Le grand jour était arrivé. Celui où il ferait ravaler ses paroles à la Vice Capitaine de la Division du Lotus blanc. Celui où il n'aurait plus à écouter sans arrêt les autres se plaindre de Shinjirô - ou l'insulter - sans avoir son mot à dire, ou en se faisant prendre pour le grouillot de service. Bref, il savourait cet instant, debout dans cette étendue herbeuse, non loin d'un lac aux eaux claires et calmes.

Il avait choisi le lieu pour son retrait des zones habitables. Il l'avait aussi choisi à l'opposé de celui où sont Capitaine et le vieux grincheux de la Neuvième avaient décidé de se mettre sur la tronche, histoire de ne pas éveiller trop les soupçons. Et surtout, il avait choisi ce lieux parce qu'il présentait toute une variété de situations exploitables pour les deux partis. Le temps était idéal, personne ne viendrait leur prendre la tête, bref, c'était le pied.

- J'espère juste qu'elle va se pointer à l'heure...c'est pas comme si on devait compter sur les gonzesses question horaires.

Il lui avait envoyé la missive bien des jours avant - des semaines, en fait, afin qu'elle se prépare. Il n'avait pas vu Aono au travail mais savait d'expérience, et surtout grâce aux dires des soldats du Gotei qu'elle valait n'importe quel autre de ses homologues. Restait donc à voir ce que cela donnerait. Car il n'était pas les autres, ça non. Ce n'était pas une constatation faite avec mépris, mais plutôt un état de fait, sachant son parcours et sa réputation. Il devait juste récupérer ce qui lui appartenait, à savoir la vérité quant à son travail et à son savoir faire. Il pouvait encaisser les insultes et les allusions vaseuses sans broncher, c'était plutôt que depuis quelque temps, tout le monde voulait se payer une tranche de la Onzième Division. A croire que les shinigamis de la Soul Society n'avaient rien de mieux à foutre.

- Ah, bah t'es là mon petit bouton d'or...alors, la matinée à été dure? Besoin d'un échauffement, peut être? Je te dirais bien honneur aux dames mais je sais que ça t'énerverait plus qu'autre chose.

Il ne faisait pas le bravache car il était sûr de vaincre. Son histoire lui avait appris à ne jamais sous estimer ses adversaires. Seulement, il était comme ça, à pisser sur la Mort elle-même.

Une petite brise souleva les mèches de cheveux de la lieutenante alors qu'elle arrivait enfin en vue de son adversaire. Elle n'avait pas pressé le pas de tout le chemin, n'en savourant l'attente qu'avec plus d'intensité. Depuis leurs quelques échanges de paroles, entre menaces et joutes verbales, elle n'avait presque attendu que ça. Pouvoir enfin remettre à sa place, l'insouciant vif-argent. Elle n'était pas une amoureuse des combats comme ceux de la division de son adversaire, elle ne possédait pas cet attrait pour le sang et le bruit du fer qui s'entrecroise. Pourtant, elle se ferait un plaisir de montrer sa supériorité sur le lieutenant. Lui enfoncer ses propos grossiers dans la gorge qui les avait prononcé. Lui montrer l'étendue qui les séparait peu importait la puissance que ce rustre avait gagnée au côté d'un singe colossal.

Car, la jeune femme n'en doutait pas, son homologue était fort. Elle pouvait se montrer sûrs d'elle, fière en sa présence, il ne fallait pas sous-estimer la capacité au combat de quelqu'un de son grade, surtout dans sa division. Mais plus que tout, il ne fallait pas sous-estimer le bras droit du capitaine Kiryu. C'était l'ennui avec les bourrins dans leurs genres. Ils n'avaient aucune capacité de réflexion selon la jeune femme mais arrivé à un certain niveau, cette absence de cerveau n'en était que plus dangereuse. Pour les combattre, il fallait les battre à plate couture, imposer une supériorité écrasante. Ce qui était loin de la chose la plus facile à réaliser.

Arrivé à quelques mètres, Aono ferma un instant les yeux, calmant le rapide battement de son cœur, s'imposant un calme avant d'entrer en contact avec son adversaire. Tout en ce dernier la provoquait. Son air aguicheur, sa grossièreté de ton et de parole. Cela lui rappelait la cour du crapaud à la colombe. La jeune femme n'était pas une noble mais pourtant, en sa présence, elle se sentait ainsi. Et lui, n'était qu'un paysan, crasseux aux rêves de grandeur. Quelqu'un qui tentait d’attraper la lune, naïvement. Stupidement.

Lorsqu'il prit la parole, un regard froid et une attitude distante l’accueillirent. Elle n'était pas venue parlementer. Elle n'était pas là pour rire ou passer le temps. Elle était la justice aux yeux bandés, celle qui abattait son épée sans hésitation, peu en importaient les conséquences. Une justice aveugle, trompé. Une justice guerrière.

-Kyuusei-Fukutaisho.

Le pas suivant projeta Aono au contact de sa cible. La jeune femme avait dégainé son sabre pour frapper le cou du lieutenant. Une attaque rapidement, quasiment sans sommation si ce n'était le nom de son adversaire qu'elle avait prononcé. Une attaque que certains pourraient considérer lâche. La lieutenante aurait pu contredire de tels propos en arguant qu'elle avait alors attaqué de face et bien loin de sa vitesse maximale. À dire vrai, n'importe quel lieutenant aurait facilement défendu sur un tel assaut.

-Veuillez arrêter de plaisanter. Je m'en voudrais d'inscrire votre nom aux registres des soldats décédés.

Car il ne s'agissait là moins une attaque qu'un message. L’annonce que le combat commençait.

Elle restait fidèle à elle-même, reine des glaces empêtrée dans son mépris. Au temps pour lui, il n'aurait donc aucun mal ni remord à se mettre en route. Droite comme un piquet, elle s'était présentée à lui, avant de le saluer brièvement, d'un simple appel de son nom. On pouvait pas dire qu'elle faisait dans l'émotionnel, ça pour sûr! Peut être que la saillie de l'autre fois, alors qu'Aono quittait la salle de réunion, l'avait convaincue de ne plus sortir d'âneries qui seraient immanquablement retournées contre sa pomme. De toutes les façon, ne pas l'entendre jacasser faisait du bien, et ce genre de chose ne durait pas, par expérience.

Ce qui le prit au dépourvu, par contre, ce fut l'absence de réponse à son petit discours d'accueil. Il s'était dit que ce genre de titillement la ferait bondir, mais rien n'en fut. A la place, la jeune femme bondit, cherchant directement le contact avec son adversaire, lame au clair. Elle eut voulu l'étêter qu'elle n'aurait pas fait mieux. Tirant son sabre, prise inversée, le Vice Capitaine accusa le coup, se retrouvant alors face-à-face avec son opposante, et sa tirade bravache.

- Tiens, c'est un combat à mort, dans ta tête? Attitude étrange, de la part d'un Lieutenant du Gotei...hmm mais soit, si ça te motive. Par contre, puisqu'on en est aux civilités, t'as le bonjour de Shinjirô!

Superbe transition et introduction d'une technique Hakuda de haut niveau, issue du savoir-faire du Vif-Argent. Après avoir encaissé depuis des années les coups portés par les énormes poings de son Capitaine, le Kyuusei avait réussi à s'endurcir, à étudier le style de combat du Kiryû pour s'en inventer un propre à lui. Ses phalanges ayant passé l'épreuve du feu, rendues caleuses par les coups portés à l'encontre de son mentor, il avait alors pu contrôler petit à petit sa force vitale, pour rendre chaque coup décisif, brutal. Ainsi, hommage aux magistrales claques sur la nuque que pouvait donner le Capitaine de la Onzième, lorsqu'un subordonné dépassait les bornes, le Shinjirô kon'nichiwa, appelé aussi PAume de Bouddha, pour les puristes, consistait en une concentration d'énergie spirituelle et physique dans le bras du porteur, débouchant en une claque ravageant tout sur son passage.

Aono pouvait esquiver l'attaque, mais aurait du mal avec les perturbations causées par le souffle de la frappe, comparable à celui d'une explosion majeure. C'était une belle entrée en matière. D'autant qu'elle permettait à Noboru de disposer d'un laps de temps suffisant pour prendre ses dispositions pour la suite.

- On ne va donc pas se ménager...alors autant faire les choses bien! Anata no tamashī no baransu o hakaru, Narayana!

Disparaissant dans une lumière éclatante, étirant les ombres autour de lui, le sabre court se mua en une paire de gantelets de plaques reliés entre eux dans le dos par une sorte de chaine elle aussi constituée de plaques, serties de pointes. Le Kyuusei était un boxeur, dans le plus pur style de la lignée qu'il avait entamé avec son ami et Sensei, et Aono avait du mouron à se faire.

- Allez, viens donc me montrer qui est le patron...

Il préférait la laisser venir. Qu'elle vienne se briser sur lui comme un frêle esquif sur des récifs indestructibles.

Aono devait l'avouer, son opposant n'y était pas allez de mainmorte, la surprenant dès le début de l'affrontement. La jeune femme n'avait pas supposé qu'il frapperait aussi fort, aussi tôt, l'obligeant elle, à prendre le rythme et dévoiler ses propres techniques. En fait, si elle se doutait que l'homme recelait en lui une force sauvage, puissante, écrasante même, il était quand même le lieutenant de la onzième, elle ne s’attendait pas à ce qu'il s'implique si sérieusement.

À moins qu'il ne continue simplement de jouer . Cette simple pensée avait de quoi donner des sueurs froides sur l'étendue des pouvoirs du Vif-Argent sans même parler de sa personnalité. Tandis qu'il révélait son shikai, Aono, plusieurs mètres plus loin faisaient quelques mouvements de poignets en tentant de faire disparaître les derniers résidus de douleur qui si été incrusté. Entre elle et Noboru, toute l'herbe était couchée, laissant un sol presque lisse. Dans son dos, le même phénomène continuait jusqu'à atteindre quelques arbres qui s'agitait violemment sous le coup des bourrasques. Une technique puissance dans les mains selon son avis, d'un enfant. S'il prenait autant de plaisir avec une « simple » attaque de ce genre, s'il y allait encore calmement, quels dégâts pouvait-il commettre en étant sérieux ?

Trop souvent, les archives de la Soul Society parlaient de soldats puissants mais incapables de choisir le juste milieu. De soldats qui oubliaient leurs rôles, plongé dans leurs soifs de sang. Et parfois, certains soldats qui n'arrivaient pas à prendre l'ampleur réelle de la situation, toujours un sourire sur les lèvres. Les pires car on ne pouvaient jamais savoir s'ils rigolaient ou étaient sérieux. S'ils suivraient les ordres ou feraient ce qu'ils voulaient. Les yeux de la lieutenante se plissèrent en tentant d'évaluer dans quelle catégorie tombait son opposant.

Elle avait grandement atténué l'attaque de ce dernier en esquivant aussi vite que possible. En temps normal, elle aurait contre-attaqué tout de suite, son tentenmoushi était une arme redoutable mais les bourrasques l'en avaient empêché, la clouant au sol quelques mètres plus loin. De fait, elle avait posé un genou jusqu'à maintenant, prenant le temps d’organiser pensée et stratégie militaire. Sa fierté n'entrait nullement en compte lors d'un combat. Elle pouvait frapper dans le dos, faire le mort ou peu importe, seul résultait l'efficacité finale. Un façonnement de l'esprit développé à la seconde division, là où elle avait fait toutes ses classes. La jeune femme serra le poing plusieurs fois pour faire disparaître les derniers fourmillements alors qu'elle se relevait.

-Vous vos faites de fausses idées Fukutaisho. Je vous demandais simplement de ne pas me sous-estimer. Certes vous avez passé deux cents ans en compagnie de votre capitaine. Il n'en reste que nous avons le même grade. Je serais vous, je me méfierais.

Il était étrange de voir l'arme libérée du lieutenant. Des gantelets, une arme de corps-à-corps et contondant. Tout comme elle. Enfin presque. Jetant un coup d’œil à sa lame encore scellée, Aono en observa le tranchant, créant l'image mentale de ce qu'elle deviendrait. Lorsqu'elle ramena son attention sur son homologue, celui-ci n'avait toujours pas bougé, attendant que la Kyuubantai Fukutaisho reprenne l'assaut. Le regard de la jeune femme s'était plus sérieux. Même si c'était elle qui avait demandé à Noboru d'y allez plus franchement, au final, c'était à elle de prendre le pli de l'engagement.

-Vous avez raison, faisons les choses bien. Gegitsomade Konasu, Mitsumeru.

Un murmure énoncé à sa lame. Une prière en faveur du Dieu des combats. De fait, elle avait prononcé la phrase libératrice de son shikai, son épée à quelques centimètres de son visage, sa main gauche accompagnant le processus, guidant le métal de son arme sur sa main droite. L'instant d'après, le temps d'un schupo particulier et la coccinelle s'envolait à nouveau. Utilisant le Tentoumoushi pour sa véritable utilisation, Aono apparut dans le dos de son adversaire, sa main désormais ganté d'un visage d'une gorgone filant pour tracer une ligne sanguine sur le corps du vif-argent. Le battement de cœur suivant, une seconde Aono apparaissait sur le côté du lieutenant, frappant à son tour. La première disparut pour réapparaître à un autre endroit. Les clones et mouvements s'enchaînèrent dès lors, amenant le combat vers un deux contre un temporaire. Là était toute la vitesse de la Kyuubantai Fukutaisho. Sa technique la plus rapide car à la force de la onzième, elle opposerait la vélocité de la seconde.

La rencontre avait plutôt bien commencé. A vrai dire, le Kyuusei ne pouvait pas se départir d'une humeur légère, malgré les enjeux de ce combat. Il avait un honneur à défendre, le sien et celui de sa division, en fait, mais se retrouver face à un nouvel adversaire, l'accueillir avec ses préjugés, son mépris, et instiller le doute en lui alors qu'il prenait la pleine mesure du potentiel du Vif-Argent...oui, tout cela était vraiment divertissant.

Il ne prenait pas un plaisir malsain à jouter, cependant. Si Shinjirô était le feu ardent du combattant, lui évoluait dans un tout autre style, dans un besoin personnel de dépasser sa condition actuelle, de se mettre en difficulté pour en ressortir grandi, comme à chaque étape de sa vie. C'était une manière comme une autre de tester sa volonté, de continuer à évoluer en rehaussant d'un cran ses standards. Oui, il y avait quand même une pointe de malice, alors qu'il entamait le combat avec une technique de haut rang de son crû. Mais c'était aussi pour mettre la puce à l'oreille à la Mitsuko: il restait un macaque dangereux, et un macaque loin de la pleine mesure de son potentiel. Et en plus, il adorait passer par le physique, ça le détendait. Bonne pioche!

Sa frappe avait été esquivée, la jeunotte se jetant de toutes ses forces en arrière. Elle avait joué sur sa vitesse impressionnante, ce qui augmenta l'estime que le Vice Capitaine de la Onzième Division avait d'elle. Il la détestait, pour sûr, mais devait lui reconnaitre ses qualités martiales. Bien sûr, elle subi le contrecoup de l'attaque, ayant subi le souffle de la pseudo-explosion qui la déstabilisa un moment, juste le temps de passer en Shikai en fait. Il lui faisait un cadeau, celui de la laisser reprendre ses esprits et de venir à lui, au lieu de la harceler et de la réduire en charpie. En même temps, tout cela était voulu...

La belle prononça elle aussi l'incantation libératoire, avant d'user une nouvelle fois de sa vitesse époustouflante pour fondre sur lui. Un gantelet, donc? Et bien, on ne pouvait nier que cette rencontre cachait bien des secrets, mais titillait l'intérêt du colosse. Bien sûr, Aono disparu de son champs de vision, pour apparaitre dans son dos. Une technique si utilisée qu'elle faisait partie des classiques du genre. Autant, en fait, que l'homme avait accusé le coup, pivotant pour barrer son corps de ses deux avant-bras de métal. Un premier coup ripa contre sa barrière de plaques, puis un autre, toujours à la limite de trouver sa chair. En bon boxeur qu'il était, Noboru n'offrait aucune ouverture dans sa garde, se contentant pour le moment d'offrir un défense passive face à l'ardeur de son adversaire. Il n'aurait pu faire autrement, de toute façon. Il estimait la vitesse de son adversaire égale à la sienne, au moins à la meilleure de ses techniques. Le seule chose qui lu évitait de perdre pied restait que la donzelle se cantonnait à de simples frappes de taille, l'acier mordant logiquement l'acier.

Plusieurs fois, pourtant, la lame parvint à ripper assez pour trouver le chemin de sa chair, crevant son Shihakusho pour y laisser la teinte profonde du sang frais. Blessures mineures, mais qui par leur accumulation pouvait causer la perte du shinigami, à long terme. Fort heureusement, il avait plus d'un tour dans son sac. Et il restait aussi dur qu'un clou de cercueil. D'ailleurs, il était temps de coller la mouche sur le papier prévu à cet effet. Usant d'une des arcanes d'ombre que lui conférait son Zanpakuto, le Vif-Argent couvrit sa senestre d'une gangue poisseuse d'ombres dégoulinantes. Alors que la Vice Capitaine venait encore frapper de ses griffes, une véritable toile d'araignée goudronneuse jeta ses rets sur elle, l'engluant, la retenant pour la ralentir. Elle pourrait s'en départir, avec assez de force, mais cela sonnait de toute façon le glas du jeu du chat et de la souris. Ankusha, le crochet, symbole de la colère dont on ne peut se dépêtrer.

- Au contraire, Aono, je t'estime à la pleine mesure de ton niveau. C'est bien pour cela que je ne te ménagerai pas. Shanka!

La conque, une explosion de lumière dans la paume de la main du Kyuusei, si intense qu'elle équivaut à une libération d'énergie pure. Et la brunette se trouve à bout portant. Cette fois-ci, elle y laisserait des plumes, pour sûr. Sauf si elle avait plus d'une carte à jouer, comme lui. Cela dit, agrémenter le tout d'une série de bourre-pif, à la volée, n'était pas cher payé. C'est pourquoi le type y alla de sa volée de coup, dans la foulée, histoire de finir le travail, si toutefois la Mitsuko était toujours là.

- Je fais les choses bien là? Nan dis moi parce que je peux me corriger hein...Tu le sens mon gros pouvoir de macaque? Tu le sens?!?

Il pouvait se permettre une petite boutade. Ça, ça ne faisait pas de mal.