Toujours la jambe droite, puis la jambe gauche. Il ne pouvait se souvenir des instants ou il avait appris les mouvements du wushu dans sa vie humaine, mais la mémoire corporelle et le hakuda l'avaient rendu plus fort. Son cerveau n'était sans doute pas un ordinateur à proprement parler, mais son corps était une arme. Même lorsque Shogo s'étirait. Habillé d'un simple hakama, les tatouages de son torse illuminant ses gestes de toutes leurs couleurs, le cinquième siège se redressa. C'était son moment préféré, le moment sac de sable.

Au dehors, les quinze heures venaient de sonner, et dans cette zone relativement éloignée de la seconde division et de ses spécialistes, les dojos n'étaient pas trop fréquentés après les premières heures de la journée. Le cinquième siège Tatsugami, lui, adorait venir à cette heure pour s'entrainer avec des amis, un ou deux après-midis par semaine, lorsqu'il n'était pas occupé à ses dragueries habituelles. S’élançant, muscles tendus, il asséna un violent coup de pied au sac qui mit bien quarante-cinq secondes à se stabiliser ensuite, aidé par son tortionnaire.

N'étant pas du genre à parler trop lorsqu'il cognait, Shogo se remit tout de suite en position d'attaque, passant cette fois à son style de prédilection, la boxe wing chun. Il porta une bonne dizaine de coups puis s'arreta brusquement, caressant ses phalanges qui s'étaient zébrées de rouge. Il avait encore oublié ses bandages, une fois n'était pas coutume, et il retourna les passer, s'asseyant sur le banc à coté de sa besace.

- Eh ! Takeda ! T'saurais pas ou j'ai encore fourré mes bandages d...

La porte d'entrée choisit ce moment précis pour grincer, annoncant un nouveau gus dans l'enceinte du dojo. Shogo tourna la tête, prêt à maugréer s'il s'agissait d'un autre de ces boxeurs du dimanche. Il se stoppa net en constatant que l'arrivant, en l'occurrence l'arrivante, n'était non pas un tocard mais une splendide poulette de compétition. Forcément, son instinct reprit le dessus, à peine nuancé par une pointe de challenge. Allait-elle rester sachant que tous les regards étaient maintenant sur elle, oppressants ? C'était un test de personnalité. Shogo se dit ensuite qu'elle avait l'air franchement déplacée dans un dojo, mais il n'aurait pas su dire pourquoi.

- Asatsuyu-Fukutaisho !

Un planton derrière lui avait jugé bon de s'incliner avec révérence. Quoi ? Elle était vice cap' celle là ? Lui il mit les mains dans les poches, toisant l'arrivante, et restant droit comme un I alors que tous les autres s'inclinaient déjà. Il avait trouvé ses bandages et couvrait ses phalanges ensanglantées sans la quitter des yeux, un sourire narquois aux lèvres.

Le tatoué ne bougea pas durant trente bonnes secondes, les bras croisés et son rictus toujours vissé aux lèvres. Puis, s'apercevant qu'il perdait probablement son temps à jouer les gros bras, il condamna cette tactique, la rendant obsolète à mesure qu'il se remettait à rouer de coups son sac de sable. Coups de pieds retournés, aériens, manchettes et uppercuts, tout y allait avec joie. Tant et tant qu'il en oublia presque la présence inhabituelle de la vice-capitaine, à vrai dire. Shogo était dans son élément, et un sourire de gosse avait remplacé sa moue sarcastique de tout à l'heure. Quand il était comme ça, il ne fallait pas lui parler, mais souvent les autres s’arrêtaient et regardaient.

C'était le cas en ce moment, pas un bruit dans le Dojo à par ses coups et le bruit de deux autres pieds sur le tapis. Cessant son manège, alors que Takeda lui adressait un signe de tête, admiratif, le cinquième siège posa le regard sur la jeune femme qui... c'était dur à dire, d'un supérieur en tout cas, mais elle s'étirait n'importe comment. Ne se sentant pas d'humeur, il serait surement retourné à ses joyeusetés si la bille en question avait été un mec. Mais on parlait d'une poulette là ! Son sang ne fit qu'un tour, et il quitta son sac de sable pour venir, moins d'une seconde plus tard, se planter devant elle. Il s'éclaircit la gorge.

- Salut. Euh, écoute, c'pas comme ça qu'y faut t'étirer avant l'effort. La, tu risques juste de t'faire un claquage. Sauf ton respect, hein.

Aucune formule de politesse, classe incarnée. Oui, Shogo était et resterait un branleur de première, mais sur ce coup là au moins c'était pas des moqueries mais un conseil avisé. Un conseil vital en matière de combat au corps à corps même. Bien sur, en situation de combat réelle, pas le temps de s'étirer, mais bon s'ils s'entrainaient c'était aussi dans ce but, alors une bonne condition physique pouvait pallier. Mais là, regardant les bras maigrelets, les cuisses en allumettes de la jeune femme... Et ses seins fermes et ronds sous son décolleté alors qu'elle se penchait... il y avait fort à parier qu'il avait affaire à une débutante. Il secoua la tête, chassant ces pensées impures de son esprit

- J'suis pas spécialiste hein...

De fait, il l'était, mais un peu de modestie ne faisait jamais de mal. Meme si la modestie n'était pas d'ordinaire son point fort. Il continua.

- ... mais j'ai l'impression que tu débutes. Si tu veux, je peux te montrer deux trois astuces. C'toi qui vois.

Il resta planté là et cala ses mains dans les poches, se taisant et regardant alternativement son sac de frappe et la donzelle, ou plutôt son décolleté, la encore. Les vieilles habitudes ont la vie dure, comme quoi. Si elle l'envoyait balader, importunée par le simple soldat qu'il était, il retournerait filer des mandales à son sparring partner préféré, sinon il s'attarderait... Et pourquoi pas échafauderait un plan pour la suite des évènements, qui, s'il abattait bien ses cartes, pouvait être nettement plus intéressante.

Shogo était un type à double tranchant, de fait il était vraiment disposé à l'aider, par simple esprit sportif, mais il ne réfléchissait pas souvent avec sa tête. Si vous me suivez. Du coup, il fit claquer sa langue, ponctuant ainsi son discours d'une onomatopée qui chez lui signifiait qu'il avait envie d'une clope

Le jeune homme n'eut pas à attendre bien longtemps pour constater que désormais, il aurait un nouveau sac de sable, bien plus sexy et doté de bras et de jambes. Seul un imbécile ne se serait pas rendu compte qu'il y gagnait au change ! Ignorant tout de l'age de la blonde ou du fait qu'il avait l'air d'une jeune pousse à peine émergée du pot à ses yeux, il bomba le torse. Il était de fait un jeune homme aussi stylé que sur de ses charmes, alors il illumina ses traits d'un grand sourire, qui se voulait amical. Ceci dit de l'extérieur il ressemblait surement au loup de Tex Avery prêt a gober sa proie.

Et puis il fallait bien dire qu'elle n'avait pas l'air farouche, à minauder de la main lorsqu'il avait mentionné le "respect" qu'il avait pour elle. Il avait donc trouvé le point sensible. Tout fier de lui, il fit quelques pas vers le centre du tatami, à reculons, afin de ne pas quitter des la belle plante qui redressait sa fine silhouette tout en douceur. Et il se planta là, continuant à grand renforts d'accent tokyoïte.

- Ravi d'entendre que t'es motivée. Amène toi par ici ma belle, on va commencer par t'échauffer correctement. Pasque là, comme j'te disais, c'pas trop la joie d'ce coté là.

Et, plutôt que de longs discours, y'avait rien de mieux que la démonstration par l'exemple. Une jambe, puis l'autre, il refit au ralenti sa routine devant la demoiselle. Il alla toucher ses orteils, des deux cotés, et ensuite le sol, puis rebelote, faisant bien soin de faire exagérément jouer ses muscles tout peinturlurés. On était stylé ou on l'était pas, et lui, mon jeannot, il l'était. Puis il se chargea d'aller se mettre derrière la demoiselle, le plus naturellement du monde, et comme tout bon sensei. Se penchant, il attrapa délicatement ses poignets et la guida pour refaire les mouvements.

Il en profita, bien sur, pour venir trop se coller et pour humer le parfum des fleurs qu'elle portait dans les cheveux. Si c'était pas un baby-mama de compétition franchement ! mais il s'égarait, et il rattrapa de justesse sa main avant qu'elle vienne jouer avec l'un des monts qui gonflaient le bustier de sa nouvelle élève. Un réflexe. Il devait rester professionnel, et ne pas y aller trop fort, aussi il s'écarta de quelques pas.

- J'te laisse le refaire seule cinq minutes, et pis après on passera a la pratique réelle, sur sac de sable. J'espère que t'as pas une frappe de fillette, ce serait dommage.

Et oui, mine de rien, il allait la faire bosser. Lui, il avait les mains dans les poches, observateur. Il s'était rarement retrouvé dans la position de l'entraineur personnel, et jamais avec quelqu'un de plus gradé que lui. Cette après midi de violence normale allait surement être mémorable en fin de compte.

Il espérait juste qu'il avait pas affaire à une tocarde, car dans ce cas l'esprit sportif qui était le sien risquait de fortement compromettre ses chances de séduction en étant cassant. En effet s'étant entrainé toute sa vie, si courte qu'elle fut, il avait des réactions épidermiques devant la médiocrité et l'amateurisme. Si elle avait été un homme et qu'elle avait été aussi médiocre qu'amateure, il lui aurait flanqué une bonne raclée pour le lui prouver. Attendre et voir.

Notre instructeur d'un jour finit finalement par se prendre une mandale, mais une mandale originale. Alors qu'il se repaissait tranquillement du spectacle d'une demoiselle en pleine effort, ses cheveux mauves en batailles lui tombant avec classe sur le front, ladite donzelle l'avait frappé, comme ca, pour voir. Et avait du coup abandonné sa courte séance d'échauffements pour répondre à son défi, en temps normal, il aurait froncé les sourcils et lui aurait intimé, sévère, de retourner à sa place, mais là... c'était une poulette avec une frappe de mouche. Un cas très spécial. Son biceps, forgé par des années d'entrainement, ne ressentit qu'un vague chatouillis alors que la fine main de la jeune femme s'écrasait dessus.

Il eut un léger ricanement, à peine audible car il fit de son mieux pour le réprimer. Même Takeda, dans le coin là bas, qui était pourtant bâti comme un phasme, tapait plus fort. Le tatoué se tut, finalement, et leva un sourcil. Voilà qu'elle se plantait en face de lui et se mettait à le... à le caresser ? Son sang ne fit qu'un tour, et ses mains frémirent dans ses poches, prêtes à démontrer de leur habileté après l'avoir entrainée à bout de bras jusqu'aux vestiaires pour mieux... Il interrompit ses rêves éveillés de façon abrupte.

- Très bien, Masaye, mais va falloir se r'mettre au turbin, parce que c'est pas en m'menacant que tu vas progresser d'un iota.

Il y avait bien des choses qui le hérissaient, et qu'on le prenne pour un idiot était l'une d'elles. Elle était assez jolie pour ne pas immédiatement aller percuter le mur du fond, mais cette tirade lui avait fait l'effet d'un seau d'eau glacée. Se redressant, et sortant les mains de ses poches pour mieux croiser les bras, joignant ainsi les dragons jumeaux qui ornaient ses poignets, il regarda un moment les sacs de sable. Le dojo était plus calme. Il regarda ensuite le reste de la salle et aperçut Takeda qui partait, lui adressant un signe de tête. Visiblement, Masaye les avait mis mal à l'aise par sa simple présence. Étrange. Il se remit à la détailler de pied en cap. Ils étaient seuls dans le dojo. Intéressant.

Sa motivation venait de remonter, ou plutôt de se redresser. Ça pouvait devenir sympathique, finalement, et il attendit patiemment que la gonzesse aie fini ses étirements avant de faire de nouveau retentir ses accents trainants dans le dojo. Ils résonnaient, dans l'impressionnant silence qui s'était fait entre temps.

- Bien, maintenant on va passer à l'entrainement réel. C'lui qui use, qui forme. Et t'en as b'soin, alors pas d'geignardises, c'est vu ?

Geignardises ne voulait rien dire, mais il avait le sentiment que provoquer la jeune femme en se montrant impitoyable en tant qu'entraineur pouvait être une bonne tactique. Puis, pour frimer, il s’élança, mit deux doigts au sol, se propulsa et asséna un coup de pied tournoyant tête en bas au premier sac venu. Puis il se redressa sans les mains, tout en souplesse et content de sa démonstration. Et continua, comme si de rien n'était:

- Bon, maintenant, j'veux que tu mettes des coups de poing à c'sac, droite trois fois, gauche trois fois, et pis mets y toute ta force, surtout. Et j't'ai choisi notre matos de débutant, j'te fais une fleur.

Il lui désignait un sac beige, qui était moins dur à la frappe que les autres. Mais qui avait une fâcheuse tendance à revenir sur son agresseur si on y prenait pas garde. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Puis, une fois n'est pas coutume, il se mit lui même à flanquer une dérouillée en utilisant ses pieds et ses poings à un autre sac, ne quittant pas Masaye des yeux pour autant. Après tout, il était venu pour se délasser, lui aussi. Mais, contrairement aux autres utilisateurs du Dojo, on pouvait sentir la rage qui habitait chacun de ses coups. Elle était presque palpable.

Alors qu'il enchainait les manchettes sur son propre sac, Shogo s'était en quelque sorte coupé du monde extérieur, tout à son art. Le Wushu était son art de prédilection à mains nues, et le Wing Chun était en revanche meurtrier une arme en main. Ce qui ne l’empêchait pas d'intervertir les deux styles de temps à autres, afin de déstabiliser l'adversaire. Il donnait des coups rapides et précis, avec à chaque fois le même degré exact de force au sac. Ce fut à peine s'il remarqua l'échec cuisant de sa nouvelle élève.

Ce n'est que lorsqu'elle s'excusa qu'il tourna la tête. Le cinquième siège eut ainsi tout le loisir de contempler l'étendue des dégâts. Le sac de sable éventré, la jolie blonde se répandant en explications à coté, et cette odeur d'ozone si particulière. Un hado. Il détestait catégoriquement ces trucs là, et en voir un dans un dojo dédié au Hakuda, c'était tout simplement inqualifiable. Il força un sourire compatissant à se dessiner sur ses lèvres.

Le tatoué fit ensuite quelques pas et regarda les dégâts de plus près. Il releva ensuite les yeux vers son élève du jour, tentant tant bien que mal d'ignorer son bustier afin de se concentrer sur ce qu'il avait à dire au sujet de ce regrettable accident. Il décida d'employer la manière douce, mais il savait pertinemment que si elle refaisait quelque chose du genre il la laisserait plantée là et retournerait dans ses quartiers à la huitième.

- J'dirais pas qu'ca arrive tous les jours, des hado réflexes, dans l'coin. T'pourras trouver un balai à la fin d'la séance, pour l'instant viens donc par ici.

Il fit quelques pas en arrière, se plantant devant un nouveau sac. Il serait gentil, mais celui là c'était l'un des sacs de frappe qu'il utilisait le plus. Et il n'en restait que deux après celui-ci. Les chaines qui soutenaient cette œuvre d'art des arts martiaux étaient renforcées, et son poids était bien plus important que le sac de fillette qu'il lui avait refilé au début. Le hado aurait simplement avancé l'inévitable: se faire les phalanges sur du vrai cuir.

- J'suis Tatsugami Shogo, cinquième siège d'la huitième. Enchanté. Bon, j'veux qu'tu me fasses c'que t'as pas pu faire tout à l'heure en frappant cette beauté.

Il parlait du sac, pour une fois. Et cette fois-ci il se campa sur ses jambes, bien décidé à suivre toute la scène d'un œil à la fois attentif et blasé. Ces manieurs de Kido, ils étaient tous pareils. Tous à se cacher derrière leurs incantations et leurs sons et lumières vantards. Y'avait vraiment aucune classe là dedans, les pires c'étaient sans doute ces génies de la prestidigitation du corps des nécromanciens. Il avait jamais pu les blairer ceux là.

Mais bon, ça leur faisait un endroit ou aller, à ces cas de l'académie. Une de ses anciennes aventures, Kagawa Noriko, s'était vue affectée à cette "division" à sa sortie de l'académie. Il n'avait pas spécialement cherché à renouer le contact, même s'il arrivait qu'elle lui envoie des lettres.

Et il avait vraiment bien fait de rester regarder. Visiblement le choix de ce nouveau sac ne plaisait pas à la demoiselle, et bien qu'il eut déjà sa petite idée sur le pourquoi du comment, la voir se détruire les phalanges sur un sac qui, pourtant, ne payait pas de mine, c'était juste... drôle. Oui, voilà. Le potentiel comique de cette situation, mais aussi le cri aussi contrit que mignon qu'elle provoqua chez la demoiselle firent naitre un sourire au coin des lèvres de Shogo. Néanmoins, la courageuse élève continua, ce qui était une preuve tangible de bonne volonté.

Ce ne fut qu'à la fin de l'exercice, ou presque, qu'il eut droit à l'un des spectacles les plus pathétiques qu'il lui aie été donné de voir. Elle qui était venue s'entrainer, à la base, avait vu sa motivation brisée en deux par un simple sac. Mais le cinquième siège ne distinguait aucune frustration dans sa voix, simplement un plat constat. Se méprenant sur les interprétations à donner à cet état de faits, il mit ça sur le compte du manque de motivation. Et grimaça.

- J'confirme, tu peux pas aller beaucoup plus loin, mais j'ai fait c'truc pour t'tester.

En effet, un combattant plus rompu dans l'art noble du hakuda qu'elle se serait simplement éraflé les phalanges là ou les siennes avaient encaissé le choc sans résistance, ployant face à l'objet. Ce qui suivit fut donc tout sauf surprenant, et notre sergent instructeur leva un sourcil. Il l'écouta babiller, puis, sans un mot, alla chercher deux épées d'entrainement en bois au fond du dojo. Désarmer, hein ?

- Entendu. T'vas t'entrainer sur moi, et j'promets d'y aller mollo.

Il lui colla le katana de bois dans les mains, mettant le sien en travers de ses épaules, avant de se placer au centre du tatami. Puis il laissa mollement pendre le bout de bois à son coté, le long de sa jambe, complètement détendu et pourtant très alerte. Dommage que Takeda ne soie pas resté. Le désarmer lui aurait été bien plus facile. Puis, s'éclaircissant la gorge, il lança à la donzelle.

- Vas-y, essaie de m'frapper.

Il s’efforça de ne pas accompagner ces mots d'un ricanement bien senti. Il n'attendait pas grand chose d'elle, et justement ce point précis était le pourquoi du comment elle ne pouvait que progresser. Mais d'un point de vue frustration, il savait pertinemment qu'elle allait le trouver encore pire que le sac de frappe. Au moins ne s'esquinterait-elle pas ses jolies mains de manieuse de kido, cette fois.

Il avait à peine pris place que la jeune femme l'enfermait dans une conversation qui n'avait de sens que pour elle seule. Elle devait probablement parler de son Zanpakuto, décida t'il après mure réflexion, mais elle avait décidément une façon bien à elle de le décrire sans l'expliquer. Heureusement qu'il n'avait pas trop bu la veille, ou cette phrase seule l'aurait laissé songeur pendant cinq bonnes minutes. Il était en position, frais et dispos, et Obake, son propre sabre, était remisé au vestiaire. Il n'avait que faire de qui elle était en dehors du dojo, ici ils maniaient des épées de bois.

Il ne dit rien, cependant, et attendit simplement qu'elle eut fini, avant de faire un signe de tête discret signifiant, dans un langage tout personnel là encore "vas-y, frappe moi." Elle aurait tendance à arrêter ses estocades. Tant pis pour elle. Lui, il maniait un Kyoketsu Shoge en forme Shikai, allait-il lui lancer son sabre à la tête pour autant ? Il se força à se recentrer. Une fraction de seconde avant que le coup de la vice capitaine ne parte. Bon placement de jambes. Mais comment dire... cette passe sentait la bibliothèque. Tout simplement.

- Bien !

Lacha t'il cependant, se préparant à parer sans même bouger. Peu académique, certes. Mais lui n'avait lu aucun des livres au programme, s'étant entrainé à l'école de la rue et ayant de surcroit des réminiscences de ce qu'il devinait être sa vie humaine. Finalement, quelques attaques se succédèrent, et il les para toutes avec nonchalance, ne cherchant pour l'instant pas à désarmer son adversaire qui, pour une fois, semblait être à ce qu'elle faisait.

Shogo avait sa propre technique, bougeant avec fluidité, mais sans pour autant avoir l'air de vraiment prendre part au combat. Il préférait l'évasif au direct, l'esquive à la parade. Tous ses placements de pieds étaient tirés du wing chun, et finalement il alla faire un pas en avant, attaquant à son tour, ce qui eut pour effet de casser totalement l'élan de son adversaire. Masaye avait perdu l'équilibre et la pointe de son épée de bois s'était donc en toute logique arrêtée avant le point d'impact supposé, son épaule. Il en profita simplement pour lui prouver qu'il fallait toujours être concentré. Il expédia le bout de son sabre en l'air, allant du même coup chercher l'arrière de son mollet du plat du pied. Et voilà. Plus de sabre, et bonjour le sol.

Il lui tendit la main pour l'aider à se relever, avant de regarder rapidement la pendule du dojo. Il n'avait plus tant de temps que ça, à vrai dire, et même s'il pouvait humilier un officier supérieur toute la journée, il était convoqué dans les bureaux du capitaine Nakatoto pour une affaire... disons, litigieuse. Qui ressemblait beaucoup à la scène se tramant dans cette salle d'entrainement pour tout dire.

- Bon, v'là ce que j'te propose. Tu peux garder c't'épée d'entrainement, j'en trouverai une autre a c'dojo, par contre, faut qu'tu t'entraines dans ta division avec tes potes. J'veux bien continuer à t'aider, hein, j'suis souvent ici à cette heure. Faut que tu sois en situation de combat réel pour progresser. J'étais pareil, le reste marche pas. Pis j'dois y aller, t'trouveras le balai dans les placards la bas, pour les sac.

Pour une raison qui lui échappait totalement, quelque chose dans l'attitude de Masaye, sans doute, sa libido avait reflué, le laissant face à une élève à problèmes. Il ne se sentait pas mal à l'aise en sa compagnie. Il n'avait simplement plus l'envie de coucher avec elle. Il avait la sensation de se trouver en face d'un être qui le dépassait complètement. Une énigme. Personne ne combattait plus avec ces vieilles figures des manuels de Zanjutsu de l'académie. Il les avait lus, par curiosité et pour se marrer, mais ces figures là appartenaient aux volumes poussiéreux en haut des étagères.

Il remit simplement son Shihakusho sur ses épaules chatoyantes, et attrapa la bandoulière de son sac en toile, la passant lestement et laissant la jeune femme à elle-même après un passage de porte compliqué. Comprenez, il faisait beau et il dut plisser les yeux afin de ne pas aller se prendre le petit platane qui ornait l'entrée. A quand des lampes à l'intérieur de cette vieille salle ?

Spoiler: