ma raison d'vivre va ! Même si moi aussi j'ai b'soin d'mes p'tits divertiss'ments, j'perds pas d'vue c'que j'veux vraiment. Genre "prendre le contrôle de c'te ville et écraser tous ceux qui s'ront dans l'passage", c'pas un bon programme ça, hun ?

Le Jimushi recule d'un pas, la toise de ses yeux clairs avant de pivoter sur lui-même et de laisser ses pas s'éloigner d'elle. Fouillant dans sa poche, il en sort une pièce qu'il envoie du pouce dans sa direction. Il déclare alors, sans plus se retourner :

Et toi la pouilleuse, c'est quoi ton ambition ? Prendre un bain ? Trouver ton prochain r'pas ?

La moquerie se termine par un nouvel éclat de rire. La dénomination qu'il lui a trouvé n'est certes pas flatteuse, mais à défaut de présentation il se devait bien de trouver un pseudonyme sous lequel l'appeler. Cependant, s'il ne se retourne pas, en tout cas il ne presse pas le mouvement et avance à pas lents. Comme si finalement, il la mettait au défi de répondre une fois encore, alors qu'il lui opposait son dos...

Tintement du métal sur l’asphalte.

Elle regarda la pièce virevolter à ses pieds, la fixant jusqu’à ce qu’elle s’arrête. Pile. Snö était encore tétanisée par ce qui avait précédé. Chaleur brûlante et choc brutal. Si près de son visage… La mort l’avait frôlée, d’une caresse narquoise et fortuite. Ses yeux coulissèrent vers l’origine de cette frayeur. Il partait ? Elle inspira une grande bouffée d’air.

- Au moins, tu ne manques pas d’ambition, fit-elle d’une voix tremblante.

Elle s’anima enfin. La peur faisait encore tambouriner son cœur mais elle ne l’empêcha pas de s’élancer à la suite de Koshiro. Elle le rattrapa sans peine puisqu’il ne fuyait pas bien vite. Désirait-il qu’elle le rejoignît ? Qu’elle l’arrêtât ?

- Mon ambition…

Elle ne finit pas la phrase. Être heureuse. Pouvait-on parler d’ambition ? Il se rirait d’elle, trouverait ça affreusement niais. Elle se tut quelques secondes avant que sa voix sucrée ne s’élève à nouveau :

- Prendre un bain, trouver à manger et un refuge. Trouver quelqu'un pour veiller sur moi, quelqu'un sur qui je veillerai aussi, à ma façon. Oh oui, dans l’immédiat ce sont sûrement les seules ambitions que je puisse me permettre.

Elle devait bien admettre que la survie était la première chose à laquelle elle devait songer, comme une obsession à laquelle ne parvenait pas à se résoudre. Elle n’était pas douée pour ces choses là, se sabordant plus volontiers qu’elle ne se préservait et son obstination à le suivre s’inscrivait tout à fait dans cette logique.

- Je n’ai pas peur de la brûlure du chaud, tu sais. Elle n’est pas pire que celle du froid.

Naturellement, elle mentait. Elle le craignait. Elle redoutait sa violence et son impulsivité, sa férocité presque animale.

- Je ne suis probablement qu’une misérable gueuse, une putain de traîne-misère. Je ne sais absolument pas me débrouiller seule, je n’ai jamais su et je ne saurai jamais. Mais la nature m’a donné ce qu’il faut pour ne pas avoir à le faire.

Elle vint se placer devant lui, d’un mouvement sec, faisant barrage de son corps à la fois gracile et aguichant. Glissant les mains dans le dos en une posture candide, elle leva vers lui un regard déterminé, plein d’effroi et de volonté étrangement mêlés. Petite poupée fragile face à un géant.

- Je suis Snö. Neige.

Elle le défia de ses prunelles lumineuses.

- Emmène-moi avec toi. Je serai sage.

Citation :

Vraiment désolé pour ce long moment sans réponse. Comme dit dans les absences, période un peu compliquée pour l'inspiration et la motivation à l'écriture.

Ah, l'instinct cette fois ne l'a pas trompé. Au fond de lui, il savait qu'elle tenterait de lui adresser au moins une dernière réplique. Et voilà qu'elle en est même venue à le rattraper, cherchant à poursuivre la conversation. Comment peut-elle se montrer ici si tenace, faire preuve d'autant de caractère suite à sa démonstration de force, pour à côté se contenter de sa situation, de ne pas user de ses pouvoirs pour élever d'elle-même sa condition ? Elle reste pour lui un mystère qu'il n'est sans doute pas capable de comprendre. C'est pourquoi tout d'abord il ne s'arrête pas alors qu'elle lui détaille ses espérances. Ne la regarde pas. Ne lui adresse pas la parole. Elle a beau dire qu'elle ne le craint pas, ça ne peut être que des foutaises.

Mais voilà qu'elle allait lui présenter un nouvel argument, tout en l'obligeant à s'arrêter un instant. Elle se poste devant lui, mettant son corps en avant. C'est donc ça qu'elle avait à lui offrir ? L'envie d'accepter est bien là, surtout sur un détail qui le fait tiquer. « Je serai sage ». Une réplique qui résonne naturellement en lui, puisque c'était là tout ce qu'il attendait de Paloma. Mais si elle s'y pliait pour le moment, il savait aussi que l'Arrancar ne nourrissait secrètement qu'un seul espoir : celui de s'évader, et d'ici là de rester en vie. La démarche n'était pas tout à fait la même pour cette Snö, qui par désir de survie s'offrait à lui sans contrainte.

Devait-il accepter ? Cumuler Paloma et cette mendiante ne serait pas aisé... Tendrait forcément vers une situation compliquée, du moins tant que son esclave attitrée se devrait de garder ses chaînes pour continuer de rester sage. Mais l'idée de tout simplement la remplacer lui traverse l'esprit. Cela mérite une plus ample réflexion, ainsi qu'une inspection rudimentaire pour s'assurer de la qualité de produit proposé, bien sûr. Un homme d'affaire reste un homme d'affaire... Un petit pas en arrière pour contempler la demoiselle avec un peu plus de recul, de la tête aux pieds. Puis de sa main gauche il lui empoigne alors le bas du visage, lui faisant de ci de là légèrement pivoter la tête. Face, profils...

Vrai qu't'es plutôt mignonne, j'peux pas cracher là-d'ssus...

Ensuite, d'un geste rapide mais néanmoins appuyé, l'incendiaire lui soupèse le sein gauche sans manifester la moindre gêne. Un geste franc et direct qu'il estime pouvoir se permettre, après tout son allusion avait été assez claire. Si elle était prête à s'offrir pour combler ses ambitions, mieux valait ne pas s'offusquer pour « si peu ».

Mouais... Par contre à c'niveau, j'ai connu mieux...

Quelques bouffées de nicotine, entrecoupées d'un soupir ennuyé. Si la belle plante qui vivait dans sa cave n'avait pas été là, il aurait sauté sur l'occasion sans se faire prier. Belle et docile, comment refuser ? En tout cas, la décision doit être prise rapidement. Des sirènes qui se rapprochent. Son petit coup de force risque de lui attirer quelques ennuis qu'il préfère éviter, il ne l'ignore pas.

Allez, on bouge. J'peux pas m'permettre de t'avoir dans les pattes, mais j'sais où tu peux crécher. La pitance et la trempette, gratos. Un toit au d'ssus d'ta tête. J'peux rien t'offrir de plus...

Et déjà, il se décale pour la dépasser et s'éloigner. Elle pouvait le suivre et saisir cette occasion, ou tout simplement laisser tomber cette chance sans qu'il se retourne pour s'en assurer. La balle dans son camp.

Citation :

Pas eu de nouvelle de Snö depuis un moment, donc je me permets le double-post pour clôturer ça.

Sans se retourner, l'incendiaire poursuit son avancée à marche rapide, mettant de la distance entre son méfait récent et lui-même. Pas qu'il ait particulièrement peur de la volaille, mais mieux vaut éviter d'attirer clairement l'attention des forces de police sur lui. D'autant que les témoignages ne manqueront déjà pas de faire état d'un balafré, vraiment pas nécessaire qu'en plus de cela une rencontre se produise entre la flicaille et lui. Il ne regarde pas derrière lui voir si la mendiante le suit, mais il parvient tout de même à s'en rendre compte, par cette impression au fond de ses tripes, la même à chaque fois qu'il approche de quelqu'un possédant de l'énergie spirituelle. Ce lien se rompt peu à peu. A-t-elle décidé de ne pas le suivre, ou simplement n'y est-elle pas parvenue ? La question restera forcément sans réponse pour le moment.

Car bien sûr, lui ne s'arrêtera pas. Comme il le lui a fait bien fait comprendre, elle n'est rien pour lui d'autre qu'une parmi tant d'autres. Et lui est plus qu'habitué à fonctionner seul. Quant à la femme plaisante qu'elle est... et bien, à ce niveau là, il a déjà de quoi se mettre sous la dent, même s'il n'est pas homme à cracher sur un petit extra.

Une fois suffisamment éloigné de la scène, il emprunte une petite ruelle déserte et en profite pour gagner les hauteurs de quelques Bringer Light, et se rendre compte qu'effectivement, elle ne se trouvait plus dans son champ de vision. Cependant, Karakura a beau être une grande ville, mais ne dit-on pas que le monde est petit ? La probabilité qu'il la recroise un jour ou l'autre restait forte malgré tout. Du cinquante-cinquante, un pile ou face sur lequel il n'irait tout de même pas parier. Seul l'avenir pourra en décider. Pour l'heure, une Arrancar commence à lui manquer quelque peu... Palper la poitrine de la mendiante a fait remonter en lui quelques envies reptiliennes... L'heure de retourner à la maison, clairement !