Le Yermo... il n'y avait pas de terrain de chasse plus vaste, ni même plus dangereux, que le désert de quartz. Ceux qui n'en sont pas à leur première ballade sauront qu'il n'est pas conseillé de baisser sa garde dans un tel endroit, le danger y étant omniprésent. Les hollows qui y traînent, ceux n'ayant pas rejoint l'armée du Roi Grimmjow, soit par faiblesse ou stupidité, guettent la moindre chance de faire de vous leur prochain repas. Et les plus expérimentés sauront vous affirmer que ce ne sont pas des conneries. Aujourd'hui encore, j'avais eu la chance de le constater. Il n'était pas rare pour moi de profiter de mon temps libre en explorant le désert blanc, à la recherche de nouvelles têtes, ou de nouvelles victimes, selon mon humeur du moment. N'être qu'un Números apportait cet avantage de liberté permanente. Il n'y avait aucune Espada à servir, il suffisait seulement de répondre présent lorsque le Roi faisait appel à vous.

Malgré cela, je ne pouvais m'empêcher d'envier les membres de la prestigieuse Espada. Eux qui représentaient à mes yeux les êtres parfaits, ou du moins presque. Bien plus complet qu'un pauvre Adjuchas de mon envergure, il est vrai. Pas autant pour autant que l'homme à la tête des armées de Las Noches, el Rey del Hueco Mundo, Grimmjow Jaggerjack. L'Arrancar suprême. Rares sont ceux pouvant se vanter d'être parvenu à atteindre la Segunda Etapa, cet homme le pouvait. Moi qui ne maîtrisait pas encore parfaitement ma Resurrección, imaginer être en mesure de la perfectionner à ce point m'était imaginable. Pourtant, c'est bien dans cette optique que je m'étais de nouveau éloigner du palais. Des heures durant à fouler le sable du Yermo, à la recherche de Hollows à terrasser qui m'aideraient à me perfectionner. La perfection, ce mot hantait toutes mes pensées à longueur de journée...

Couvert de sang de la tête aux pieds, je n'étais plus bien loin désormais des portes de Las Noches. Du moins, était-ce l'impression que j'avais. Ce sang qui salissait ma peau et souillait mes vêtements n'était pas le mien, mais un mélange de plusieurs de mes adversaires de la journée. Résigné à ne pas rencontrer d'adversaire à la hauteur une fois de plus, j'avais baissé ma garde l'espace de quelques minutes. Ce laps de temps, en territoire aussi hostile, fut suffisant aux yeux d'un malheureux Hollow à le convaincre de tenter sa chance. Sous l'apparence d'un vers géant, entièrement blanc, un masque horrible surplombant son faciès, il chargea sans crier gare, tentant de déchirer ma chair de ses puissantes mâchoires. La différence de niveau entre nous décida de l'issue de cet assaut, à savoir un échec cuisant pour le vers qui vint s'écraser au sol sous un direct du droit trop puissant.

Dans un vrombissement caractéristique d'un Sonido bien faiblard, je disparaissais un instant de ma position pour venir me placer sur la gueule de l'animal. Mon katana fut tiré de son fourreau, il était hors de question d'user d'une quelconque énergie spirituelle pour éliminer cette chose. Et la lame vint s'abattre au beau milieu du masque de l'affreux prédateur qui en l'espace d'un échange, était devenu le gibier. En voilà un autre qui n'était pas à la hauteur...

D'un geste lasse, je retirais la lame de mon zanpakuto du masque de ma victime, qui à mon étonnement ne s'évaporait pas comme les autres. Lui restait-il un souffle de vie ? Peut-être la lame n'avait-il pas été assez profondément dans le hierro de ce Hollow. Quoi qu'il en soit, agonisant ou déjà mort, celui-là ne m'intéressait plus. Et comme aujourd'hui semblait être mon jour de chance, lorsque mon adversaire trépassait, un autre tout aussi désireux de combattre faisait irruption. Dans un vrombissement qui ne laissait planer aucun doute quant à la technique utilisée, il apparaissait. Un unique coup d’œil au trou béant dans sa poitrine me fit comprendre qu'il n'était pas différent de moi. Arrancar. Qu'est-ce qui pouvait bien l'avoir attiré jusqu'ici ? Et dans quelles intentions s'était-il empressé d'arriver ?

La réponse ne tarda pas à venir. Sans un mot, il arma son poing d'un Bala et l'envoya s'écraser sur le corps du Hollow à mes pieds. Il n'en fallut pas plus l'achever, les restes du vers se dispersèrent aux quatre coins du désert, emporté par le vent. Silencieux, j'adressais un regard interrogateur à l'inconnu, tentant de comprendre un tel comportement. Petite merde. Sa proie. Dégager. Ses paroles me firent pousser un soupir d'exaspération. Violence et injures, encore et toujours. Cela ne devrait même plus m'affecter tant ce comportement belliqueux était monnaie courante au sein de notre race, pourtant... Pourtant, à chaque fois, j'imaginais tomber sur un Arrancar différent des autres, plus à mon image. Respectueux, aimable et serein en toute circonstance.

De nouveau, le borgne, puisqu'il en était un, crut bon d'user de la force pour m'intimider. C'était bien ce qu'il tentait de faire étant donné que le projectile de reiatsu ne fit que m'effleurer, avant de s'écraser dans une dune du Yermo. Cette fois, il avait usé d'un Cero. L'explosion fit s'envoler le sable dans mon dos, le tout retombant dans une pluie de grains désagréable. Pour la seconde fois en l'espace de quelques minutes, un soupir perça d'entre mes lèvres. Il n'était pas difficile de lire la contrariété déformant les traits de mon visage. Non seulement, cet homme débarquait sans un mot, sans décliner son identité ou me saluer, mais en plus il se permettait de faire une petite démonstration de force. Pire encore, il osait prétendre que le hollow abattu était sa proie.

- Il était à vous ? Je ne crois pas non. Où étiez-vous lorsqu'il a surgit d'entre les dunes pour tenter de me dévorer ? Moi j'étais bien présent et c'est bien mon poing qui l'a envoyé à terre, tout autant que c'est bien ma lame qui a transpercé son masque. Vous, vous n'avez fait que débouler et l'achever d'un tir de Bala, tel un charognard.

S'il s'imaginait m'impressionner avec deux coups aussi faiblard, il se trompait lourdement. Et ce n'était pas ses paroles qui arrangeraient la situation. Comme il pouvait le constater, le sang souillant mes vêtements n'était pas le mien, mais celui de Hollows aussi arrogants et irrespectueux que lui. S'il persistait à vouloir se montrer hostile à mon égard, alors le sien viendrait s'ajouter à celui des autres. Moi qui recherchait un adversaire à la hauteur, celui-ci pouvait éventuellement l'être. Pour autant, il était un Arrancar et certainement soldat du Roi, mieux valait tenter de faire connaissance. C'est tout du moins ce que je préférais, il fallait que de son côté il y mette aussi du sien.

Pour ce faire, j'avais ma petite idée sur comment faire retomber toute tension. Visiblement, il était en pleine chasse, pourquoi ne pas lui proposer de se joindre à moi et de traquer un plus gros morceau ? Car il fallait se l'avouer, je ne représentais guère un challenge intéressant.

- Je ne me suis pas présenté, permettez-moi de rectifier cela. Je suis Soejima Gesshin. Et vous êtes ? Quoi qu'il en soit, je viens d'avoir une idée et je serai heureux de la partager avec vous, vous avez le profil type de ce que j'ai besoin. Que diriez-vous de reprendre votre chasse à mes côtés ? Traquons une plus grosse proie, la dévorer n'en sera que plus satisfaisant, qu'en dites-vous ?

L'Arrancar ne cachait pas sa déception de voir ce qu'il considérait être sa proie, se désagréger immédiatement après avoir reçu le coup fatal. Eh oui, s'approprier le gibier d'une façon aussi douteuse ne pouvait pas être récompensé comme il le souhaitait. Cet animal ne faisait que récolter ce qu'il avait semé en agissant ainsi. Enfin, il pouvait s'estimer heureux d'être tombé sur moi, un autre de notre race l'aurait purement et simplement écrasé pour son comportement et ses paroles. Tous ne sont pas capables de se montrer aussi patient que moi. Et aucun ne l'aurait été au point de lui proposer une chasse en commun, afin de mettre les mains sur une proie plus intéressante et qui contentera les deux parties. Nous aurions tout aussi bien pu nous entre-tuer pour savoir à qui revenait le Hollow précédemment tué.

- Enchanté, Asano. Ne vous en faites pas pour moi, je saurai m'en sortir si les choses devaient se compliquer, cela ne serait pas la première fois.

Ce qui n'était pas totalement vrai, sans être réellement entièrement faux. Il m'était déjà arrivé de tomber sous l'embuscade d'une bande de Hollows affamés, chassant en bande pour plus de réussite. Ou encore de m'attaquer à plus gros que moi, lorsque je n'étais pas encore sous une forme arrancarisé. Des situations délicates ou la moindre erreur se payait chère et pourtant, à chaque fois je m'en étais sorti vivant. Maintenant, cela n'était pas non plus mon quotidien, comme j'essayais de le faire croire au borgne. Qu'il s'imagine avoir un dur à cuire face à lui était plus rassurant, ainsi peut-être qu'il ne tenterait pas de choses stupides contre moi. Et même s'il le faisait, rien ne garantissait que cela serait à son avantage. Je n'étais pas performant pour jauger la puissance d'autrui, celui-ci me paraissait néanmoins en dessous de moi.

- Bien. On va pouvoir se mettre en route.

Le doigt d'Asano pointa vers une direction, indiquant semble-t-il par où commencer notre traque. Observant au loin, dans la direction indiquée, ma vue ne parvint pas à déceler quoique ce soit. Guère surprenant, à une telle distance. Pour autant, je faisais confiance en l'Arrancar, s'il indiquait ressentir la puissance spirituelle d'une âme par là-bas, alors il nous fallait nous rendre là-bas. Ce n'était certainement pas moi, incapable de ressentir quoique ce soit d'aussi loin, qui irait dire le contraire. Poussant un soupir de soulagement, j'ouvrais la marche, le Zenko dans les talons. Rapidement, durant la marche, rien ne servant de se presser, quelques questions le concernant me vinrent. Ce personnage, était-il un Arrancar indépendant errant dans le Yermo, un vulgaire Números tout comme moi, ou bien était-il différent ?

- Asano, puis-je vous demander si vous servez le Roi Grimmjow ou si au contraire, vous êtes de ceux qui ne reconnaissent pas son autorité ? J'aimerais savoir à qui j'ai affaire et avec qui je partage mes proies, si vous comprenez ce que je veux dire.

Il n'y avait rien d'offensant à vouloir connaître un peu mieux cet homme, savoir s'il était de nature méfiant ou tout bonnement belliqueux.