"Putain, ça y est v'la que j'me mets à parler comme ce Tibors en carton, faut vraiment que j'arrête d'aller dans ce palais moi."

- Oooooyyyy !!!

« Tu vas marcher putain de merde ! »

Fchhhhh. Onomatopée particulièrement abstraite qui illustre maladroitement le bruit répété de la pierre du - briquet - contre le réservoir d'essence ce, pour tenter désespérément d'obtenir une flamme. Action habituellement insignifiante qui se retrouvait aujourd'hui être des plus complexe, le contenant étant à la plus grande déception de son propriétaire, vide.

Ce dilemme particulièrement éprouvant l'empêchait d'allumer sa cigarette. Sa traditionnelle impatience fit qu'il ne mit que quelques minutes à s'irriter et transformer ledit objet en poussière. Songeur, Nephilim se questionnait sur le moyen de se procurer un tel artifice, sachant que les buralistes ne sont guère foules dans le monde creux. Tourmenté, en carence de nicotine, l'Arrankar décida d'improviser. Il tendit la paume de sa main, contre l'extrémité de sa cigarette, d'où s'extirpa un cero. Une idée prometteuse mais, la puissance de ce flux d'énergie la réduisit cigarette à son filtre. L'âme poussa des jurons d'agacement, donna plusieurs coups de poing dans la dune - qui le jouxtait - jusqu'à la désintégrer puis, réitéra sa tentative. Caeli fit une prière, ajusta sa cible, brida la puissance de son rayon, ferma les yeux et ... en ouvrant seulement un oeil, découvrit l'extrémité incandescente de cette putain de clope.

Impassible, inaltérable, un sentiment jouissif s'empara pourtant de lui. Le bonheur de sentir les effluves grisâtres de la cibiche envahir ses poumons étaient un plaisir que seul un fumeur régulier pouvait comprendre. Trouvant siège sur la carcasse encore chaude d'un de ses congénères, il scrutait la fumée s'estomper dans ce ciel d'encre. Cette voute céleste avait banni l'astre diurne du Hueco Mondo, contraignant ses occupants à ne plus jamais revoir la lumière. La vacuité de l'éther rendait le panorama fade, sans goût. Il s'accordait - malheureusement - assurément avec cette hamada sablonneuse s'étendant sur le monde des Hollows. Le Yermo. Ni les zéphyrs, ni les chants des oiseaux, ni l'odeur de l'herbe coupée venaient entraver ce calme morbide ; qui exacerbait tant l'ange déchu. L'air vicié et l'aura luciférienne qui régnait en ces contrées le mettaient peu à son aise. Voir en second plan se la demeure de ces branquignoles lui donnait un peu plus le mal du pays. De là où se trouvait, il aurait pu l'écraser d'un seul pouce, songeait-il d'un rictus.

Si cela était si simple, voilà longtemps qu'il aurait détrôné cette meute de guignols pensait-il, en soupirant. Outre son profond dédain envers ses comparses, pouvoir se mesurer au Roi de l'Espada serait une expérience orgastique. Actuellement astreint par son niveau, l'ancien prêtre continua ses pérégrinations dans l'erg blanc, attendant ce jour avec une impatience dévorante. Les Hollows qui déambulaient l'aidaient à parfaire son talent. En effet, les quelques inconscients s'approchant de lui voyaient, impuissants, leur existence s'écourter. D'un coup parfait, Nephilim annihilait ces viles créatures du démon avant de se délecter de leurs dépouilles dans une marre vermeille. Un passe-temps jubilatoire qui lui faisait oublier son quotidien lassant. Cependant, celui-ci n'omettait jamais l'indispensable prière afin d'accompagner ces âmes désorientées auprès de Dieu. Il ne put néanmoins pas empêcher des braillements insoutenables interrompre la cérémonie. Bousculer cet instant solennel était un blasphème impardonnable, aussi sanctionner ledit coupable était dorénavant une priorité.

« Que me veux-tu ? T'as pas autre chose à foutre ? »

De nature saignante, Nephilim ne dérogeait pas à ses coutumes. Il se retourna ensuite vers le fauteur de troubles, irrité. C'était un Arrankar tout droit sorti d'un long métrage qui agitait son chapeau en aboyant. Peu au courant de l'identité de ses pseudo-frères d'armes, Caeli ne connaissait pas son rang. S'il était membre de l'Espada, il avait également substitué cet accoutrement abject. Bref, si ce tocard ne voulait pas bouffer son chapeau, il valait mieux qu'il détale jusqu'au Far Ouest.

« Que me veux-tu ? T'as pas autre chose à foutre ? »

- Je suis content de te voir aussi l'ami, je suis Jack, Numeròs au service de moi-même. Je ne te veux rien de particulier, j'ai vu que tu t'énervais alors je suis venu te tenir compagnie, j'ai un nouveau briquet à t'offrir si tu veux, si le tien te fait des siennes? J'en ai quelques uns en réserve.

- J'suis sympa j'te laisse même choisir celui que tu veux. Sinon tu fais quoi là? A part t'énerver sur un objet sans défense? Moi j'me fais grave chier donc quand je peux avoir un peu de compagnie, j'apprécie.

Ce bouvier n'avait eu qu'un bref aperçu de l'acrimonie que Nephilim était capable de déverser autour de lui. En effet, les personnes se targuant d'avoir eu une discussion avec lui sans joutes verbales ne profilaient point dans l'Hueco Mundo. D'ailleurs, de ses plus proches souvenirs, l'Arrankar ne semblait pas que cela lui fusse déjà arrivé. De nature solitaire, la seule compagnie qui trouvait grâce à son égard était la sienne. Pourquoi chercher meilleur interlocuteur que soi-même ? Non pas un sentiment de vile fatuité, mais, converser avec ses songes lui seyait amplement. C'était d'ailleurs l'unique raison pour laquelle il préférait user de son temps libre à vagabonder dans ces terres désolées, plutôt que de siéger dans cette insignifiante assemblée gouvernant Las Noches. Palabrer inutilement n'était guère une activité passionnante. Encore moins de recevoir les injonctions de quelques arriérés. Etait-ce mal perçu de la part de ses pairs ? Cette interrogation était tellement absurde qu'il en eu un rictus exacerbé, aux nuances railleuses. Sa seule inquiétude était qu'ils périssent d'une autre main que la sienne.

Ainsi ce quidam avait-il eu la négligence de se présenter. Etait-ce là une trop grosse estime de soit ou tout simplement de l'insouciance ? Il avait le claquoir bien ouvert songeait-il. Approchant plus d'un protagoniste de Western que d'un Numéros, Caeli se demanda donc si l'Espada n'était pas tombé plus bas qu'il ne le pensait. Grimmjow faisait désormais plus dans l'accueil de sans abris que dans la formation d'une unité d'élite. Les éliminer serait finalement moins caduque qu'il l'avait initialement prévu. Recruter ce genre d'imbécile n'allait pas redorer le blason de nos troupes, pensait l'ancien prêtre, furieux. Naguère Nephilim aurait répondu de son éternel candeur, mais cette époque est désormais révolue. D'un ton martial - explicitant parfaitement l'humeur dévastatrice de l'interlocuteur, l'ancien serviteur d'Aizen tenta de lui faire comprendre que son timbre ironique était à modérer avec lui. Condescendre à répondre à une entité de cette caste était déjà une sanction, s'il fallait également refaire son éducation ... L'ex-servant de l'Eglise poussa un soupir. In fine, toute cette réflexion n'aboutirai à rien puisqu'il l'enverrait paitre comme il savait incomparablement le faire. C'était un don octroyé aux fils des siècles, des années à snober son entourage qui avait affiné son style, ses jurons. Son locuteur allait en avoir un autre échantillon.

« Moi j'suis celui qui va te casser les dents si tu tailles pas ta route. »

D'une extrême concision, Nephilim avait donné le ton de la discussion. Il l'avait également conclu. Entraver ses activités n'était pas tolérable, l'importuner avec des formules de présentation encore moins. L'entité destructrice n'appréciait pas ces formalités hypocrites. Moyen de briser de la glace, c'était un procédé de peignes-culs juste bons à torcher les derrières de ses supérieurs. Nonobstant son penchant pour les châtiments, il préférait ne pas se faire remarquer une fois de plus. Un jour normal, Caeli aurait mis une branlé à cet attardé mais, le Roi commençait sérieusement à se lasser de son comportement, l'offenser n'étant actuellement pas la meilleure solution pour accomplir ses desseins sous-jacents. Prendre son mal en patience, exécuter les ordres, tout cela prendra fin, tôt ou tard. Aussi était-ce indubitablement pour cela qu'il daignait courber l'échine devant ces connards. Ne consentant pour autant pas à répondre à sa requête de présentation, il réajusta le col de son manteau pourpre, lui tourna le dos et repris son pèlerinage stérile dans le désert de quartz ; ou tout du moins jusqu'à que ce Numéros ne le trouble une fois de plus.

Tournant légèrement la tête pour distinguer la panoplie de briquets qu'il lui présentait, Nephilim soupira, une fois encore. Son esprit l'imaginait déjà lui décoller la tête des épaules et ricaner - de son sourire prédateur, sur sa dépouille s'enlisant dans le sable immaculé. L'âme austère scruta le dôme astral, priant son miséricordieux de ne pas transformer la fiction en réalité. Concluant sa prière du signe de la trinité, il prit une clope de son blouson, la porta à ses lèvres et dans une assurance déconcertante - pour un être ayant passé une demi-heure précédemment -, l'alluma. Une fois avait suffi à créer une flammèche via son cero, embrasant sa cigarette ; non sans classe d'ailleurs. L'ange déchu tenait à lui montrer le peu d'intérêt qu'il portait à son « aide ». Avant de reprendre son chemin il ne put néanmoins pas s'empêcher de l'envoyer chier une fois de plus. Non loin du paroxysme de son agacement, sa voix allait certainement grimper d'une octave, ou deux.

« Le seul intérêt que j'pourrai porter à tes briquets, ce serait pour te les enfoncer un par un là où j'pense. »

- C'est ça, tire toi sale macaque, tôt ou tard tu crèveras de ma main, que le Rei ou tous ces foutus Espada en soient témoin. Ce jour là prie pour que je sois de bonne humeur et accepte de te donner une mort rapide, mais ne compte pas trop là dessus.