Des jambes. Des chevilles. Des nuques et des torses musclés. Mes yeux sautent d'une partie du corps des uns à celle des autres. Je suis comme un enfant dans un magasin de bonbon et déjà, je sens mes poils se redresser comme des piliers électriques miniatures. Je ne peux m’empêcher de passer ma langue sur mes lèvres tandis que l'envie s'empare de moi. Lorsque mes paupières se referment, je sens un frisson de plaisir parcourir mon échine. Alors seulement, je me mets à avancer dans la foule.

Tokyo. Une toute nouvelle ville. Pire, une véritable mégalopole. Il y avait bien un flyer sur les différents quartiers mais ça m'a vite fait chier. Le bout de plastique est d'ailleurs dans une poubelle quelques mètres derrière moi. C'est qu'il faut recycler, aimer les plantes tout ça. Mon sac sur l'épaule, mon billet d'avion encore en main, je ne peux que regarder le tableau des arrivées sans rien y comprendre. Petit souci de langue. Surtout quand ce ne sont même pas des lettres. Au final, j'applique la méthode infaillible de « suivre les masses ». mon petit trick à moi. C'est comme la pause en milieu de repas pour faire de la place mais ça sera pour un autre jour. Ce faisant, je finis enfin par sortir après avoir tourné trois fois dans le hall.

-Karakura, me voilà !

Je ne peux s’empêcher de crier mon espoir à peine arrivé sur le trottoir et entouré de Japonais étonnés. Au milieu de ces derniers pourtant, existe, trente centimètres de poil. L'espèce parfaite d’humanoïde-repose bière. On pourrait presque croire à une poupée géante vue le teint nacré. Le gaijin que je suis lui lance un regard supérieur, la rayant de mon esprit la seconde d'après. Chose inutile. Non, ce qui compte c'est Karakura. Le séisme. Les morts. LA mort. je sens mon cœur s'agiter rien qu'à l'idée de toucher le sol où s'était tenu cette ville sensationnelle. Sauf que... il faut y aller. Et tout est écrit en japonais.

-Aucune culture ces mecs. Même pas un panneau en anglais. Sérieux... et ça se dit grande ville?

Je pourrais presque en bouder. Et encore je suis plutôt doué avec les langues, la gymnastique intellectuelle me viens vite à l'esprit mais là je suis totalement désemparé. Qui écrit en bâtonnet? Pourquoi pas avec des symboles de poisson et de plante lunaire tant qu'on y était? Mieux, pourquoi pas en anglais? N'était-ce pas la première langue du monde? Encore on serait en Chine, je pourrais comprendre, 1 milliard d'habitants et ceci cela. D'une main leste, j'attrape le col d'un gars à côté de moi.

-C'est où Karakura?

Malheureusement, il ne comprend pas. Où fait-il exprès? Possible, c’est vicieux les jaunes. Si ça se trouve ils passent leur temps à être chassé par des fantômes pendant qu'ils mangent des pommes. Ha non, ça c'est pac-man. Le gars dans ma poigne semble prêt à se faire dessus alors, gentil je le relâche. Je jette de nouveau un regard sur Porcelaine non loin. C'est toujours mieux que rien.

-Yo. T'as un soushi?

Je ne peux m’empêcher s’esclaffer de rire à ma blague foireuse. Un grand rire qui me fait encore plus remarqué par le reste des passants. Quelques secondes plus tard, passant de l’euphorie au calme soudain, j'affiche un visage plus sérieux.

-Je cherche Karakura, la ville morte. Tu ne saurais pas où c'est?