D'une manière inexplicable, Tenzen ressentit soudainement un sifflement persistant dans son oreille droite. Selon une croyance terrienne tenant clairement de l'imbécillité, cela était censé vouloir dire que quelqu'un quelque part parlait en mal de lui. Ridicule... Si c'était vrai, son oreille sifflerait sans aucun doute en continu ! Toujours est-il qu'en passant près de ces deux Shinigamis de sa Division qui discutaient, il tendit le pavillon afin d'essayer de percevoir le sujet qu'ils abordaient ensemble, histoire de se débarrasser de la possibilité que ce soit eux qui le mentionnaient. Même si ce n'était pas réellement utile : personne n'osait jamais dire du mal de lui en sa présence, ou bien ne le faisaient-ils pas bien longtemps... Le malaise – et surtout ses répliques acerbes – s'installait bien souvent dans ce genre de cas.

Mais ce n'était bien sûr pas le cas. Un autre Capitaine se trouvait au centre de la conversation. Himesaki Tôjô... Et les deux jeunes femmes mentionnaient particulièrement sa relation avec sa Vice-Capitaine. Elles n'en faisaient état qu'en guise de rumeur, comme si ce point n'était pas encore confirmé mais que cela n'empêchait pour autant pas le Gotei de colporter et de jacasser. Et ça y allait des « ils vont trop bien ensemble » en passant par des « tu penses qu'ils vont bientôt se marier ? ». Sans trop savoir pourquoi, cette discussion piqua au vif le Capitaine de la Neuvième Division. Et avant même d'avoir le temps de réfléchir, il parla – ce qui ne lui ressemblait franchement pas...

À votre place, je ne compterais pas trop là-dessus...

Dit-il simplement sans pour autant stopper ses pas lents. « Pourquoi donc Taishô ? » s'entendit-il répondre. Et une nouvelle fois, sans le moindre calcul, il rétorqua tout simplement.

Voyons... Vous ne le savez donc pas ? Et moi qui pensait que c'était un fait connu... C'est bien simple : Himesaki-Taishô préfère les garçons. Je dis bien « garçons » et non « hommes », comprenez bien... Sincèrement, vous l'ignoriez ?

Cela dit sans le moindre sourire ni expression particulière, comme à son habitude. Et il s'éloignait déjà sans attendre de réponse. Pourquoi faire cela ? Une envie soudaine, incompressible. Ainsi une rumeur allait sans doute se lancer. Et au plus profond de lui-même, une voix démente de Hollow se prenait un énorme fou rire...

Spoiler:

Ses doigts filaient sur son instrument, jouant les notes avec une précision acquise grâce à une pratique de longue date. Les yeux presque clos, il fut finalement perturbé par une ombre venant se glisser et couper le chemin de la lumière passant jusque là librement par la double porte ouverte. L'une de ses quatorzième siège, voilà ce qu'il put remarque en relevant la tête, sans pour autant mettre fin à la mélodie qu'il déclinait. Tôjô qui se présentait, désireux de le rencontrer. Elle souhaitait juste savoir s'il acceptait de le recevoir. D'un simple signe de tête, il fit connaître son avis favorable. Mais pas question pour lui d'arrêter de jouer pour entamer la conversation tant qu'il n'était pas arrivé au terme de ce simple morceau...

Manifestement, Tôjô ne se trouvait pas particulièrement pressé. Il se posa même paisiblement, s'installant et fumant tout en écoutant jouer le Shirohasu. Celui-ci d'ailleurs ne se pressa aucunement. Ses doigts couraient sur son guqin sans se préoccuper du visiteur. Après tout, si le sujet à traiter eut été urgent, le Capitaine de la Septième Division l'aurait sans doute déjà interrompu. Aussi, pas de quoi s'arrêter pour le maître des lieux, du moins jusqu'à ce que sa mélodie soit bel et bien achevée. Mais, malheureusement, toute bonne chose à une fin. Et ce morceau n'y faisait pas exception. Bien sûr, il aurait été simple d'enchaîner sur la suite, poursuivre sur une nouvelle part de son registre étendu, mais cela aurait été un bien trop grand manque de respect à l'adresse de son confrère. Aussi Tenzen s'arrêta alors, bien que laissant courir le silence un instant. Il poussa un soupir paisible, s'humecta rapidement les lèvres du bout de la langue avant de finalement briser cet instant de flottement. Ses paupières se soulevèrent alors pour ne les laisser qu'à demi closes. Sa tête se releva par contre de manière plus affirmée afin que les regards puissent se croiser lorsque les premiers mots seraient enfin prononcés.

Himesaki-Taishô ! Que me vaut donc votre présence en cette journée qui n'aspirait pourtant rien d'autre que le calme et le plaisir d'en profiter ?

Pas grand chose d'autre à dire en l'instant. Ignorant tout de la raison de cette visite, il ne pouvait qu'attendre que son visiteur se décide à lui en dire plus. Qu'il lui précise enfin le but de sa venue en les Quartiers de la Division du Lotus. Le Yakushiji espérait du moins qu'il y avait là une quelconque utilité à ce que l'Himesaki en vienne à le déranger en cette journée dont le Shinigami millénaire avait bien escompté pouvoir profiter pleinement jusque là...

Je vous en remercie !

Disait-il cela quant au compliment sur sa maîtrise du guqin, ou plus simplement sur la joie manifestée par Tôjô quant à son retour au sein du capitanat ? Sans doute un peu des deux, en tout cas aucune précision ne vint apporter un éclaircissement sur ce point. Tenzen est comme toujours peu loquace et ce n'est pas après sa « petite absence » que cet état de fait allait changer, on ne se refait pas, et encore moins à cet âge là. Rien d'étonnant dans cette réaction donc. Rien d'étonnant non plus dans l'attitude de l'Himesaki, toujours égal à lui-même, mélange de nonchalance et de sympathie non dissimulée. Souriant et décontracté, soit tout l'inverse du Capitaine de la Justice. Le Taishô de la Septième Division s'approcha alors afin de s'installer en face de son interlocuteur, non sans avoir au préalable éteint sa pipe. Une bonne chose qu'il n'en vienne pas enfumer ce modeste bureau qui ne méritait après tout pas un tel sort, effectivement.

Puis vint la question. Évidente elle aussi. La même que Shinjirô s'était empressé de venir lui poser dès que l'annonce de son retour avait commencé à se répandre. À cela près que le Kenpachi n'avait vraiment pas pris la peine d'y mettre les formes, et qu'il n'était reparti avec aucune réponse, sinon celle du mépris évident que Tenzen avait à son encontre en dehors de ses capacités martiales qui elles n'étaient au demeurant pas discutables. Le Shirohasu prit le temps de peser un instant sa réponse, de réfléchir à la manière à adopter afin de la formuler. Les motifs de son retrait momentané lui sont clairs, mais il a bien conscience que tous ne peuvent pas être capables d'en saisir toute la profondeur, mieux vaut donc tenter d'expliciter cela au mieux. Et c'est par une image qu'il débuta son explication.

À vouloir lire dans le noir absolu, l'on ne peut que se ruiner la vue sans pour autant obtenir le plus infime résultat positif...

Voilà qui ne répondait certes pas encore à la question, bien trop énigmatique, mais ce ne pourrait que s'éclaircir avec ce qui suivrait.

Le doute, Himesaki-Taishô... Le doute est la pire des obscurités, si l'on ne tient pas compte de l'ignorance. Nous évoluons dans une époque bien trop troublée que pour pouvoir se permettre d'évoluer à tâtons. Il m'était nécessaire de prendre le temps de réfléchir sur de bien nombreux sujets qui méritaient d'être approfondis. Et cela, je ne pouvais me le permettre pleinement tout en occupant mes fonctions. Un Capitaine qui ne sait pas où il va ne peut être un bon guide, c'est une évidence. Il m'était donc tout à fait impossible de poursuivre ma tâche en l'état...

Les sujets de doute ne sont pas émis clairement, eux. Mais cela n'est à son sens pas nécessaire. La menace des Maho Tsukaïs ainsi que la rébellion de certains anciens Capitaines dans le Rukongai viendraient forcément à l'esprit, et il s'agissait bien là des sujets principaux. D'autres encore s'y ajoutaient, mais bien plus personnels, ils n'étaient pas à éventer. Le cas des frères Kagura, notamment...

Si je suis revenu, c'est donc que mes préoccupations sont réglées. Vous comprendrez donc que, même si j'apprécie votre proposition, il n'y a nulle aide requise dans ce processus. Ma voie et ma stabilité sont retrouvées. Qu'en est-il des vôtres, Himesaki-Taishô ?