Le capitaine ? |PV Kiryû Shinjirô|

Le capitaine ? Crois-moi, quand tu le verras...
Tu sauras que c'est lui.

J'étais restée sceptique face à cette réponse pour le moins vague et douteuse. Fraichement arrivée dans la onzième division, je n'avais toujours pas eu l'occasion de rencontrer mon capitaine. C'était d'ailleurs une notion que j'avais encore du mal à intégrer. Cette hiérarchie. Ces rangs. On m'avait clairement conseillé d'être prudente au niveau de la politesse, de bien faire preuve de respect, d'être discrète mais présente, de toujours l’appeler capitaine... et bla bla bla. J'ai décroché au bout de deux minutes en réalité. Mais quelque chose me disait que j'aurais dû prêter un peu plus attention à ces recommandations, aussi barbantes étaient-elles.

Les autres de la division avaient l'air d'apprécier Kiryû Shinjirô. De le craindre aussi. Et pas qu'un peu. J'avais entendu tellement de choses diverses et variées au sujet de cet homme, que j'en avais fini par être véritablement curieuse. Qui était-il vraiment au fond ? On m'avait dit qu'il avait vécu dans le Rukongai lui aussi. J'en avais croisé des hommes du Rukongai, de tous les genres... Ce détail aurait dû m'inquiéter normalement d'ailleurs, mais étrangement, j'étais plutôt satisfaite de savoir qu'il n'avait pas vécu toujours ici. Comme ces nobles. J'avais déjà du faire un séjour au trou à cause de ces grands seigneurs et de leur foutu égo mal placé. Mais la taule m'avait rappelé ma vie au Rukongai et une cure de rafraichissement à ce sujet ne pouvait pas me faire de mal. J'étais persuadée que le Seireitei pouvait facilement ramollir les esprits, jusqu'à en oublier ses origines. J'espérais que ça ne soit pas le cas pour mon capitaine. J'espérais que ça ne serait jamais mon cas non plus.

Du grabuge sur un des terrains d'entrainement à côté me sortit de mes pensées. Blasée, j'ai laissé faire en ignorant le bordel qui n'était pas rare dans notre division. Mais cette fois, les cris semblaient s'intensifier plus fort que d'habitude. Ces abrutit étaient en train de tout démolir ou quoi ?

▬ Hé Aeji ! interpellai-je un de mes équipiers qui courrait vers le centre de l'émeute. Qu'est-ce qu'ils foutent putain ?
▬ Ben ils se foutent sur la gueule bien sûr ! Mais apparemment le capitaine va faire une descente, ça va être joyeux !
Le capitaine ?

Soudainement bien plus intéressée par la situation, je m'apprêtais à me lever regarder ça par moi-même quand une voix grave et imposante m'arrêta net. Qu'est-ce qu'on m'avait dit déjà ? Lorsque je le verrais, je saurais que c'est lui ? Non... Rectification : quand je l'entendrais, je saurais que c'est lui. Le capitaine Kiryû Shinjirô venait visiblement de faire son entrée dans le terrain j'en étais persuadée et vu le calme qui s'était propagé instantanément, j'en étais même sûr et certaine. J'eus d'ailleurs un instant une vague de respect profonde pour cet homme : le premier que je voyais capable de calmer tout ce bordel de la division en une seconde. Sa voix se tempéra et je ne parvins plus à entendre ce qu'il disait.

Me reprenant, je me suis donc levée pour aller regarder ça de mes yeux. Voir si tout était arrangé... Constater l'étendue des dégâts... Découvrir mon capitaine. J'ai pénétré doucement dans l'enceinte du terrain d'entrainement et les dégâts colossaux ne m'étonnèrent même pas. L’attroupement semblait s'être dispersé et je voyais quelques shinigamis fuir loin de l'atmosphère pesante qui régnait désormais en ce lieu. Puis mes yeux se sont posés sur l'immense combattant au milieu du terrain, désormais seul. Je n'ai pas eu besoin de voir son haori pour deviner de qui il s'agissait.

Et alors que mes yeux ne se détachaient plus de cet homme qui allait régir ma vie avec ou contre ma volonté, les siens se posèrent sur moi.

N'aurais-je pas dû être moins excitée et plus terrifiée au fait ?

Une fois n'est pas coutume, voilà qu'un entraînement dégénérait. Les cris et le rassemblement typique ne laissaient aucun doute quant à la tournure des événements. Attrapant Kaimetsu par la poignée centrale, il glissa l'arme dans son dos pour rejoindre le terrain en question. Si Shinjirô n'avait rien contre les échanges un peu musclés, il n'en restait pas moins sceptique quant à l'utilité de se mutiler entre Shinigami d'une même division. A ses yeux, la Onzième était une sorte de famille, et une famille devait se soutenir. En cela, il différait grandement des autres Capitaines. Il n'était pas l'ami de ses hommes. Mais il était un compagnon d'arme, un meneur qui devait les conduire au cœur même du combat pour l'honneur de la Soul Society.

Alors qu'il pénétrait sur le terrain, certains visages se tournèrent de suite vers lui. Déjà quelques billets passaient de mains en mains afin de déterminer combien de temps il faudrait au colosse pour ramener le calme. Ces paris étaient monnaie courante au sein de la division du combat qui avait vu là une occasion unique de s'enrichir sur le dos des autres. Pendant que les lascars qui se prenaient la tête poursuivaient leur petite dispute, sans s'apercevoir de la présence de leur capitaine, ce dernier s'arrêta, attrapa un cure-dent qu'il plaça entre ses mâchoires, et il prit la parole.

- Vous allez arrêter vos conneries immédiatement !!!

Sa voix eut l'effet d'un véritable coup de massue pour les hommes et femmes présents ici-même. Le silence s'installa de suite tandis que les regards se tournaient sur l'imposante silhouette du Kenpachi. Pas un sourire n'était visible sur son visage mais il observait tout. Ceux qui osaient croiser son regard baissaient immédiatement les yeux vers le sol, comme si cette action allait les préserver de la colère de ce géant. L'Argenté détestait intervenir de la sorte. Mais lorsque l'on est Capitaine, on doit se plier à quelques obligations de ce type. Surtout lorsque l'on dirigeait une division comme celle-ci.

- Non mais vous avez vu la gueule du terrain, bande de larves ? Sans déconner, j'sais pas ce qui m'empêche de vous démonter la tronche, tous autant que vous êtes. Vous allez vite fait retourner à votre entraînement et sans faire de vague. Si j'en choppe encore un aujourd'hui à faire le con, il prendra pour les autres. J'espère que j'ai été clair ? Dégagez !

La plupart ne demandèrent pas leur reste, quittant immédiatement la zone de combat. Dépité, le regard du colosse constatait les dégâts, imaginant également la tronche que tirerait Noboru lorsqu'il l'apprendrait. Celui en charge de corriger ce genre de merde, c'était évidemment son Lieutenant. Et Kiryû était prêt à parier que le spectacle ne lui plairait pas. Mastiquant nerveusement ce petit bout de bois, il se tourna et son regard tomba sur un dernier Shinigami encore présent. Haussant un sourcil, il s'apprêtait à lui dire de bouger lorsqu'il comprit que ce visage lui était inconnu. S'il n'était pas un spécialiste des noms, le colosse savait toutefois qui appartenait à sa division. Les nouveaux arrivants ne faisaient pas exception. La femme face à lui correspondait à ce qu'on lui avait décrit. Et puisque Shinjirô n'était jamais en proie au doute, il ne pouvait imaginer un seul instant se planter. Sans un sourire, il fit un signe du bras alors qu'il se tournait complétement vers elle, l'invitant à avancer de quelques pas.

- Si j'me plante pas, t'es Lexie hein ? Pas plus mal, j'vais pas être obligé de te convoquer dans mon bureau. J'déteste ça, on va la faire à l'ancienne.

Il était inconcevable à ses yeux qu'un Shinigami intègre sa division sans qu'il le rencontre. En sa qualité de meneur d'hommes, il trouvait seulement indispensable de connaître ceux placés sous sa responsabilité. C'est ainsi qu'on évitait les morts inutiles. Et c'est aussi ainsi qu'il dirigeait véritablement cette belle bande de brutes. Des animaux pour la plupart. Mais des animaux dotés d'un sens du sacrifice bien supérieur à celui de n'importe quelle autre division. Shinjirô éprouvait une fierté sans pareille pour ceux qu'il commandait. Et si cette Lexie se montrait à la hauteur, alors elle ne regretterait jamais d'avoir intégrée ce groupe. Parole d'homme !

Spoiler:

Son visage n'exprimait pas grand chose. Pas de quoi m'aider à savoir s'il allait être un ennemi ou un allier. Il me fit signe de m'approcher et j'ai suivi l'ordre sans broncher, avec prudence cependant, comme mon passé me l'avait souvent appris. La méfiance n'était jamais de trop dans ces circonstances et elle dégoulinait fièrement de mon instinct le plus primaire. Mes pas rétrécirent rapidement la distance entre nous, alors que ça voix m'interpellait.

▬ Si j'me plante pas, t'es Lexie hein ? Pas plus mal, j'vais pas être obligé de te convoquer dans mon bureau. J'déteste ça, on va la faire à l'ancienne.
Convocation ? Il était donc du genre à vouloir au moins rencontrer ses subordonnés. Pas mal. Mais ça n'était pas ça qui allait me convaincre de sa bonne foi. Certes, il était maitre dans l'art de calmer tout le monde en une seconde, mais ça ne faisait pas pour autant de lui un capitaine sur qui compter. Un capitaine fiable. Un capitaine que je voudrais suivre n'importe où.

Pleinement concentrée, mes yeux regardaient attentivement chaque détail afin d'être capable de l'analyser comme il faut. Sa taille, immense. Sa musculature, imposante. Ses cheveux, blancs. Il avait le charisme de certains gars que j'avais pu croiser dans la rue. Le genre de mec qui aurait facilement pu mener une bande de renégats ou de criminels au Rukongai. Un leader dans tous les cas. C'était écrit sur son corps, comme dans sa gestuelle, jusqu'à l'empreinte de son reiatsu. Il n'imposait pas le respect par son sang, comme les nobles et leur arrogance, mais par son évidente expérience et par sa force. Le tout était de savoir quelles expériences il s'était vu imposer et surtout... ce qu'il en avait finalement tiré.

Mes yeux se posèrent rapidement sur son Zampaktuo qui n'avait pas la forme standard commune à la plupart d'entre nous. Constamment en shikai ? L'arme était immense. Et brutale. Effrayante dans tous les cas. Je n'avais vraiment plus aucun doute concernant les capacités - au moins de combattant - de cet homme. Il était dangereux et cette constatation se propagea rapidement dans mon esprit, jusqu'à ce que chaque parcelle de mon corps se le rappelle elle aussi.

L'observer comme il faut était véritablement important. Car les premières impressions sont elles aussi très importantes. Cette discussion pourrait très bien influencer sur nos existences à tous les deux. Le tout au final était de savoir une simple chose, pourtant ô combien cruciale : puis-je compter sur lui ? puis-je compter sur elle ? La confiance et la loyauté. Voilà qui faisait tout. J'avais clairement vu l'attachement de mes équipiers pour leur capitaine comme pour leur division, mais je ne pouvais pas me contenter de ça pour me donner moi aussi. Je devais voir, entendre, sentir. Je devais savoir si moi, je pouvais réellement lui faire confiance. Je voulais tout simplement savoir s'il en valait la peine.

▬ Je suis Lexie, affirmai-je finalement. Dites-moi... Cette convocation que vous aviez envisagé... C'était pour rencontrer mes poings ? Ou bien mon âme ?
Ma main a instinctivement glissé vers la garde de mon Zampaktuo. Je ne savais pas trop ce qu'il voulait entendre par "à l'ancienne", ni ce qu'il attendait de cette rencontre. Voulait-il tester mes capacités en combat ? Ou sonder mon tempérament ? Surement les deux au fond. Mais j'avais du mal à imaginer qu'on puisse savoir si une personne est digne de confiance, sans la mettre dans une situation qui en requiert. Au cas où, ma main resta proche de mon arme. Si il voulait engager un combat, je ne serais peut-être pas en mesure de tenir longtemps, mais je me défendrais avec plaisir.

Shinjirô percevait le regard appuyé de la jeune femme, comme si cette dernière étudiait le Capitaine pour savoir de quoi il retournait. Il ne put réprimer un sourire… Il est vrai qu’elle avait été jeté dans la gueule du loup sans autre forme de procès et que de ce point de vue, elle ne devait pas être très à l’aise. Alors qu’il la laissait faire sa petite recherche mentale, il attrapa un nouveau cure-dent qu’il se mit à mastiquer avec plus d’entrain que le précédent. Car si Lexie l’étudiait, il faisait exactement la même chose. Savoir à qui il avait à faire était une priorité pour celui qui dirigeait l’un des groupes les plus surprenants du Seireitei. Il était de son devoir de s’assurer que ces hommes et ces femmes disposaient du minimum pour survivre sous son commandement. Savoir se battre n’était évidemment pas suffisant, trop réducteur à son goût. La volonté de s’en sortir, la fraternité qui unissait ces Shinigamis, voilà ce en quoi Shinjirô croyait. Malheureusement, ceux incapables de s’adapter étaient purement et simplement évincés du groupe des combattants. Là-dessus, Shinjirô et Noboru ne plaisantaient jamais.

Il perçut enfin une réaction… La jeune femme s’était évidemment rapprochée et lui confirmait son identité. Haussant les épaules – en soit, ce n’était pas une grande nouvelle – il comprit à la question de Lexie qu’elle était dans le doute. Tout du moins dans l’indécision. Et ce serait à lui de balayer ces choses d’un revers de la main. Il est coutume de dire que, lorsqu’on intègre la Onzième Division, on fait table rase du passé. On ne jugeait pas les actes passés pour ne se concentrer que sur le présent. Le reste ne devait pas avoir d’importance.

- Les deux, ma grande. Les deux. Mais chaque chose en son temps. J’suis peut-être pas le plus patient pour te tester de suite, tu vois. J’laisserai ça à ton Lieutenant, Noboru. C’est à lui que revient cette charge. Mais si tu te montres à la hauteur, alors oui… Tu participeras à mes entraînements. Et j’pense que tu regretteras le bon vieux temps. J’suis du genre à vous pousser à bout. Mais tu verras par toi-même.

Selon son expérience personnelle, on en pouvait voir la valeur d’un Shinigami que face à l’adversité. Et puisque les temps étaient durs en ce moment, le colosse savait que le baptême du feu se ferait rapidement. Les entraînements étaient une bonne chose pour rester affutés mais ne remplaceraient jamais la réalité d’une guerre. Et si l’Argenté se montrait dur, c’était pour leur laisser plus de chance de revenir jusqu’à lui. Désignant l’autre côté du terrain, là où une partie des Shinigamis s’était repliée suite à la petite engueulade, il reprit :

- Faut qu’tu comprennes un truc. Cette division, c’est en quelque sorte ma famille. Et la tienne. On n'en a rien à foutre du passé, par ici. T’as tué, volé, détruit ? Je m'en balance tant que tu restes intègre à partir de maintenant. T’as sans doute déjà remarqué l’ambiance du coin, nan ? On se serre les coudes. Même si y’a des débordements de temps à autre. J’laisse faire tant qu’c’est pas trop vilain. J’demande une chose ! Qu’on se foute pas de ma gueule. J’veux pas de lèches-cul, tu vois. Si t’as un truc à me dire, tu l’fais. Et si tu déshonnores notre famille, j'te tombe dessus. C'est une sorte de loi tacite.

Shinjirô venait de faire plusieurs pas, pensif. L’ordre était naturel au sein de sa division car il laissait des libertés à ceux qui s’en montraient dignes. Et ces Shinigamis le lui rendaient bien. Il avait perçu le petit mouvement de Lexie vers son propre sabre mais n’avait rien dit. Ce genre de détail ne passait pas inaperçu et il devait admettre avoir apprécié l’audace de la petite.

- Tant que je t’aurai pas vu en situation de combat, tu seras à l’essai. C’est ma règle. Si Noboru ou moi estimons que t’es pas à la hauteur, on t’enverra crécher dans une autre division. Vu ? Si t’as des questions, balance-les.

Je me foutais royalement de leurs tests, de ce que je devrais subir pour faire mes preuves et du temps que ça prendrait. J'étais mise en garde, avertie, pratiquement menacée mais assurément prévenue. Le message était clair et ne laissait aucune alternative. Fais tes preuves Lexie et ne pense même pas à nous trahir. Voilà ce dont on me parlait. De loyauté avant tout. De loyauté encore. Mon capitaine avait parlé de famille et je n'y voyais aucune chaîne, aucune contrainte, j'y voyais plus qu'une symbolique, presque un idéal. Il croyait en ses mots et aux valeurs que la Onze prônait, il en était véritablement convaincu. Un obstiné sûr de lui, n'ayant peur de rien et surtout pas de l'avenir, clairement. Il était impressionnant et son assurance réveillait des émotions en moi. J'étais d'accord avec sa conception des choses mais en même temps... incapable de la comprendre et de l'accepter. A quelque part, j'étais même révoltée par sa facilité à pouvoir faire table-rase du passé. Mon passé à moi m'enchainait et m'étouffait jusqu'à me sentir violée dans mes propres tourments. L'oublier ? Aller de l'avant ? Jolies paroles, j'en étais tout bonnement incapable. Pire, je rejetais tout ce qui m’amènerait à oublier celle que je suis, que j'ai été, que je continuerais d'être malgré moi - travers compris. Mais lui acceptait de m'accorder une chance malgré tout ? Il ne prêterait pas attention à mon passé ? Bon sang, c'était tellement au dessus de tout ce dont j'étais capable. J'étais révoltée oui. Révoltée de voir la différence entre nous. Révoltée qu'il essaye vraiment de donner sa chance à tout le monde. Cet abrutit ! N'avait-il rien appris du Rukongai ?

▬ J'ai tué, volé, détruit. Et ça me dépasse que vous ne vous en inquiétez pas. Vous devriez me demander tout ce que j'ai fait, tout ce que je peux encore faire ! Demandez-moi, je vous assure que ça vous aidera rapidement à vous décider, ou au moins à y voir plus clair. Car bon sang, est-ce que vous pensez réellement qu'on peut changer ainsi ? Du jour au lendemain ? J'ai aussi beaucoup trahi vous savez ?
C'était un véritable aveu. Comme une mise en garde, une manière de dire "fais attention, la loyauté ne brûle pas dans mes veines". Mes accents s'élevaient à mesure que je parlais. Et plus j'en disais, plus j'avais envie d'en dire, de protester, de défier son autorité et ses opinions. C'est juste que j'étais folle. Et qu'ils pourraient me prendre avec eux et s'en mordre les doigts, parce que je doutais qu'ils puissent m'accepter vraiment un jour - entièrement et dérapages compris.

▬ Bordel, vous croyez que j'ai été quelqu'un d'honnête jusqu'à maintenant ? Et que je peux le devenir ? Je vais me casser la gueule en cours de route, car c'est ce que j'ai toujours fait.
Je me mettais à nue, car il fallait qu'au moins une personne soit consciente de mon état réel, de mon désordre mental et de ma tendance à péter les plombs. J'étais une gamine ayant besoin d'attention. Une enfant d'apparence sage, profondément dévoyée. Quelqu'un qui aimait ses démons et détestait l'ennui. Quelqu'un qui rêvait de trouver une famille, une maison, mais qui était terrorisé à l'idée de mal les soutenir. J'étais hystérique, malhonnête et manipulatrice. Étais-je seulement capable d'être loyale ? Aussi fort que je le désirais ?

▬ Même si je vous crie de tout mon coeur de belles promesses de fidélité, même si j'y crois au plus profond de moi, vous ne devriez pas écouter. Je mens bien vous savez ?
Reprenant ma respiration pour essayer de me calmer, j'ai reculé d'un pas tout en continuant de fixer son regard. Lentement, j'ai repris.

▬ Bien sûr que je fais des conneries comme tous les autres, mais certaines sont plus graves vous ne croyez pas ? Et si je ne me maitrise pas ? J'ai le goût du sang dans le coeur et la violence qui me démange. J'en assumerai les conséquences, mais peut-être que vous le devrez aussi.
En réalité, je cherchais bêtement son soutien. Comme une manière de dire "je ferais des efforts, mais ne m'abandonne pas aux premiers problèmes car il y'en aura." J'étais déjà prête à me battre. Contre les autres. Contre moi-même. J'aimais déjà cette division. J'étais certaine de ne vouloir appartenir à aucune autre. Si ça n'était pas ici, ça ne serait nulle part. Pas pour moi. Ils étaient ma dernière chance. Les seuls pour qui mes... talents pourraient être utiles. J'étais prête à servir, mais pourtant incapable de promesse.

▬ Je passerai tous les tests que vous voulez, avec qui vous voulez. Mais si j'y arrive... ne me lâchez pas.
J'avertissais à mon tour, mais en même temps, c'était comme demander de l'aide. Et c'était un grand pas, un immense pas pour moi de m'ouvrir ainsi. J'étais enfin décidée à sauter dans le grand bain. Quitte à m'y noyer et à entrainer quiconque me soutiendrait avec moi. J'étais prête à tout et même prête à faire confiance, mais je ne tolérerais pas d'être rejetée après. Même en l'ayant mérité.

▬ Vous avez dû être monstrueux dans une autre vie vous aussi non ?
Rassurez-moi. Car moi oui, je l'ai été. Et qu'au fond, je ne veux pas tout changer.

- Je t'ai demandé de changer ?

Un sourire carnassier venait d'apparaître sur le visage du colosse. Son aura gagnait instantanément en intensité, générant autour du corps du géant une aura particulière, couleur argent, typique de la puissance du guerrier lorsqu'il se trouvait en combat. La pression devint rapidement terrible, suffocante, alors qu'il se dressait face à la frêle jeune femme tel le géant face à une simple fourmi. Que pouvait-elle espérer d'un affrontement face au plus puissant Shinigami de la Soul Society ? Elle se fourvoyait gravement, elle ne semblait pas comprendre l'essence même qui unissait les Shinigamis de la Onzième division. Ou alors elle le comprenait mieux que les autres et cela l'effrayait. Un appel à l'aide, une sorte de demande particulière.

Le calme revint peu à peu, l'hystérie de cette femme se calmant, lui laissant l'opportunité de poser une dernière question. Qui dévoilait les peurs profondes de la jeune femme. Un instant, il ne put s'empêcher de se remémorer son propre passé, alors qu'il n'avait été qu'un simple siège de la Onzième. Il ne put s'empêcher de se rappeler comme il avait détesté ces hommes, ces femmes, incapables de comprendre selon lui les aspirations d'un homme issu du Rukongai. D'un homme né dans la violence et qui n'existait qu'au travers d'elle. D'un homme qui s'était sali les mains à tellement de reprises qu'il ne se souvenait pas d'un seul moment de calme dans sa vie. Son aura baissa d'intensité lorsqu'il baissa le regard vers elle. Elle avait peur. Elle était sur la défensive. Comme lui l'avait été. Mais contrairement à Lexie, il n'avait eu personne à l'époque pour contenir sa rage. Elle, elle pourrait compter sur le soutien de ceux qui avaient déjà été dans son cas.

- Le goût du sang et la violence qui te démange ? T'as donc vraiment aucune idée de qui je suis...

Sans quoi, aurait-elle osé insinuer qu'il ne comprenait pas dans quelle galère elle était ? Aurait-elle insinué qu'elle puisse être un danger pour cette division ? Shinjirô était pire que les autres... Sa vie durant, il avait traversé le Rukongai pour se sortir de cette pauvreté. Combats après combats, morts après morts, il s'était fait une réputation au travers des districts. Tant et si bien que le Seireitei avait décidé d'agir. Le choix, il ne l'avait pas eu. Soit il devenait Shinigami et se rangeait au côté du Gotei. Soit il était emprisonné. Noboru était aussi dans le même moule. Et beaucoup d'autres partageaient un passé chaotique au sein de la division du combat. Qui parlait d'oublier son passé ?

- Tu crois être la seule parmi mes gars à avoir les mains sales ? Qui t'a demandé d'être fidèle ou de promettre quoi que ce soit ? J'te demande qu'une chose : suivre mes ordres. Sans discuter. Tu feras ce que je te dis, quand je te le dis. Le Seireitei, j'm'en balance. Y'a qu'une chose qui doit compter pour toi maintenant... C'est la Onzième. Rien d'autre. J'te l'ai dit, ici ce n'est pas comme ailleurs. Et si tu as la folie de penser que tu peux me trahir, alors c'est que tu n'as aucune jugeote. Celui qui me tourne le dos, je le tue !

Son regard glacial ne laissait aucun doute quant à ce qu'il disait : il en pensait chaque mot. Et était réellement capable du pire s'il estimait que la situation l'exigeait.

- Tu vas vite apprendre une chose, crois-moi. J'laisse pas tomber mes gars. Jamais ! Si tu réussi, alors pour la première fois de ta vie tu comprendras ce que c'est que d'être épaulé.

Avait-elle réellement été un démon pour se juger si indigne ? Possible... Mais avoir fait couler le sang ne justifiait pas de ne plus jamais avoir d'opportunité de servir les forces du Gotei. La Onzième avait sale réputation, passant pour être une équipe de bras cassés, de fous et d'assassins. Ceux qui les jugeaient si sévèrement étaient encore très loin de la réalité. Mais à côté de ça, il n'existait pas une unité aussi compétente que la leur lorsqu'il s'agissait d'aller fracasser les ennemis de la Soul Society. Etait-ce pour cela que Shunsui laissait Shinjirô à peu près tranquille ? Peut-être.

- T'as pas idée de ce que j'ai fait dans ma vie. Moi plus que les autres, je suis en mesure de comprendre ta peur... Et tu veux que j'te dise ? Je ne regrette rien. Je suis comme je suis et ça ne changera pas. Ils ont besoin d'une unité comme la nôtre. D'un groupe qui ne reculera devant rien. Ils sont trop frileux. Mais nous, non. Si tu as des compétences particulières, alors elles seront utilisées. Maintenant, sois franche... Te sens-tu capable de suivre mes ordres et de tout donner pour la Onzième ? Ou crois-tu être tellement unique que personne ne saura comprendre ce que tu as fait par le passé ! Si c'est si terrible, alors raconte voir.

Lui, le Kenpachi, celui qui était revenu d'une région encore au-delà du Rukongai et qui avait gagné le droit de porter ce Haori en décapitant Madarame... Il savait ce que c'était que d'être considéré comme un démon. Il savait ce que c'était que de perdre toute trace d'humanité pour ne laisser place qu'à une brute sanguinaire, capable de réduire à néant sans la moindre hésitation toute personne susceptible de se croire supérieur à lui. Qu'avait-elle fait qui soit de cet acabit ?

L'atmosphère était pesante, opaque et terriblement intense. Le Kenpachi exultait et j'étais persuadée que n'importe qui aurait pu sentir cette déflagration malfaisante dans le périmètre. C'était noir, menaçant et étouffant. Ma respiration se coupa, mon corps se paralysa. Je suffoquais, mon âme s'écartelait tout en sentant son regard qui me jugeait et qui trouvait. Car oui il voyait, il lisait clairement en moi et c'était une sensation extrêmement dérangeante. J'aurais dû être terrifiée et je l'étais, j'étais obnubilée par tant de puissance et par sa capacité à laisser échapper son âme, son instinct. Si noir. Si encrassé. Il était là son monstre. Il était toujours présent. Et à quelque part dans cette vague de malaise, j'étais profondément rassurée. Il n'était pas différent. Il était peut-être même pire.

L'aura agressive se calma lentement, tout en laissant malgré tout une atmosphère de plomb derrière elle. Les mots sortirent, menaçants de par leur incroyable honnêteté. Il était indiscutable mais j'avais du mal à le croire. Du mal à avaler. Pourtant je pouvais la sentir. Sa violence n'était pas bridée, elle était là en permanence comme la mienne me tenait chaud. Sa violence ne le quittait pas. Il n'avait pas changé non. Il l'avait juste domptée.

La trahison revint de nouveau sur le tapis. Et cette fois, il fut implacable. Il ne me laisserait pas le choix de trahir ou non. Si je le faisais, il me tuerait de ses propres mains et à quelque part, cette mort vu ainsi me parut presque attirante. J'étais encore prise au dépourvu. Il se fichait des règles, de l'institution, du Seireitei. C'était la Onzième. Juste la Onzième. Sa femme. Sa compagne. Son héritage. Tout. Il aurait surement été jusqu'à coucher avec elle, si la division était capable de se personnifier en une femme. Il vivait pour sa division et la représentait. Quiconque le trahirait, trahirait le groupe. Et il était clair qu'il n'était pas du genre à pardonner.

Donc à quelque part, si j'acceptais maintenant, je remettais ma vie entre ses mains. Si j'étais prête à tout, je devais être surtout prête à l'hypothèse de mourir aux creux de sa lame aiguisée. Et si j'étais intégrée à la Onzième, j'y étais jusqu'à en crever.

Ma lèvre eut un sursaut fébrile. Ma respiration se calma alors que mon corps se remit peu à peu à ressentir en se détendant. Sa voix continuait de me pousser à bout et les souvenirs remontèrent comme pour lui répondre. Je pouvais sentir mon regard s'assombrir, ma peau frissonner contre le vent. Mes oreilles sifflèrent. Le silence s'installa, gorgé de ressentiment, de puissance et de rage.

La rage. Cette putain de rage. Rage de vivre ? Non. Rage d'enfin mourir. Mais pas si facilement non. Ça serait dans la douleur ou rien. Dans le sang ou rien. Dans l'acharnement et jusqu'à la dernière seconde. Mourir dans un bain écarlate. Mourir dans la défaite la plus grandiose. Et ne surtout jamais s'en relever. Il était là ce désir qui nous taraudait tous... Elle était là, cette envie qui me forçait à faire toutes ces choses. J'étais née pour en faire baver, jusqu'à en baver à mon tour. J'étais née pour affronter et crever sous la colère d'une vengeance amère. J'étais née pour causer du tort, jusqu'à ce quelqu'un soit enfin capable de m'achever.

▬ Terrible ?
Ma voix était calme. Presque un murmure. Mes yeux se sont fermés alors que j'inspirais un grand bol d'air frais tout en redressant la tête en arrière. Lorsqu'ils se rouvrirent, je n'existais plus. Je ne voyais plus. Le présent n'était plus. Il n'y avait que moi. Mes souvenirs. Et celui-là en particulier, celui qui m'avait réveillée de la profonde léthargie de ma conscience, le premier à me façonner, à m'envoyer me perdre dans cette noirceur oppressante sur fond rouge.

▬ J'ai toujours dit que mon quartier n'était pavé que de raclures foncièrement malhonnêtes, grandement maléfiques et indiscutablement atteints. Mais en réalité, il y avait cette femme... J'étais déjà sauvage à cette époque, mais elle, elle était toujours très gentille avec moi tu sais ?
Mes yeux glissèrent vers le sol alors que les souvenirs m'assaillirent. J'étais passé au tutoiement sans même m'en rendre compte.

▬ Elle vivait là depuis tellement de temps... Mais elle demeurait sage et intègre. Elle ne se rabaissait pas à se laisser gorger par la violence comme nous le faisions tous. Elle était franche, honnête, pure.
Ma main a glissé dans mes cheveux alors qu'un sourire tendre passa sur mon visage.

▬ Elle me disait que j'étais une belle jeune femme pleine de vie et que je le lui ressemblais dans sa jeunesse. Elle me disait que j'étais destinée à tout autre chose que de pourrir au district, que je ne pourrais que m'en sortir.
Le silence s'est installé quelques secondes, bien vite perturbé par le rire glacial qui viola mes lèvres.

▬ Elle croyait en moi et pourtant...
Pourtant elle me haïssait comme personne.

▬ Un jour, repris-je pensive, j'ai tabassé un homme à mort pour sauver ma vie. Ce jour-là, un shinigami m'a aperçu. Il a essayé de me mettre en garde, il a voulu m'aider, il pressentait ce que j'allais devenir. Je ne l'ai pas écouté immédiatement et ça a tout déclenché. C'était trop tard, les choses se sont enchainées, j'étais déjà prise dans une boucle aussi vicieuse que sanguinaire...
Mes yeux se sont de nouveau fermés, ma respiration s'arrêta et mes sourcils se froncèrent alors qu'une vague d'images illustrées d'un somptueux mélange d'atrocités me traversa jusqu'à m'en faire trembler. La suite ne réussit à sortir que dans un souffle désespéré.

▬ Je suis sale... Si tu savais comme je suis sale...
Mon regard s'est relevé pour se perdre de nouveau complètement dans le vide.

▬ J'ai pris un couteau et j'ai tracé une ligne sur le visage de cette femme. Du haut de son front, jusqu'à sa gorge.
Mes doigts mimèrent le geste dans le vide, d'un mouvement souple, leste et parfaitement maitrisé. Tout à fait comme à l'époque.

▬ Elle a hurlé mais ça ne m'a pas suffit.
Ça n'était rien en comparaison de mes hurlements à moi.

▬ Elle me disait que j'étais belle, alors que je me sentais laide.
Mensonge. Mensonge. Mensonge.

▬ Je l'ai empalé avec un pied de chaise en bois.
Le vent caressa mon visage alors que je revoyais la scène dans mon esprit. Je voyais le sang dégouliner de son visage et tomber à grosses gouttes sur le plancher, je la sentais gigoter entre mes jambes, crier au secours, je me voyais tirer la chaise à côté et l'éclater au sol. Ma main a prit un fragment, l'a enfoncé profondément dans son abdomen, puis à pousser encore un peu plus loin. J'ai sentis les battements de son coeur entre mes doigts contre ses viscères et je n'ai pas fermé les yeux une seconde. Je l'ai regardé crever comme une merde sur le sol du salon. Et j'ai ressenti un profondément sentiment de rage, baigner en plein milieu de ma détresse.

▬ Je voyais en elle une mère, une soeur, une amie... soufflai-je. Mais bon sang, cette garce l'avait tellement mérité.
Mon regard s'arrêta enfin vers mon interlocuteur.

▬ C'est juste que si je t'aime, alors tu ne me mens pas.
Et dieu sait à quel point elle m'a menti...

Attentif comme jamais, Shinjirô laissait cette femme s'expliquer sur son passé. Sur ce qu'elle avait pu faire pour se détester comme elle le faisait. Son visage restait impassible, assimilant les informations qu'il jugeait importantes. Des passés chargés, ils en avaient quasiment tous. Mais le colosse devait admettre que cela n'avait certainement pas été facile pour Lexie. La conclusion arriva enfin. Et avec elle, un silence étrange l'accompagna. Si je t'aime, tu ne me mens pas. Une synthèse peu courante. Mais qui semblait convenir à l'état d'esprit du nouveau siège de sa division. Perturbée, elle l'était sans le moindre doute. Mais maintenant qu'il connaissait une partie de l'histoire, Shinjirô en était désormais persuadé : elle avait sa place parmi son équipe.

Le visage de cette femme affichait une expression particulière. Une certaine folie en réalité. Regrettait-elle cet acte aujourd'hui ? Il n'en était pas sûr. Cette ferveur dans son récit, cette description si détaillée : elle en avait bavé mais elle avait visiblement mit un point d'honneur à rayer de sa vie ceux qui n'y avaient plus leur place. Vengeance. Justice. Qu'importe le mot derrière lequel on se réfugiait pour se justifier... Les faits ne changeaient pas. Et aux yeux de beaucoup, elle ne serait qu'un assassin parmi d'autres. Sans excuse. Mais ici... Oui ici, elle avait sa place. Plus que jamais.

Cherchait-elle un but à donner à sa vie ? Si tel était le cas, il allait pouvoir exaucer ses vœux. Car à partir de maintenant et à jamais, elle lui appartenait. Corps et âme. Sans restriction. Le Rukongai créait des monstres. Et le seul endroit où ces monstres pouvaient s'épanouir, c'était au sein de la Onzième. Elle devait le comprendre. Sans quoi, malgré toute la haine qui l'habitait, elle se ferait consumer par ceux qui composaient déjà cette élite si décriées. Elle était une démone. Mais elle allait pouvoir laisser libre court à sa folie pour la première fois de son existence. Et la seule personne qui aurait droit de vie ou de mort sur sa personne, ce serait lui, Kenpachi du Seireitei. Elle était en quelque sorte un diamant brut. Et Kaimetsu en ferait un joyau.

- Je ne peux te promettre qu'une chose, Lexie Degan. Tu souffriras avec nous. Et tu mourras.

Ce n'était en rien une menace mais un fait. Un fait qu'il était bon qu'elle intègre. Elle mourrait, c'était obligatoire. Et sans doute dans la douleur. Est-ce que cela l'aiderait à se pardonner du mal qu'elle avait accompli ? Cela restait de son ressort et il s'en moquait. Elle serait une arme. Une arme au service d'une division entièrement tournée vers le combat et la mort. Une arme qui dispenserait la justice du Seireitei sur ordre. Jusqu'au jour où elle tomberait sur plus fort qu'elle. Nul espoir d'une vie longue lorsque l'on intégrait l'armée la plus terrible que portait le Gotei 13. Mais la garantie de vivre ces heures comme nul autre.

- Ici, tu trouveras des hommes et des femmes qui sauront te comprendre mieux que nul autre. Et qui sauront t'accompagner dans cette mort que tu sembles rechercher. Mais attention... Si nous t'aimons, tu ne nous mens pas !

Il venait de reprendre la formule consacrée de cette femme. Une formule qui symbolisait ce qu'il proposait à Lexie. Une sorte de main tendue pour avancer. Elle n'avait plus le choix. Car en ce jour, elle allait pactiser avec un démon plus féroce qu'elle n'en connaitrait jamais. Le regard froid, perçant, il attendit une réaction. Elle pouvait encore se rétracter. Mais alors, sans doute ne trouverait-elle jamais ce qu'elle recherchait. Qu'importe que cela soit la rédemption, la mort ou le pardon. La Onzième serait son exutoire.

Étonnement, les noirs et sombres promesses que mon capitaine proliféraient à mon encontre étaient incroyablement séduisantes. Pire encore, elles illuminaient d'évidence une sculpturale route qui se dévoilait lentement sous mes yeux, rien que pour moi, la fille et sa démence insoupçonnée. J'y voyais un destin encore plus tragique que je n'aurais pu l’espérer, ou même l'envisager. Ça n'était pas effrayant non, c'était excitant. C'était accepter d'avancer, peu importe comment ça finirait. Le Kenpachi s'est ouvert, a grandi, s'est épanoui pour devenir immense, fascinant et menaçant à la fois. J'étais stupéfaite. Ça serait peut-être ça, ma raison de vivre, de mourir, de souffrir aussi. C'était peut-être ça que j'attendais. Je n'avais pas la moindre envie de me détourner, de fuir et de partir en courant loin du prémisse de ces horreurs annoncées. L'évidence de la chute était réelle, mais sa crainte complètement absurde. Les choses commençaient enfin à avoir du sens dans mon esprit pourtant meurtrit. Un frisson agréable me parcouru.

Le Kenpachi m'avait compris. Il ne m'avait pas jugé pour mes actes, il n'avait pas cherché à savoir si c'était bien ou mal, si j'avais eu raison ou tort. Il se moquait du pourquoi et du comment, il en prenait la responsabilité complète - et tous les sombres destins qui s'y accompagneraient assurément. Ses épaules étaient larges, mais semblaient contenir bien plus que de la puissance et de la force. Combien de Shinigamis portait-il à bout de bras de cette manière ? Combien en formait-il ? En éduquait-il ? J'avais l'impression d'avoir déjà reçue ma première leçon et peut-être la plus importante de toute.

Si nous t'aimons, tu ne nous mens pas...

C'était mes mots. Qui sortaient cependant de sa bouche. Le sens dissimulé derrière cette phrase fut surprenant lorsqu'il s'immisça dans mes propres oreilles. C'était ma conception des choses, mais prononcé par cet homme, je comprenais doucement qu'elle n'était au final clairement pas distincte de celle de cette division et de son capitaine. Son discours sur la trahison me revint soudainement à l'esprit et me laissa un instant pantoise. La claque était en réalité vertigineuse, à mesure que je comprenais ce que représentait cette institution et ce que je pourrais enfin y trouver. Confiance. C'était donnant-donnant, un pacte tacite en pleine engagement. Tout un destin de misère à accepter, à prendre en compte et à dévorer tout entier, à apprécier même ! Il me laissait le choix, mais si j'acceptais maintenant, je n'aurais plus jamais l'occasion de faire machine arrière. J'appartenais à la Onzième et à ses hommes. J'appartenais au Kenpachi, quitte à devenir une arme servant uniquement ses intérêts, les intérêts de la Onze avant tout. Avant notre bien-être. Avant notre vie. Surtout avant notre vie.

Y'avait-il vraiment besoin d'y réfléchir cependant ? Existait-il seulement d'autres véritables possibilités ? Une seule me paraissait acceptable. Une seule me faisait réagir, à en brûler tous mes doutes et toutes mes craintes sur son passage. J'allais me jeter à corps perdu, âme et conscience comprises, le tout dans le néant de cette incertitude et de ce goût du risque, du danger et de la perdition. J'allais accepter et me battre pour ces idéaux.

▬ Je ne vous mentirai pas, répondis-je après quelques secondes... Pas à vous.
L'accord était désormais clairement accepté. Je serais honnête avec lui, il le serait avec moi. Quant au destin qu'impliquait ce genre d'accord, je le prenais tout entier, aussi obscur et déséquilibré soit-il. Avec délectation.

▬ Vous pouvez considérer que j'adopte la Onzième Division entièrement, conclus-je. Je me battrai pour elle. Je la défendrai. Jusqu'à en être digne.
Et j'en ferai alors ma seule et unique fierté.

Cette discussion avait au moins eu le mérité d’éclaircir les choses, de ne laisser aucune ombre s’ajouter au tableau. Shinjirô avait exprimé ce qu’il attendait d’un véritable fantassin de la Onzième Division, les aspirations qui étaient les siennes lorsqu’il accueillait un nouveau membre. En quelque sorte, cette discussion constituait un rite. Une sorte de droit de passage particulier et qui n’existait nulle part ailleurs. En signant ce pacte tacite, on vendait son âme à l’Argenté. Et il n’attendait rien d’autre que ça, la seule condition pour appartenir à son élite.

La détermination de Lexie semblait sans faille, comme si elle avait trouvé des réponses dans ce qui venait de se dire. Etait-elle rassurée ? Shinjirô l’espérait tout en sachant que les actes pèseraient plus lourd que les mots. Il attendait beaucoup de cette jeune femme et entendait à ce qu’elle respecte les coutumes guerrières de sa division. Comme partout, il y avait bien des brebis galeuses au sein de son unité mais Shinjirô ne s’en inquiétait pas outre mesure : sa seule priorité était de faire de ces Shinigamus de vrais monstres et de s’assurer ainsi qu’ils partiraient confiant à la bataille. Pour au final en revenir entier.

- Je n’attends rien de moins, Lexie. Et je saurai te rappeler ton serment si nécessaire.

Ôtant de sa bouche le cure-dent, il le prit et l’envoya valser derrière lui. Cette petite discussion arrivait à son terme et il savait qu’il n’y avait finalement pas grand-chose à rajouter. Restait évidemment à voir si ce ne serait pas que de la parlotte mais quelque chose dans l’attitude de Lexie lui confirmait qu’elle serait à la hauteur. On ne pouvait prétendre à un siège à ses côtés sans s’en montrer digne. Et il savait que l’heure du test arriverait sans tarder. Pour le moment, il allait la libérer pour qu’elle rejoigne le groupe.

- J’pense qu’on en a terminé pour aujourd’hui. Si t’as besoin, tu sais où me trouver. Et Noboru se chargera de t’expliquer deux ou trois p’tites choses importantes. Ah ! Tant que j’y pense… Je me chargerai en personne de t’évaluer au combat. On s’cale ça sous peu. J’veux voir de mes yeux tes capacités. Allez… A plus !

Il se détournait déjà de la jeune femme pour quitter la place. Il était inutile de perdre son temps et ils s’étaient dit tout ce qu’ils avaient à se dire. Désormais, il faudrait compter sur une nouvelle venue au sein de la division du Combat et Shinjirô sentait qu’elle y ferait sa place.

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