Les mathématiques. Oui, le simple énoncé de ce mot barbare et savant pouvait susciter différentes réactions selon les personnes. Soyons honnêtes, les trois-quarts du temps, la simple mention de ce sujet faisait fuir bon nombre de personnes, ou monstres. À vrai dire, on ne devrait plus que se battre en prônant la logique des chiffres à nos ennemis, brandissant d'infâmes problèmes épineux qu'ils n'auraient d'autres choix que de fuir... Ou de résoudre. Non, cela épargnerait trop de vies, et cela n'aurait plus rien d'amusant, notre scientifique était trop attaché à ses explorations en règle de l'intérieur de ses adversaires. Mais revenons-en aux maths, comme on les appelait plus communément. Les plus en tort avec ce thème aimaient dire que tout ce savoir n'était basé que sur de pures spéculations de mortels essayant d'imposer une logique afin de comprendre la vie. Et c'était un fichtrement bon argument, mais on pouvait répondre que même si les les maths n'étaient basés sur rien, c'était une invention au même titre que toutes les autres, et que celle-ci, non content de ne pas être un paramètre absolu sur lequel compter dans la vie de tout les jours, bien loin de là, avait permis effectivement d'aborder la réalité sous bien des angles différents. Pouvoir quantifier, calculer des probabilités, c'était tout de même sacrément utile, et pour les plus réticents, il suffisait de prendre la science des nombres non pas pour quelque chose de rébarbatif et d'inutile, mais pour un outil, pour comprendre certaines choses plus facilement, pour simplifier notre compréhension. En somme, les maths étaient à la réalité ce qu'un tournevis était à... Et bien à une vis. Enfin, cette théorie était la plus plausible aux yeux d'Akahebi, il pouvait être dans le faux, même s'il en doutait fortement, bien trop imbu de sa personne pour voir plus loin que le bout de ses propres réflexions. Et il en était venu à repenser à tout ça en se demandant comment il était venu à l'idée des prédécesseurs du Rey actuel de former une Espada fondée sur le principe d'une troupe d'élite, dont chaque membre était affublé d'un numéro, allant de un jusqu'à dix.

Il avait bien divagué, certes, mais cela restait dans la même optique. Dans le temps, ils étaient à peu près rangés par ordre de force à en croire les récits glanés aux quatre coins du Hueco Mundo. Maintenant, cela avait changé, et d'un accord tacite entre les parties, l'Espada était plus organisée dans un ordre impliquant directement le degré de dévotion au culte du soi-disant dieu Sima. Attention, il ne fallait pas non plus être un manchot, il ne suffisait pas d'être un fanatique, chaque personne ayant atteint leur grade non sans un minimum de mérite. Et bien évidemment, on pouvait dire par là non sans avoir un minimum de ressources, de puissance. Le chiffre qu'on se voyait attribuer importait peu donc en terme de force brute, mais pouvait signifier tout autre chose. Une conclusion qu'avait tiré le Sarujie en plein durant une de ses sempiternels promenades, qui avaient l'air d'être devenus son lot quotidien depuis quelques temps. Il devait vraiment se trouver un hobby, commencer à être utile, mais pour cela il lui fallait un endroit où pratiquer ses expériences, ou alors partir en chasse de quelques shinigamis et de reapers particulièrement récalcitrants afin de se faire un nom, d'asseoir une réputation un peu plus saine, et grande surtout. Il n'était connu que de rares initiés, les résultats d'une vie en ermite dans les profondeurs insondables du Hueco Mundo, et il n'était connu que pour sa nature récalcitrante et traître, pour son intellect trompeur et ses pratiques contre-nature. À n'en pas douter, avoir rejoins la fine fleur de Las Noches lui serait très bénéfique, et même s'il ne se souciait pas vraiment du côté politique de la chose, en tant qu’intellectuel, il connaissait tout les bienfaits d'un tel statut. Mais bon, au diable tout cela, s'il avait fait ce qu'il avait fait, ce n'était que pour une seule raison... Bon peut-être plusieurs autres, mais la principale étant de renforcer la Cause des hollows, d'affirmer leur force et de retourner dans le jeu des guerres impitoyables qui déchiraient ou allaient déchirer les mondes sous peu.

« - Où est-ce que je suis ? Nacimiento c'est ça ? C'est vraiment un bauge infâme, et en plus son architecture tient plus du labyrinthe illogique que de la ville classique et ordonnée... (Il regarda tout autour de lui puis soupira). Hum, c'est bien ce que je pensais... Je suis complètement paumé ! »

Il s'arrêta en plein milieu de ce qui semblait être une... Rue ? Il ne savait même pas à quoi correspondait quoi, tout ce dont il était certain c'est qu'il n'était pas seul. L'endroit grouillait de ses congénères, mais ces derniers préféraient rester dans leur coin aujourd'hui. Tant mieux, cela lui épargnerait quelques souffrances visuelles, la mocheté étant un facteur de fatigue important, à trop la contempler jour après jour, c'était prouvé. Oh, il ne savait pas par qui, mais cela devait sûrement avoir été prouvé par quelqu'un depuis le temps qu'on s'interrogeait sur toutes sortes de sujets. Il était perdu dans ses pensées depuis un bon moment maintenant, et il avait eu la fantastique idée de marcher en parallèle, histoire d'être sûr de ne pas retrouver son chemin le cas échéant. Un génie, il le restait, les plus grands aussi pouvaient commettre des erreurs, et celle-ci était minime, n'impliquant pas directement ou indirectement la vie de centaines d'êtres vivants ou pas. Un éminent sage avait dit un jour « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », et ben là, pas du tout, on pouvait repasser. Et c'était qui le fameux sage qui avait balancé ça déjà ? De bien belles conneries, si Einstein avait uriné à côté de ses WC, son pouvoir aurait simplement impliqué une petite séance de ménage. Et si Napoléon, le fameux empereur français du dix-neuvième siècle mégalomane et assoiffé de conquête avait simplement mit son pantalon à l'envers un jour, personne n'en serait ressorti mort, enfin si, de rire peut-être. À moins qu'il ne s'habillait pas lui-même à l'époque ? Ce qui soulevait un tout autre point. Après, ce qu'il en disait... Il n'était qu'un ancien savant japonais du seizième siècle décédé à ses vingt-quatre ans et actuellement perdu au milieu d'un bidonville rempli de monstruosité dans un monde quasi-parallèle en 2019, son avis importait peu. Ou pas, mais ce n'était pas à lui de juger de cela.

Akahebi chercha une solution à sa détresse. Il devait éviter de foncer tête baissée, il allait encore plus se mettre en difficulté. Il n'avait qu'à sauter sur un toit et rentrer comme cela, depuis les hauteurs, puis il devrait apercevoir le palais comme ça. Non, trop facile, il allait rentrer de la même manière dont il s'était retrouvé dans cette situation : à pied et sans user du moindre artifice. Challenge accepted. Tracer un plan dans sa tête des différents chemins qu'il avait emprunté avant de venir ? Non, impossible, il avait été tellement étourdi qu'il n'avait pas retenu un seul point de repère. Repartir en marche arrière en repensant exactement aux mêmes choses mais en partant de la fin ? Il commença à effectuer une espèce de moonwalk étrange en se demandant de quel façon Napoléon pouvait se tromper en s'habillant lorsqu'il se sentit particulièrement ridicule. Non, cela ne fonctionnerait pas, pas besoin d'être spécialement futé pour le deviner. Eurêka ! Les maths ! Il allait calculer le temps qu'il lui avait fallu pour arriver jusqu'ici depuis qu'il s'était mis en route, puis... Non, débile, cela ne l'avancerait pas plus, à part savoir qu'il avait déambulé dans un dépotoir pendant à peu près deux heures, joli. Il ne lui restait plus qu'une seule et unique solution : demander son chemin au premier être un tant soit peu doté d'au moins une étincelle d'une bribe d'une larmichette d'intelligence. Problème, il n'y avait personne aux alentours, ou en tout cas personne qui ne veuille bien se montrer, et il était hors de question qu'un arrancar de la trempe du Sarujie daigne courir après des hollows aussi minables.

« - Ohé ! Il y aurait quelqu'un qui saurait me reconduire au palais de Las Noches dans les parages ? Et sans user de super saut ou de je ne sais quoi, uniquement en marchant, ce serait possible ? (Il prit une pause, sachant pertinemment que sa demande était farfelue). Pensez-y, cela pourrait représenter aussi un challenge pour vous, puis vous pourriez raconter cette anecdote autour du cadavre d'un de vos amis, ou même d'un shinigami, ça en fera rire plus d'un, croyez-moi ! »

Il espérait qu'une âme noble allait entendre son appel...

Sa première ronde depuis qu'il était rentré de mission. Cela faisait du bien de pouvoir à nouveau sortir sans avoir peur de rencontrer quelqu'un, ou peur de se faire attaquer en plein vol. Il faut croire qu'il s'était attaché à sa forme d'Arrancar. Tout se passait bien dans les rues. Les Hollows reconstruisaient les quartiers détruits par Riful et Vilmar. Finalement, ces deux catastrophes avaient eu du bon. Cela avait permit de prouver aux habitants de Nacimiento que l'Espada veillait sur eux et que, quelle que soit la puissance de leur ennemi, ils pouvaient faire face.
Alors certes tout n'était pas parfait, il restait encore du travail à accomplir pour que l'armée du Rey soit complètement efficace, mais c'était déjà un bon début, une très nette amélioration par rapport aux anciens régimes du Hueco Mundo.

Alors qu'il marchait dans les rues bondées de la cité, l'Octava se rendit compte qu'il appréciait ce capharnaüm, ce mélange de sons tous plus insupportables les uns que les autres, ces bousculades incessantes. Cela pouvait paraître étrange, voire contradictoire, venant de quelqu'un appréciant ordinairement le silence. Mais ce melting-pot de sensations étaient la preuve que les Hollows pouvaient vivre ensemble et dans une relative harmonie.
Ceci étant dit, il arriva à un endroit où s'opérait un étrange spectacle. Un Arrancar aux cheveux rouges comme les siens était en train de procéder à une étrange danse, avant de demander de l'aide d'une manière saugrenue. Qui était cet Arrancar? Pourquoi voulait-il aller au palais? Pourquoi devait-il être aussi désagréable?
N'appréciant guère les fauteurs de troubles, et encore moins les fauteurs de troubles désagréables, Vaciò hésita un instant avant de l'interpeller mais, après tout, c'était son travail. Il espérait juste que ce n'était pas encore un fou surpuissant venu détruire Las Noches.

L'Octava prit une inspiration et se dirigea vers son compère écarlate. Il lui posa la main droite sur l'épaule pour le forcer à se retourner, tandis que sa main gauche était posée sur le fourreau de son wakizashi. Il voulait montrer qu'il n'était pas ici pour rigoler, et que quiconque troublait l'ordre public, déjà bien assez troublé comme ça, se verrait rappeler à l'ordre.

"Je peux vous aider?"

Il ne voulait pas non plus paraître violent ou désagréable. Après tout, tout le monde pouvait être perdu et en être énervé. Cela n'expliquait pas pourquoi il cherchait à rejoindre le palais. Si c'était un fauteur de troubles, Vaciò le raccompagnerait gentiment à la sortie de la cité. S'il s'avérait que sa raison d'aller au palais était bonne, il se ferait une joie de l'y accompagner. D'ici là, rester attentif aux moindres signes montrant une hostilité.
Alors qu'il pensait à cela, l'Octava se rendit compte que les Hollows autour d'eux les évitaient, voire se cachaient. Pourquoi donc? De quoi avaient-ils peur? Certes cet Arrancar était loufoque, mais il n'avait pas, du moins pour l'instant, fait preuve d'agressivité, alors pourquoi se cacher?

Décidemment, soit il avait le chic pour tomber sur des situations saugrenues, soit il avait le chic pour se compliquer la vie plus qu'il ne le devrait.

Une main se posa sur son épaule. Akahebi se retourna alors tranquillement, puis croisa le regard de son sauveur en l'état. Il n'avait pas l'air de rigoler, puis après observation, le gentleman remarqua la main posée en signe de prévention sur le fourreau de son arme. Le Sarujie recula alors de quelques pas pour toiser l'intervenant, l'évaluant aussi bien sur le plan physique que comportemental. Il était vêtu sobrement mais cela lui allait assez bien, il était à son goût, même s'il aurait pu faire des efforts. Il n'avait pas l'air non plus d'être si bavard que ça, sa précédente intervention ne se composant de pas plus de quatre mots. Ses yeux semblaient animés d'une force tranquille, mais on pouvait y déceler une certaine appréhension. Pour un expert en torture aussi sadique que le serpent rouge, voir ce genre de choses était devenu une espèce de seconde nature. En effet, lorsque l'on savait reconnaître les divers sentiments qui passaient dans le regard d'un sujet d'étude ou d'une personne agaçante se retrouvant ligotée à une chaise par hasard, on pouvait adapter la suite du programme en fonction. La victime prenait peur ? Il suffisait de la rassurer puis, violemment, reprendre de plus belle. Elle luttait et persistait à résister ? Simple, menacer ses proches si elle en avait, les torturer devant elle, les tuer, puis la briser personnellement. Bref, le moment n'était pas vraiment à la distraction, notre déluré arrancar devait ouvrir la conversation tôt ou tard, ou sinon il allait passer pour plus détraqué que de coutume. L'ambiance dans cette ruelle était assez atypique de Nacimiento pour ne pas en rajouter une couche.

« - Oui, oui, oui, vous pouvez tout à fait m'aider mon chère ! Mais avant tout, laissez-moi me présenter, vous avez l'air de quelqu'un d'importance, je m'en voudrais affreusement de faire preuve d'une quelconque maladresse à votre encontre. (Il s'inclina, remit ses lunettes en place, s'éclaircit la voix puis poursuivit). Sarujie Akahebi, novena Espada fraîchement arrivé, éminent scientifique et génie avéré... En toute modestie bien sûr. Et à qui ais-je l'honneur ? »

Il laissa un instant à son interlocuteur pour qu'il puisse lui répondre. Il ne payait vraiment pas de mine, mais il se dégageait quelque chose de lui tout de même. Une force, une certaine aura, comme s'il avait déjà traversé de nombreux et éprouvants combats. Cela ne voulait pas dire grand chose lorsque l'on parlait d'un arrancar, évidemment, la vie d'un hollow jusqu'à atteindre ce stade d'évolution était une véritable guerre incessante, continuelle, sanglante, horrible. Mais ce gars, non, il avait un truc en plus, et le chercheur avait énormément de mal à mettre le doigt dessus de façon concrète. Ce n'était pas un instinct meurtrier ou une envie flagrante de faire du mal, non ça, il l'aurait deviné au premier coup d’œil, lui même se donnait énormément de mal pour camoufler cette partie de son être derrière des sourires et un comportement parfois clownesque. Il devait rester prudent tant qu'il ne serait pas certain de ce que c'était, et cela pourrait durer des mois voire des années, mais pas de soucis, il avait l'habitude de mettre des gants et d'assurer ses arrières en toutes circonstances. Une légère brise s'introduisit dans l'allée, renforçant l'étrange sensation de se trouver au centre de l’œil d'un immense cyclone de bidonvilles, ses congénères restant bien à l’abri dans les choses qui leur servaient actuellement d'habitation. Pourquoi restaient-ils là ? Ils avaient peur, tout simplement, de finir en cobaye ou pire encore, les exactions du gentleman commençant peu à peu à filtrer à droite à gauche. Tout ce qu'il faisait, c'était pour la bonne cause, même si cela pouvait parfois être interprété de différentes manières, mais bon, cela allait très vite se dissiper comme un écran de fumée, la nature bestiale et sauvage des hollows reprendraient le dessus, comme d'habitude, et d'autres atrocités ressurgiraient à un endroit ou à un autre, rendant obsolète les anciennes. Le serpent rouge reprit de plus belle, exposant son problème sur un ton calme et posé.

« - En tout cas, vous tombez bien. Je me suis perdu, et j'ai décidé de rentrer au palais de Las Noches sans user d'artifices aussi vulgaires que le sonido ou autre. Puis comme ça, cela me ferait visiter Nacimiento plus avant, ce serait sympathique. Alors, êtes d'accord pour venir en aide à un fringant arrancar de ma trempe ? »

Il n'avait pas été plus cérémonieux qu'à l'accoutumée, pas plus narcissique ni plus loufoque, sa requête devait être passée comme une lettre à la poste... Du moins l'espérait-il. D'un autre côté, s'il s'était croisé lui-même à ce moment précis, il aurait une ou deux réticences à dire vrai. Au Hueco Mundo, apercevoir un bonhomme en train de faire un moonwalk en parlant tout seul n'était pas forcément un spectacle des plus communs, cela pouvait même paraître choquant à bien y réfléchir ! Au final, c'était peut-être pour ça que les autres mochetés l'évitaient depuis tout à l'heure, parce-qu'il avait un comportement complètement différent de ce à quoi ils assistaient jour après jour dans ces quartiers. Et justement, à quoi ils assistaient ces bougres ? À des batailles de gang comme sur terre ? À des règlement de compte sordides ? À des spectacles de danse itinérants... Non, cela semblait peu probable, impossible même. Akahebi fixa son vis à vis sereinement, un sourire dévoilant toutes ses dents fiché sur le visage, il se demandait comment il allait réagir. Il espérait qu'il accéderait à sa demande, après tout il s'était proposé pour l'aider, il aurait du mal à se rétracter maintenant.

*Il faut quand même que je fasse attention à ce type. Je sens qu'il n'est pas homme à se laisser duper facilement, quoique ça tombe bien, je n'ai absolument pas besoin de lui mentir ou de le manipuler dans l'absolu, mais si à l'avenir je devais tenter une approche, il faudra que je choisisse mes mots avec attention. Hum, je vais plutôt me concentrer sur comment retourner à Las Noches, je m'occuperai des détails en chemin de toute manière...*

Vaciò écarquilla les yeux. Combien de temps était-il resté isolé du reste du monde? Assez pour ne pas avoir été au courant de l'arrivée d'un Novena Espada. Il le dévisagea un instant, histoire de voir s'il n'y avait pas eu moyen de deviner qu'il faisait parti de l'Espada. Certes il avait l'air différent des autres Arrancars de la cité, mais rien ne montrait qu'il était le Novena. Enfin du point de vue de l'Octava, peut-être qu'il se voilait la face exprès pour se déresponsabiliser de son erreur.
L'important était dorénavant de se rattraper, et de se présenter en bonne et due forme.

"Je suis Vaciò Busen Memoria, Octava Espada, ravi de faire votre connaissance et désolé pour l'accueil, je ne savais pas."

Il tendit la main, comme d'habitude à chaque nouvelle rencontre, en signe d'amitié. Il avait encore espoir d'entretenir de bonnes relations avec les membres de l'Espada. Il valait mieux en savoir plus sur son interlocuteur tout de même. L'extravagance n'était pas mauvaise en soi, mais au vue de la tendance mégalomane d'Akhebi, il était plus prudent d'être méfiant. Non pas qu'il redoutasse une trahison, car il n'y a aucun intérêt à le trahir, mais mieux vaut prévenir que guérir.
Il avait changé depuis son arrivée à Las Noches, temps durant lequel il ne se méfiait de rien ni personne. À présent il se méfiait de tout et de tout le monde. Parfois à raison, très souvent à tort, il se disait qu'il était plus raisonnable de n'avoir confiance en personne car cela le prévenait des coups bas.

Deux personnes seulement échappaient à cette "règle". Usagi, le premier à s'être déclaré son ami, et bien évidement, le Rey.
Tout ça pour dire que l'excentrique mégalomane qui se tenait en face de lui ne faisait pas exception. Ce n'était cependant pas une raison pour manquer à son devoir civique. Il allait le raccompagner jusqu'au palais. Il était méfiant certes, mais seulement jusqu'à qu'il n'ai plus de raisons de l'être.

"C'est une très bonne idée que vous avez là. Quel meilleur moyen de visiter Nacimiento qu'en la parcourant? Et je me ferais un plaisir d'être votre guide, nous aurons l'occasion de faire connaissance ainsi!"

Et il fit signe au Novena de le suivre.

"Alors camarade, parlez moi un peu de vous!"

Et voilà. Simple et efficace, il ne restait plus qu'à attendre. Avec cette simple phrase, il allait en savoir long sur son frère d'armes, quelque soit la réponse. Si celle-ci était évasive, cela voudrait dire qu'il se méfiait. Si elle était trop précise, elle serait surement fausse. Mais s'il avait bien cerné Akhebi, ce serait très certainement une histoire bien exagérée, racontant ses exploits extraordinaires, etc…. Ou alors il essaierait de retourner la conversation, ne s'était-il pas présenté comme étant un génie avéré?

Toutes ces questions, toute cette méfiance… Et cette migraine!

Vaciò Busen Memoria, en voilà un nom original. Après, la plupart des hollows possédaient tous des noms plus ou moins farfelus, en effet, ils pouvaient s'en attribuer un eux-mêmes ou encore s'en voir donner un selon leurs exactions diverses et variées, comme Akahebi. Il se souvenait de son ancien nom, celui qu'il avait lorsqu'il était vivant, mais au final, valait-il mieux porter un nom que l'on avait eu pendant vingt-quatre ans ou celui que l'on avait depuis environ quatre-cent cinquante ans ? Tout était une question de point de vue. Il y en a qui prônaient qu'un nom de vivant supplantait toute appellation de mort, mettant de côté l'ancienneté au profit d'une forme de pureté dont le gentleman avait énormément de mal à percevoir la logique. Un débat qui lui semblait relativement stérile à vrai dire, si on avait envie d'être quelqu'un, c'était nos actions qui nous définissaient, peu importait le nom que l'on pouvait avoir alors. Bon, il y avait une limite à ne pas dépasser non plus, un nom trop ridicule pouvait générer des railleries à sa simple écoute, et ainsi influencer la manière dont untel allait faire telle chose par la suite. Dans tout les cas, l'interlocuteur du Sarujie ne faisait pas partie de cette dernière catégorie, son nom était un peu... Spécial mais sans plus, pas de quoi en faire tout un plat. Puis d'après ce qu'il avait dit ensuite, il était le huitième Espada, le numéro tout juste devant lui, il avait donc affaire à un gradé, quelle chance ! Il voyait du beau monde dernièrement, et son cercle de relations grandissait au sein de Las Noches, à son grand plaisir.

Le rougeoyant arrancar serra la main tendue de son vis à vis et contrairement à ce que l'on aurait pu croire si l'on se fiait uniquement aux apparences, sa poigne se fit ferme et décidée. On ne plaisantait pas avec les salutations, c'était la règle élémentaire de bonne éducation que tout être se devait de respecter lorsqu'il voulait entamer un dialogue sur des bases saines. Puis il eut l'occasion d'observer plus attentivement l'Octava, et oui, maintenant qu'il le lui avait dit, on ne pouvait plus s'y tromper, il faisait définitivement partie de l'Espada. Il portait une tenue sobre et typique de l'unité, ce que la plupart des membres portaient également en réalité. Il n'y avait plus vraiment de règle qui imposait un code vestimentaire, même s'il fallait éviter de se ramener en débardeur et jeans troué, il fallait être un minimum classe et soigné, ils étaient censés représenter les intérêts du Rey au final. Akahebi se recula ensuite de trois pas, écoutant la réponse de son interlocuteur à sa demande. Il accepta de le raccompagner, parfait, et il le fit avec un certain entrain et force bonne humeur, il n'arrivait pas à savoir si il était en train de le prendre avec des pincettes ou si c'était son comportement habituel. Il ne le connaissait pas, il ne pouvait pas résoudre ce mystère malheureusement. Il avait la décence d'être courtois et sympathique, deux qualités qui étaient en voie de disparition au Hueco Mundo, ou qui n'avaient jamais vraiment existé plutôt, les seuls cas relevés tenant plus de l'exception qui confirme la règle. Son collègue lui fit signe de le suivre puis lui demanda de parler un peu de lui. Oh oh oh, il ne savait pas dans quoi il s'embarquait celui-là ! Quoique, il avait de la chance, le serpent rouge voulait éviter de trop en dévoiler sur lui pour le moment, il ferait donc la version légère... Enfin, à ses yeux. Il s'éclaircit la voix puis commença sur un ton affable.

« - Que je parle de moi ? Avec plaisir. Comme je l'ai dit précédemment, je suis un scientifique, je l'ai toujours été, même avant de devenir un arrancar voyez-vous. Je suis passionné de recherches et de connaissances, et depuis peu, je me suis mis à penser que je pourrais mettre mes compétences au service de notre peuple tout entier, de faire avancer les choses, de nous remettre en selle contre les shinigamis et les reapers. (Il se tut un instant avant de reprendre, il allait balancer une petite information sur lui, après tout il ne risquait rien). Pour faire avancer les choses, il faut savoir faire des sacrifices, je sais de quoi je parle, avant d'arracher mon masque, je n'étais qu'un vasto lorde solitaire qui ne pensait qu'à lui-même, et des sacrifices, j'en ai fait un paquet pour devenir l'hom... Hum, la chose que je suis devenu aujourd'hui. (Il planta son regard de jade sur Vaciò, son sourire au beau fixe, comme toujours). Avant d'aller plus loin, je voudrais savoir mon chère, si vous, pour faire la différence, êtes-vous prêt à faire des sacrifices ? Excusez-moi de parler de choses aussi sérieuses d'entrée de jeu, mais je suis incorrigible, et j'aime savoir à qui je fais face avant de vraiment me dévoiler... Un guerrier de votre acabit doit sans doute savoir de quoi je parle. »

Récolter un maximum de renseignements sur quelqu'un, c'était son hobby à lui, et il voulait éviter de dire quelque chose qui pourrait lui faire du tort. On ne pouvait pas parler de tout et n'importe quoi avec tout le monde, il fallait qu'il sache où se situait la ligne rouge avant de poursuivre. D'habitude, il arrivait à la délimiter de lui-même, juste en observant, mais là, il devait avouer qu'il avait du mal à cerner son vis à vis. Certes, il n'avait pas grand chose à se reprocher pour le moment, il n'avait pour ainsi dire jamais franchi les limites, et de toute façon il en fallait beaucoup ici pour les outrepasser, il ne fallait pas oublier qu'au delà des apparences, un hollow restait un hollow. Le Sarujie regarda tout autour de lui au fur et à mesure de sa progression aux côtés de son comparse, Nacimiento était ce que l'on pouvait appeler un bauge, sans aucun doute. C'était animé, il y avait même des étals et des magasins faits de bric et de broc qui avaient poussé de-ci de-là, tenus par de monstrueuses mochetés la plupart du temps. Cela n'attirait pas l’œil du client, pour sûr, mais il était un peu spécial, il devait être l'un des rares arrancars du coin à avoir un sens de l'esthétique développé. D'après les échos qu'il avait eu de Las Noches et ses alentours de l'époque de l'ancien Rey, tout avait changé. Pour le mieux ou pour le pire, en tant que scientifique, il ne pouvait livrer sa réponse sans y avoir mûrement réfléchi au préalable.

Le gentleman toisa l'Octava pendant qu'ils marchaient, attendant sa réponse. Peut-être surestimait-il ses capacités, que ce Vaciò était aussi vide que son nom le suggérait, qu'il serait incapable de saisir l'essence de sa question. Non, il avait perçu quelque chose, il devait très certainement avoir bien compris où Akahebi voulait en venir. Il devait être du genre à faire de multiples introspections, à aborder sous un jour nouveau chaque étape de sa vie, un type réfléchi, oui c'était le mot, c'était la première impression que l'on pouvait avoir de lui. Enfin, en ce qui concernait le Novena, et il pouvait tout à fait se tromper sur le compte de son interlocuteur, ils avaient à peine échangé quelques mots, rien d'assez concret pour conclure quoi que ce soit.

Une poigne forte, signe de confiance en soi. Cela n'étonnait pas Vaciò. À vrai dire, il était plus étonné par le fait qu'il sache quel type de poignée de main correspondait à quel type de personnalité. Étrange, surtout que cela faisait peu qu'il connaissait cette manière de saluer. Était-ce un genre de réflexe qu'il avait gardé de son ancienne vie? Et si c'était le cas, qu'est-ce que cela pouvait bien dire, mit à part le fait qu'il devait serrer beaucoup de mains?
La réponse du Novena était bien plus surprenante que ce à quoi Vaciò s'attendait. Il y avait certes beaucoup de blabla pour ne rien dire, mais il en dévoilait quand même un peu sur lui, notamment sur cette histoire de sacrifice. Il se disait être capable de faire des sacrifices pour faire avancer les choses. L'Octava pouvait en savoir plus sur son comparse avec cette information, selon ce qu'il en faisait.

"C'est bien beau de se dire prêt à effectuer des sacrifices, mais de quels sacrifices parle-t-on? Ceux qui nous concernent directement, ou ceux qui concernent les autres? Par exemple, seriez-vous prêt à me faire subir les plus atroces expériences, si cela signifiait faire une découverte extraordinaire?"

Vaciò marqua une pause, fixant son interlocuteur du regard, peut-être pour essayer de déceler la réponse dans ses yeux.

"Mais seriez-vous prêt à sacrifier votre intellect pour le même objectif? Alors évidement il est facile de répondre l'un ou l'autre selon ce que l'on veut montrer de nous, alors c'est plus dans les faits qu'il faut regarder."

S'arrêter là et ne pas trop en dire. Mieux valait ne pas dévoiler ce qu'il pensait être capable de sacrifier, ni pourquoi.
Il l'avait déjà montré lors du combat contre Riful, il était prêt à sacrifier sa vie, enfin vie... Toutefois, il se demandait s'il en était encore capable. En effet, depuis qu'il avait retrouvé ce souvenir, il avait peur de voir son existence être supprimée de la surface du Hueco Mundo. Par contre, étrangement, il pensait être prêt à sacrifier les autres pour faite avancer les choses. *Tiens, voilà un autre point à soulever* pensa-t-il.

"Et puis, tant que nous y sommes, vous parlez de faire avancer les choses. Mais pour qui? Pour le bien de la cité en général, ou pour le votre principalement?"

L'Octava n'avait pas besoin de chercher ses mots, ils venaient tous seuls au fil de sa pensée. D'ailleurs, parler lui faisait, et il s'en rendait compte alors qu'il formulait ce qui lui passait par la tête, un bien fou. Quand il parlait, les questionnements dans sa tête cessaient. Évidement, il fallait que ce soit avec une personne possédant la capacité de dialoguer, et Akhebi avait cette capacité. Certes il était mégalomane, mais il était... Différent. Comme s'il avait conscience de cette excentricité, comme s'il la mettait de côté lors de la réflexion, et la reprenait lorsqu'il s'exprimait. Un personnage bien étrange, mais ô combien intéressant.
Vaciò sentait qu'il pouvait dialoguer avec le Novena sans avoir à se soucier que ses mots soient mal interprétés. Il devait juste faire attention à ne pas trop en dire, car les deux Espadas se livraient à un duel bien différent de ceux habituels dans la cité. Un duel de mots. Le premier qui lâcherait une information de trop verrait tout de suite l'autre en profiter pour prendre le dessus. Il ne fallait rien laisser transparaître de leurs intentions.
Alors ce n'était pas comme si ce petit "combat" allait avoir des conséquences pour l'un comme pour l'autre. Vaciò n'était pas du genre à asseoir sa domination sur l'autre, et il ne pensait pas que son frère d'armes lui voudrait du mal. Au pire il serait utilisé, mais quand a-t-il été réellement libre de ses mouvements depuis son arrivée à Las Noches?
Toujours est-il que cette joute verbale lui plaisait beaucoup. Il devrait réitérer l'expérience. Il n'était cependant pas de ceux qui fomentent dans leur coin, conspirant contre les têtes pensantes, alors il n'aurait qu'Akhebi comme adversaire. Toujours mieux que rien et puis ce n'était pas comme si c'était n'importe qui. Il semblait assez expérimenté dans la chose.

Pour une fois que Vaciò appréciait un combat!

Il était doué, plus que ce à quoi le gentleman s'était attendu au départ. Il avait eu raison sur un point, Vaciò était réfléchi et savait faire preuve d'astuce, mais il se confrontait à un maître en la matière. L'Octava avait détourné sa question principale pour lui en reposer une autre juste derrière, sans se dévoiler. Même si cette manœuvre était habile, elle en révélait un peu sur lui : si il ne voulait pas lui répondre, c'est qu'il avait ses raisons, et ou elles n'étaient pas reluisantes, ce qui arrangeait Akahebi, ou elles étaient trop précieuses pour être dévoilées, ou alors il ne voulait pas les divulguer dans le simple but de jouer avec son interlocuteur, ce qui traduisait une certaine forme d'appréciation de la situation, et là le Sarujie devrait changer de procédé pour lui soutirer des informations, ou plutôt l'Information avec un grand « I ». Son vis à vis lui posa une question en citant deux exemples, ne lui laissant le loisir de n'en choisir qu'un seul, qui définirait sa nature en gros. Malin, mais tout juste, car le serpent rouge avait amorcé ce cas de figure sur les sacrifices en annonçant qu'il avait déjà fait des choses pour arriver là où il en était, de ce fait il aurait juste à être honnête sans trop en balancer. Il ne se mouillerait pas si il lui disait la toute simple vérité sur son compte, par contre il ne devait pas dire jusqu'où précisément il serait près à aller, car c'était là toute l'épineuse clef du problème. Et puis, il y a avait une parade toute prête pour désarmer cette tentative, qu'il n'hésita pas à utiliser. Il répliqua du tac au tac, sa réflexion n'avait pas duré plus d'une fraction de seconde :

« - Intéressante question, mais je ne pense pas vraiment qu'elle ait lieu d'être. Voyez-vous mon chère, mon intellect est précieux, en toute modestie une fois encore, et le perdre serait en soi une grossière erreur. Tout d'abord, je m'insurge, il n'y a pas « d'atroces expériences », juste des séries d'examens indispensables à la recherche convenable de connaissances, mais passons sur ce point. Effectivement, si je devais vous faire subir d'atroces expériences pour effectuer une avancée majeure, je le ferais sans sourciller, et je rajouterais... (Il prit un ton sérieux et quelque peu effrayant). Je serais prêt à le faire même si il n'y avait pas de découverte extraordinaire au bout du compte, car de l'autre côte, je risquerais de perdre... Non, nous risquerions de perdre mon génie et mon astuce, que je juge personnellement indispensable à notre peuple pour le moment. Nous avons besoin de grands esprits parmi les hollows, et vous en conviendrez, nous en manquons cruellement comparé à nos adversaires. Il ne s'agit pas de préserver sa personne, mais juste de préserver son utilité, sa valeur, et ce genre de chose ne peut être comparé à une vie. (Il repartit sur une note plus légère en enchaînant). Enfin, peut-on parler de vie alors que l'on est déjà mort ? Ah ah ah, une question que je me pose tout les jours ! »

Voilà, il avait été partiellement honnête, un chouilla narcissique mais on ne se refaisait pas à quatre cent soixante-dix-sept ans malheureusement. Que partiellement car il n'avait pas spécialement précisé qu'en plus, le faire souffrir lui aurait très certainement procuré une joie intense. Le sadisme était une vertu quand on exerçait son métier, il permettait d'appréhender les choses sous un angle beaucoup plus distrayant. Et c'était connu, lorsque l'on prenait du plaisir au travail, on était plus efficace, c'était même peut-être pour ça qu'il avait pu en arriver là où il en était. Il pensait avoir déjoué la pirouette de son adversaire efficacement, mais maintenant il fallait qu'il contre-attaque, et avec force. Et pour ça, l'Octava lui fournit la carte idéale en lui demandant sans ambiguïtés si il voulait faire avancer les choses pour le bien de la cité ou pour le sien, parfait, il dénouerait ce nœud en un instant. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas pris autant de plaisir à parler à l'un de ses semblables. En fait, ce devait être l'une des toutes premières fois qu'il entamait une discussion avec quelqu'un de vraiment réceptif, en dehors des récentes rencontres qu'il avait fait dans l'enceinte de Las Noches. Avant, quand il était seul dans le yermo, les chances de débattre étaient proches de zéro, et tout se réglait plus ou moins lors d'un combat, il n'arrivait véritablement à s'exercer que quand il vadrouillait sur terre et qu'il trompait les âmes errantes ou de crédules shinigamis de passage. Mais ça aussi, cela faisait un bout de temps qu'il ne l'avait pas fait. Akahebi continuait de suivre son guide à travers Nacimiento, il lui faisait confiance pour savoir où il allait. Il remit ses lunettes en place puis reprit de plus belle, bras devant lui et paumes ouvertes, comme s'il s'excusait d'avance de ce qu'il allait dire.

« - Interrogation futile mon chère. Mon propre bien profite également à celui de la cité, vous voyez, d'une pierre deux coups. Et justement, en parlant de ça, j'aimerais vous demander... (Il lui fit un sourire qu'il voulut charmeur, yeux fermés, avant de reprendre). Si vous, vous devriez effectuer ce choix, que me répondriez-vous ? Et surtout, si un acte par définition monstrueux pouvait servir au bien commun, et qu'à contrario une bonne action ne servirait strictement à rien, que feriez-vous ? Je vous demande ça, mais tout dépend de où se situent vos concepts de bien et de mal, évidemment... »

Il avait terminé sa diatribe sur une note philosophique, ça faisait toujours son petit effet. Les dés étaient jetés en tout cas, il avait soigneusement choisi ses mots et pensait une fois de plus s'en être sorti en beauté. Il imaginait quatre jurés en train de lever leurs panneaux, tous avec des dix inscrits dessus, comme si il participait à une espèce de concours auquel les humains aimaient bien s'adonner en ce moment. Il avait fait bien attention de ne pas paraître trop... Disons trop lui-même, il avait bien esquivé de ce côté là. Des hollows s'agitaient autour d'eux, l'ambiance était horriblement conviviale, mais c'était un avantage, au moins personne ne pouvait entendre la conversation des deux membres de l'Espada qui se baladaient parmi eux. Mine de rien, ils avançaient à bon rythme, ils seraient rentrés assez vite si ils continuaient sur cette lancée. De bien prétentieuses suppositions pour quelqu’un qui ne savait absolument pas où il se trouvait actuellement à tout bien y réfléchir.

Intéressant. Ainsi pour Akhebi, il n'y avait pas d'expériences qui ne méritait pas d'être faite. Il n'avait donc aucune conscience morale dès que ça touchait à la science. C'était le genre de personnage avec qui on ne pouvait être en accord, dont on ne pouvait cautionner les actes, mais qui était cependant nécessaire à l'évolution du monde. Enfin de Las Noches ici.
De plus, il était assez narcissique pour se penser indispensable au point que n'importe qui d'autre passait après lui. Information des plus importante pour l'Octava, car au moins il était fixé sur une chose: il ne lui viendrait pas en aide en combat si ça lui faisait courir trop de risques.
Vaciò n'était pas du genre à se reposer sur les autres, mais mieux valait savoir avec qui il se battait.
Tiens, une petite question sur l'essence même des Hollows. Petite note légère avant de rebondir sur quelque chose de bien plus sérieux, un joli retournement de situation qui aurait pu mettre le corbeau en difficulté, si son adversaire d'un instant n'avait pas fait une petite erreur. La conception du bien et du mal? Il ne lui restait plus qu'à utiliser ça pour se dégager de la question principale.

"C'est vrai que la notion de bien et de mal est importante pour répondre à cette question. Pour avoir longuement parcouru le Hueco Mundo, je peux dire qu'il n'y existe en aucun cas de notion de ce type. Même ici, dans cet univers d'apparence plus civilisé, la loi du plus fort règne toujours, sinon le Rey ne serait pas le Rey, et l'Espada n'aurait pas lieu d'être.
Pour ma part je pourrais dire que le bien commun passerait avant le bien individuel. Mais demandez moi de sacrifier un ami au profit de cents âmes inconnues. En serais-je capable?"

Finir sur une interrogation, afin d'en dévoiler le moins possible sur lui. Tout ce qu'il sous-entendait était que lui-même ne connaissait pas la réponse à la question, ce qui n'était pas complètement faux. Bien évidement, il pourrait répondre n'importe quoi, montrer qu'il possède un sens moral et qu'il n'était pas stupide ni égoïste. Mais dans les faits c'était une autre histoire. Il avait été assez honnête avec le Novena dans un sens, car ce qu'il disait, c'était simplement que quoi qu'il réponde, il se pourrait que dans la situation il agisse différemment.

Il appréciait vraiment cette discussion, à un tel point qu'il avait choisi de faire un détour afin de la prolonger. Quelle sensation étrangement agréable que celle de devoir choisir ses mots, non pas pour pouvoir se faire comprendre, mais pour être sûr d'être comprit comme on le voulait, de diriger l'esprit de l'autre dans la direction qu'on veut.

"Et puis il y a un autre soucis. C'est celui du point de vue. Tout ce que nous faisons est vu sous différents angles selon la personne qui regarde. Vos expériences vous paraissent nécessaires et vous estimez être un bienfaiteur. Celui sur la table d'expérimentations pensera que vous êtes un monstre, et ne se souciera pas des résultats tirés de l'expérience. Qui aura raison? Celui qui fera souffrir un pour le bien de cents, ou celui qui souffre sans que cela ne lui apporte quoi que ce soit?"

Vaciò avait répondu assez honnêtement à sa dernière interrogation. En gros, il lui avait fait comprendre que si sauver la vie d'un de ses amis pouvait en détruire une centaine d'autres, il ne saurait pas vraiment ce qu'il ferait à ce moment précis. C'était vague mais c'était largement assez pour Akahebi, il venait enfin de cerner plus précisément l'Octava. Ils se ressemblaient sous certains aspects, mais ils étaient fondamentalement et irrémédiablement différents, il n'y avait plus aucun doute là-dessus. Lui, dans cette même situation, il n'aurait pas sourcillé une seule nanoseconde, il aurait même abattu son « ami » en personne si cela pouvait être utile en quoi que ce soit. Après, c'était assez facile de dire ça, il n'avait jamais eu d'amis à proprement parler et il n'en avait jamais cherché. Dis comme ça, cela pouvait paraître triste, mais à vrai dire, il s'en fichait complètement. Il ne s'encombrait pas de bagages aussi inutiles que l'amitié ou la compassion, c'étaient d'horribles compagnons de voyages de toute façon. La force des sentiments et toutes ces sottises, très peu pour lui, tout ce qui le motivait, c'était la science et sa survie, ni plus ni moins, et il s'en contentait. Il avait bien assez de choses à faire ou à penser sans s'encombrer d'avantage.

Son interlocuteur, lui, avait l'air de se soucier de ce genre de truc, grand bien lui en fasse. Il suivait également la loi du plus fort, et ça le serpent rouge ne pouvait que l'encourager sur cette voie. Il n'y avait pas de façon de penser plus saine si l'on voulait rester en vie, la force ne se résumant pas toujours à la puissance brute d'une personne. Les gens qui pensaient comme ça s'entraînaient durs pour gravir les échelons, ne jamais être en dessous des autres, que du bon donc. Mais il y avait plusieurs sortes de méthodes pour s'en sortir, le charisme, la manipulation, le dialogue, l'intrigue étant aussi de très bons outils, et qui de plus s'entretenaient au même titre qu'une lame ou que son corps. En somme, l'esprit était tout aussi important que le reste, il s'agissait de ne pas le négliger. C'est pour cela que cette petite joute verbale était rafraîchissante, nul doute que les deux compères de fortune en ressortiraient de précieuses informations l'un sur l'autre. Depuis le début ils grappillaient des bouts à droite à gauche, essayant de se faire une idée précise du type avec lequel ils étaient en train de parler. Le Sarujie, de con coté, en savait assez pour le moment, il avait l'essentiel. Maintenant, il allait juste s'amuser un peu, rentrer dans son jeu et tenter de le déstabiliser, voir comment il réagirait.

Vaciò continua sur sa lancée, abordant la manière dont une action pouvait être perçue selon les gens. Il n'avait pas tort, mais cette colle était réfutable, et le Novena savait comment procéder pour la suite. Comme il le voulait il allait tenter de le provoquer un peu, histoire d'éprouver sa patience, rien de bien méchant, cela faisait partie du processus. Il s'arma d'un regard bien plus sérieux, son sourire se fit implacable, carnassier, on pouvait nettement sentir son changement soudain de tempérament, il était passé de l'excentrique arrancar au monstre dénué de la moindre compassion qu'il était au fond de lui-même. Lorsqu'il répondit, son ton se fit calme, posé, ce qui contrasta de manière effrayante avec son expression.

« - Une question de point de vue, hein ? Mon chère, je ne crois pas à ces fadaises là. Un acte nous définit, et la loi du plus fort fait office d'autorité suprême dans ce monde cruel et bancal. Si je devais, pour le bien commun et par le plus grand des hasards évidemment, torturer un cobaye, expérimenter les plus volatils venins tout en le maintenant en vie le plus longtemps possible, si je devais écouter ses cris des jours durant pour arriver à mes fins, et bien je vais vous dire... (Il remit ses lunettes en place, une lueur étrange dans le vert de ses yeux). Je me délecterais de chaque délicieuse goutte d'agonie s'échappant de son corps, de chacun de ses spasmes, du moindre tremblement, de la plus insignifiante à la plus cruelle des douleurs, et je continuerais, encore et encore, jusqu'à ce que cette découverte extraordinaire pointe le bout de son nez. (Il croisa les bras et continua de parler en fermant les yeux, assez conscient du monde qui l'entourait pour marcher sans trébucher). Effectivement, pour le « sujet », endurer tout ceci pourrait paraître particulièrement horrible, inhumain, mais la globalité pensera que ce que j'ai fait valait la peine d'être fait, vous voyez où je veux en venir ? Les points de vues des uns et des autres, au final, ne comptent pas, ce sont uniquement ceux des forts, des puissants, en d'autres termes c'est seulement le point de vue de la masse qui l'emporte sur tout. Et entre nous pour changer les choses, il vaut mieux être prêt à tout risquer, car bien malheureusement les héros ont vite tendance à mourir en réalité, et dans d'atroces souffrances. »

Voilà, il avait dit ce qu'il avait dire, et sans détours pour une fois. Il avait hâte de voir comment allait réagir son vis à vis face à cette pique morbide et pourtant si vrai. Il lui avait balancé de but en blanc ce qu'il était capable de faire, prenant quand même une ou deux précautions. Une fois de plus, il n'avait pas précisé qu'il y aurait forcément pris du plaisir, juste qu'il l'aurait fait, c'était tout. Akahebi avait décidé d'orienter la conversation dans cette direction, car il pensait avoir trouvé la fameuse ligne rouge à ne pas franchir. Il devait être encore assez loin de celle-ci, mais en annonçant cela, il était quasiment sûr de ne pas s'être fait un ami ni un ennemi aujourd'hui, mais plutôt un gars qui garderait un œil sur lui à l'occasion. Et c'était exactement ce qu'il voulait, il espérait que cela fonctionnerait ainsi, c'était toujours utile d'avoir ce genre d'atout dans sa manche...

"Vous seriez étonné de l'importance des points de vue. Celui de la masse ne compte pas car, comme vous l'avez si bien dit, c'est celui des forts qui est important. Et ce sont les forts qui contrôlent les masses. Mais si deux forts ne partagent pas le même point de vue, que se passe-t-il?"

La réponse était évidente. Vaciò se demandait si le Novena allait tomber dans le piège. La réponse était, évidement, que c'était le point de vue du plus fort qui était gardé. Et ce point de vue pouvait changer la destiné de toute la masse. Ce qui conférait à cette notion une importance considérable. Si Santo Pastor avait eu un point de vue différent sur Sima, tout Las Noches, tout Nacimiento, tout le Hueco Mundo même serait différent.
Mais de toute manière, la discussion n'était plus à ça. Akhebi le toisait d'un air de défi, se demandant surement ce qu'il allait bien pouvoir répondre à la monstruosité qu'il lui avait énoncée. Se délecter des souffrances? Quelle affreuse manière de procéder.

Toutefois, au lieu de prendre une mine dégoutée ou de lui jeter un regard noir, l'Octava fut prit d'un rire.

"Eh bien! Je suis ravi que vous preniez votre travail autant à cœur. Si seulement j'avais la possibilité d'exécuter le mien avec autant d'entrain!"

Puis il reprit un air bien plus sérieux. Avec toutefois une once de malice dans le regard

"Vous êtes un monstre Akhebi. Mais le genre de monstre dont on ne peut se passer. J'espère grandement pouvoir vous considérer comme un allié."

Il n'avait volontairement pas utilisé le terme -ami- car ils n'étaient, et ne seraient, en aucun cas des amis. Mais ce n'était pas important. L'important était de savoir s'il pouvait compter sur lui pour le soutenir, que ce soit en combat ou non. Il voulait surtout savoir si ses expériences pourraient un jour être dirigées contre lui. Enfin plus quand elles seraient dirigées contre lui car il savait très bien que le Novena n'hésiterait pas, il le lui avait dit clairement.

Ils arrivaient au palais. Encore quelques minutes de marche et c'était bon. Quel dommage, la conversation lui plaisait, bien qu'elle prenait une tournure désagréable. Cette petit joute verbale lui avait fait le plus grand bien. Bon elle n'était pas finie, il pouvait espérer encore quelques petits retournements de situation

L'Octava répondit assez vite à sa tirade, arguant que la masse suivait les forts. C'était exact, et d'autant plus dans le Hueco Mundo à l'heure actuelle, ils avaient tout deux retourné le sujet, la loi du plus fort était en vigueur et faisait quasiment office de loi. Néanmoins il n'avait pas tout à fait raison sur ce point, car en effet, même si deux personnages plus ou moins « puissants », capables d'inspirer les foules, s'affrontaient pour n'en laisser qu'un, et en toute logique c'était le plus compétent des deux, il restait un facteur décisif. Il y avait eu de nombreux cas sur terre et même dans d'autres mondes, le peuple pouvait se soulever et se rebeller, et ce même si le plus fort se trouvait tout en haut de la pyramide. Il ne fallait pas oublier qu'un chef se battait pour les siens, et que ceux-ci pouvaient décider de eux-mêmes si leur dirigeant était apte ou pas, ils pouvaient fomenter une révolution. La vie et la non-vie n'étaient pas aussi simple et binaire malheureusement, et le serpent rouge décida de le faire remarquer à son interlocuteur lors de sa prochaine intervention. Le duo continuait à marcher, cela faisait un petit moment maintenant, ils devraient bientôt être arrivé à destination. On pouvait voir les constructions de Nacimiento changer au fur et à mesure de leur progression, certains étals paraissaient plus élaborés que ceux d'avant. Akahebi remit ses lunettes en place puis leva un index avant de déclarer :

« - Vous avez raison chère Vaciò, la masse suit les forts, je ne pourrai vous contredire sur ce point, néanmoins, tout n'est pas tout blanc ou tout noir vous savez. Si en tant que scientifique, il devait y avoir une chose que j'ai bien fini par accepter avec le temps, c'est que la vie est imprévisible et exempte de toute logique. Les forts peuvent tomber sous les coups des faibles, les faibles peuvent diriger des forts, ce genre de chose arrive régulièrement, et comme vous me semblez particulièrement sage et réfléchi, vous devez que trop bien savoir de quoi je veux parler. »

Oui, il ne savait pas pourquoi, mais le Sarujie sentait que son interlocuteur détenait une certaine forme de savoir, du type que l'on ne peut obtenir qu'avec l'âge. Lui-même avait presque cinq cent ans et il se considérait déjà comme relativement vieux parmi ses pairs, cependant il y avait des spécimens de hollows qui étaient bien plus âgés, certains même atteignant plusieurs milliers d'années. Il ne saurait dire si la Huitième Épée était de cet acabit, mais il aurait parié qu'il avait affaire avec un ancien. Il était rare de croiser des arrancars de cette trempe, sur un plan strictement intellectuel évidemment, cela prouvait que la Cause pour laquelle il se démenait valait la peine d'être défendue. Il avait beau être froid, manipulateur, sadique et j'en passe et des meilleurs, notre gentleman avait réellement à cœur les intérêts de ses congénères, il ne savait pas pourquoi, c'était comme ça depuis qu'il avait retiré son masque. Vaciò réagit ensuite à sa petite provocation, d'une manière non pas inattendue, car il s'attendait à à peu près tout venant de lui pour le moment, mais étonnante tout de même. Il avait rigolé et simplement dit qu'il aimerait bien lui aussi pouvoir prendre autant de plaisir dans son travail, puis plus sérieusement, il avait enchaîné en le qualifiant de « monstre dont on ne peut se passer », il ne pouvait pas avoir plus raison à son sujet. Il voulait devenir son allié, soit, c'était ce que recherchait Akahebi au départ, cela tombait donc plutôt bien. Au détour d'un coin de rue, le scientifique répondit à son vis à vis d'une voix amusée :

« - Voilà une idée qui me plairait beaucoup mon chère, en tant que membres de l'Espada, si on pouvait au moins être de bons alliés l'un envers l'autre, ce serait le minimum syndicale vous ne croyez pas ? (Il hocha la tête avant de reprendre). Mais n'oubliez pas ce que j'ai dit précédemment, si on devait me demander d'expérimenter sur vous, ou si je jugerai une telle intervention nécessaire, je n'hésiterai pas un seul instant. (Il haussa les épaules avec désinvolture et joignit ses mains devant lui). Si ce moment devait arriver, j'ose espérer que vous prendrez autant de bon temps que moi. »

Le palais de Las Noches commença à se détailler au loin, ils étaient enfin arrivés. Le serpent rouge n'arrivait pas à croire qu'il ait pu se perde à ce point et s'enfoncer aussi profondément dans les entrailles de Nacimiento sans s’en apercevoir. Ces derniers temps il avait pris la sale habitude de se perde dans ses pensées tout en marchant, il devrait faire plus attention à l'avenir. Un chercheur comme lui se devait de respecter une certaine conduite, de véhiculer une certaine image, et de ce fait il ne pouvait pas se permettre que ce genre de broutille n'arrive. Quoi qu'il en soit, l'expérience avait été enrichissante et il venait de se faire une nouvelle relation, amicale ou pas, seul le destin pourrait le dire, mais il ne croyait pas à ça. Il détailla son interlocuteur d'un œil avisé, il aurait bien aimé savoir en quoi consistait ses capacités, il faudrait qu'il se renseigne auprès de personnes l'ayant vu se battre. Puis si sa ressurección était particulièrement intéressante, il lui proposerait de passer quelques tests. Il devait réfléchir à la chose, ne pas trop se précipiter. Pour le moment, il voulait juste regagner ses quartiers pour se reposer un peu, il prit donc congé de son guide avec élégance :

« - Vaciò Busen Memoria, ce fut un réel plaisir de débattre avec vous, et je vous remercie beaucoup de m'avoir raccompagné au palais. (Il fit une révérence, commença à partir puis leva le bras en guise d'au revoir). J'ose espérer qu'à notre prochaine rencontre, une quelconque découverte extraordinaire pointera le bout de son nez... Ha ha ha ha... »

Une simple remarque lancée comme ça ou une promesse ? Personne ne pouvait déchiffrer réellement ce que le Novena avait bien voulu dire par là...

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