Las Noches avait subi un revers virulent, presque apocalyptique selon certains. La première attaque de Vilmar avait laissé une profonde balafre à Nacimiento, Riful avait agrandi la plaie et laissé une cicatrice indélébile aux yeux de Santo. Le pardon, cela n'avait jamais été son fort. Tendre la joue n'était pas un précepte du Culte de Sima. Dent pour dent. Voilà qui s'appliquait pour celle qui avait emporté avec elles des dizaines, peut-être même des centaines d'âmes, en même temps que des mois de travail. La Destructrice. Quel meilleur nom pour celle qui ne vivait que dans ce but ?
Nacimiento pansait ses blessures, reprenait ses forces, remontait une pente qui avait été déjà pénible à gravir. La menace des Shinigamis et des Reapers paraissait bien futile après ces agressions. Qu'importent les ennemis des autres dimensions, si le danger est déjà présent à ta porte ? songeait-il.

Il ne pouvait permettre nouvelle attaque. Il ne pouvait supporter une nouvelle offensive, qui plus est causée par des individus isolés, fous, s'imaginant qu'ils peuvent massacrer l’œuvre du Rey. Santo cherchait des solutions. L'une d'elle était de prendre les devants. Le Yermo était vaste, il l'avait arpenté des siècles durant sans jamais rien voir d'autre que du sable ou du quartz. Mais cette immensité était pleine de vie et certains de ces territoires étaient mêmes gouvernés par des souverains, comme l'était Santo, qui régnaient en maîtres sur un terrain de chasse plus ou moins grand, plus ou moins éloigné de Las Noches. Même si le Rey ne les considérait pas en ennemis, qu'en était-il de leur côté ? Connaissaient-ils même l'existence de Las Noches, de son nouveau Roi, de Sima, de la coalition des Hollows ? Connaissaient-ils les Reapers, cette nouvelle menace ? Et surtout, souhaitaient-ils la guerre avec le Palais ou une alliance ? Santo avait, jusqu'à présent, évité tout contact avec ces souverains auto-proclamés, qui risquaient de saper son autorité, de vouloir prendre sa place ou de le confronter. Mais les électrons libres du Hueco Mundo le poussaient à trouver plus d'alliés, à renforcer son foyer pour parer à toute attaque individuelle.

La convocation avait été transmise quelques jours après la bataille contre Riful, le temps qu'ils aient tous deux repris des forces. Leur mission serait difficile, peut-être même dangereuse mais nécessaire à la survie du Palais. Même si Santo n'aimait pas se défaire de deux Espadas en ce moment critique, il n'avait d'autre choix. Il espérait que la mobilisation face à Riful ait fait naître une rumeur, décourageant tout agresseur de venir se frotter à Nacimiento. Peut-être aurait-il quelques semaines de répit. Autant les mettre à profit.
Une fois les deux Espadas entrées, il les observa un temps. L'une était encore fraîche dans son armée, plus posée que l'autre, plus réfléchie ; encore trop faible pour partir seule dans le désert, rencontrer les plus puissants de ce monde. L'autre était un déficient mental qui pouvait tout détruire autour de lui sur un coup de tête, et sur lequel il ne fallait pas compter pour toute approche diplomatique ; mais sa puissance et ses sens affutés en faisait un limier de choix et un protecteur sans pareil. Un duo complémentaire mais complètement contraire, qui pouvait donner un résultat brillant ou complètement désastreux. Santo ignorait encore ce que donnerait cette combinaison, mais il était curieux de voir ce que cela donnerait.

« Bienvenue à tous deux. La bataille contre Riful fut âpre et je vous félicite à nouveau pour votre engagement à mes côtés. Vous vous doutez que cet assaut a cependant fragilisé notre force. Une faiblesse que je ne puis accepter, car nous ne pourrons jamais vaincre nos ennemis Dieux de la Mort si nous devons craindre nos propres frères. Je vous charge donc d'une mission. Partez dans le désert, promptement, et tâchez de trouver les Seigneurs des Royaumes Lointains. Informez-les de la situation, d'une Las Noches nouvelle, d'un Roi Prophète, de l'Appel qui nous converge tous vers Sima, des Reapers. Informez-les de la force que nous offre notre croyance, de l'émergence de Nacimiento et conviez-les à nous rejoindre ou, à défaut, de former une alliance avec le Palais. Il nous faut des alliés, mes frères. Je compte sur vous pour en trouver. »

Santo les envoyait avec de nombreuses inquiétudes. Celle de ne pas les voir revenir, dévorés, emprisonnés ou recrutés, celle d'apprendre qu'ils ont été piégés par des Reapers en patrouille, celle de voir le Palais être attaqué pendant leur absence et de manquer de leur force, celle d'une erreur diplomatique de leur part ajoutant un ennemi à la longue liste de ceux de Las Noches... et également une autre inquiétude, plus triviale.

« J'ajouterai un dernier point. Liza, tu auras le temps de connaître Aleksi et sa personnalité quelque peu unique. Sois ferme et ne te laisse pas déstabiliser, je compte sur toi pour le contenir. Aleksi. Reste. Sage. Et mène ta mission à bien. »

C'était la seconde fois en peu de temps qu'il se était convoqué chez son Rey. A se demander si l'albinos n'était pas devenu la nouvelle coqueluche de Las Noches, et ce peut être en partie grâce à la formation irréprochable du Chef de l'Exequias, qui avait façonné sa chose selon ses besoins, et d'en l'optique de le maintenir dans les rangs de l'Espada. Une épée, c'était ce qu'il était à présent, bien forgée, même si ne correspondant à aucun critère connu. Biscornue, improbable arme...

- Je vais voir le Rey, si, c'est vrai!

Il était tout jouasse à l'idée d'y retourner, et son sourire s'étirait de part et d'autre de son visage encore constellé de fractures, semblables à de la faïence morcelée qui étaient un reste de son dernier affrontement pour la défense de Nacimiento. Son interlocuteur quant à lui n'était pas aussi plein de joie et de vie, puisqu'il n'était au final qu'un crane de cheval, ou peut être de vache, en tout cas d'un hollow malchanceux ayant sans doute été annihilé durant l'attaque. Cela ne l'empêchait pas moins de répondre, par l'intermédiaire des doigts habiles de l'Alexandrov qui manipulaient la mandibule.

- Avec le Rey? Mais c'est génial! Et il est comment?

- Et bah...en robe.

Ce fut la conclusion. Sur cette ultime parole, le petit être se leva, avant de se rendre fissa en direction de la salle du trône, son ami toujours dans la main gauche, telle une caméra au poing. Il lui faisait la visite spéciale, le tour VIP, tout en agrémentant chaque mètre d'une anecdote cocasse "là c'est 'endroit où j'ai jeté des boulettes de caca sur l'ancien Tercera...". Et rapidement, il fut sur les lieux, avisant le couple qui l'attendait déjà. Il ne connaissait pas la nouvelle venue, mais par contre le maître des lieux résonnait dans sa mémoire.

- Z'êtes qui vous?

Ah nan en fait. Pas du tout.

- Je sais pas qui z'êtes vous. Moi j'attends le Rey. Il doit être quelque part. Rey! REEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEY!

Il avait mis sa main en porte voix, et tournait sur lui même pour disperser son cri dans toutes les directions. C'est logiquement qu'au terme de son tour il se retrouva à nouveau en face des deux Arrancar.

- Ah bah il est là le Rey! SIMA! Agrouh!

Il s'était inventé un signe de reconnaissance pour invoquer le dieux - un truc tiré des grands empires, à la romaine par exemple. Celui là consistait à mettre la main en griffe devant lui et à l'agiter, comme pour représenter une bête en train de frapper - ou un chat qui griffe. Vous avez remarqué que je n'ai pas mentionné son retour de mémoire? Ouais, je suis clairement blasé. Ah oui, inutile de dire qu'il n'avait rien pigé au discours polissé du dirigeant de Las Noches, n'ayant seulement capté qu'un mot.

- Alliés? Ah oui, ah oui oui oui. Facile! Hop, en deux coup de cuillère dans le pot!

Les proverbes, hein...

- Entendre? Oui bien entendre #ZAP# c'est pas une balle dans le bras qui me fera plier le genou! #ZAP# on va faire équipe, Flanagan! Et ensuite on fêtera ça autour d'une bouteille de champagne, ma tête dans ton c...#ZAP# canard à l'orange!

C'était à peu près tout.