La révélation de l'existence des Mahotsukai avait été particulièrement choquante pour beaucoup. Même ceux qui n'avaient pas été envoyés sur le champ de bataille avaient dû faire face aux conséquences. La dixième division avait perdu leur capitaine prodige, la sixième division avait dû faire de même, leur leader finissant ses jours dans un coma profond. D'autres avaient réussi à faire leurs preuves, impressionnant les têtes pensantes du Gotei 13. Dans tous les cas, tous, du simple shinigami sans shikai aux porteurs d'haori pouvaient voir les bouleversements que cette bataille, ce début de guerre avait apportés à la Soul Society.

Même Midorima, ce jeune homme fou commençait à sentir les vibrations qu'avait provoquées la catastrophe. L'une des plus importantes pour lui était une agitation inhabituelle à ses yeux. Une excitation qui l'amusait, la folie des armées blessées, celle des secours courants d'un point à un autre à sa propre folie mentale. Cela restait pour autant des conséquences encore lointaine, son esprit brisé ne pouvant réellement englober l’entièreté de la situation.


Aussi, le shinigami de la neuvième division, ne put prévoir ce qui lui arriverait. Le couperet final qui le détacherait de sa division depuis trois ans. Jusqu'à maintenant, il était resté à l'extrémité du camp de vision de son capitaine. Si d'ancien lieutenant ou troisième siège l'avait momentanément pris sous leurs ailes, le départ de ces derniers avait finit par accélérer l'inexorable processus. L'arrivée de quelques membres du feu Kanshu ne fut que l'avant-dernière goutte d'eau avant que le vase déborde.

Le jeune homme était assis sur le parquet extérieur de sa division. Un couloir qui longeait les bâtiments côté jardin tête contre l'appui-main faisant office de délimitation couloir/jardin, il observait quelques shinigamis s’entraîner de-ci, delà. Plus loin, des petits chemins de pierres ou de sable fin emmenaient le voyageur vers les aires de repos de la Kyuubantai, lieu de prédilection des amateurs zen. S'y trouvait notamment une statue dans une drôle de position dont les seins avaient perdu la couleur grise à force d'être touché, nettoyés et autres événements passé sous silence.

Le soleil frappant fort en ce milieu de journée, une certaine aphasie était prégnante. Même les shinigamis s’entraînant semblaient le faire au ralenti et d'une manière presque silencieuse. Le cocktail parfait pour entendre des bruits de pas sur le plancher de bois. Midorima leva la tête, curieux que pour mettre les yeux sur un grand gaillard, étranger à sa connaissance. Non pas que le jeune homme est une bonne mémoire. Il lui était difficile de se souvenir de nombreuses choses même dans ses bons jours, son esprit brisé s'amusant à laisser des chausse-trappes dans sa bibliothèque mentale.

-Salut !

La voix sonna dans l'air chaud. Une intonation enfantine, aigu venant d'un corps d'adulte. Une expérience étrange pour le moins. Un sourire similaire, naïf naquit rapidement sur les lèvres du cinquième siège. Le peu de souvenir remontant à la surface de son esprit catalogua l'étranger dans la catégorie inconnue.

-T'es qui toi ? Tu viens faire quoi ?

Haussant un sourcil, Kamui détailla un instant l'homme qui venait de s'adresser à lui de manière si infantile. Comme d'habitude, le Kagura portait le fourreau de son Zanpakutô dans sa main gauche, une manie qu'il n'avait pas perdu de son séjour prolongé sur Terre et qui avait tendance à accroître la crainte des hommes et des femmes du Gotei à son encontre. Puis, avant de répondre, il tourna le regard dans la direction que contemplait précédemment le Shinigami. Il y avait de l'animation, chaque être doté d'une puissance de combat appréciable cherchant à évoluer et à devenir plus puissant. Les Mahô Tsukai avaient au moins réussi à apporter un peu de sérieux dans l’organisation des armées du Gotei. Il n'y avait pas que du mauvais.

La chaleur était étouffante, les rayons du soleil ne laissant personne indemne. Un éclat aveugla légèrement Kamui qui se recula d'un pas ou deux avant de reporter son attention sur cet homme. D'un geste, il enleva la goutte de sueur qui perlait sur son front. Oui, il faisait décidément très chaud. Un temps à rester à l'ombre et à méditer. Chose qu'il comptait faire d'ici peu, une fois la corvée de parler à cet être passée.

Voilà une bien étrange manière de s'adresser à un gradé du Gotei. Kamui était assez à cheval sur les titres et le respect de la hiérarchie, autant dire qu'il n'appréciait que moyennement la familiarité de ce Shinigami. Il ne le connaissait pas, n'ayant pas encore eu l'opportunité de se familiariser avec tous les visages de sa division. Mais une fois qu'il aurait son nom, il saurait obtenir les informations utiles sur lui.

- Je suis Kagura Kamui, Fukutaishô de la Division de la Justice. Puis-je savoir à mon tour à qui je m'adresse ?

Un ton égal, ne laissant rien transparaître de ce qu'il pensait en l'état actuel. D'ailleurs, il n'avait pour le moment aucune raison d'avoir un quelconque avis sur lui. Il avait seulement croisé sa route par hasard et ne se serait certainement pas arrêté s'il ne lui avait pas adressé la parole. Il n'y avait pas grand secret à deviner que cet homme appartenait aussi à sa division. Il était rare de voir des étrangers sur le territoire des autres groupements. Une sorte de sentiment d'appartenance qui prenait le dessus sur la logique générale. Pour Kamui, c'était une absurdité de s'enfermer avec son unité sans s'ouvrir aux autres. Chaque division possédait sa force, sa faiblesse. On apprenait plus des autres qu'on ne le pensait. Et pour le Bien du plus grand nombre, il fallait savoir faire des efforts.

Une mentalité qui l'avait poussé à l'époque à comploter contre Feu Yamamoto. Et qui l'avait fait exilé suite à l'opération ratée. Pour autant, il ne regrettait rien. Une conviction, aussi dangereuse soit-elle, ne devait jamais être abandonné sous peine de s’oublier soi-même. Afin de se retrouver à la même hauteur que son vis-à-vis, Kamui se mit en Seiza, posant son sabre à ses côtés. Une position parfois peu confortable mais à l'instar de son mentor, il y était habitué. Une tradition encore une fois qui se perdait avec le temps qui passe.

- Je souhaitais me rendre dans les jardins bordant nos quartiers afin de communier avec Kurage. J'avais oublié à quel point cet endroit pouvait être reposant... Qu'en est-il de ta propre présence en ce lieu ?

-Hoooo...

La bouche de Teipei forma un joli rond de compréhension lorsque son lieutenant se présenta. Nouveau lieutenant plus exactement depuis que le dernier avait disparu sur terre et que celle d'avant trônait en tant que statue dans les jardins. Dur d'être l'adjoint pour le capitaine Tenzen. Il était assez froid et distant et pourtant, la plupart de ses hommes avaient pour lui le plus grand respect. Étrange dynamique...

Dynamique totalement étrangère au blondinet. In ne croisa que très rarement son supérieur. Ce n'était pas volontaire mais heureusement pour lui car depuis que sa folie était revenu squatter le lieu de sa raison... dire qu'il n'aurait pas fait long feu à la Kyuubantai n'aurait été qu'un euphémisme. Un instant, un souvenir profond remonta à la surface de l'esprit du Midorima. Des années d'éducations, de règles et d'interaction avec une hiérarchie bien établie. Sans s'en rendre compte, le shinigami se redressa légèrement tandis que son désormais lieutenant s'asseyait devant lui. Le sourire qui s'afficha sur son visage par contre, n'avait rien de raccord avec son éducation. Un sourire enfantin, naïf.

-Je suis Midorima Teipei ! Je suis le cinquième siège de notre division.

Des étoiles auraient pu tout aussi bien briller dans les yeux du schizophrène. Apparemment heureux d'être là où il était, membre de la justice, il ne pouvait évaluer l'ampleur de du comble de sa situation. Face aux sévères gardiens, il était un fou, un trublion, tout bon à être enfermé. Là où régnait l'ordre, il était une pointe de chaos inacceptable.

-Sont vachement bien les jardins ! Vachement bien ! Graaaaaaaaaaaaaaaand... Comme ça !

Le jeune homme ouvrit grand les bras, se penchant légèrement en arrière pour mimer une plus grande ampleur. Souvent il se baladait dans les espaces calmes de la Kyuubantai. Pour s'y cacher de ses persécuteurs imaginaires le plus souvent, dérangeant les autres encore plus régulièrement. Il se déplaça vers l'avant, couvrant quelques centimètres entre lui et son interlocuteur lorsqu'il rabattit ses bras. D'un œil curieux, il dévisageait l'étranger.

-« Fukutaisho» ... Je t'ai jamais vu pourtant, tu viens d'où ? Moi je connais pas mal de lieutenants déjà. J'ai même rencontré des capitaines ! Souvent, je ne le sais pas, je ne m'en rappelle plus puis les voix interviennent, elles m'aident. Mais là, elles ne savent pas qui t'est. C'est bizarre. Elles ne disent pas grand-chose là d'ailleurs, elles écoutent.

Les yeux de Teipei glissèrent sur le corps de Kamui pour ne s’arrêter que sur quelques brins d'herbe sur sa droite. Un moment hors du monde, il écouta les murmures des voix, ombre de sa propre pensée morcelle. Un petit sourire amusé se dessina sur ses lèvres alors qu'il ne dévisageait toujours pas son interlocuteur.

-Y en a qui ont peur.

Cette fois-ci, le shinigami se releva, un grand rire s'échappant de ses lèvres. Des petites lèvres trouvèrent même place au coin de ses yeux. Lorsqu'il ramena son attention sur son supérieur, il avait retrouvé ce visage simple, presque un masque de confiance envers n'importe qui.

-Pourtant moi je te trouve sympa, je suis sûr que t'es vachement sympa comme lieutenant. Tu dois être super fort pour être lieutenant en plus ! Hein ? C'est ça ? C'est ça ?