Etre membre de l'Exequias n'était pas toujours de tout repos. On pourrait croire que Las Noches a suffisamment de réputation pour éviter que des imbéciles fassent n'importe quoi à l'intérieur de son enceinte mais c'était loin d'être le cas. Mais c'était tant mieux pour moi, je n'aimais plus chasser pour moi-même mais chasser pour l'Exequias c'était autre chose, j'avais la sensation d'être utile à quelque chose et c'était ce que je recherchais, c'était ce qui m'avait lassée à traquer seule de pauvres misérables. Au moins, ceux que je traquais aujourd'hui l'avaient bien cherchés et savaient à quoi s'attendre en fautant et ils avaient une chance de s'enfuir pour sauver leur vie ridicule. Même si cette chance était bien mince il fallait bien l'avouer, surtout si c'était moi le chasseur. En tout cas, entrer dans cette faction m'avait redonnée goût en l'existence, tout comme ma rencontre avec maître Borick. Désormais, ils étaient tout pour moi. Je ne saurais d'ailleurs pas quoi faire si il quittait la tête de la faction, le suivrais-je ou resterais-je ? Hum, qu'est-ce qu'il me prenait à être aussi mélancolique aujourd'hui ? J'avais encore une petite limace à écraser, pas le temps de me perdre dans mes pensées.

Et d'ailleurs en pensant à elle, où avait-elle bien pu s'enfuir ? Ce ridicule ver-de-terre devait bien se cacher quelque part. Si dans le Yermo il était parfois difficile de suivre une trace, dans l'enceinte du palais c'était un vrai jeu d'enfant une fois transformé. Je repris donc ma forme de chasseuse et me mit à ramper comme un animal pendant quelques secondes à l'endroit où j'avais perdu la trace de l'autre. Et ce fut sans mal que je la retrouvais, cependant elle semblait déjà partiellement effacée, ce qui démontrait que la proie était déjà assez loin. Il s'était bien démerdé ce p'tit salopard, on voyait tout de suite ceux qui étaient habitués à fuir, un vrai lapin. Je partis donc à toute allure usant de sonido tout en restant face contre sol afin de ne pas en perdre une miette et ce fut en quelques dizaines de secondes que je découvris ma cible en train de gambader tranquillement, probablement sure de m'avoir larguée. En moins d'une seconde sa tête vola hors de son corps et s'abattit au sol, je vis à son regard qu'il était encore conscient à cet instant, ne comprenant sûrement pas ce qu'il venait de lui arriver. Le corps s'écrasa contre le sol également, totalement inerte et quelques secondes plus tard les deux se désagrégèrent.

Ma main qui s'était changée en griffe reprit son aspect d'origine ainsi que le restant de mon corps afin de retrouver ma forme humaine. La chasse était finie elle n'avait plus lieu d'être. Où étions-nous d'ailleurs ? Je regardais autour de moi et vit une grande salle jonchée d'étranges appareils dont je ne soupçonnais pas l'existence et dont j'ignorais jusqu'à l'utilité. Une salle de tortures ? C'était la première chose qui me venait à l'esprit mais les instruments ne semblaient pas faits pour ligoter ou attacher quelqu'un. Et puis après tout, avec un peu d'imagination n'importe quelle salle peut se transformer en salle de tortures mais cela ne semblait pas être l'utilité première de celle-ci. Alors que je faisais le tour en regardant les différents objets et appareils, je sentis quelqu'un approcher puis je l'entendis. Les bruits de ses pas raisonnaient dans le couloir puis dans la salle jusqu'à ce qu'il apparaisse en travers de la porte. C'était un homme qui ressemblait beaucoup à un humain mais à l'inverse de maître Borick, il n'en avait pas du tout l'odeur, il n'y avait aucun doute quant à sa nature.

Qui était-il ? J'allais bientôt le savoir.


- Qui es-tu, Arrancar ? Pour ma part je me nomme Adelaïde, je fais partie de l'Exequias. Si tu n'es pas invité à être dans l'enceinte du palais, je serais peut-être contrainte de t'aider à en sortir.

C'est un Gesshin un brin confiant qui errait dans les couloirs de Las Noches. Pas débordant d'assurance comme la grande majorité représentant de sa race, il n'empêche qu'il ne pouvait nier ce sentiment qui n'avait de cesse de grandir jour après jour. Cela avait commencé après sa toute première rencontre avec sa maîtresse, la Quinta Han Lili. Depuis, cela ne le quittait plus. Et au fur et à mesure qu'il apprenait à ses côtés, cela se développait, lentement, sûrement. Il en avait parfaitement conscience, il évoluait. La remise en marche de sa progression lui redonnait confiance, mais également et surtout, le sourire. Des semaines qu'il arborait une mine maussade, se rabâchant continuellement qu'il lui fallait trouver une solution à sa stagnation. Maintenant qu'il y était enfin parvenu, il ne se cachait pas de le manifester.

Serait-ce la raison qui le poussa à se rendre là-bas ? Il n'aurait su le dire avec exactitude. Le besoin ou l'envie de se dégourdir les jambes, de changer son quotidien, faire une rencontre. Ce lieu vers lequel il se dirigeait calmement, mains dans les poches, il ne le connaissait que trop bien. C'était l'assurance de tomber sur un nouveau visage, un Arrancar jusqu'alors jamais rencontré, qui aurait atterrit là par hasard ou non. Car cette pièce, qui ne portait pas réellement de nom, si ce n'est celle de salle sur demande, accueillait tous les jours, son lot de personne. Et qu'on y mette les pieds involontairement ou dans un but bien précis, une fois fait, on repartait pas si facilement. Pas parce qu'on en était incapable, simplement qu'on ne résistait pas à l'envie d'en savoir plus à son sujet.

Il serait impoli de refuser l'aide d'une créature aussi charmante que vous, Adelaïde, membre de l'Exequias. Toutefois, je me vois contraint de le faire et de vous assurer que j'ai tout autant le droit que vous de fouler le sol de ce palais.

Il affichait un fin sourire, avançant de quelques pas pour ne pas rester dans l'encadrement de la porte. Cette femme, c'était quelque chose. Elle prenait son rôle très au sérieux, peut-être même légèrement trop. Toute présence dont elle ne connaissait pas l'identité n'était pas forcément un intrus. Elle devait bien savoir cela, tout de même. Le Soejima dévisagea un instant son interlocutrice. Tout chez elle l’intriguait, à commencer par son physique commun à nulle autre femme qu'il avait pu croiser jusqu'ici. Sa chevelure aux reflets bleutés, sa peau oscillant entre deux teintes de couleurs. Ces deux malheureuses balafres tentant d'entacher sa beauté lui firent mal au cœur, il ne put s'empêcher de tenter d'imaginer le drame qui avait bien pu engendrer ses marques. Elle ne méritait pas cela.

Je me présente, Soejima Gesshin. Fraccion de la Quinta Espada, Han Lili. Enchanté de faire votre connaissance, Adelaïde.

Il s'interrompit, laissant la demoiselle assimiler l'information, s'assurant également qu'elle ne le considérait plus comme étranger à ces lieux. S'avançant vers une des nombreuses tables disposées à travers la pièce, celle-ci regorgeant d'objets en tout genre, il s'y arrêta un instant. Farfouillant du regard, tentant de déterminer si ce qu'il recherchait se trouvait ici. Malheureusement pas. Ce qui lui arracha un soupir d'agacement. Cette salle sur demande avait beau pouvoir fournir tout ce que l'on désirait, le temps que l'on passait à le chercher rendait l'exercice très pénible. Enfin, par tout, il se comprenait. La vérité étant que cette salle renfermait ici tous les objets rapportés des autres mondes et dont leur propriétaire souhaitait se séparer ou n'en avait tout simplement pas eu le choix...

Dites-moi Adelaïde, arrêtez-moi si je me trompe, mais c'est bien Borick l'actuel leader de votre unité ? Il se trouve que j'ai appris la nouvelle par ma maîtresse il y a peu et, ayant eu la chance de le rencontrer, je me demandais comment il s'en sortait à ce nouveau poste ? Même si je doute sérieusement qu'il n'assure pas...

Clairement pas. La question était simplement un prétexte pour avoir quelques nouvelles de l'ancien Sexta, voilà tout.