Il redoutait ce moment, à vrai dire il n'avait jamais adressé la parole à un Reaper, il n'avait fait que lire quelques notes sur eux depuis leur arrivée à la Soul Society et en croiser quelques uns dans le Seireitei. Sans plus. De toute manière il ne leur prêtait guère d'attention, Reisen avait bien changé, s'était assagit, l'enfermement avait été bon pour lui et dans bien des sens. S'il n'avait pas fait ce travail sur lui même, jamais il n'aurait pu prendre en charge la Première Division et aurait été le premier à rejoindre son ami dans sa quête de justice, après tout il était l'un des plus impacté par la prise de position des Reapers en tant qu'Ancien Capitaine de la Treizième Division... S'il était encore à ce poste, inutile de préciser que les barrières imposées ne l'auraient pas empêcher de foutre la merde. Mais tout cela n'est pas arrivé et c'était la une très bonne décision du Sotaishô : Risquée mais stratégique.

Le Kireru était donc dans sa salle, son bureau. L'ancien lieu de réunion des Capitaines, rien que ça. Un bureau démesuré qui lui allait assez bien : assez spacieux pour stocker des archives, pour recevoir tous ses sièges sans aucun problème, dix neufs fauteuils étant installés contres les murs de l'entrée jusqu'au bureau massif du Rageux. Il ne voulait pas reprendre les appartements des anciens Commandants, ces derniers étant des lieux qu'il ne méritait pas selon lui, bien trop pour un ancien rejeton du Rukongai. Et c'est dans ce lieu chargé d'histoire qu'il avait décidé de recevoir un Général de l'Armée Reaper. Une demande officielle avait été envoyée à leur poste du Rukongai pour les informer de la création d'une Division dédiée à l'organisation des deux corps et c'était aujourd'hui et maintenant que l'émissaire était censé arriver. Le représentant.

Peut être considéreront-ils cette initiative comme déplacée, instaurer une telle organisation sans que le représentant officiel et légitime du Gotei Treize ne soit présent... Pourtant Reisen voyait ça d'un tout autre oeil, le Sotaishô avait des tâches bien plus pressentes et ne pouvait être partout à la fois, dédier une division entière était la solution la plus intéressante et surtout logique. Alors qu'ils se perdait dans ses pensées en essayant de les structurer au mieux la rencontre qui allait suivre, les immenses portes s'entrouvrirent lentement. Son invité était arrivé. Reisen lui ne bougea pas de son siège, il ne le fera qu'au moment ou l'Occidental sera a sa portée, de l'autre côté du bureau.

Nous avions reçu l'invitation et l'avions accepté. Sting et moi n'étions pas fermés et il était de toute façon nécessaire de rester en relation avec eux, ne serait-ce que pour préserver les liens qui s'étiolaient avec le temps. Nous étions les envahisseurs. Je ne cachais d’ailleurs pas le peu de respect que je leur portais. Ils n'étaient que des enfants pour la plupart et se croyaient en tout point irréprochable. Une telle hérésie s’insupportait. Et je n'attendais que le moment opportun pour leur faire ravaler cette fierté si grande qui était la leur. Certes, ils pensaient la même chose de nous. Mais nos résultats étaient autrement plus parlants que les leur. Je préférais pourtant ne pas trop m'attarder sur ce fait. L’orgueil était aussi mortel que les autres défauts et en tant que véritables élus, nous nous devions d'être dignes de nos fonctions.

J'étais toutefois impressionné par leur idée. Bien que le message ne soit pas clair, il apparaissait comme logique pour eux de créer une division en charge des relations nous concernant. Inutile pour quelques-uns de mes confrères mais j'y trouvais mon compte pour ma part. Je serais le représentant de ma race. Comme ce Shinigami, ce Capitaine, serait celui de la sienne. Un statu quo pour nous. Mais sur leur terrain. Je n'oubliais pas de noter ce détail qui n'en était pas un.

D'ailleurs je fus rapidement confirmé dans mes doutes. A peine pénétrais-je dans l'enceinte que je constatais le manque d'entrain de mon "hôte" à venir me saluer. Je n'y prêtais que peu d'attention mais estimais qu'il s'agissait là d'une mise en garde muette. Je ne pus réprimer un frisson d'excitation : j'aimais particulièrement ces contextes. J'étais un assassin de la première ère après tout et je m'épanouissais dans cet art. L'endroit, la tension, le but de cet entretien. J'étais effectivement tout désigné pour venir ici. Sting également. Alors que nous nous arrêtions à hauteur du bureau, mon acolyte s'envola de mon épaule pour inspecter les lieux. Ce n'est pas à nous que l'on allait apprendre la méfiance. J'en profitais pour engager la conversation.

- Capitaine Kireru, je présume. Je serais votre interlocuteur pour cet entretien. Je suis Vespa. Et voici Sting.

Mon ami se posait derechef sur mon épaule, me projetant les images qu'il venait d'emmagasiner avec son petit tour d'horizon. Nous n'avions pour l'heure rien à craindre. Je connaissais évidemment les noms et les visages de chacun de ces Capitaines. Ma cellule de renseignements était l'une des meilleurs parmi notre race. Et j'en usais toujours à bon escient.

- Nous sommes à votre écoute, Capitaine !

Il s'inclina légèrement alors que ces deux invités se présentaient. C'était la première fois qu'il voyait un Totem d'aussi près, un genre de Zanpakutô qui peut interagir avec l'environnement... Reisen venait à se demander ce que ferait Kaabukasen s'il était aussi libre que ce Sting dans la Soul Society... Pouvaient-ils seulement s'éloigner l'un de l'autre d'ailleurs ? Des questions du genre il en avait des tonnes mais ne les poserait pas, pas aujourd'hui, et peut être pas à lui. Il y avait tant de sujet plus sensibles à traiter. Il tendit alors la main, montrant alors un siège sur lequel son interlocuteur pourrait s'installer le temps de cette entrevue.

Asseyez-vous Général, cela sera bien plus confortable. Avant tout je tiens à vous faire part d'un point qui me semble assez important dans le cadre de notre entretient.

Il posa ses coudes sur son bureau, entrelaça ses mains avant de poser son menton dessus. Il était assez clair que le Capitaine n'était toujours pas très à l'aise avec les règles de conduites, si bien qu'il en avait même oublié de proposer un rafraîchissement à son vis-a-vis. Sa tâche semblaient bien plus importante que toutes celles qu'il avait effectué par le passé, il fallait qu'il s'y habitue.

Je ne suis pas comme la plupart de mes frères ici, je n'ai rien contre les Reaper et suis même plutôt en accord avec vos actions. Jusqu'à aujourd'hui. D'après les rapports nous vous devons beaucoup, pourtant, et vous devez vous en douter, la situation n'est pas aussi parfaite. Les tentions entre nos deux armées deviennent de plus en plus oppressantes. Nous sommes un peuples fiers et peu d'entre nous savent faire preuve d'humilité... Quand à vos soldats il faut l'avouer, ne montre quasiment aucun respect envers les Shinigamis. Pas même les Capitaines. Pourtant désormais une chose, une seule à changé. Et je pense que ce petit détail devrait être le premier, et pas le dernier.

L'arrivée d'Asuna au titre de Sotaishô. Les Shinigamis avaient dès à présent un leader, un idéal à suivre, ils n’avaient plus besoin d'autant d'assistance qu'auparavant. Les Reapers devaient le comprendre.

Voyez-vous où je veux en venir Général ?

Je m'installais, répondant ainsi favorablement à la proposition du Capitaine. SI je parvenais à contenir mon excitation, c'était seulement parce que cet homme prenait les choses comme il le fallait. J'étais d'ailleurs particulièrement étonné de constater sa retenue et sa maîtrise. Il était Capitaine, certes, mais ce genre de réunion n'était pas à la portée de tous. Même pour ceux de ma race. Pour autant, il affichait cette détermination propre aux Shinigamis. J'étais ici pour mettre les choses au point. Restait à voir qui repartirait d'ici avec le sentiment d'avoir imposé sa marque. Sting réagissait à mes pensées. Et étudiait notre hôte. Ce qu'il pourrait glaner me serait utile. C'était une évidence.

Il mettait d'emblée les choses au clair. Et énonçait une vérité. Moi-même ne pouvais contredire ce qu'il avançait : les tensions étaient palpables et la crise couvait. D'un côté comme de l'autre. Mais contrairement à ce qu'il pensait, si les Reapers étaient si médisants à leur encontre, c'était seulement parce que nous les surpassions en effectif. La différence entre nos deux armées, ne serait-ce que sur ce point, était trop grande pour être comblée par le talent. Et même ainsi, nous avions de quoi leur opposé des forces équivalentes.

Je pris le temps de la réflexion alors qu'il achevait ses dires. Il est vrai que je devinais ce qu'il souhaitait me faire comprendre. Asuna avait été élue. Le Gotei avait retrouvé un chef, une étoile à suivre. Ce qui avait sans doute ragaillardi cette armée. Mais était-ce suffisant pour remettre en question les bases établies par notre Commandeur ? Pas le moins du monde. A dire vrai, je doutais même qu'il s'y intéresse. Il avait édicté une loi. Ultime. Et quelques changements que je jugeais mineurs ne ferait pas basculer cette fragile balance. Ce fut Sting qui prit les devants. Cela allait-il surprendre notre hôte ? J'attendais de voir. Mais mon alter ego s'élevait de mon épaule pour se poser sur la table, avançant doucement vers le Shinigami. Bien que petit - de la taille de ma main - il en imposait de par son charisme. Reisen allait vite comprendre pourquoi mon avatar était respecté parmi les nôtres.

- Nous voyons où vous voulez en venir, Capitaine. Mais j'aimerai que vous précisiez votre pensée à cet égard. Voyez-vous, malgré le respect que nous portons à votre Commandant, nous connaissons son expérience dans la gestion d'une armée comme celle-ci. Elle est proche du néant. Le Capitaine-Commandant est une femme forte et capable de se faire obéir, nous n'en doutons pas. Mais il lui faudra bien des années - si ce n'est des siècles - pour pouvoir prétendre à influer sur l'esprit du Seireitei. Alors je m'étonne que vous avanciez cet argument.

Évidemment, il marquait des points. Reisen n'était pas un imbécile, j'en étais persuadé. S'il avançait cet argument, c'est qu'il sous entendait une chose unique : les Shinigmais étaient désormais capable de manœuvrer avec moins d'entrave. Hors, ce n'était pas mon avis.

- Ce que Sting veut dire, Capitaine, c'est qu'il est encore trop tôt pour nous demander de nous retirer. Tout du moins, trop tôt pour vous redonner cette liberté que vous chérissez. Je conçois qu'il puisse être agaçant de nous voir ici, parader comme des coqs. Je ne suis pas un imbécile et constate moi-aussi que les Reapers abusent de leurs prérogatives. Si cela peut vous rassurer, nous avons donné des ordres aux Généraux pour que ceux-ci tiennent mieux les nôtres. Bien sûr, je constate chaque jour également que l'animosité des Shinigamis à notre égard augmente. Je n'en tiens pas rigueur aux vôtres, bien sûr. Je comprends même. Mais il nous faut éviter un incident qui scellerait le sort du Seireitei. Peut-être que la présence du Sotaishô aidera désormais à amoindrir l'impact de notre présence le temps que les problèmes se règlent. Je le souhaite en tout cas. Mais pour l'heure... Je crains que ce ne soit pas suffisant.

Je remonterais néanmoins l'information. Il était important pour nos dirigeants de comprendre que les Shinigamis se croyaient désormais capable de gérer leurs affaires seuls. Cela ne pesait pas encore très lourd dans la balance mais je voyais les choses autrement : qui disait excès de confiance, disait également décision risquée. Et la plus difficile pour eux serait de chercher à nous repousser.

- Mais je ferais en sorte que nos dirigeants contactent Kuragari Asuna. J'ai bon espoir qu'ils parviennent à un arrangement. Si je peux me permettre, je vais vous faire une confidence. Nous savons que vous n'appréciez pas notre présence en ce lieu. Sachez que c'est réciproque. Nous n'avons pas pour habitude de perdre du temps à chaperonner les autres. La Terre est vaste et ses ennemis sont nombreux. Je n'apprécie pas de devoir rester ici alors que nos armées ont besoin de nous. Mais nous sommes tenus de respecter les autres.