Pour une fois qu'il passait par la voie officielle, il fallait que ce soit pour aller voir cette grosse tête de con de Tenzen. Mais bon, il devait aller le voir, ne serait-ce que pour vérifier ce qui se tramait dans son petit crâne de piaf. Partir pour finalement revenir quelques temps après... C'était vraiment se foutre du monde. Alors certes, l'annonce de sa retraite avait quelque peu secoué le Gotei, apportant son lot de questions sur la raison de son départ. Mais là, il revenait sans même s'expliquer. Shunsui avait évidemment donné son accord, preuve évidente de la faiblesse de sa gestion des armées de la Soul Society. Tirer au clair cet épisode importait beaucoup au colosse, qui craignait de voir une fois encore son rival se tirer sans mot dire.

Suivant les conseils de Noboru, Shinjirô avait laissé Kaimetsu à la Onzième, son Lieutenant s'étant dressé entre la sortie et son Capitaine, les mains tendues pour récupérer l'imposante lame. Selon lui - et il n'avait pas réellement tort en plus - cela éviterait d'abimer les locaux de la Neuvième Division, évitant ainsi un des sujets de dispute entre les deux hommes. Bien sûr, il existait une foule d'autres sujets sur lesquels ils étaient en désaccord mais au moins ne pourrait-on pas lui reprocher de saccager les locaux des autres divisions. D'autant que le Sotaishô avait été clair à ce sujet : tu casses, tu payes.

Alors qu'il pénétrait à l'intérieur des quartiers de la division de la Justice, il se dirigea directement vers le bureau du Capitaine, dédaignant les Shinigamis qui le regardaient, étonnés. Il est vrai que voir le colosse ici, ce n'était pas habituel. D'autant que la plupart des confrontations entre les deux hommes s'étaient soldés par des bagarres d'anthologie. Il ne lui fallut pas longtemps pour arriver devant le bureau, prenant le parti d'y pénétrer sans s'annoncer au préalable. A quoi bon puisqu'il l'avait déjà perçu... Ses yeux se posèrent immédiatement sur lui et il ne put s'empêcher de pousser un soupir, comme s'il était déçu de constater que la rumeur était réelle. Il n'en avait pas douté mais voir sa tronche de constipé lui rappelait pourquoi il n'appréciait que peu cet homme. Sans gêne, il s'adressa à lui avec la familiarité habituelle :

- Tu peux me dire à quoi tu joues, Tenzen ?

Spoiler:

Très rapidement, Tenzen avait repris son activité. Et même plus encore... Il s'était donné la peine de descendre sur Terre et de s'assurer de la survie de Kagura Kamui. Un fait important dans ses calculs sur le long terme. Des informations apprises qui lui seraient certainement utiles un jour ou l'autre. En son for intérieur, tout cela excitait particulièrement Ikarib, qui tout comme le Shirohasu voyait les différentes possibilités se tracer. Plus que les possibilités d'ailleurs, il était même déjà passé aux actes. En coulisse, discrètement... Éliminer des gênes potentielles avait été sa première motivation. Yoshihiro qui avait été promu Vice-Capitaine sans sa consultation avait retrouvé son grade originel dès que Tenzen était revenu. Et même été envoyé en mission, qu'il s'occupe. Ce Shinigami n'était pas encore prêt pour occuper une pareille fonction, et il ne tolérerait donc pas que l'on outrepasse son avis sur ce point. Mais il ne s'en était pas tenu à lui... Soit ! En l'instant, il profitait de son temps, reprenant une pratique soutenue du guqin depuis qu'il portait à nouveau le Haori. Comme si le fait que certains soucis s'évanouissent lui permettait de retrouver cette sérénité qui avait souvent été sienne. Son Hollow s'en manifestait d'ailleurs de moins en moins, comme s'il approuvait au fond les actes du Capitaine. Tant mieux ! Parlant de lui d'ailleurs, voilà qu'il frémissait... Pas étonnant. Ce Reiatsu peu contenu est très connu, et présage très souvent un affrontement de haut niveau. Amusante perspective, même s'il n'est pour l'heure pas particulièrement envieux d'aller se mesurer au Kenpachi, préférant son instant musical au calme. Visiblement, le Capitaine de la Onzième Division n'était de toute façon pas venu pour entamer directement le combat, même si le ton n'est pas non plus amical.

À quoi je joue ? Il conviendrait mieux de demander « sur quoi jouez vous ». La réponse est un guqin. Comme vous pouvez le constater, c'est un instrument à cordes. C'est l'instrument traditionnel chinois par excellence, bien que d'autres pourraient à la rigueur lui disputer ce titre, comme certaines flûtes par exemple. Mais le guqin est pour moi le maître instrument de la création. L'on dit que ses sonorités s'alignent naturellement sur les fréquences même de l'âme. Il n'est donc pas étonnant que son écoute ainsi que son jeu puissent provoquer une intense et profonde relaxation.
Je puis jouer un morceau pour vous si vous le souhaitez. Il ne peut vous faire de mal de vous détendre un peu, sans doute.

Comme sa réponse pouvait le laisser entendre, dernièrement il se sentait joueur. Comme pouvait en témoigner également la rumeur qu'il s'était plu à lancer sur le Capitaine de la Septième Division. D'une certaine manière, il se sentait revivre en voyant les nouvelles perspectives au loin. Sans parler de ce qui était arrivé au frère de Kamui, et qui lui avait permis en quelque sorte de se ressourcer...

Haussant un sourcil alors que Tenzen terminait son monologue, Shinjirô sentit une bouffée de colère monter en lui. Cet homme, il l’agaçait réellement. Ses manières, ses propos, cette façon de le prendre pour un con… On ne pouvait pas lui retirer qu’il était doué pour le mettre hors de lui, un des rare qui pouvait se le permettre sans aller faire un tour à la Quatrième. Mais qu’est-ce qu’il en avait à faire de son instrument de musique, sérieusement ? Apaiser les âmes ? Chacun sa méthode : le Kenpachi préférait rentrer dans le lard de ce genre de type pour se détendre. Un passe-temps autrement plus instructif pour celui qui n’avait aucun don pour la musique. A moins que faire chanter les os des ennemis puisse compter comme tel. Mais il en doutait sincèrement.

Mais alors qu’il s’apprêtait à lui rentrer dedans, un curieux doute s’instilla dans l’esprit du colosse. Et si ce mec n’avait véritablement pas compris la question ? Si le prendre de haut était dans les habitudes de Tenzen, il n’avait jamais été jusqu’à jouer de la sorte avec ses nerfs. Le rabaisser, l’ignorer, le combattre : oui. Mais là c’était très différent. Non, ce ne pouvait pas être ça quand même. Cet homme était cultivé, doté d’un grand sens de la répartie, il n’avait pu que comprendre où Kiryû avait voulu en venir. Non ? Un instant prit de court, Shinjirô se gratta la tête, embêté. Il pouvait refaire ce bureau à sa manière, mettre une tarte dans cette tronche de constipé, mais si Tenzen n’avait véritablement pas compris sa question, alors Shunsui lui tomberait dessus pour avoir saccagé les lieux. Shinjirô se mit alors à ricaner, pointant de son index l’instrument de musique du Capitaine.

- Mais t’es vraiment trop con hein. Trop fort… T’as pas compris où je voulais en venir. Mouhahahahaha !

Bien sûr, celui qui était le plus con des deux, c’était évidemment lui, le Kenpachi, qui croyait maintenant dur comme fer que Tenzen n’avait pas saisi son allusion précédente. Alors même qu’il avait été sur la bonne voie au départ, devinant que son homologue se fichait de lui. Mais il suffisait d’un doute pour que le colosse pense à autre chose. Il est vrai qu’il était loin d’être l’esprit le plus lucide du Seireitei.

- Sérieusement, ton instrument de musique, tu peux te l’foutre au cul. J’suis venu voir ta sale tronche car j’ai appris que tu reprenais ton poste. J’t’aime pas, c’est un secret pour personne. Mais même si ça m’coûte de le dire, t’es l’un des plus compétents de ce patelin pourri. Et j’voulais savoir si tu comptais faire la girouette pendant encore longtemps. Qu’est-ce qui t’es passé par le crâne pour que tu décides de lâcher ta division ?

On pouvait critiquer Shinjirô sur pas mal de chose mais jamais il n’abandonnerait ainsi sa division sans une excellente raison. Et pendant longtemps, il avait cru que Tenzen était comme lui sur ce point. Ils étaient des meneurs, pas de ceux qui attendent les ordres en couinant mais de ceux qui savent prendre des responsabilités. Et surtout, le Vizard face à lui était un des Taishô les plus puissants du Seireitei. Si sa sagesse n’apportait rien de concret au colosse, sa puissance faisait la différence, elle. Un tel apport dans une guerre qui s’annonçait compliquée ne pouvait qu’être bénéfique. Kiryû voulait donc comprendre. Pour une fois…

Ce primate... Pourtant, le Shirohasu avait l'espace d'un instant senti le colosse vaciller, se questionner sur la répartie de son interlocuteur, et même peut-être se tendre un peu. Jusqu'où allait mener la blague ? Et bien finalement, pas très loin. Voilà que Shinjirô retournait la situation en considérant que Tenzen n'avait en effet pas compris où il voulait en venir, comme si cela était réellement possible. Et ce même si le sujet exact n'était pas forcément de toute première évidence, il était tout à fait inconcevable que le Capitaine de la Onzième Division en vienne à se déplacer en ses quartiers pour le questionner concernant sa pratique du guqin. Au Kenpachi qui se complaisait dans son rôle de montagne de muscles, il faudrait peut-être lui apprendre que le cerveau lui aussi en est un, et qui mérite autant - si ce n'est plus - que tous les autres d'être travaillé...

Soit. Le sujet abordé était donc sa récente mise en retrait. Oh, il aurait été simple d'expliquer au Kiryu les raisons de son acte. Son besoin de réfléchir et de peser la situation à l'abri de toute pression extérieure. Mais à la manière dont la question est posée, il ne compte bien sûr pas coopérer le moins du monde...

Spoiler:

Tenzen n'avait que haussé les sourcils avant de se remettre à jouer, comme s'il était seul, tout simplement. Un instant de flottement où il laisse le doute s'installer quant à une possible réponse de sa part. Et finalement il met fin au suspens, sans pour autant que ses doigts cessent de modeler sa mélodie.

Permettez tout de même que je vous présente ce morceau. Il est appelé « pensées pour un vieil ami ». Peut-être que vous plonger un instant dans ces profondes sonorités pourra vous faire adopter un comportement plus à même de vous faire obtenir les informations que vous désirez.

D'ailleurs, que j'y pense, en parlant de « vieil ami ». Récemment, votre Troisième siège a réclamé de moi que je le rencontre au Rukongaï. Nous nous connaissons de longue date et avons quelques différends qu'il voulait aborder avec moi je présume. Il ne s'est pour autant jamais présenté au rendez-vous. J'apprécierais que vous lui transmettiez qu'il a gâché sa chance et que je préfère désormais ne plus avoir affaire avec lui, en aucune circonstance. La présence des petites gens de la Onzième Division m'importune par trop, et la sienne plus que toute autre...

Les yeux clos, il poursuivait son jeu, bien que toute sa concentration n'y était pas tournée. Tout comme il le faisait régulièrement avec ses élèves de Jinzen, il portait son attention sur les troubles du Reiatsu du Kenpachi. Ses envolées colériques sont devenues légendaires, mieux valait donc prévoir le coup et s'attendre à réagir promptement si l'une d'entre elles tenait lieu ici.

#Krrrrrrrrrrr. Krrrrrrrrrrrrrrr.#

- Et merde...

D'abord complètement contre, le Kyuusei avait pris une décision concernant l'attitude de son Capitaine. Il s'était pourtant battu bec et ongles contre le fait d'emporter la précieuse Kaimetsu lors de son entrevue avec le Yakushiji. "Je dois mettre les choses au clair avec cet enfoiré" avait-il dit, ou une truc dans le genre. Toujours est-il que son sous-fifre - ou était-ce sa mère? - avait décidé de lui barrer le chemin tant qu'il ne lui avait pas remis le tranchoir démoniaque.

- Ça va encore finir en eau de boudin, et j'en ai marre de devoir faire des ronds de jambe pour nous sauver la mise. Allez, aboule.

Le colosse s'était bien sûr résigné devant la face de pruneaux de son ami, mais Ô combien avec réticence. Et voilà maintenant que le Vizard empruntait lui aussi la route menant aux quartiers de la Neuvième, trainant derrière lui la guillotine...

- Des fois, je me demande qui est le plus con. Lui, dans son attitude, ou moi, dans ma formidable capacité à me foutre dans la mouise jusqu'au coup...

Dans son dos, Kaimetsu laissait un sillon bien marqué, qui témoignait du poids de l'arme. Oh, avec un peu d'effort, il aurait pu la porter convenablement, mais Noboru était la dépression faite homme. Les escarmouches entre les deux hommes parmi les plus puissants du Seireitei commençait à lui peser sur la courge, et mieux que de ne pas prendre parti, il pensait sérieusement à trouver un moyen de les foutres tous les deux à la trappe. Mais pourquoi dans ce cas ramener le zanpakutô du Kiryû? Et bien, dans un grand élan de sagesse, le Vice Capitaine avait décidé que les enfantillages avaient assez duré. Les types avaient des devoirs, et ils devaient s'y tenir. Peut être que le fait de lui ramener son arme devant le Lotus Blanc lui mettrait un peu de plomb dans la tête...on pouvait toujours rêver. D'autant que, d'après les récents événements, le Kyuusei doutait maintenant de la stabilité du vieux Capitaine qui horripilait tant son ami. Quitter son poste, puis revenir, il avait tout du comportement d'un adolescent en pleine puberté rêvant de fugue et d'aventure. Peut être s'était-il trouvé une femme, avec qui il avait voulu fuir? Oui, c'était sûrement ça. Ça ne pouvait être que ça.

- Yo! J'ai un colis pour le Kenpachi!

Devant lui les types de la Neuvième avaient des yeux comme des soucoupes. Fallait dire que vu le matos qu'il portait - et qui, en l'occurrence commençait déjà à entamer les lattes de l'entrée - il avait du mal à faire autre chose qu'une entrée en fanfare. N'était-ce l'air franchement constipé solidement arrimé à son visage, qui dans un long échange de regard avec les hommes de faction à cette heure, leur en appris bien plus qu'il n'aurait pu le dire. Il avait son air de "et ouais, la vie est une pute. Et moi si j'étais vous, je me barrerais illico pour éviter de chopper ma malédiction". Ou alors avait-il seulement l'air plus âgé. Beaucoup plus âgé.

- P...par là.

- Je sais...je sais...je connais la maison...bon, allez, on s'motive, y a pire, non?

Pas de réponse. Difficile d'en trouver une, en fait. Plus blasé que jamais, le shinigami reprit son périble.

#Krrr, krrr, crac!#

Ah ça, c'était une latte de parquet en moins.

- Bon, Shinjirô, j'te ramène ton truc. Je...

Il avisa les deux hommes face à face, l'air aussi jouasse que si on leur avait servi du vitriol au petit déjeuné. Et là vint le deuxième moment de la journée où les mots sortirent tous seuls de la bouche du Lieutenant.

- Et merde...

A voir la mine de Shinjirô - plus proche du gorille épileptique que de l'être humain - lui apporter Kaimetsu était comme aller s'enquérir de la santé d'un pyromane dans sa cellule avec une torche à la main. La déco allait encore être refaite, il en était maintenant certain. Prenant son courage à deux mains - enfin presque, vu qu'elles étaient déjà pleines de Kaimetsu - l'autre se lança.

- Bref. Reprends ton machin, t'es un grand garçon, tu sais te contrôler. Pas vrai, Capitaine Yakushiji? D'ailleurs, c'est un beau shamisen que vous avez là, la grande classe.

Super. Là, il l'avait joué roublard. Faire des compliments aux deux, les caresser dans le sens du poil. Nul doute que ça allait grandement calmer les choses. Noboru se croyait maintenant à espérer à des jours meilleurs.

- Bon bah, je vais pas m'immiscer de trop dans votre petite réunion de retrouvailles, hein. Pas de bêtises, quand même. Je crois pas avoir à vous rappeler que vous faites tous les deux dans le people, depuis un petit moment...

Ouais, les responsabiliser, parfait. Là ils allaient prendre conscience de leurs actes, et aller doucement vers le chemin de la sagesse. Tout bon, Noboru, il avait tout bon!

- Tu sais ce qu’ils te disent les mecs de ma division, gros blaireau ?

Aux propos du Capitaine de la Neuvième, Shinjirô sut que la discussion allait mal tourner. Que l’on tape sur sa tronche, passe encore. Que l’on dise ouvertement du mal de sa division devant lui, ça il ne pouvait pas le laisser passer. Les hommes vif d’esprit auraient sans doute rebondis sur l’incompétence latente des membres de la Neuvième, soulignant alors que leur ancienne Vice Capitaine s’était tout de même emprisonnée seule dans son propre Bankai. Mais Shinjirô n’était pas un habitué des combats oraux. Son cheval de bataille à lui, c’était la destruction. Purement. Simplement. Quant à son Troisième Siège, il s’en moquait royalement. Cela faisait un moment qu’il ne l’avait pas vu et avait donc de son propre chef dégradé le lascar, signalant par la même sa disparition à ses mecs. Sans doute avait-il prit la fuite. S’il lui remettait la main dessus, ce ne serait certainement pas pour lui délivrer ce message.

Et alors que la colère du colosse allait éclater, c’est Noboru qui fit son apparition. D’abord surpris de le voir ici, les yeux de Shinjirô s’agrandirent comme une soucoupe en constatant que son Lieutenant avait ramené Kaimetsu avec lui. Ce qui lui coupa la répartie cinglante qu’il s’apprêtait à balancer dans la tronche de Tenzen. Il tendit simplement la main et par l’effet du magnétisme qui le liait à son arme, celle-ci se souleva pour se précipiter sur lui. L’immense sourire qui lui barrait désormais le visage aurait pu faire frémir les plus téméraires. Et ceux qui connaissaient le géant ne pouvaient que craindre sa réaction. Noboru avait espéré trouver des adultes. Bon sang ! Avait-il oublié à qui il avait à faire ?

Mais utiliser Kaimetsu lui attirerait bien des emmerdes. Et ça, même le Kenpachi pouvait le comprendre. Il devait la jouer plus finaude. En fourbe. Plaçant son arme dans son dos, il se retournait déjà vers le musicien. Un air qui commençait à bien le saouler. Comment Noboru l’avait appelé déjà… Shamisen ? Kécéssa ???

- Tu parles trop Nob’. Mais t’as bien fait de venir. On avait comme qui dirait un petit désaccord et grâce à toi, j’vais pouvoir trancher la question.

Quel joli jeu de mot. Sans doute que son ami ne riait plus, lui. Car généralement, ce n’était jamais sans arrière pensée que Shinjirô faisait des traits d’humour. Une idée lui trottait dans la tête depuis quelques temps et puisque Tenzen se bornait à jouer de la musique, il allait pouvoir la mettre en application. Adressant un grand clin d’œil à Noboru, il se lança.

- Regarde bien, mon pote. On va s’marrer. Y’a un mec qui m’a montré ça. Juste pour lui clouer le bec lui et sa guitare de merde. Attends… Comment il a fait déjà ? Ah ouais, ça y est. J’le tiens ! Geki !

Traçant des symboles étranges dans l’air, Shinjirô se concentra intensément, main tendue vers le Capitaine de la division de la Justice. Puis, avec un large sourire, il aperçue l’aura rouge entourer sa cible, afin de le paralyser sur place. Si cela n’était rien pour un expert, Shinjirô en était toutefois fier. Pas du sort en lui-même – il haïssait tout ce qui avait attrait à la magie – mais plutôt de retourner ce pouvoir contre Tenzen, ce même pouvoir qu’il lui avait balancé la première fois où ils s’étaient brouillés l’un l’autre. Un juste retour à l’envoyeur en quelque sorte. Mais vu la mine que tirait Noboru, il comprit qu’il n’aurait peut-être pas dû. En tout cas, il avait certainement bluffé ces deux-là. Qui aurait cru que le Kenpachi soit capable de balancer un Kido, après tout ?

Il y avait déjà le gros, et voici le petit ! Ces duettistes allaient rarement l'un sans l'autre, et voilà que le Vice-Capitaine de la Onzième Division accourrait tel un petit chien vers son maître, rapportant gentiment son bâton. L'image était plutôt bonne, à cela près que le dit bâton se trouvait être en fait un Shikaï démesuré. Le Shirohasu sur cette intervention au combien déplaisante ne se contenta que de soupirer et de continuer son jeu, sans se soucier des diverses réparties dont la profondeur était inversement proportionnelle à l'intelligence du Kenpachi. Pas de quoi gaspiller plus de salive donc. Il notait tout de même que pour un gars qui côtoyait le Kiryu depuis tant d'années, Noboru ne le connaissait au final que peu pour ne pas dire pas du tout. Un grand garçon qui sait se contrôler ? Foutaises... qu'est-ce qu'il ne fallait pas entendre, très franchement !

Mais le clou du spectacle, le fin du fin du ridicule – qui malheureusement ne tuait pas – allait arriver. Shinjirô traça maladroitement quelques gestes que le Lotus Blanc connaissait bien. L'un des Bakudo les plus basiques qu'il puisse exister, mais qui avait effectivement une certaine importance dans leur relation houleuse. Voir ce colosse exécuter ces gestes, une grosse goutte de sueur perlant sur son front de par sa forte concentration... Délectable, tout simplement ! Aussi, le Yakushiji n'esquissa aucun geste, acceptant de subir ce sort avec le sourire. Le sourire, oui ! Aussi étonnant que rare sur son visage, mais là il ne pouvait réellement faire autrement. Ainsi, pendant un couple de secondes, il fut immobilisé par le Kido de son plus tenace rival. Juste de quoi le laisser espérer que cela puisse être suffisant. Ce qui bien sûr était très loin d'être le cas...

Le Shinigami millénaire relâcha en effet toute la puissance de son Reiatsu. Cette force supplantant très largement celle du Geki de Shinjirô ne put que faire éclater vivement cette entrave de bas niveau. Et l'idée d'une riposte lui vient très vite à l'esprit. Que penserait donc le Kenpachi d'un petit Sajō Sabaku ? Ce serait là une immobilisation d'un tout autre niveau, digne d'un des plus puissants experts en nécromancie du Seireitei qu'est Tenzen. Mais cela ne put arriver, un fait extérieur venant l'interrompre avant qu'il mette son idée en application. En effet, ayant ressenti le Reiatsu de son maître, Rosai son intendant accouru, se questionnant sur ce qu'il pouvait bien se passer alors que la simple présence de « Pipo et Mario » aurait dû lui mettre la puce à l'oreille.

Rosai, vous tombez bien. Pourriez-vous je vous prie faire parvenir un message au Sotaishô de ma part ? Faites-lui savoir que les décérébrés de la Onzième Division ont décidé de venir semer le trouble une nouvelle fois au sein du Seireitei, en mes Quartiers plus exactement. Qu'il m'agace d'avoir à les recevoir pour un oui ou pour un non et ce pour mener d'aussi insipides conversations.
Également... préparez-nous du thé et amenez trois tasses. Il ne sera pas dit que face à cette futile barbarie j'en vienne à oublier les règles de bienséance...

Disant cela, Tenzen n'avait pas quitté Shinjirô des yeux. Qu'il fasse le geste de trop, maintenant, devant témoin et après qu'une bonne partie du Gotei 13 ait pu ressentir le Reiatsu du Capitaine de la Justice. Nombreux seraient ceux également qui pourraient confirmer la venue de Noboru, l'arme de son Capitaine à la main, tracer un sillon sur son passage. Un acte belliqueux par excellence, non ? Oui, un débordement à présent... c'est vraiment tout ce qu'il attendait !

Mon morceau a malencontreusement été interrompu. Permettez que je reprenne du début, cher collègue. Lorsque le thé sera servi, vous pourrez constater que les deux se marient à merveille, et que rien ne pourrait être plus relaxant, même pour un esprit aussi chaotique que le vôtre...

Son entrave volait en éclat alors que le Reiatsu de Tenzen s’imposait en ce lieu. Shinjirô résistait plutôt bien, lui-même étant un adepte de ce genre de démonstration de force, mais il savait aussi que cela attirerait l’attention sur lui. Comme si le fait de voir son lieutenant débouler avec Kaimetsu dans son sillage était passé inaperçu… D’ailleurs, rapidement un Shinigami de la Neuvième déboula, visiblement curieux de ce qui se passait en ce lieu. Alors que les mots de Tenzen s’élevaient, la rage du colosse eut du mal à ne pas éclater. Il l’insultait ouvertement, sans craindre la représailles qui ne manquerait pas d’arriver. Le défiant même du regard. Peut-être finalement qu’il cherchait les ennuis. Et dans cette affaire, le Capitaine de la division de la Justice s’en sortirait indemne puisque les témoins le protégeraient. Un éclair de compréhension apparut dans son regard alors que le dénommé Rosai quittait la pièce.

Si on les trouvait ici, ils auraient des emmerdes. C’était sûr. L’idée d’envoyer Noboru attraper Rosai fut la première idée qu’il eut. Sans témoin, pas de rapport. Et le pauvre messager ne pèserait pas bien lourd si son ami intervenait de manière un peu musclé. Mais il comprit que s’il agissait ainsi, ça lui retomberait encore dessus. Pour le moment, il n’y avait rien eu. Pas d’attaque, pas de dégâts. Seule l’énergie de Tenzen avait été ressentie. D’ailleurs, qui croirait que le Kenpachi était capable de faire appel à la nécromancie, alors même qu’il était de notoriété publique qu’il détestait cela. Qui croirait Tenzen alors que la guerre entre les deux Capitaines était reconnue. C’est là que sa seconde idée fit son apparition. Qu’il aille au diable avec son thé. Il tournait déjà le regard vers son lieutenant, comme pour lui signifier qu’ils ne devaient pas tarder ici. Sans quoi, Shunsui les punirait. De vrais mômes en réalité. Mais n’était-ce pas cela qui ajoutait du piment dans une structure aussi ancienne ?

- Putain… Nob’, on se casse et vite !

Tournant les talons, il prit ses jambes à son cou. Attrapant au passage par le col son pauvre lieutenant qui ne comprit sans doute pas toute la situation tant le cheminement de Shinjirô était étrange. Fuir pour ne pas qu’on les choppe ici. Fuir avant de détruire la moitié du bureau de cette division et d’être ensuite dans la merde. Bref, fuir pour ne pas être prit la main dans le sac quoi. Aussi massif que puisse être Noboru, il n’en menait pas large. Son corps s’était soulevé du sol comme un rien, ses pieds ne touchant plus le plancher des vaches. Tel un sac à patate, il fut trimballé dans les quartiers de la Neuvième, Shinjirô ne s’arrêtant pas une seule fois, courant aussi vite qu’il le pouvait. Les couloirs défilaient. Et même une fois dehors, Shinjirô ne s’arrêtait pas. Vite à la Onzième. Telle était la seule alerte qui s’imposait à son esprit. Les regards ahuris furent nombreux. Et l’incompréhension se serait facilement lue sur les différents visages si les deux hommes avaient eu le temps de les étudier plus en détail.

C’est ainsi que se concluait ce nouveau rendez-vous entre la Justice et le Combat. Association Tenzen-Shunsui = 1 / Association Shinjirô/Noboru = 0 !

La menace était manifestement parvenue à faire changer d'avis le Kenpachi et son second. Les tentatives de provocation de Tenzen ne trouvèrent finalement pas tout à fait le résultat attendu. Plutôt que de causer un énervement si intense chez son vis-à-vis qu'il ne pourrait s'empêcher de se faire l'instigateur de quelques dégâts non négligeable qui viendraient s'ajouter à son dossier déjà épais et ainsi l'éloigner un peu plus des « petits papiers » du Capitaine-Commandant, le Capitaine de la Onzième Division préféra la fuite. Étonnant, très étonnant même. Celui qui était réputé pour n'avoir peur de rien, s'enfuyant ainsi soudainement dans une scène burlesque... Autant dire que le Yakushiji s'était attendu à tout sauf à cela, précisément !

Pas de riposte, pas de remontrance, pas de répartie cinglante... Pas de coups, pas de destruction, pas de « j'te jure que j'vais te démonter ! »... Rien de tout ce à quoi l'on pouvait s'attendre, clairement. Voilà donc que Shinjirô dépassait son évidente envie de lui éclater la tête pour juste exclamer un retrait précipité, après quoi il empoigna son fidèle bras droit par le col et décampant à toutes jambes, faisant voleter négligemment son Vice-Capitaine derrière lui. Le Shirohasu ne fait que hausser d'un sourcil – réaction des plus classiques dans son registre – là où de nombreux autres auraient laissés échapper au moins un petit ricanement. Que faire de plus ?

Il héla alors Rosai, lui signalant d'annuler la requête concernant le message au Sotaishô. Son intendant pouvait néanmoins bel et bien préparer le thé, mais à présent, une seule tasse conviendrait amplement. Et alors, imperturbable, le Capitaine au Lotus se remit à jouer, non sans s'être dit à lui-même au préalable que cette histoire était encore loin d'être finie, et qu'il en entendrait certainement reparler un jour ou l'autre. Mieux vaut tard que jamais, mais avec Shinjirô, mieux valait ne pas compter là-dessus.