Un petit jardin paisible, digne des traditions zen. Un petit coin de calme et de bien-être au sein d'un des treize quartiers militaires de la Soul Society. Ce jardin avait été réclamé par Tenzen lors de la reconstruction du Seireitei une fois que fut anéantie la menace du Vanden Reich. Et depuis, peu à peu, cet oasis de tranquillité présent au sein des quartiers de la Neuvième Division en avait un peu fait sa réputation. L'on pouvait même y compter certaines particularités uniques, comme cet étang où croissaient les carpes koï et au milieu duquel se dressait une statue peu commune, celle de sa précédente Vice-Capitaine, Mitsuko Aono qui victime de son propre pouvoir fut pétrifiée lors d'une tentative risquée visant l'acquisition de son Bankaï.

En bref, une zone totalement atypique où tenir son bureau. Très simple : quatre murs, un toit, une double porte coulissante toujours ouverte sur le jardin. Endroit tout à fait spartiate, cette pièce unique était dénuée de toute décoration, même pas un seul meuble pour ruiner l'acoustique de cet espace. C'était là qu'il méditait, qu'il pratiquait le guqin, qu'il recevait ses visiteurs et qu'il traitait ses dossiers. Un autre bureau normalement aménagé se trouvait bien entendu dans les quartiers, mais il le concédait entièrement à son Vice-Capitaine, n'en faisant lui-même jamais usage autre que pour entreposer la paperasse en cours jusqu'à ce qu'elle soit traitée.

Parfois, certains visiteurs peu au courant faisaient erreur et se rendait à ce bureau plus conventionnel dans l'espoir de voir le Yakushiji-Taishô, mais il y avait heureusement souvent des Shinigamis pour les guider vers l'endroit où ils pourraient réellement le rencontrer. Là, on pourrait le trouver en train d'étudier un dossier en particulier. Celui de Shimura Aoshi, ancien Capitaine de la Seconde Division et frère du grand malade mental que fut Shimura Tetsuya, Capitaine de la Quatrième Division durant une courte durée, mais surtout longtemps pensionnaire du repaire des asticots. Aoshi avait été l'un des anciens Capitaines à avoir été placé sur Terre après sa rétrogradation, tout comme le furent Akinoshi Elma et Shiragiku Namida, à l'exception près qu'Aoshi ne donnait désormais plus aucune nouvelle. L'enquête débutait donc à peine et il se devait de s'y pencher en étudiant toutes les données disponibles sur cet homme qu'il avait pu rencontrer et qui ne lui avait vraiment pas laissé une bonne impression.

C'est à ce moment là qu'Akucho-kun se présenta dans l'encadrure de ses portes ouvertes, sa silhouette tranchant dans le cadre jusque là paisible. Le Yakushiji n'aimait pas réellement les visites mais savait également qu'il ne pouvait pas faire autrement et que c'était ainsi que les choses se déroulaient. Lui-même n'hésitait jamais à visiter des confrères sans même s'être annoncé au préalable, alors il ne se trouvait pas en position de pinailler lorsqu'à son tour il devait mettre une pause dans son travail. Soit. Il avait été prévenu par Kamui de cette visite, concernant semble-t-il l'enquête lancée sur son jumeau, Kagura Kyoya.

Entrez et installez-vous.

Il rangea ses documents afin de ne pas laisser en voir le contenu, avant de taper à deux reprises dans ses mains afin d'appeler Rosai, son intendant. Comme toujours, le vieil homme arrivait promptement. Deux tasses et du thé, demande plus que classique dans son registre. De l'eau chauffait d'ailleurs en permanence afin que le Shirohasu n'ait jamais bien longtemps à attendre pour que sa demande soit exhaussée. D'ici à ce que cela arrive, Akucho aurait tout de même sans doute le temps de s'installer et de débuter cette conversation.

Akucho-kun s'installa, goûtant au thé dès qu'il fut servi non sans avoir au préalable remercié son hôte pour son accueil. Mais bien sûr, le Vice-Capitaine de la Seconde Division ne venait pas juste prendre le thé. Comme Tenzen l'avait déjà compris avec certitude – il y avait de quoi, après tout Kamui l'avait prévenu et lui avait brièvement raconté l'entrevue qu'il avait eu avec lui, ainsi qu'avec le Capitaine Kyuusei – c'était bien entendu le cas Kagura Kyoya qui allait être abordé. Buvant à son tour une longue lampée de thé, le Shirohasu se saisit du dossier tendu afin d'en survoler rapidement les pages. Il connaissait parfaitement la plupart de ces informations, seules les circonstances de sa capture lui étaient encore inconnues. Et à vrai dire, il n'avait plus grand chose à en faire aujourd'hui. Il ne s'y était même jamais particulièrement intéressé, tout bonnement.

Par quoi commencer ? En toute franchise, je n'ai jamais été particulièrement pressé de travailler sur ce cas. D'autres sont bien plus urgents et importants, et comme vous le savez le travail d'enquêteur se doit de passer tout d'abord pas une liste de priorités. Cette enquête n'a été lancée à présent que parce que je bénéficie désormais d'un second capable de travailler seul tout comme moi... en plus d'être le jumeau du concerné. Je comprends son désir de retrouver son frère s'il n'a pas perdu la vie, mais je dois avouer espérer le contraire. Kyoya est un élément instable, et si je le pouvais je souhaiterais ne plus jamais entendre parler de lui...

Il était en effet inutile de cacher ce fait. Tenzen avait toujours détesté Kyoya, et plus encore depuis que ce dernier avait été réhabilité parmi les treize Divisions. Le Lotus Blanc referma le dossier et le plaça par dessus celui d'Aoshi. Mais la discussion dévia alors sur un présent d'Uragami – du thé – ainsi que la présentation de ses excuses. Le Yakushiji ne se fit pas prier donc pour suivre le pas et partir sur cette nouvelle discussion qui se profilait. Moins il aurait à parler de Kyoya, mieux il se porterait.

Merci pour votre présent, je le dégusterai à l'occasion. Concernant mon Vice-Capitaine... Il m'a en effet fait part de votre petit accrochage. Ce sont des choses qui arrivent, dirons-nous. Mettons cela sur une irritabilité passagère, compréhensible si en prend en compte la récente disparition de son frère ainsi que les lourdes blessures qu'il a pu recevoir et dont il vient à peine de se remettre, lors de son combat pour défendre Karakura des Maho Tsukaïs. En ce qui me concerne, je préférerais que cela soit entérinée au plus vite...

Cela pourrait donner l'impression qu'il désavouait quelque peu Kamui... En fait, il préférait tout bonnement éviter que l'attention se concentre encore un peu plus sur lui. Son récent retour faisait déjà beaucoup jaser, ne pas en rajouter était donc un point crucial pour Tenzen. Une manière de protéger son ancien élève...

Je lui transmettrai donc ce dossier que vous m'apportez. Il reste malgré tout à la tête de cette enquête, et personne ne saurait être plus zélé que lui sur ce cas particulier. Comme je viens de vous en faire part, je préfère de mon côté en rester sur d'autres enquêtes plus importantes et ne pas me mêler de celle-ci.

Le Yakushiji n'appréciait pas du tout la tournure que cette discussion venait de prendre. Il connaissait Kamui depuis assez longtemps pour savoir que son professionnalisme était plus que respectable, qu'il avait déjà largement fait ses preuves et qu'il était donc totalement hors de propos qu'il puisse faire échouer une mission coûtant la vie de soldats du Gotei 13. De plus, Tenzen n'estimait pas avoir de conseils à recevoir venant de quiconque, et encore moins d'un simple Vice-Capitaine. Si le Kagura devait être canalisé – ce qui était ridicule en l'état – alors ce serait à lui de prendre cette décision, seul, et certainement pas à un Fukutaishô de lui faire la morale. Et bien sur, quelqu'un comme le Lotus Blanc ne se privait jamais pour faire part de ce genre de chose, avec toute la franchise qu'on lui connaît.

Non, en fait, vous ne pouvez pas vous permettre. C'est cela votre problème justement. Vous vous permettez trop de choses ! Vous tentez seul de monter votre propre organisme en essayant de recruter des déserteurs et ce sans rien communiquer à personne, vous dites à un Capitaine ce qu'il devrait faire... Je vais vous rappeler une chose, Akucho-Fukutaishô. C'est un brassard que vous portez, et non un Haori !

Kamui a déjà occupé la fonction de Capitaine par le passé. Il n'a donc à mon sens plus rien à prouver, et surtout pas à un Shinigami aussi jeune que vous l'êtes. La tension qu'il existe entre vous est tout à fait compréhensible, je la qualifierais même de logique. Mais ne vous aventurez pas à penser qu'il pourrait commettre des erreurs de l'acabit de ce que vous me citez. De même, mon expérience n'appelle pas à ce que vous me conseilliez ce qu'il conviendrait que je fasse à son propos.

À dire vrai, je n'en tolérerai pas plus...

Comme toujours, sa voix était maîtrisée, et son ton n'avait pas changé. L'on ne pouvait y percevoir de tension. Et ce même si en son âme, une voix qui n'était pas la sienne s'exprimait avec plus d'émotion. Allez, alleeeeeeez ! Invite-le à un pique-nique, ça s'ra marrant ! T'fais pas prier vieux débris, t'es une salop'rie d'aigri, j'sais qu't'en crève d'envie ! Ça a bien marché la dernière fois, nan ? Ikarib, son hollow, s'exprimait donc ainsi. Cela faisait un moment qu'il ne l'avait plus entendu, et que ce dernier ne s'était contenté que de transmettre des émotions plus que des mots. Toutefois, il ne s'y risquerait pas. L'idée ne lui viendrait même pas. Le cas était à un monde de différence de celui de Kyoya, qui lui était réellement à éliminer, pour avoir tenté de nuire au Yakushiji. Soit. À son sens, il était donc temps de mettre un terme à cette entrevue.

Je vous remercie néanmoins pour votre promesse de collaboration, légitime s'il en est. Je pense désormais que nous en avons terminé, je ne vous retiendrai donc pas plus. Vous, tout comme moi, devez avoir fort à faire en cette période, et s'il est plaisant de boire du thé cela ne fait pas avancer notre travail.

Ainsi, il le congédiait. Ne resterait alors plus qu'à transmettre ce dossier à Kamui, tandis que lui se replongerait avec sérieux sur la cas Aoshi qu'il conviendrait de traiter rapidement.