Dans la lumière tamisée de son nouveau bureau, une jeune femme en haori, la mine inexpressive mais cernée, paniquait. Elle venait tout juste de prendre la succession d'un capitaine qu'elle ne connaissait que de vue, et elle devait à présent se débrouiller avec ses anciens subordonnés qui l'avaient quant à eux connu pendant trois ans. Atterrée, elle releva la tête, et considéra le travail à faire sur fond de cartons qui ça et là jonchaient le sol. Par chance, Ai n'avait eu que peu de possessions au quartier général de la cinquième division, préférant s'en tenir à son shamisen, son shakuhachi et une ribambelle de cadeaux qu'on lui avait fait pour ses deux promotions: un service a thé avec des petits éléphants, un chapeau de paille, trois kimonos de cérémonie, des baguettes en cascade, et, clou de la collection, une splendide jarre peinte aux motifs fleuris sur fond rose, qui était d'un gout absolument vomitif. Elle l'avait seulement accepté car il venait du capitaine commandant en personne, après l'examen qui l'avait fait déménager ici. Elle soupira et se servit une tasse de thé vert.

- Capitaine ? Ohé ! Capitaine !

...Et le thé vert aux vertus apaisantes avait provoqué chez Ai une somnolence tacite, puis un sommeil bruyant. Un livre de schémas relatif au reiatsu des plantes était ouvert au sommaire sous sa pommette, et quelques uns de ses cheveux avaient trouvé leur chemin jusqu'à sa bouche. Elle les mâchonnait. Aussi quand un subordonné zélé vint la quérir, elle faillit s'étouffer avec une de ses mèches et toussa pendant trente bonnes secondes avant de répondre d'une voix rauque.

- T'es nouveau toi ? Les bureaux du capitaine sont au deuxième étage, tout le monde sait ça.

Le subordonné avait oublié d'accoler Tsunemi a capitaine, mais il ne s'attendait pas vraiment à cette réaction, déjà prêt à se mettre au garde à vous. Un éclair de doute passa derrière ses lunettes épaisses et opaques.

Spoiler:

Or, faire cette tête devant une capitaine qui manque de sommeil est le meilleur moyen de se faire congédier dans la seconde. C'est pas humain, quoi. Enfin, passant au delà des apparences et baissant les yeux, Ai remarqua comme si c'était la première fois son haori. Elle eut un soupir. Et releva les yeux.

- Pardon, membre de ma division, quel est votre nom déjà ?

- Kurosuke Takeda, madame.

- Kurosuke, cher Kurosuke, pourquoi venez-vous me voir à cette heure ?

Le shinigami de la division de recherches marqua une pause dubitative puis fit honneur à sa division en débitant une réponse d'une logique implacable, haussant un sourcil pour renforcer l'effet.

- Il est quinze heures, madame.

Le regard que lui renvoya Ai, sans la moindre expression toujours mais fixe, cette fois, l'enjoignit à rougir puis à continuer, parlant trop vite pour que la capitaine puisse saisir toute l'information. Ce qu'elle comprit fut cependant amplement suffisant.

- Visite... Kenpachi... Bretzel... Aujourd'hui.

- Merci Kurosuke, et, euh...

Elle utilisa le Shunpo pour apparaître juste à coté de lui, les yeux plantés dans les siens. Elle articula ensuite de manière exagérée, à deux centimètres des lunettes de son subordonné.

- Boooon.... travaaail...

Sur ce elle réapparut derrière son bureau alors que le shinigami, visiblement gêné, repartait d'un pas pesant vers le labo. Elle eut un instant de complète immobilité, se demandant si elle devait paraître intimidante devant le Kenpachi ou l'impressionner. Etant donné que lui était un véritable géant à la présence imposante, et elle une vulgaire brindille, elle opta pour la seconde solution et fit quelques pas vers une étagère d'ébène. Les rayons du soleil de l'après midi mettraient bien en évidence sa dernière invention si elle la posait au coin de son bureau, ce qu'elle fit. Le tout nouveau traceur de Hollows mkII n'attendait que les compliments. Chassant ces pensées de son esprit, elle se remit à lire, tombant sur un passage fort intéressant dénotant de la pression spirituelle de la fougère, qui serait de fait supérieure à celle d'un séquoia.

Bras croisé, la mine renfrognée, Kaimetsu trônant en maître dans son dos, Shinjirô attendait qu'on puisse lui indiquer l'endroit où se trouvait le nouveau Capitaine de la Douzième Division. Personne n'osait s'approcher de lui tant il paraissait sur les nerfs. Pour autant, ce n'était qu'une impression qu'il donnait, une sorte de répulsif pour lui éviter de parler aux cons, lui assurant une tranquillité certaine. Qui irait braver le danger pour simplement tailler une bavette avec lui ? En dehors d'un fou ? Une attitude qui lui attirait toutefois les foudres de ses semblables mais auxquels il ne prêtait aucune attention. Fidèle à ses principes, il avançait à qui voulait l'entendre qu'un Capitaine ne pouvait être considéré comme tel que lorsqu'il avait prouvé par des actes ce qu'il valait. Les mots et la puissance d'un Bankai n'étaient en rien suffisants et le seul endroit qui permettait cela, c'était évidemment le champ de bataille. Cet état d'esprit expliquait en partie sa présence ici-même aujourd'hui.

Perdu dans ses pensées, il fut tiré de ses songes par l'apparition d'un Shinigami, qui lui indiquait où trouver le Capitaine Tsunemi. Alors que le messager se proposait de l'accompagner, un grognement terrible lui fit comprendre que ce n'était pas nécessaire. C'est le pas sûr qu'il se dirigeait vers les quartiers de la jeune femme. A l'époque de son prédécesseur, jamais Shinjirô n'avait pris le temps de le visiter, se moquant particulièrement de ce genre de comportement inutile. Mais aujourd'hui, il n'avait plus le choix. Car trop nombreuses avaient été les disparitions. Il se devait de connaître ceux qui combattraient à ses côtés désormais. Même si ces derniers étaient responsables d'unités aussi peu intéressantes que la division de la Justice ou comme ici de la division Scientifique. Ses aprioris avaient toutefois été balayés par sa rencontre récente avec Senji, membre de la Douzième.

Alors qu'il pénétrait dans le bureau sans s’annoncer, son regard tomba immédiatement sur la dénommée Tsunemi Ai, visiblement en pleine étude d'un document. Remettant en place son Haori sans manche - particularité qui lui permettait de ne pas être gêné lors de ses combats - il s'approcha un peu plus encore avant de prendre parole, de son ton habituel, soit sans prendre de gants et sans politesse excessive.

- Tsunemi-Taishô, je présume... Je suis Kiryû Shinjirô, Kenpachi de la Onzième ! J'ai deux ou trois p'tites choses à voir avec toi, si t'as du temps.

Le tutoiement n'était pas nécessairement une marque d'irrespect de la part du Capitaine, seulement une manière bien à lui de s'exprimer sans détour. Comme il le disait toujours, les titres n'étaient rien. Seule la réputation importait. Pour le moment, il n'allait pas s'imposer sans raison, attendant que la jeune femme prenne parole pour s'exprimer à son tour. Si du temps, elle n'en possédait pas, alors irait-il ailleurs pour obtenir réponses à ses questions.

Ai était complètement absorbée, ses cheveux d'ébène créant un halo autour de sa tête penchée. A présent ses doigts tournaient les pages du livre avec frénésie, les pupilles de la capitaine ayant parfois du mal à suivre le rythme: Elle lisait l'ouvrage en diagonale, mais elle le lisait. Ces résultats étaient basés sur des observations menées par des scientifiques de sa division, aussi fut-elle atterrée de découvrir qu'ils perdaient leur temps sur de tels sujets. C'était intéressant, mais c'était loin d’être vital. Poussant un autre de ces profonds soupirs dont elle avait le secret, elle ne remarqua pas l'ombre démesurée qui vint baigner le tissu d’âneries qu'elle lisait. Elle sursauta lorsque retentit la voix du Kenpachi, prenant quelques secondes pour reprendre ses esprits. Puis elle se leva et enchaîna avec une parodie de sourire qui était aussi mécanique que sincère. Et Ai était très sincère, car c'était là un de ses nouveaux collègues. Par contre...

- Capitaine Kiryu ! C'est un plaisir et un immense honneur de vous recevoir dans...

Elle regarda autour d'elle. L'endroit méritait encore qu'on le peaufine.

- Mon humble quartier général. Pardonnez moi je n'ai pas saisi ce que vous venez de dire !

Puis elle alla prestement mais sans utiliser le shunpo pour autant chercher une mignonne petite tasse de thé ou quatre petits éléphants gambadaient. Elle la remplit avec dextérité avant de s'en servir une dans le même mouvement. Et elle la colla littéralement dans les mains du Kenpachi, ignorant tout de sa hantise pour ce breuvage.

- Buvez tant que c'est chaud.

Elle se dévissait le cou à le regarder tant sa taille titillait le plafond. Elle passa une main sur sa nuque comme pour rectifier le tir, mais ça n'arrangea bien sur rien au problème. Elle était honteuse d'avoir ainsi passé outre la première phrase du premier collègue qui avait la gentillesse de lui rendre visite. Elle s'attendait à présent à ce qu'ils refassent le monde autour d'une tasse de thé après les politesses d'usage, déjà bien entamé. Elle se rassit derrière son bureau, tout ouïe, fixant le capitaine de ses yeux aussi inexpressifs que ceux d'un poisson mort.

Alors qu'elle regagnait sa place, Shinjirô baissa les yeux vers la tasse qu'elle lui avait filée, ne pouvant faire autrement que de humer le parfum qui se dégageait de la coupelle. La grimace qui suivit ne laissait aucun doute quant à ce qu'il pensait du breuvage, l'odeur l'obligeant même à détourner la tête sur le côté. S'approchant du bureau, il se débarrassa de ce poison et déposa donc la tasse sur le coin, reculant l'instant d'après pour éviter de sentir ces effluves qui à son sens étaient nauséabondes. Ces capitaines et leur lubie du thé... Haussant les épaules suite à cette constatation muette, il reporta son attention sur sa consœur. Puisqu'elle prenait ses aises - chose normale puisqu'elle se trouvait dans ses quartiers après tout - Shinjirô allait en faire autant. Il s'approcha d'un des murs et s'y adossa sans complexe, sa lame se calant pile entre son dos et le mur. Une position fort peu agréable pour n'importe qui, sans doute, mais qui ne dérangeait pas le colosse. Bras croisé, il poussa un petit soupir.

- Pas soif. Sinon, j’te disais que je voulais te voir pour deux raisons.

Décroisant temporairement ses bras, il leva le pouce et l'index, illustrant ainsi parfaitement le raisonnement qui allait suivre. Contrairement aux autres Shinigamis, Shinjirô était loin d'être considéré comme une lumière. Sur ce point très précis, la jeune femme face à lui le surpassait sans doute largement et il ne serait pas étonnant qu'elle le prenne pour un imbécile. N'était-ce pas ainsi que les génies considéraient les guerriers ?

- Un ! J'veux savoir qui t'es, histoire de pas passer pour un con si on vient me parler de toi. T'es nouvelle et généralement, les Capitaines fraichement promus sont au centre de toutes les discussions. Mes gars vont sans doute m'emmerder pour savoir qui est l'heureuse élue. J'suis leur capitaine, j'suis censé donc leur répondre. Deux ! J'veux savoir si tu reprends les projets du mec qui était là avant toi. J'sais qu'il taffait sur un système de défense pour le Seireitei. Mais j'ai aucune idée des détails. J'suis un soldat sous les ordres du Gotei. J'ai donc besoin de connaître la voie que tu comptes emprunter.

Toujours sérieux, Shinjirô était du genre à aller droit au but sans s'embarrasser de détails inutiles. Bien sûr, d'autres à sa place seraient venus ici pour discuter de tout et de rien, perdant ainsi un temps qu'il considérait en ce moment comme précieux. Il n'excluait pas de se poser d'ailleurs. Mais un soldat restait un soldat et Shinjirô n'était pas le meilleur sans raison. Si les responsabilités et lui, ça faisait deux, il n'en restait pas moins concerné par les projets du Gotei. Mais alors que le silence s'installait temporairement, il se rendit compte de l'étrangeté de la situation et de ce que pouvait penser Ai à ce moment précis. A sa place, il l'aurait sans doute envoyé chier. Un immense sourire apparut sur le visage du géant et il éclata de rire.

Cela dura plusieurs longues secondes, son corps se secouant sous les spasmes, ne s'apercevant même pas que sa lame abimait le mur sur lequel il s'était calé. Lorsque le calme revint enfin, il sentit des débris sur ses épaules et s'aperçut qu'il était responsable d'une fissure sur ce dernier. La mine déconfite, il se reprit, se redressant complétement. Encore une fois, on allait dire qu'il était une brute. Et il imaginait déjà la tête de Noboru lorsqu'il apprendrait que la Onzième - tout du moins son Capitaine - était encore responsable de dégradation... Passant sa main dans ses cheveux, un air gêné, il reprit :

- Euh ! Désolé pour ça... J'oublie souvent que Kaimetsu est aussi imposante. Je t'enverrais Noboru. Il prendra en charge les réparations... Enfin, j’pense.

Ai était vraiment enchantée de la visite de son collègue, et comme à son habitude ne fit pas montre de sa déception lorsque le bruit mat de la tasse sur le bois annonça que le Kenpachi l'avait posée là sans l'avoir bue ni en avoir la moindre intention. Mais elle se dit simplement qu'il ne devait pas aimer le thé, fait corroboré par l'expression du colosse. Il avait regardé la coupette comme si ça avait été un nid de cobras. S'il y avait un truc dans lequel la nouvelle capitaine était forte, c'était, outre la musique, de détecter les toutes petites touches qui trahissaient les états d’âme de quelqu'un. Tremblement des commissures, regards fuyants lorsqu'on mentait. Il détestait le thé, c'était un fait, mais ça n’empêcha pas Ai de fermer les yeux et savourer une gorgée alors qu'il précisait les raisons derrière sa venue. Elle n'avait donc rien d'officiel. S'adossant à son fauteuil et croisant les bras à son tour, Ai avait commencé d'une voix qui se voulait détachée et assurée, digne de son rang.

- Moi ? Oh, rien de bien intéressant. Je suis originaire du Rukongai, j'ai fait mes classes à l'académie durant six ans et j'ai servi dans la cinquième division depuis. J'ai été promue cinquième siège du temps de Sosuke Aizen, et j'en ai pas bougé depuis, sauf pour être promue ici. Vous, je vous connais, vous avez battu le capitaine Madarame a la loyale. On m'a dit que ça avait été un beau combat. Bref mais mémorable.

Sa voix tremblotait un peu au début, puis elle était devenue plus assurée à mesure qu'elle se disait que faire connaissance n'était pas quelque chose qui devait la stresser. Elle n'approuvait pas vraiment les us et coutumes violents de la onzième division, mais quelque chose en elle, la rage qu'elle ressentait depuis ses années en tant que domestique, sans doute, celle qui n'était jamais vraiment partie, la poussaient à apprécier le combat. Il fallait encore qu'un tel combat soit juste, et celui-là l'avait été. Elle avait presque fini sa tasse, à présent, et elle la reposa à coté de celle du Kenpachi, stoique. Elle croisa les doigts sous son menton.

- J'apprécie vraiment votre visite, vous êtes le premier à venir me voir ici. Quant à cette deuxième question, eh bien je continue ses recherches défensives, même si mes travaux actuels sont davantage orientés vers le contre-espionnage et des usages plus offensifs. Je travaille également sur un nouveau gigai, qui, je pense, vous plaira à vous en particulier.

Afin de servir au mieux le Sotaisho et les autres divisions, elle avait étudié les capitaines sur son temps libre, et donc le Kenpachi. Un combattant au corps à corps accompli avec un Zanpakuto qui influait sur le magnétisme. Un sujet fascinant, dont son mur venait de faire les frais. Elle retint un soupir. Elle était surprise d’être aussi assurée, mais la franchise du capitaine Kiryu l'avait mise à l'aise, dissipant ses angoisses. Elle n'aimait pas les fanfreluches. Elle regarda son collègue dans les yeux, remettant une mèche noire derrière son oreille.

- Ne vous en faites pas pour ça. J'ai des subordonnés moi aussi et la plupart des matériaux finis en matière de réparation viennent de cette division précise, donc ce sera réparé à moindres frais.

Sur ces paroles, elle se leva, et attrapa Masshusebone qui depuis le début pendait du dossier du fauteuil. Elle passa la bandoulière, la calant entre des courbes dont la générosité était tout sauf avérée. La brindille s’arrêta au niveau du colosse toujours adossé.

- Si vous voulez et si vous en avez le temps, nous pouvons aller voir ce projet de nouveau Gigai. Je serais ravie de vous en faire une démonstration privée, d'autant que je l'ai développé en partie en me basant sur vous.

Elle attendit la réponse, le regard vide et un pied légèrement en avant vis-a-vis de l'autre, prete à repartir. Dans un sens ou dans l'autre, ça n'avait pas d'importance, étant donné qu'elle avait également un excellent saké à lui proposer s'il choisissait de poursuivre dans le bureau.

Le simple fait qu'elle soit elle-aussi issue du Rukongai venait de lui faire gagner de précieux points dans l'estime du géant. Quel que soit le district, il fallait faire preuve de volonté pour s'en sortir. Et d'un caractère trempé. Se fier à son instinct était une chose courante pour le Kenpachi, ce qui expliquait d'ailleurs aussi pourquoi on le comparait régulièrement - et toujours dans dons dos afin d'éviter une baffe - à un animal. S'il n'était pas doté d'un esprit d'analyse aussi poussé que celui de Tsunemi et autre, il n'en restait pas moins doué pour ressentir les émotions les plus primaires. Cette discussion prenait une tournure plaisante.

La Cinquième Division... Voilà une unité qui avait encore fait parlé d'elle récemment, avec la défection de son Capitaine et de son Vice-Capitaine, le premier ayant retourné sa veste tandis que le second avait disparu. Une division maudite qui n'apportait visiblement rien de bon à ceux qui y appartenaient. Sans doute que Ai, inconsciemment, avait échappé à cette terrible logique en prenant la tête de la division Scientifique. En tout cas, elle avait du plomb dans la tête et c'était une chose qu'appréciait Shinjirô. Si lui ne connaissait pas encore Ai, il n'en était pas de même pour elle visiblement. Et ses renseignements étaient plus qu'exacts, même si la mort de Madarame n'avait été un secret pour personne, évidemment. Le fier visage de cet ancien Capitaine traversa furtivement le crâne du colosse. Oui, cela avait été un beau combat.

Quant à ses projets, ce qu'il entendit eut le mérite de le faire sourire. Si le contre-espionnage ne représentait rien à ses yeux, l'offensif était déjà plus dans ses cordes. Se défendre, c'était sans doute une bonne stratégie, mais aux yeux de l'Argenté il n'existait rien de plus marquant qu'une offensive bien construite. Détruire les rangs ennemis avant d'être attaqué, là se trouvait la base de sa propre stratégie. Certes, un peu barbare, mais qui fonctionnait du tonnerre. Malheureusement, la plupart des Capitaines était encore frileux. Preuve en était la réunion qui avait permis d'envoyer une unité pour détruire le monolithe. Et cette histoire de Gigai l'intéressait, il est vrai. Moins pour ses implications que pour voir en quoi il avait été concerné par son élaboration. En tout cas, à peine arrivé et déjà en plein travail.

- Et bien pourquoi pas ! On doit bouger d'ici ?

Il ne savait pas si cette démonstration se ferait ici mais il en doutait franchement. Par démonstration privée, elle voulait sans doute souligner que cela se faisait dans un autre local que son simple bureau. De toute façon, il ne pouvait qu'attendre le retour de la jeune femme. Les Gigai étaient d'étranges objets que le colosse n’appréciait que modérément. Un corps comme le sien n'était pas banal, même au sein de la Soul Society. Imaginez donc cet homme sur terre et dans un corps d'emprunt. Pas le genre de lascar à passer inaperçu, de toute évidence.

- J'me demande en quoi j'ai pu servir de modèle pour cette recherche. En tout cas, j'en connais un qui risque de bien se foutre de ma gueule...

Noboru et lui ne manquaient jamais une occasion de se vanner. Et le moindre sujet, même le plus basique, pouvait prendre des proportions assez incroyables. Pour le moment, c'était évidemment Shinjirô qui menait la danse, se servant de l'intérêt du Capitaine de la Huitième Division envers son Lieutenant pour emmerder ce dernier. Si ce Gigai était trop "particulier", il ferait alors en sorte que son Vice-Capitaine ne soit jamais au courant de la démonstration. On se préservait comme on le pouvait, après tout.

L'ancienne domestique n'eut pas longtemps à rester en stand-by. Le Kenpachi semblait être un homme d'action qui agissait vite, mais agissait. En un sens, c'était aussi son cas: sa productivité dans ses travaux était telle qu'elle menait ses recherches plus vite que la moyenne, lui permettant de transformer son imagination en projets concrets le plus vite possible. N'était-ce pas pour cette raison précise qu'elle avait été promue ? Elle était en effet passée en vitesse sur les rapports de mission du temps du capitaine Yuurei, et sur les fascicules de recherches associés, sans pour autant les bâcler. Elle avait même rédigé l'annonce de recrutement de la douzième division, sur laquelle figurait un portrait d'elle même en oncle sam (une icone du monde humain): La douzième division a besoin de toi. Et c'était en prouvant l'efficacité de ses recherches et en recrutant du sang neuf qu'elle allait pouvoir redresser cette division après l'incident des Maho Tsukai et prouver sa légitimité personnelle au Seireitei, à commencer par le Kenpachi.

- Je suis heureuse que ça vous intéresse, suivez moi, c'est dans une aile du laboratoire qui se trouve à cinq minutes de marches. Pour moi, j'entends, je n'ai pas la chance de pouvoir enjamber le monde comme vous.

Elle marqua une pause alors qu'elle refermait la cloison du bureau. La ou d'autres auraient eu un petit rire réconfortant afin de rassurer le capitaine Kiryu sur l'eventuel ridicule de l'opération à venir, elle se contenta de déclamer d'un ton monocorde.

- Seul l'avenir nous le dira, Kenpachi-dono.

Les feuilles s'écrasaient doucement sur les dalles en ce début d'automne, alors qu'ils s'approchaient enfin de l'aile du labo consacrée au projet K.G. Elle fit coulisser la porte, révélant une pièce plus longue que large ou une dizaine de shinigamis en blouse blanche jouaient silencieusement de l'éprouvette. Ils se mirent tous au garde-à-vous a l'entrée des deux gradés.

- Merci. Repos.

Elle était lasse de ces marques de respect à tout va, sans doute parce que contrairement à tous ses subordonnés ou presque elle avait passé la majeure partie de sa vie sans qu'on lui en témoigne ne serait-ce qu'une once.

- Tsunemi-sama, Kiryu sama.

Un des shinigamis, le chef de ce projet de recherches, avait de la suite dans les idées puisqu'il s'inclinait déjà devant les capitaines, un plateau d'argent sur lequel reposaient deux bobines de film à la main. Ai prit soigneusement les deux, et se tourna vers le Kenpachi.

- Bien, je vais vous montrer nos résultats dans la salle de projection. Suivez moi.

Elle ne s’embarrassa pas de voir s'il avait ou non l'intention de la suivre jusqu'à la petite annexe. Elle se fraya un chemin entre des gigai au stade prototype et des paillasses sur lesquelles reposaient les Gikongan, qui n'étaient non pas de couleur verte comme la plupart de leurs congénères, mais rouge sang. Elle fit coulisser la porte, et calibra aussitôt le projecteur. Elle s'assit ensuite dans l'un des deux sièges, saisit une télécommande et attendit le Kenpachi pour commencer la lecture.

Il suivit la jeune femme sans un mot, prenant simplement garde à ne pas abimer plus encore les locaux de la Douzième division avec son arme. Si la jeune femme s’était montrée compatissante la première fois, rien n’assurait qu’il en soit encore de même s’il continuait de ruiner ses locaux, même si ce n’était de toute évidence qu’un accident. La réputation des shinigamis de la Douzième semblait en tout cas exacte, Ai prouvant par ses dires et ses actes qu’elle était une véritable tête pensante. A peine arrivée et déjà elle mettait en place des choses pour faire avancer les différents projets de la Soul Society. Les hommes et les femmes qui avaient déjà été à la tête de la division Scientifique avaient toujours eu la même liberté créatrice. Et malgré le peu d’enthousiasme que portait Shinjirô aux travaux de ses compères, il n’en restait pas moins sceptique quant à cette liberté d’action. Peut-être que c’était quelque peu exagéré au final.

Alors qu’ils pénétraient enfin dans le fameux laboratoire, le colosse fut surpris de voir tant de personnes en train de travailler dans un silence presque religieux. Voilà quelque chose qu’il ne verrait sans doute jamais au sein de sa propre division, ses hommes étant trop chahuteurs pour rester ainsi. Et en un sens, ça l’arrangeait, lui-même n’étant pas un adepte de ce genre de comportement. Alors que la Capitaine attrapait deux rouleaux que le Kenpachi aurait été bien incapable de décrire, elle l’invita à la suivre afin de se rendre dans une nouvelle pièce, visiblement pour voir ces films.

Lui qui n’hésitait jamais à aller au devant du danger fut prit de court… Qu’est-ce qu’ils allaient bien foutre dans une salle de projection ? Se grattant la tête, penaud, Shinjirô attendit que la jeune femme prenne place avant de fauire de même, prenant toutefois la peine de dégrafer les sangles de son arme afin de la poser le long du mur, non loin de lui. Il serait ainsi plus facile pour lui de s’asseoir sans rien abimer. Ce qu’il fit dans l’instant, se retrouvant alors aux côtés de Ai. Et puis contrairement aux autres, il n’avait pas besoin de posséder en permanence son arme sur lui, ses dons lui permettant de faire appel à Kaimetsu même si elle se trouvait un peu éloigné de lui. De toute façon, qu’avait-il à craindre ici en dehors de l’ennui ?

- J’espère que c’est pas trop long ! Rester le cul vissé à une chaise, c’est pas mon truc. J’te préviens, si j’m’emmerde, j’me casse.

Lui et son franc-parler. Ai ne pouvait désormais qu’avoir saisi que cet homme était ainsi avec tous. Peut-être que c’était d’ailleurs sa façon d’être qui la mettait à l’aise, qui sait ? Quoi qu’il en soit, il attendait désormais les explications quant à cette trouvaille, histoire de comprendre un peu tout ça.

Une fois assise, la jeune femme attendit patiemment que le colosse en fasse de même, notant au passage tous les petits signes qui trahissaient un étonnement mêlé de déception. Il eut tout de même, pour compenser ce manque d'enthousiasme, le bon réflexe de poser son zanpakuto (lequel était un véritable danger public) contre le mur, de façon à ne pas abîmer outre mesure des locaux qui tenaient encore du top secret pour quiconque si ce n'était sa division et les plus hauts gradés. Et étant donné le passé d'Ai dans la cinquième division, même ceux là étaient triés sur le volet, on ne sait jamais. Le Kenpachi, une fois assis, confirma les soupçons de sa collègue d'un ton boudeur qui tenait vaguement de l'étudiant d'académie qu'on aurait collé en retenue. Elle tenta avec ses maigres compétences sociales de détendre l'atmosphère.

- Ce n'est pas long, il s'agit d'un court-métrage impliquant un de mes subordonnés testant notre prototype dans le monde humain. Pour le reste, je crois que vous le connaissez, je ne vais donc pas le présenter.

Les chiffres défilèrent, compte à rebours ponctué de bips sonores sur l'écran. Puis, à la façon d'un vieux film muet des années 20, le Kenpachi eut le loisir de découvrir les traits et la haute stature du troisième siège de la division de recherche, Tatsugami Senji, en accoutrement local, c'est à dire en chemise hawaiienne. Le tout était cadré avec amateurisme, d'une façon penchée qui pouvait facilement donner la nausée aux estomacs fragiles. Ils étaient scientifiques, pas cameramen, après tout. Sur l'écran s'afficha ensuite le titre du court métrage "Projet KG, tests pratiques en situation"

- Le projet KG est notre avancée de pointe en matière de combat, plus spécialement de lutte au corps à corps.

Lacha t'elle distraitement, se demandant si il n'y aurait pas un truc quelconque à grignoter dans la salle. Les projections et les écrans lui faisaient toujours cet effet-là. A l'écran, Senji était en train de consulter son détecteur de Hollows, un modèle MkII dernier cri. Puis, le caméraman et le troisième siège passèrent en Shunpo, ce qui eut un effet indescriptible sur l'image, laquelle se distordit et devint horriblement floue le temps que ça se tasse.

- Désolée pour ça, vous avez un sac en papier sous votre siège, si besoin.

Bien sur, elle ne s'inquiétait pas réellement pour le colosse, c'était un dur après tout. Elle s'allongea à moitié dans son fauteuil, posant la tête contre sa paume, les jambes dépassant de moitié du coté du Kenpachi sans pour autant altérer l'espace vital de celui-ci. La petite taille et les traits juvéniles de la capitaine auraient presque pu faire penser à une adolescente en pleine soirée copines après une journée de cours à l'académie Shino.

Un hollow ayant une apparence de raie manta, mais avec des pattes, se dressait face au troisième siège, lequel était toujours dans le gigai, et ce depuis le début. A cet instant précis, il utilisa le Gikongan rouge sang de tout à l'heure, et se matérialisa donc en uniforme de shinigami, chargeant ensuite sur le hollow et gardant son katana en forme scellée pour l'occasion. Ce n'était que du menu fretin, après tout. Puis, avec un travelling digne d'un ivrogne, le caméraman passa sur le gigai, lequel... chargeait aussi, katana en forme scellée à la main. Inutile de préciser que le hollow se fit réduire en charpie des deux cotés, à grand renfort de Hakuda et de ralentis malheureux. Puis, une voix enjouée termina la vidéo, d'un "Merci d'avoir suivi 12tv, la chaine top-secrète du département de recherche. Copyright 2015".

- Comprenez vous à présent en quoi vous en particulier êtes un excellent sujet de recherches pour ce projet ?

Si besoin, elle expliquerait, mais pour l'instant elle était toute contente, bien que gardant la meme expression morne qu'à l'ordinaire. Elle se redressa dans son fauteuil, laissant les bandes en place au cas ou le Kenpachi voudrait revoir des extraits. Elle avait juste omis de préciser le détail que le Gigai restait en forme scellée la ou l'utilisateur pouvait librement aller jusqu'au bankai, et que donc, la forme scellée du Kenpachi étant un shikai a part entière, lui en particulier risquait de cingler du lard, si vous me passez l'expression.

Le film débutait et déjà la surprise était de taille. Senji n’était pas un Shinigami inconnu pour Shinjirô, ni pour sa division d’ailleurs. Le gaillard en avait dans le froc et le défi qu’il avait relevé devant les soldats de la division du Combat lui avait permis de bénéficier d’une côte de sympathie très élevée, ce qui était assez rare pour un homme n’appartenant pas à l’élite du Kenpachi. Ainsi, le voir dans cet accoutrement, cela le fit sourire. Mais cela ne le renseignait toujours pas sur le projet de Ai, même si le thème « Hakuda » sautait aux yeux du colosse. S’il est vrai que Senji ne lui arrivait pas à la cheville, ce dernier avait toutefois fait preuve d’une dextérité excellente dans cet art du combat. Faisant évidemment de lui un expert pour les Shinigamis de la Douzième.

L’image se brouilla temporairement – le déplacement en était la cause et ça, même Kiryû pouvait le comprendre – et Shinijirô ne releva pas la remarque de sa consœur, haussant simplement les épaules pour lui signifier qu’il n’avait évidemment pas besoin de sac à papier. Quelle idée bizarre… Mais passons, car déjà les nouvelles images se stabilisaient, permettant au colosse de mieux cerner ce qui se passait sur l’écran. Alors que les événements s’accéléraient, quelque chose surprit d’emblée le colosse. On lui avait toujours rabâché qu’il n’était pas possible pour un Shinigami, quelque soit son niveau réel, de se battre avec ses pouvoirs lorsqu’il était dans un gigai. Empêchant l’utilisation du Zanpakutô, arme liée à l’âme du Shinigami. En utilisant le Gikongan sur son corps, Senji était donc sorti de ce corps d’emprunt pour détruire la créature. Mais comment expliquer alors que le corps d’emprunt puisse à ce moment là foncer aussi sur la bête, avec une arme similaire ? Quelque chose clochait…

En tout cas, il est vrai qu’il comprenait désormais en quoi il avait été un sujet particulier. Un double de lui, avec Kaimetsu en main, cela ne pouvait que faire des ravages. Mais il savait aussi que cela ne serait pas possible. Il ne savait pas comment elle était parvenue à dupliquer ainsi l’arme de Senji – même s’il devinait qu’elle n’était pas comme le Zanpakutô d’origine – mais il était persuadé que jamais ce processus ne saurait s’adapter à lui. Appelez ça un pressentiment si besoin.

- Yep, je comprends mieux. Mais maintenant, y’a deux ou trois choses qui me chiffonnent ! Je compte sur toi pour capter l’truc. Reviens en arrière deux secondes, au moment où Senji sort du Gigai. Et stop à ce moment là.

Shinjirô s’était levé de son siège, sachant que la jeune femme remettrait la bande là où il lui avait demandé. Par réflexe, il préférait être debout pour de nouveau observer la scène, car peut-être que quelque chose lui avait échappé avec la vitesse. Attrapant au passage un cure-dent d’une de ses poches, il plaça le morceau de bois entre ses lèvres, commençant à le mastiquer. Une habitude étrange qu’il avait lorsqu’il réfléchissait. Un tic en quelque sorte. La bande repassait mais Shinjirô ne parvenait toujours pas à voir d’où était sortie l’arme du Gigai. Sous cette forme, il était impossible de bénéficier de l’apport offensif du Zanpakutô, ce dernier n’étant pas matériel.

- Tu vois, c’est ça que j’capte pas. Comment le Gigai peut-il avoir accès à une arme, même s’il ne s’agit que d’une copie ? Si j’utilisais ce modèle, je suis sûr que jamais Kaimetsu ne serait dupliqué.

Il pointait du doigt l’écran, tournant au passage son regard vers la jeune femme. Si explication il y avait, elle la lui fournirait. Il comprenait le but de la recherche mais visiblement, celle-ci n’en était qu’à l’étape des essais et si le premier avait été fructueux, ce n’était peut-être que par chance. Ou alors il lui manquait des éléments. Son Gigai avait un Zanpakutô libéré, cela ferait des dégâts, c’est clair. Mais ce n’était pas possible…

- Tout ce que vous voudrez, Kiryu-Taisho.

Ai s'était exécutée, se demandant toutefois ce qui pouvait bien le chiffonner. C'était surtout l'usage de ce terme précis qui l'avait attristée, son but n'étant pas de mettre le Kenpachi en colère, de nombreuses sources ayant témoigné de ce que ça pouvait donner. L'image, après une manipulation télécommande en main, finit donc par revenir quelques dizaines de secondes avant la fin de la bande, montrant le clou du spectacle, c'est à dire l'usage du Gikongan à proprement parler. La jeune femme se replongea dans le visionnage, y prêtant moins d'attention étant donné qu'elle avait du voir et revoir ces instants une bonne cinquantaine de fois depuis leur mise sur film.

- Aah, je comprends mieux votre étonnement. C'est là le coeur du projet KG, aussi vais-je me faire une joie de vous expliquer tout ça en détail. Par contre, je vais devoir vous demander de bien garder ça pour vous, on est encore au stade du prototype et nous préférerions ne pas ébruiter le projet avant d’être surs de sa validité.

Elle s'était rassise dans son fauteuil, les mains étendues sur les accoudoirs de cuir, et se lança donc dans les explications susmentionnées sur un ton professoral et appliqué. En cela elle dénotait du capitaine Kurotsuchi, un de ses prédécesseurs, qui disait-on se moquait volontiers de quiconque ne comprenait pas ses desseins au premier coup d'oeil.

- Bien, il faut d'abord commencer par mentionner le concept de résonance spirituelle. Nous avons en effet découvert que c'était le moyen employé pour communiquer entre Shinigami et Zanpakuto, c'est donc comme ceci que vous arrivez à parler à votre Kaimetsu.

Jouant de sa télécommande, elle actionna un autre écran derrière elle, sur lequel s'afficha un schéma afin d'imager un peu tout ça. Car oui, elle avait tout prévu. Pour l'instant, il représentait un Shinigami en habits typiques du monde réel (Une salopette). L'image changea ensuite pour montrer une vue en coupe du Gigai lors de l'ingestion du Gikongan, celui-ci émettant des ondes grossièrement dessinées.

- Nous brouillons la fréquence de ces ondes au moyen du Gikongan, forçant ainsi artificiellement le Zanpakuto à se désolidariser de son manieur, habitant le Gigai en lieu et place des habituelles âmes modifiées. Ce procédé n'influe en rien sur la capacité du Shinigami à manier son Zanpakuto, celui-ci vous "prêtant" ses pouvoirs jusqu'au Bankai, sans perte de puissance.

La diapositive suivante montrait le gigai en salopette debout à coté d'un autre personnage identique si ce n'était sa robe de Shinigami. Les deux brandissaient un sabre similaire en tous points, sabre qui n'était pas présent sur la diapositive précédente. D'ailleurs, pour illustrer cela, le dessinateur avait inscrit l'onomatopée "pouf !" assortie d'un motif de nuage autour du sabre du gigai.

- Le zanpakuto est quant à lui limité par les capacités du Gigai, mais demeure capable de matérialiser à grand renfort de pression spirituelle sa propre forme scellée. Le Gigai est quant à lui une réplique du Shinigami, aussi dispose t'il de ses capacités physiques, ce qui en fait un allié précieux au corps à corps. En revanche, le Gigai se désagrège après une trop longue utilisation, ceci étant du à la pression spirituelle employée qui l'érode, un peu comme de l'eau sur un rocher. On est en train de travailler la dessus, mais ça va prendre du temps.

Sur l'écran le Gigai se désagrégeait avec un nouveau "pouf !" de circonstance, avant de faire place à un écran noir, éteint. La capitaine regardait maintenant le colosse dans les yeux, faisant fi des éventuelles douleurs lombaires que ça pourrait lui causer.

- Vous et Kaimetsu etes particuliers dans le sens ou votre entente n'a jamais généré de forme scellée. Nous avons de bonnes raisons de penser que le Shikai étant votre forme de base, si Kaimetsu investissait un de nos gigai, il brandirait donc le même tranchoir avec les mêmes capacités de magnétisme que vous.

Elle savoura un instant son effet, impatiente de découvrir ce que le Kenpachi aurait à en dire.

Les explications étaient parfaitement claires et Shinjirô comprit l'idée générale du projet. Ce qui l'étonnait d'ailleurs, lui qui avait tendance à lâcher l'affaire lorsque l'on partait trop loin dans les explications de ce genre. Mais la jeune femme avait le mérite de décrire parfaitement les étapes et les projets qui étaient les siens et cela ne pouvait qu'aider à la compréhension des uns et des autres. Son idée était étrange, dangereuse même en bien des points mais Shinjirô comprenait les implications. Et il voyait désormais plus clairement la raison pour laquelle il avait été pris en exemple. Son rôle de Kenpachi était mérité en bien des points et l'un d'eux était qu'il excellait dans l'art du Hakuda. De fait, entre ses capacités et la puissance de Kaimetsu en Shikai, ce gigai pourrait devenir un allié des plus précieux. Alors qu'il reprenait place dans le siège, il se permit même d'émettre un petit sifflement d'admiration, félicitant par cette manière le talent de la jeune femme.

Shinjirô n'avait jamais vraiment connu ses prédécesseurs mais il devait admettre que Ai était un véritable génie. Et qu'elle se rassure quant au secret du projet, Shinjirô voyait mal à qui il saurait expliquer de nouveau le thème sans passer pour un incompétent. Et s'il y avait une chose qu'il détestait plus que tout, c'était de passer pour un con. En toute conscience en tout cas.

- C'est une grande idée. Mais je doute encore de la possibilité pour le Gigai de manipuler le pouvoir de Kaimetsu. J'sais pas pourquoi mais j'trouve ça trop bizarre. Comme si nos pouvoirs pouvaient entrer en résonance ou une connerie du genre, tu vois ?

Oui, oui, Shinjirô était tout à fait capable de faire preuve de logique. Du moins pour les cas qui l’intéressaient et l'armement en était obligatoirement un. Les avantages d'un tel procédé, s'il allait au bout, était en tout cas évident aux yeux du Kenpachi qui imaginait déjà la plupart de ses gars avec un tel double. L'armée du Gotei en serait alors encore plus puissante. Pour ne pas dire imbattable ? Car qui saurait se défendre contre une armée composée de Shinigamis surentrainés et spécialisés dans les combats, quels qu'ils soient ? Un petit sourire apparut sur son visage alors qu'il se voyait avec un double, suivi de son fidèle lieutenant, lui aussi flanqué par un Gigai de ce type. La boucherie que ce serait...

- Mais j'te fais confiance pour mener à bien ton truc. D'après c'que je peux voir, t'es un vrai p'tit génie en fait. Ça mettra le temps que ça mettra mais t'y arriveras, ma grande.

Ah, Shinjirô et sa familiarité... S'il comprenait pourquoi elle avait pris la tête de la Douzième, Shinjirô savait que son intellect ne pouvait être la seule chose lui ayant permis d'obtenir ce grade. Déjà, elle possédait obligatoirement le Bankai, condition principale pour porter le précieux Haori. Mais ce n'était évidemment pas suffisant, comme le savait le colosse. Pouvoir diriger des hommes et des femmes n'était pas donné à tout le monde, comme pouvait en attester l'échec récent de quelques autres Capitaines, aujourd'hui disparus. Si pour la Onzième, il fallait de la poigne pour se faire respecter, le colosse se demandait quelles étaient les qualités requises pour prendre la division Scientifique. En dehors d'être un cerveau sur patte.

- J'connais bien Senji, un mec sympa et droit dans ses bottes. L'avoir dans ta division est une chance. Il t'a pas trop emmerdé quand tu as repris la division ? Un nouveau, c'est toujours perçu comme une intrusion. J'sais de quoi je parle, hu hu...

Oh que oui, il savait. Sauf que lui, le respect, il l'avait obtenu en décapitant l'ancien Capitaine. Ce qui avait généré deux types de comportement parmi ses hommes : ceux qui le craignaient et qui n'osaient pas le mettre en colère; ceux qui le respectaient et souhaitaient être reconnus à leur juste valeur.

La jeune femme n'était pas particulièrement friande de compliments, d'ordinaire, mais il fallait bien avouer qu'elle s'était pressé le citron comme jamais, si vous me passez l'expression, sur ce projet. Il avait encore ses imperfections, golem magnifique aux pieds d'argile, mais un jour elle pourrait être fière d'avoir été à la tête de ce projet. et ce jour serait lorsque sa création serait devenue monnaie courante, si bien que plus personne n'y ferait attention et considérerait les Gigai clonés comme quelque chose d'acquis. Aussi la joie s'alluma telle une étincelle folle dans les yeux d'Ai. Une grande idée. Si on faisait abstraction du fait que le Kenpachi avait aussitôt mis de l'eau dans son vin. Elle revint à ses moutons.

- Vous me faites trop d'honneur, Kenpachi. J'espère un jour vous prouvez cette résonance par la pratique, et j'avoue être curieuse de voir les effets d'une telle technologie sur votre binôme. Qui vivra verra, comme on dit.

Elle marqua une pause, consciente du poids de cette expression par les temps qui couraient. La jeune scientifique savait bien que c'était encore plus vrai dans le cas de son interlocuteur, qui pouvait perdre la vie sur simple provocation en duel. Il avait l'air costaud, comme ca, mais le capitaine Zaraki, et après lui le capitaine Madarame étaient des durs eux aussi. Autant de raisons de mener à bien ce projet et les autres. Pour renforcer la Soul Society, il fallait du travail, de l'acharnement et de la rigueur.

- J'espère bien y arriver, oui. Et vous serez bien sur le premier convié lorsque nous aurons un modèle stable. En attendant nous mettons les bouchées doubles, et nous progressons de jour en jour. Vos guerriers ont l'entrainement et mes hommes ont les expériences et les théories, chacun son truc.

Elle n'avait fait que peu de cas de la familiarité du Kenpachi, et pour cause: simple servante, elle avait eu bien pire. Tant qu'il ne se mettait pas à user de termes déplacés comme "cocotte", "poulette" et autres "mon sucre d'orge du Brésil", tout lui allait. Ceci dit, Ai n'avait nullement l'intention de se mettre à appeler le capitaine Kiryu "vieille baderne" juste parce que ça la chantait. Différences de style. Elle eut un petit rire lorsque son collègue mentionna des éventuels problèmes avec Senji.

- Non, non, rien de tel, nous nous sommes tout de suite très bien entendu. C'est un shinigami qui ne tergiverse pas, comme moi, et il a d'ailleurs particulièrement apprécié ce nouveau projet. Il est d'ailleurs à la tête de l'équipe de développement chargée de ces Gigai. Il a également un excellent gout en saké.

Elle pensa un instant à cette idée qu'elle avait eue l'autre jour en écrivant ses rapports; Akon avait fait preuve d'une certaine froideur et avait carrément laissé éclater sa jalousie à l'occasion lorsqu'il avait appris que le troisième siège serait à la tête du nouveau projet, attitude qu'elle n'attendait pas de la part d'un scientifique. De plus en plus, elle songeait à changer le brassard de bras, et le fait que Senji entretienne de bons rapports avec l'un des capitaines les plus influents du Gotei aiderait certainement la douzième. Elle devrait repenser à tout ça. Elle sortit de la salle de projection, et plissa les yeux une fois dehors. Trop de pénombre tue la pénombre.

- Je suis heureuse que ce projet vous aie enthousiasmé, vraiment. Je n'en ai pas l'air, comme ça, mais j'ai du fournir beaucoup d'efforts pour être acceptée dans cette division, venant de la cinquième. Les incidents avec le capitaine Kaito, tout ça... Ça n'aide pas à la confiance. J'apprécie votre soutien en tant que collègue, Kiryu Sama.

Elle rouvrit les yeux, constatant que le soir avait pointé son minois, donnant au ciel des airs d'aquarelle bon marché. Se tournant vers son collègue pour des adieux qui n'eurent encore une fois pas grand chose de formel, la jeune femme retourna ensuite vers ses quartiers tranquillement, de nouvelles idées et des certitudes plein la tête. Elle poussa la porte, s'assit en tailleur, et finit après quelques minutes par se décider à aller faire une sieste. Elle le méritait, après tout.

Spoiler: