J'étais capitaine désormais. Pour certains cela signifiait beaucoup, parfois de grandes choses, mais pour moi c'était rien de plus qu'un titre utile qui voulait dire que je pouvais me permettre d'agir à ma guise de manière bien plus libre que le moindre de ces péons qui m'entouraient chaque jour. Mais cette liberté était un leurre, une fausse idée que l'on avait voulu me faire avaler telle une couleuvre vive qui se glisse au fond de votre gorge. Comme si je ne savais pas qu'ils bridaient mes capacités, m'obligeant à penser à autre chose qu'à moi même. Un simple troufion passait par là. Pourquoi donc ? N'avait-il pas quelque chose à faire lui ?

- OUI ! Je suis libre moi !

Et quid de cette liberté si ce n'était d'en profitait. J'aurais pu mettre mon nouveau temps à profit pour continuer mes petites expériences mais mes gentils cobayes ô combien volontaires n'étaient pas encore mûrs. D'autres que moi auraient pu s'enquérir du bien être des soldats de sa division, mais je n'avais rien à faire de larbins incapables. Tous, là autour de moi, partageant MES quartiers, tous cela n'étaient que des boulets que je me trainais au pieds, des êtres inutiles qui n'avaient qu'un seul but, m'encombrer .... et parfois servir de chair à canon. Fallait l'avouer tout de même. Ils étaient efficaces pour mourir face aux hollows. Ah tous ces morts dédiés à cette science que j'expérimentais.

Voilà ce que je pouvais faire. Suivre le bip. Marcher dans sa direction, se laisser guider par ce point clignotant. Bip rouge, je m'éloigne. Bip vert, je me rapproche. Feu d'artifice de bips alternatifs. Cela avait quelque chose d'enivrant, d'hypnotisant même.

Je déambulais seul dans le Seireitei. Selon les aléas de ma marche, mon petit dispositif me faisait tourner ici et là. Drôle d'expérience que voilà. Au bout de quelques heures à reproduire un schéma totalement aléatoire à bousculer ces simples mécréants cherchant à me voler mon invention je tombais enfin sur ce bip continu et cette petite loupiote verte qui clignotait de plus belle. Ca m'énervait ce bruit. Quelle musique infâme. Boum, cassé par terre à coup de pied sous le regard médusés de ces types aux facies inconnus. C'était qui ceux là ? C'était pas les miens, ça c'est certain. J'avais appris le nom et retenu le visage de tous mes hommes et ce groupe ahuri ne faisais pas partie de mes geôliers imposés. Oui, ils ne voulaient pas le reconnaitre, mais c'était évident que ces shinigamis sous mes ordres étaient en fait des gardiens à la solde de l'homme en noir.

- Noon ! Pas maintenant ! Fumée noire, il est pas là !
- Euh .. capitaine ! Z'êtes pas chez vous là ! Ici c'est la onzième, je ...
- Oui ... je sais ... bien sur ... la onzième ... c'est évident. Le Kenpachiiii ! Figure immuable et changeant. Toujours lui mais toujours un autre. Docteur onzième c'est cela ! Docteur Kenpachi, c'est lui ! C'est lui que je dois voir, c'est lui le bip vert !
- Toi ... et toi ... et puis toi aussi ! Ramassez les petits bouts et allez les apportés aux menteurs noirs chez moi ! Et toi là, oui toi qui me regarde comme si je savais pas que tu me regardes ... va chercher le docteur Kenpachi, dis lui que je suis là, il sait pourquoi je viens !

Krow, y a un type louche qui te d'mande dehors.

J'ai entendu.

Tu m'étonnes que j'ai entendu, l'a quoi à gueuler comme ça c'te ch'tarbé, hein ? Et du peu que j'ai réussi à comprendre de son charabia, le type est perché. Mais genre bien. "Docteur Kenpachi". Mais qu'est-ce, qu'il, raconte. Un p'tit regard à la fenêtre de mon bureau avant de descendre dans la cour, j'vois pas l'type, hors d'mon champ de vision. Quelques marches descendues, quelques couloirs empruntés, me v'la dans la cour, et surprise, le bonhomme en face de moi porte un haori. Putain. On file ça dans une pochette-surprise maintenant ou quoi ? Enfin, ne jugeons pas trop vite, l'est perché, ça, j'peux l'certifier en ayant entendu 2/3 phrases de sa part, mais l'est p'tet pas totalement con. L'est pas bien épais en tout cas. Le teint un peu pâle, une bonne quantité de piercings, et ce bout de tissu blanc sur les épaules.

Nan mais j'suis désolé, j'fais c'que j'peux mais j'ai du mal.

J'ai du mal à ignorer la première impression, à lui laisser le bénéfice du doute. Enfin... J'imagine (et espère) que s'il porte ce haori, c'est pas pour rien. On est pas nombreux à la porter, et quand tu l'as sur toi, ça veut généralement dire que t'es pas le genre de type qu'il est bon de prendre pour de la merde. Puis s'il a fait la démarche de se pointer jusqu'ici pour demander à me voir, c'est qu'il a une bonne raison. Pas moi qui vais la deviner en tout cas, j'sais pas c'qu'il me veut c'ui là. Remarque, depuis que j'ai le titre de Kenpachi, sont nombreux à demander à me voir, pour telle ou telle raison. J'ose espérer qu'il a une vraie bonne raison pour venir brailler dans ma cour, parce que là j'suis pas vraiment d'humeur.

Oh, aurais-je oublié de mentionner dans quelle activité j'étais plongé avant d'être interrompu par ses divagations ? Paperasse. J'en ai pas beaucoup, mais dieu qu'c'est chiant à faire, même en petite quantité. Le genre de truc qui te mine le moral de base, alors si en plus tu te retrouves avec un dégénéré en train de beugler dans ta cour, c'est mort. Mais comme dit plus tôt, le dégénéré en question est capitaine, du coup, bénéfice du doute accordé, là où n'importe qui d'autre aurait eu le droit à un simple mais efficace "barre toi si tu veux pas d'ennuis gamin, j'ai autre chose à foutre".

Bref, Jouons le jeu, donc.

"Docteur Kenpachi", comme tu disais, mais tu peux m'appeler Krow. Parait qu'tu voulais m'voir ?

Hum... Plus j'le regarde, et plus j'ai cette petite voix dans ma tête qui me dit que je devrais savoir ce qu'il vient foutre ici. Mais rien à y faire, j'percute pas.