Depuis combien de temps était-elle la, assise sur son rocher, le vent chaud de son Blanc Désert dans les cheveux et la nuit noire recouvrant son corps blanc ? Elle n’aurait pu le dire, mais cela ne la dérangeait pas en réalité car on lui avait permis d’avoir du temps pour penser. Surtout repenser. Et la nostalgie de sa vie antérieure revenait dans ces moments-là. Elle se revoyait comme avant, mais le voulait-elle vraiment. Elle n’en était plus aussi sûre que cela. Parfois, il lui arrivait de se demander ce qu’était devenu son village, elle espérait secrètement qu’on l’y envois un jour, juste histoire de voir. Avaient-ils survécu ? Continuaient-ils l’entrainement de futurs assassins ? Qui était leur nouveau chef, tant de questions qui pour le moment resteraient un mystère. Qu’à cela ne tienne, elle avait de toute façon du pain sur la planche.
Elle se redressa alors et se dirigea vers le Palais du Rey. On l’avait fait demander pour un service de larbin à effectuer, comme toujours. On la choisissait en générale pour sa discrétion et sa rapidité, par pour son intelligence ou sa force brute. Mais il fallait qu’ils se méfient tout de même, elle était loin d’être aussi bête que l’air qu’elle voulait bien donner d’elle.

Une fois arrivée sur les lieux, on l’a fit attendre quelques minutes. Elle en profita pour regarder tout autour d’elle. C’était devenu un réflexe naturel. Elle prenait les mesures, cherchait des endroits ou se cacher, se faufiler, et cela toujours dans le plus parfait des silences. Enfin, on vint à sa rencontre. Une jeune fille, qui paraissait aussi fragile que douce apparut devant elle. Un petit bâtonnet de sucette pointait le bout de son nez par-delà ses lèvres. Dans un petit geste presque élégant, Senka baissa les yeux. Après tout, la demoiselle en face d’elle restait une Espada, elle n’était donc pas n’importe qui, et il n’était clairement pas le moment de se faire des soucis.

« _ Je suis Senka, vous m’avez fait demander ? »

Elle releva alors ses yeux vers le deuxième protagoniste. Certes elle faisait partie de l’élite, mais elle n’était pas une reine non plus, ce n’était pas la peine donc d’en faire tout un pataquès. Elle n’attendait maintenant plus qu’à savoir ce que la charmante jeune fille lui voulait.

— Explique-moi pourquoi je vois ton visage d’ici. N’est-il pas censé être collé au plancher comme tu es sommée de le faire en tant que microbe?

— J’espère que tu as bien compris le message, vermine. La prochaine fois qu’on se verra, tu embrasseras le sol et remonteras ton cul comme je viens de te l’apprendre. C’est pigé?

— Pour reprendre ce que tu as dit, oui, bien évidemment que je t’ai fait demander. Sinon, tu ne serais plus en vie si ça avait pas été le cas. J’aime pas trop qu’on s’invite chez moi. Donc voilà, j’ai eu une entente avec ton chef, et j’aimerais un peu savoir ce que tu es capable de faire. Je me cherche présentement un incompétent un peu moins incompétent que les autres incompétents pour me servir et pourvoir à mes besoins. Je dois vérifier avant tout si tu es apte à faire quelque chose de tes deux mains, autre que me masser les pieds quand je te l’ordonnerai.

Ah ces membres de l’Espada qui se prenait toujours pour des personnes à part … Sans vouloir se venter, Senka savait qu’elle en aurait sans doute mis plus d’un à terre, mais là n’était pas son but premier pour le moment. Elle avait toujours été patiente et n’allait certainement pas s’énerver maintenant.

Le geste, aussi peu brutal aurait-elle voulu lui infliger l’Espada lui laissa déjà sa première marque, un léger filet de sang s’échappa des douces lèvres de l’Arrancar encore à genoux devant la reine de ce palais ruiné. Senka se contenta simplement de fermer les yeux et d’écouter en silence ce que son « maître du moment » lui expliquait. Une vraie petite fille qui n’avait tout simplement pas grandi, ou bien le contraire, qui avait grandi trop vite et qui n’arrivait pas à se contrôler. Pouvait-on la blâmer ? Elle ne le pensait pas, alors elle se contenta simplement d’obéir, comme elle avait toujours su le faire.

Alors que la jeune fille à la sucette continuait de lui parler, elle garda sa tête baissée, comprenant rapidement qu’elle allait devoir se soumettre, voir même se laisser faire humilier pour les bons plaisirs de la capricieuse. Encore une … Mais après tout, si cela lui permettrait par la suite d’accomplir ses plans, elle s’y sacrifierait en sachant toutefois qu'elle n'hésiterait finalement pas tant que ça à l'arrêter s'il le fallait pour sa vie. Enfin, lorsque l’Espada eut finis de parler elle attendit un moment puis lâcha finalement ces quelques mots ;

« _ Mon chef m’envoie ici pour vous servir, il sait qu’il peut me faire confiance, tout comme vous, Mademoiselle »

Elle avait insisté sur le mot « Mademoiselle » non pas qu’elle soit masochiste, simplement pour faire comprendre à ce qui ressemblait pour elle à une fausse princesse que le message avait été très clair. Elle ajouta ensuite ;

« _ Puis-je lever ma tête ? »

Et elle n’attendit pas son autorisation. Senka était certes docile, mais elle n’était pas un chien et si tant est qu’elle devait se plier aux désirs de l’Espada il n’était pas une raison pour que celle-ci lui manque totalement de respect. Aussi avait-elle dit vrai tout à l’heure, si elle ne voulait pas s’attirer les ennuis de son supérieur, elle devait se calmer et puis l'habitude de Senka à ne pas se laisser entièrement marcher sur les pieds en avait finalement attirer plus d'un. Tout en relevant sa tête elle essuya discrètement sa lèvre du revers de sa main droite. Ses plumes et clochettes dans ses cheveux avaient émis un léger tintillement. C’était un peu sa signature, le son d’une mort imminente comme ils disaient dans son village.

« _ Alors ? Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? »

— Bon, j’ai décidé autrement! Avant que tu me parles de toi, laisse-moi t’expliquer mes attentes. Autre le fait que tu me dois fidélité, respect, et blablabla, j’aimerais bien que tu abandonnes ce fichu sobriquet de « mademoiselle » et que tu le remplaces soit par « ma reine » ou simplement par « maître ». Prend en note ma générosité de te laisser le choix, d’ailleurs. Même si mon nom est Lili, le jour où tu pourras m’appeler ainsi ou par tout autre nom qui te passera par la tête, les Hollow auront l’air un tant soit peu normal. Par la suite, je veux que tu te prosternes comme je t’ai montré à le faire dès mon entrée, histoire que tu n’oublies jamais où est ta place dans ce monde; c’est-à-dire au sol, avec les insectes. Finalement, comme je suis un maître qui n’a que faire des autres, tu peux te promener où tu le souhaites quand je n’ai pas besoin de toi. Mord ou attaque qui tu veux, je m’en balance un peu! Tant que tu es là lorsque je t’appelle, ça me va. Ton ancien maître devait être du genre à… t’amener avec lui durant son bain, mais moi j’ai une certaine intimité à préserver. Elle fit mine de réfléchir, puis s’exclama : Je crois que c’est tout! Je peux te sembler exigeante, mais tu finiras par comprendre que répondre à mes désirs t’apportera bien des richesses : ma protection, ta survie et peut-être un jour, un poste tel que le mien, lorsque je serai aux sommets!

— À part te rouler à mes pieds comme tous ceux de ta race, tu peux m’expliquer un peu à quoi se résument tes capacités? Le chef de l’Exequias ne m’en a pas pipé mot. Je dois donc me rabattre sur cette entrevue ennuyant pour au moins connaitre tes compétences. Et pendant que j’y suis, si tu peux me glisser quelques mots sur ton histoire, en évitant que ça m’endorme, je t’en saurais grée.

Tout en se concentrant pour bien écouter toutes les consignes de l’Espada, Senka se releva encore un peu, histoire de reprendre une taille et une position normale. Il n’y avait la aucun manque de respect envers Lili, ni même une marque d’afront. Simplement un geste naturel afin de mieux se concentrer pour écouter les dire de ce qui semblait être sa future « chef » car quand bien même l’appeler « ma reine » ou « maître » ne la gênait pas plus que cela, dans son esprit, l’Espada ne serait jamais rien de plus qu’un supérieur. Supérieur de qui bien sûr, elle prendra la place un jour, le temps venu.

Lorsqu’enfin la princesse eut finis et lui laissa le temps de répondre, Senka prit la parole tout en prenant bien garde à ce qu’elle allait dire. Le but ici était de faire comprendre à son orateur que le message avait été clair, qu'elle écouterait bien comme le gentil chien qu'elle voulait qu'elle soit, car après tout, si l'Assassin avait été envoyer pour rejoindre les rangs de l'Espada elle allait devoir se plier en quatre pour elle. Enfin, surtout pour la Quinta, la pire d'après ce qu'elle avait entendu et malheureusement peut être, la seule qu'elle connaissait en vérité à ce jour ;

« _ Je suis un membre de l’Exequias, ce que, vous savez déjà il me semble. Si je suis présente ici, c'est en effet car mon « Chef » me l'a ordonner. Je ne sais pas s'il l'a fait pour se débarrasser de moi, ou simplement parce qu'il pense que je suis la plus compétente à ce jour à pouvoir remplir ce rôle. J'espère en tout cas, que vous ne serez pas dessus de moi. - Quant bien même Senka ne doutait pas de ses capacités, la capricieuse Quinta pouvait en décider autrement - Rassurez vous, je ne compte pas prendre de bain avec vous, et si vous n’avez pas besoin de moi, vous ne me verrez pas, soyez sans craintes, votre « intimité » sera respectée. »

Elle laissa un temps de silence, pour faire comprendre à celle qui ressemblait à une petite fille qu’elle allait certes l’avoir sous ses ordres, mais qu’il ne fallait pas qu’elle oublie que l'Assassin aussi avait des ressources pour se battre et un pouvoir qui grandissait doucement. Enfin elle reprit ;

« _ Pour ce qui est de mon histoire, rien de bien intéressant, « Maître ». Je crains fort d’avoir eu une vie pénible et difficile. Je suis née et morte dans un village d’Assassin. J’ai toujours vécu de cette manière. Je suis discrète et agile. Le sang est ma raison de vivre et j’exécute les ordres qu’on me donne sans rechigner. Je suis un bon chien en somme … »

Elle avait alors dit cette dernière phrase en plongeant ses yeux rubis dans ceux de l’Espada, attendant simplement la suite des ordres, espérant qu'elle avait dit ce qu'il fallait et que désormais on allait pouvoir l’appeler « Fraccion ». Elle savait cependant que les paroles ne suffiraient pas, qu'elle allait devoir prouver sa valeur par des gestes également. Une requête de son nouveau maître n'allait donc surement pas tarder à tomber.

Tout d’abord, elle y avait décelé une concentration maximale afin de bien digérer ses consignes. Par la suite, il y avait dans son parler et sa gesticule l’expression d’une forte volonté à lui plaire. Il n’y avait aucun doute au final que cette chienne était destinée à servir, et ce, pour encore bien longtemps. Quoique le caractère farouche et arrogant qu’elle percevait chez les fraccìons d’autrui l’ait toujours dégouté, elle devinait chez ces êtres de bonnes chances d’atteindre de plus hauts paliers. Pour Senka, elle était née soumise. Son portrait en entier transpirait cette impression. Toutefois, elle ne pouvait nier à quel point la jeune demoiselle lui seyait comme un gant. Cette esclave allait probablement répondre à toutes ses exigences, et Lili ne s’en verrait que davantage satisfaite. Même si quelques détails demeuraient à régler, elle était vouée à un bon service. En échange, la Quinta se promit de la traiter avec un minimum de respect qu’on puisse offrir à ces microbes. Au moins lui laisser la vie sauve allait déjà représenter un indice quant à un certain contentement. Jamais elle ne viendrait lui avouer son bon travail… Cela, Lili se l’interdisait.

Pour que rien ne paraisse quant à ce qui se tramait dans son crâne, sa tête se fit lourde et vint prendre appui sur sa main, tandis qu’elle forçait en même temps un bâillement. Même si elle feintait celle qui n’avait que faire de son monologue, elle tendait sans vraiment le montrer une oreille attentive à son histoire dans le but de cerner les atouts de ce personnage. En tant que fraccìon, elle devait prendre part aux combats avant son Maître. C’était ce pour quoi il serait aisé de modeler quelques stratagèmes en cernant tout d’abord les aptitudes de sa nouvelle esclave. Le travail d’équipe pourrait représenter un atout pour leur équipe, même si elle ne souhaitait pas collaborer avec ce microbe. Il était possible de trouver un moyen d’harmoniser leurs styles de combat pour obtenir un maximum d’efficacité. Mieux valait cela qu’un chien dans ses pattes, sans aucune coordination et plus nuisible qu’autre chose. Par contre, interdiction de créer davantage de liens. Qu’elle sache bien où était sa place.

Un rire traversa ses lèvres lorsqu’elle perçut sa dernière phrase. Elle correspondait définitivement à toutes ses attentes. Elle ne devait avoir aucune fierté. Lili pensa à cet instant même qu’elle allait être facile à remettre à sa place et diriger. Cette jeune demoiselle semblait inanimée de la moindre ambition, si ce n’est son envie de faire couler le sang qui, au final, pourrait grandement être profitable pour la Quinta. D’un hochement de tête pour lui montrer la satisfaction vis-à-vis ses réponses, elle préféra la renvoyer pour l’instant. Il y avait autres choses plus importantes à faire et dans l’instant, elle n’avait ni l’envie ni le temps pour jauger ses réelles compétences. Elle lui annonça donc rapidement la fin de cette entrevue, non sans se libérer de cet air supérieur qu’elle prenait plaisir à emprunter :

Bien. Ça me convient, on va dire. Les choses sont donc claires entre nous deux et c’est bien tout ce qui importe dans l’instant. Je te conseille de déguerpir rapidement de ma vue. Je te ferai quérir si besoin est, mais sache que je prépare un petit quelque chose et ta présence ne sera pas de refus. J’en profiterai à cet instant même pour voir un peu de quel bois tu te chauffes. Je te le ferai savoir une fois que je serai prête. Pour l’instant, promène-toi et vaque à tes occupations, microbe.

Elle la renvoya d’un vaste signe de main. Son regard abandonna immédiatement le visage de sa toute nouvelle fraccìon pour venir admirer sa manucure. Lili venait de passer à autre chose, ainsi fit-elle semblant de l’ignorer parfaitement.