Il était temps de revoir le Roi. Bien sûr, Santo lui laissait une paix relative pour le moment, se préoccupant de reconstituer son Espada et de garder sous contrôle la ville naissante aux portes de Las Noches. Mais l'ange blond savait qu'il ne pourrait pas rester une ombre éternellement. Pas avec cette doctrine qui enflait, prenait de l'ampleur. Lui aussi, il l'avait perçu. Mais malgré toute la logique dont il faisait preuve, il ne pouvait se permettre d'oublier ce qu'il cherchait. Trop de sacrifices pour suivre ce Roi et sa religion. Malheureusement pour lui, Santo était arrivé trop tard pour sauver certaines âmes.

Fidèle à ses habitudes, l'Empereur avait dépêché un de ses Exequias afin d'informer le Roi de sa venue. Il ne se déplaçait pas pour voir le grand ponte sans l'en prévenir, question de correction. Tout de blanc vêtu, il s'avançait au travers des couloirs avec cette assurance qui le caractérisait tant. Nouvelle ère, nouveau Roi. Mais l'Empereur restait. L'Empereur ne changeait pas. Il était sans le moindre doute l'âme la plus ancienne à parcourir ces couloirs. Et c'est non sans fierté qu'il avait pu maintenir l'Exequias en place. Ce qu'en pensait le Roi, il n'en savait rien. Mais cette unité était sienne désormais. Liée à ses activités. Liée à lui. Ses yeux et ses oreilles étaient presque partout. Et peu de chose lui échappait.

Les portes de la salle du trône se dressaient face à lui. Il attendit qu'on le laisse entrer. Et alors qu'il pénétrait dans l'enceinte, il entendit les portes se refermer derrière lui. S'avançant jusqu'à arriver à proximité de Santo, l'Empereur inclina la tête, portant sa main au niveau de son thorax pour saluer ce dernier. Qu'importe que cet homme ne se soit révélé qu'il y a peu. Il avait légitimé sa prise de pouvoir et le blondinet ne lui contestait absolument pas le pouvoir. Les ombres lui sied mieux.

- Je vous remercie de m'accorder audience, Santo. Je sais comme vous avez du travail avec Nacimiento et les nouvelles arrivées quotidiennes. C'est également une des raisons qui me pousse à venir à vous.

Si les Espada devaient contrôler qu'aucun débordement n'arrive, son unité devait garder à l’œil cette fameuse unité. Bien sûr, la question que l'on était en droit de se poser, c'était celle-ci : qui surveillait l'Exequias ? Qui gardait un œil sur leur maître ? Borick n'était pas dupe : Santo ne pouvait se fier à lui si aisément. Sans doute qu'il avait déplacé ses propres pions pour le surveiller. Mais pour l'heure, entre les deux hommes, c'était un simple statu quo. Ils se jaugeaient. Les deux maniaient l'arme la plus puissante qui soit : la persuasion. L'un à l'échelle des Hollows, avec l'appui d'une entité renaissante. Lui se basait sur une expérience vielle de plusieurs siècles. Sans accroc.

- Mais avant toute chose, je souhaitais vous renouveler l'allégeance de l'Exequias. Si d'aventure, vous aviez besoin de ses services, je tiens ces forces à votre disposition.

Son sourire semblait sincère et ses mots aussi. Mais habile qu'il était, il n'avait évoqué la mise à disposition que de son unité. Cela ne signifiait pas nécessairement sa propre personne. Même s'il ne l'excluait pas. Il était bon de savoir à qui on avait à faire. L'un comme l'autre le savaient.

Borick. Le cas Borick. Voilà qui causait un souci dispensable à Santo. Le Rey ignorait comment le considérer. Un rival ? Un allié ? Un neutre ? Ou un rapace, prêt à se jeter sur sa carcasse le moment venu ? De celui qui s'était nommé pompeusement Empereur, le Rey - qui portait ce titre avec légitimité, contrairement à d'autres - ne savait que peu de choses et utilisait ces connaissances comme les fondations de l'opinion qu'il avait de lui.
Borick n'avait, à aucun moment, prétendu au trône. Des sources qu'il avait, qui résidaient dans le Palais à l'époque où il n'avait nul dirigeant, Santo avait appris que le blond n'avait jamais cherché à prendre le trône. Il ne s'était jamais positionné, malgré son ancienneté, comme un Roi potentiel. Pourquoi ? Question qui n'avait pas de réponse. Le Messager doutait que son subalterne ne soit pas ambitieux. Cette ambition ne connaissait peut-être que la limite de la Salle du Trône. En l'état, Borick était une des personnes les plus puissantes politiquement du Palais. Il avait une liberté qu'il chérissait probablement, une amplitude d'action plus grande que la Primera Espada et son statut le rendait presque intouchable. Il avait le pouvoir sans les responsabilités, ou du moins pas celles de Santo. Borick avait de la fierté. C'était quelque chose d'évident. Pas la fierté animale qui caractérisait les Hollows primaires, mais une estime de soi, respectable mais néanmoins marquée, qui aidait Santo à mieux définir celui qui s'avançait devant lui et s'inclina ; un exercice probablement exécuté machinalement, sans la loyauté demandée dans un tel geste.
Oui, Borick était une petite énigme, mais le Rey en révélait des morceaux petit à petit. Et ce qu'il restait à découvrir... à lui de s'arranger pour que cela apparaisse au grand jour.

« Un serment qu'une fois encore, je vous suis gré de proclamer, Borick. Je ne saurais me passer de la puissance de votre unité. La reconstruction de la force Hollow est un travail long et fastidieux et je regretterai de voir ce projet privé des atouts de l'Exequias. »

Réponse consensuelle, comme l'avait été la déclaration de Borick. Du miel pour les oreilles ; ou de l'acide, pour qui savait lire entre les lignes. Santo ne pouvait pas rappeler à son interlocuteur que la soumission de l'Exequias faisait partie de ses attributions ; une insubordination signifierait traîtrise. Restons dans la diplomatie. En lui assurant le soutien de son unité, Borick faisait un pas vers lui, offrant ses hommes à Santo qui en avait besoin. Inutile de mettre le feu à une poudre qui ferait exploser un Palais entier.

« Et avant que vous n'en veniez au sujet de votre venue, je me permets un aparté. Vos hommes sont ce qu'il se fait de mieux en terme d'espionnage et d'infiltration, du moins dans notre dimension. Cela n'a jamais été le fer de lance de notre armée, mais aujourd'hui, la situation militaire a évolué et nous devons faire de même. J'aimerais que nous ayons un service du renseignement, sous l'égide de l'Exequias. Envoyer des hommes à la Soul Society serait l'idéal, et si un Vizard suffisamment compétent se présente à nous, il sera probablement tout désigné à ce rôle, mais en attendant, j'ai bien peur que nous devions nous contenter de surveiller les mouvements de Reapers et de Shinigamis dans le monde des Hommes. Cette mission est-elle réalisable par votre corps ? »

Charger Borick de la supervision d'un point aussi important était pour Santo l'occasion de l'occuper, premièrement, d'attendre de lui des résultats - et si ceux-ci étaient insuffisants, de le destituer - deuxièmement et enfin de multiplier les rencontres et les compte-rendus, donnant à Santo l'occasion de garder un œil sur cet électron libre.

Jamais Borick ne se sentait aussi à l'aise que face à un interlocuteur intelligent. C'était précisément dans ces situations qu'il laissait ses facultés prendre le dessus. Il ne s'agissait nullement de contrôle ou de guerre psychologique, seulement de savoir qui était qui. Pour El Emperador, c'était facile : il était l'ancien en ce lieu. Qu'importe le Roi, il n'avait plus rien à prouver. Santo percevait-il comme lui aussi était sur une pente glissante ? La fierté pouvait aveugler le plus grand des hommes et Borick savait qu'il était lui-même concerné par ce défaut majeur. Il avait pour l'heure dit ce qu'il avait à dire et attendit que le Rey fasse de même.

A la politesse répondit la politesse. Le Pasto était fin diplomate, ce n'était une nouveauté pour personne. Il le prouvait en l'instant. Mais il paraissait aussi évident que ni l'un, ni l'autre ne se berçaient d'illusions : c'était un jeu, certes, mais un jeu capable de faire basculer le Hueco Mundo dans une terrible guerre civile. Aucun d'eux n’avait à y gagner. Mais Santo avait plus à perdre que lui-même. Ce qui plaçait l'ange blond dans une position un peu plus confortable que son Roi.

Mais alors qu'il prenait acte de la demande de Santo, Borick exulta intérieurement. Il n'en montrait rien, bien sûr, mais son Roi venait de lui offrir une chance unique. Une occasion qu'il recherchait depuis plusieurs années maintenant et qu'il n'avait jamais trouvée pendant le règne de Grimmjow. L'Exequias était réputé et reconnue, c'était une chose. Mais pouvoir mettre en place un réseau dépassant les simples frontières du Hueco Mundo, c'était au-dessus de toutes ses espérances. Mais mieux que ça, il avait enfin l'opportunité de mettre en place le plan Alpha. Il prit le temps de réfléchir à la proposition, bien que son avis soit déjà arrêté. Répondre trop rapidement montrerait qu'il n'avait pas besoin de réfléchir. Il ne pouvait se permettre d'être si prévisible. Pas en face d'un as comme Santo. Il prit enfin la parole, pensif.

- Vos idées ne manquent pas de panache, Santo. Et avant de vous fournir une réponse définitive, il me faudrait me rendre compte par moi-même des probabilités de succès de ce projet. Je dois dire que cela me plait.

Petit à petit, il y arrivait. Bien sûr, cela ne signifiait pas qu'il soit obligé de quitter en personne Las Noches. Il possédait suffisamment de pions pour enquêter sans avoir à bouger. Il gardait ce choix final pour lui. Quitter ces lieux trop tôt laisserait ses propres positions en danger. Pour l'heure, il ne connaissait pas suffisamment cet homme pour se fier à lui. Il le servirait fidèlement, comme il l'avait toujours fait. Mais la véritable dévotion d'El Emperador allait à lui-même. Et tant qu'on ne représentait pas un danger pour ses projets personnels, on ne risquait rien de lui.

- L'idée d'implanter un Vizard à la Soul Society est brillante, je dois l'avouer. Pour l'heure, je préconise la capture d'un Shinigami afin de nous permettre de l'interroger. En apprendre plus sur les dispositions mises en place pour surveiller la Terre - et leur propre monde - ne serait pas une mauvaise chose si l'on veut aboutir. Je pense que je vais mettre mes hommes sur ce projet, mon Roi. Avec votre bénédiction.

La capacité de retourner à son avantage l'idée d'un autre était un art qu'il maîtrisait à la perfection. Il était normal, de par la consigne de son Roi, qu'il prenne les devants et propose des solutions viables. Mais il ne se mouillait pas en personne. Et si Santo décidait de refuser son idée, alors qu'importe : ce n'était qu'une proposition. Pouvoir mettre en place un réseau de surveillance aussi élaborée, même sur Terre, cela lui offrirait de toute façon les ouvertures qu'il attendait.

- Auriez-vous parmi vos fidèles un ou deux noms à me proposer pour m'aider dans la tâche que vous me confiez ? Le soutien de l'Espada ne serait pas de trop, bien que la mission qui est la leur accapare leur attention.

Pourquoi s'imposer la présence d'un des membres les plus fidèles de Santo pour une telle mission ? Seulement pour anticiper sur la probable surveillance que lui mettrait sur le dos le Roi. Garder à ses côtés un potentiel espion lui garantissait le contrôle des informations qu'il laisserait filtrer. Et si l'occasion se présentait d'en convaincre un autre de le rejoindre, il essaierait. Borick avançait ses pions précautionneusement, sans se hâter, avec cette patience infinie qui le caractérisait.

Échec au Roi ?

Il en doutait. Mais il s'amusait terriblement. Il avait enfin un partenaire - adversaire ? - à la hauteur de ses talents. Les mots contre les mots. Un symbole pour l'Empereur. Même si pour l'heure, il courbait l'échine.

Santo prit le temps de considérer la réaction de Borick. Il était l'Arrancar dont il se méfiait le plus, même si Thétys était la seule à connaître ce sentiment. Les autres Espadas n'avaient pas la force et l'ancienneté nécessaires pour espérer lui tenir tête ; même si le Rey ne comptait pas commettre l'erreur de les sous-estimer. A l'heure actuelle, il n'y avait qu'un homme qui pouvait lui faire perdre son titre, sa puissance et son armée et sa dégaine angélique ne trompait pas Santo.
Borick était trop enjoué. Le Messager n'aimait pas quand on allait trop facilement dans son sens, surtout quand on était en position de témoigner des réserves. Cela signifiait soit de la complaisance, soit de la manipulation. Ni l'un ni l'autre ne l'intéressaient. Il voulait une collaboration sans réserves et sans arrière-pensées et, même s'il doutait de l'obtenir, il se sentirait moins piégé si Borick avait fait part d'une retenue qu'il aurait estimé légitime. Placer un espion à la Soul Society était un projet ambitieux, unique dans l'histoire du Hueco Mundo et à la réussite toute relative. Pourtant, Borick était des plus partants. Suspect.

« Je suis heureux de vous voir si enthousiaste. Ce projet a ses risques, et ce sera peut-être un échec cuisant mais, je pense que vous l'avez compris, une éventuelle réussite nous rendrait assurément beaucoup plus forts. »

Comment ? Vous pensiez que Santo soulèverait l'absence de sincérité de Borick ? Ce serait bien mal avisé de sa part. Face à un menteur, vous devez mentir tout aussi bien. L'Exequias ne voulait pas jouer cartes sur table, le Rey ne ferait pas mieux. Si le but était d'être aussi consensuel que possible, il saurait aussi jouer à ce jeu. En fin de compte, Borick n'avait pas exprimé la moindre remarque, n'avait pas souligné une fois que ce manège ne lui était en aucun point profitable. Et Santo savait que son vis-à-vis voudrait sa part.

« Pour ce qui est d'interroger un Shinigami, faites donc. Mais je veux que vous vous assuriez d'une chose : conservez son visage intact. Notre Vizard prendra son apparence pour se faire passer pour lui et intégrer plus facilement la Soul Society. Malgré leur grand nombre, je doute qu'un Vizard venu de nulle part passe inaperçu ; et qui sait, cela favorisera peut-être l'accès à des données d'importance. Nous aurons un laps de temps très court pour en apprendre le plus possible sur leurs défenses et envoyer notre espion. Cela maximisera nos chances.

En réalité, Santo était plutôt contre l'idée. Dans la situation actuelle, il ignorait quelle était l'implication des Reapers. Surveillaient-ils les Shinigamis ? Il savait que des Dieux de la Mort foulaient le sol de la Terre, apparemment consignés à des tâches basiques, mais étaient-ils chaperonnés ? Auquel cas, la moindre agression alerterait les Reapers. Et porterait l'attention sur le Palais. Un risque dont il se serait bien passé. Mais avoir des renseignements directement d'un de leurs ennemis était une opportunité tentante et faciliterait grandement l'implantation d'une taupe. Un coup de poker. Et surtout, la nécessité de laisser Borick faire ce qu'il souhaitait, pour mieux comprendre ses motivations. Pourquoi vouloir prendre un Shinigami ? Pourquoi avoir attendu que Santo fasse ses propositions pour faire les siennes à son tour ? Réponse évidente : l'Exequias attendait que les pions soient posés pour déplacer les siens.
Et il les déplaçait vite. Il anticipait même. Santo comptait en effet surveiller Borick à son insu. Le faire suivre avait été une option, même si le risque que ce manège soit découvert était grand et annihilerait toute collaboration future entre eux. Il avait plutôt envisagé de recruter un Hollow vivant à Tokyo, un de ces indépendants sans maître, pour lui proposer un accord et effectuer une surveillance extérieure. Si Borick découvrait qu'on le suivait, il pourrait rapidement apprendre que l'individu n'était pas lié au Palais, ce qui brouillerait les pistes. Il avait aussi envisagé l'idée d'envoyer Thétys le suivre, cette fois-ci avec la certitude qu'elle ne serait pas découverte.

« Mon Espada est en pleine reconstruction, Borick. J'ai peur de ne pouvoir me défaire de l'un d'entre eux. Votre absence affaiblira considérablement nos défenses, je ne puis me permettre de délester le Palais d'un autre de ses défenseurs les plus puissants. Si vous avez réellement besoin de soutien... Hé bien, je vous accompagnerai avec joie. »

Joue avec moi, blondinet. Joue.

- "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire." Je suis tombé sur ces mots lors d'un de mes voyages terrestres. Je trouve qu'ils reflètent la situation actuel, n'est-ce pas ?

Bien sûr, ces mots n'étaient là que pour répondre aux doutes de Santo au sujet de sa propre idée. Que le projet soit dangereux, c'était logique. Qu'il puisse échouer, il y avait de fortes chances. Mais s'il réussissait, si Las Noches parvenait à implanter un espion au cœur même du contingent ennemi, alors les bénéfices seraient bien au-delà du sacrifice potentiel de cet espion. Borick le savait et s'il ne cautionnait pas toujours le principe de risque pour réussir - lui-même étant d'une prudence extrême pour ses projets personnels - il convenait que pour le coup, c'était indispensable. Ils devaient prendre le risque. Et le fait que ça l'aide lui-même n'entrait pas en ligne de compte. Enfin, pas vraiment.

La capture était entérinée. Et laisser le visage de sa future proie indemne ne le dérangeait pas. Il ne souhaitait pas torturer. Il possédait d'autres moyens d'obtenir ce qu'il désirait. Restait à savoir qui le Roi lui adjoindrait pour le projet. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il se proposa lui-même. Jamais il n'aurait imaginé pareil scénario. Il se tut un instant, tournant et retournant les idées qui lui arrivaient dans la tête. Sans pour autant se montrer déstabilisé. Santo savait jouer. Mais Borick avait nettement plus d'expérience dans l'art de négocier et discuter avec un Roi. C'est donc avec un large sourire qu'il accueillit la proposition.

Santo était malin. Il serait difficile de détourner son attention s'il l'accompagnait. Bien que pas impossible. Néanmoins, il venait d'avancer des arguments trop légers. Se contredisant en partie, même si le blondinet se doutait que ce Roi avait déjà quelques parades. On ne pouvait mettre en avant que l'absence de l'Empereur et d'un Espada affaiblirait considérablement les défenses du Palais et se priver de l'apport offensif du Roi. Sa présence n'était pas que le ciment de cette religion, elle en était la fondation ultime. Si l'on pouvait mettre un leurre pour faire croire que le Roi était toujours présent, cela ne signifiait pas que ce leurre soit capable de défendre le Palais avec les Espada s'il le fallait. Mais une nouvelle idée germa dans l'esprit du blond. Une idée à laquelle il n'avait jamais eu l'audace de penser, de croire même. Mais peut-être qu'avec cet homme, cela pourrait fonctionner.

- Voilà une proposition digne d'un Roi. Votre courage et votre dévouement me surprennent encore. Mais ma fonction m'oblige à vous mettre en garde, mon Roi. S'il vous arrivait malheur au cours de cette mission périlleuse, les fondations de ce monde s'écrouleraient. Le culte de Sima est encore flou pour ce peuple. Votre présence, votre soutien, vos sorties... Toutes ces choses garantissent que le culte perdure pour l'heure. Qu'il prenne de l'ampleur au-delà même de l'appel. Je reste persuadé que rien n'arrivera à Las Noches, personne n'oserait frapper ce lieu même si vous vous absentiez. Mais si la mission tournait mal, alors ce serait la fin.

Il plongea son regard dans celui du Roi, faussement contrit. Il avait avancé là un argument difficile à contrer. Car il ne mettait en avant qu'une chose : la sécurité de cet homme alors que la période nécessitait des précautions. S'il insistait, alors il admettrait sans le dire qu'il ne faisait guère confiance à son Exequias. Bien sûr, Borick le savait déjà. Mais l'admettre de façon officielle était autre chose. Cela ferait passer leur relation dans une autre catégorie. Le culte de Sima était la chose la plus importante qui soit arrivé à ce monde. Même l'Empereur ne pouvait le contester. Si le Roi disparaissait, cela ne détruirait pas nécessairement le culte. Mais pouvait considérablement l'affaiblir. Pouvait-il se permettre de prendre ce risque en sa qualité d'Oracle ?

- Mais comme je vous le dis, ce ne sont là que les mises en garde officielles liées à mes fonctions. Je reste persuadé que vous possédez des moyens pour garantir votre protection. Ainsi, si vous l'estimez nécessaire au-delà du risque que vous prenez, j'accepte volontiers votre aide. Je ne pouvais pas espérer meilleur soutien que le vôtre, mon Roi !

Il inclina légèrement la tête, en guise de remerciement. Quelle que soit sa décision finale, Borick trouverait une solution. Quel que soit son choix, cela ne perturberait pas le projet initial. Après tout, s'il parvenait à faire croire au Roi qu'il lui était entièrement dévoué, il n'aurait plus à regarder en arrière après la mission. Une perspective alléchante en réalité. Aleksi et Alecto seraient de toute façon présents. Et s'il pouvait retrouver la trace de la belle Daestra en même temps, alors il n'aurait pas perdu son temps. Après tout, le but initial n'était que d'en apprendre plus sur le Seireitei. Une information utile pour le Roi comme pour l'Empereur... Un sourire sincère se dessina sur son visage. Finalement la présence du Roi serait une bénédiction.

- N'oubliez-pas. "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire."

L'utilisation de proverbes humains devant le souverain d'une espèce qui n'avait pour but que l'annihilation de celle-ci était pour le moins étrange. Une petite trahison ; pas dans la pratique, mais dans l'esprit. Rien de dramatique, rien de choquant pour le commun des Hollows, mais Santo ne l'appréciait guère. Il ne se formaliserait pour autant pas là-dessus. Ce serait s'indigner pour bien peu de choses. L'expression en elle-même était plus condamnable cependant. Dans son sens premier, Borick annonçait tout simplement qu'il trouvait la stratégie mise en place par Santo dénuée de tout panache. Une autre interprétation laissait penser qu'éviter tout danger assurerait la victoire, fusse-t-elle sans lauriers. Mais dans une conversation où les deux parties étaient des adversaires ne se l'avouant pas ouvertement, jouer au jeu des interprétations était quelque peu dangereux.

« Je n'accorde que peu de crédit aux dictons des humains. Une victoire est une victoire, en minimiser les risques est la seule chose qui m'importe. La gloire, je la laisse aux plus vaniteux ; ils ne seront pas reconnus par Sima le moment venu. »

Si Borick ne courrait qu'après la célébrité, il aurait immédiatement occupé le siège de Rey une fois Grimmjow mort. Ou alors cherchait-il à faire profil bas, craignant à l'époque la menace des Reapers. Mais cela ne collait pas : il avait toujours fait en sorte, depuis l'instant où Santo avait fait sa connaissance, de rester sous les radars. La gloire, le blond s'en fichait. Et s'il observait la situation, il comprendrait qu'actuellement Las Noches n'avait pas besoin de gloire, mais de triomphe. Pour les troupes. Pour l'équilibre des forces. Pour le moral.
Le plus important, dans ces belles paroles, fut la réponse à l'offre que lui avait fait Santo. Borick avait bien joué sa manche, en ne refusant pas catégoriquement et en n'acceptant pas avec empressement la venue de son souverain. Le premier cas aurait éveillé ses soupçons d'une traîtrise en préparation, le second aurait presque confirmé l'intention de l'Exequias d'éliminer le Rey, profitant d'un séjour loin du Palais. En acceptant sous réserves, Borick jouait le jeu, laissant Santo faire le prochain mouvement, qui ne pouvait être qu'un retrait. S'il s'entêtait, c'était admettre qu'il voulait absolument surveiller son vassal. Et c'était s'affaiblir en tant que chef, en mettant cette mission au dessus de son rôle de protecteur et de meneur. Mais l'information était bonne à prendre.

« Vous avez raison, Borick. L'enfermement dans ce Palais m'a poussé à être aventureux. Je brûle littéralement de me dégourdir les membres et de goûter à nouveau à l'action. Notre stratégie va, hélas ! prolonger cette léthargie. Ma place est en effet au Palais, même si Sima m'a offert les moyens de pallier à toute absence. Je ne peux cependant pas vous laisser seul, fusse avec votre Exequias, pour une mission aussi périlleuse. Les Reapers hantent probablement le monde des humains. Soit. Je me délesterai d'une de mes Espadas. Nous n'avons subi aucune attaque depuis des mois et avec toute l'agitation produite par Nacimiento, je doute que l'ennemi l'apprenne et se méfie. Ma Quatrième Lame devrait vous suffire je suppose ? »

Si Borick avait déjà entendu parler de lui, il saurait exactement quel serait le rôle tenu par Kazuhide dans l'avenir. Sinon... il était suffisamment malin pour le découvrir.

Réaction logique de la part d'un roi. Mais qui confortait l'Empereur dans son analyse du personnage. Borick était le premier à dire qu'il fallait jouer de ruse pour vaincre ses adversaires. Mais l'entendre de la bouche même de Santo était plus parlant encore. Finalement, ils étaient semblables. Même s'il paraissait évident qu'ils ne prendraient pas le même chemin. Leurs destinations étaient différentes, là se trouvait la seule véritable différence entre eux. Ça et leur foi en Sima.

Car peu importe aux yeux de l'Exequias que cette chose ne le reconnaisse pas. Il ne comptait pas s'attarder en ce monde éternellement. Il y avait bien quelque chose. Quelque chose de suffisamment puissant pour attirer l'attention de l'ensemble des Hollows et Arrancars de ce monde. Mais de là à croire à une sorte de dieu ? Pour l'heure, ce n'était qu'une chimère. Et il saurait tôt ou tard si Santo était un véritable prophète ou une simple marionnette.

Mais il ne devait pas se prendre la tête à ce sujet pour le moment. Chaque chose en son temps et il venait d'obtenir une petite victoire dans cette joute. L'occasion de mettre en place son projet avec la bénédiction du Rey en personne. Une étape indispensable pour lui comme pour Las Noches, ce qui garantissait la fiabilité de l'intervention de Borick. Son plan n’était pas là pour mettre en péril la stabilité de ce gouvernement. Seulement de s'assurer que personne ne deviendrait une gêne. Quant à la possibilité d'adjoindre à son groupe la Quatrième Lame, l'idée satisfaisait les deux parties. Santo plaçait un de ses fidèles et Borick gardait le contrôle de l'opération. Usagi... Le Vizard qui arrivait directement du Gotei. Était-ce stratégique s'il mettait à sa disposition l'un des rares non-arrancar qui se trouvait sur place ? L'avantage, c'est que celui-ci connaissait les lieux. Les procédures. Mais en dehors de ces maigres informations, il n'avait rien.

- Ce sera parfait, Mon Roi. Je vais donc prendre congé de vous et effectuer les préparations d'usage pour notre mission. Je vous ferai avertir lorsque le moment sera venu. Je vous laisse informer la Quatrième Lame de sa mission future. Je prendrais seulement le temps avant de le rencontrer officiellement. Ainsi, je saurai à quoi m'attendre.

Ce qui signifiait beaucoup, à ses yeux. Se faire une idée plus précise de son futur partenaire importait. Restait dès lors à remettre la main sur Aleksi et Daestra. Tels étaient certains de ses préparatifs. Inclinant la tête, il quitta la pièce, laissant Santo à ses réflexions. Cette discussion n'avait pas été sans intérêt. Nul doute que les deux parties en tireraient de précieuses informations sur l'autre.