Choc, surprise, faim, curiosité. Les émotions se succédèrent à un rythme effréné dans l'esprit de Teippei, passant rapidement mais laissant une empreinte durable. Le membre de la Kyuubantai, comme chaque mardi, était aller à la quatrième division, passées deux heures à parler de tout et de rien. Son évaluation psychiatrique avait pris une tournure nouvelle depuis que la douzième division l'avait mis sous traitement médicamenteux, enfin. La première fois, le projet avait été mené par un shinigami en devenir qui deviendrait la tête du bureau de recherche de la soul society : Yuurei Ryusei.

Les progrès avaient été étonnants mais la mort du jeune homme avait envoyé projet et bénéfice à la poubelle. Il avait fallu attendre des mois avant que sa remplacent ne rencontre par hasard le schizophrène et parvienne petit à petit, à comprendre qu'un tel projet existait. En attendant, le Midorima était totalement retombé dans ses travers voire même empirés sa situation psychique, sombrant d'autant plus profondément. Les jours puis les semaines et des nouveaux les mois avaient filés avant que les premières pilules puissent être données au malade afin de soigner sa maladie. Depuis, ses changements avaient été surveillés de près, sans d’événement notable, malheureusement.

Le blondinet revenait donc de la quatrième division et sa séance tri-hebdomadaire. Sa tête se balançait d'un côté à l'autre sur le rythme d'une comptine que chantaient toutes ses voix dans son esprit. Sourire benêt sur le visage, bras ballant de chaque côté de son corps, son regard tomba par hasard sur une chevelure noisette. D'où la faim. Imaginant une pâte à tartiner fait du même matériau, son estomac grogna de frustration. Pendant un instant, il resta immobile, son cerveau ne pouvant procéder à l'afflux de données venant dans tous les sens. Une fois la partie de la crique mentale voulant céder aux besoins nutritifs calmé, la personne à qui appartenait la chevelure sembla apparaître pour la première fois.

Les paupières du jeune homme se crispèrent de surprise. Si elle portait une robe, l'objet vestimentaire n'était en rien similaire à l'habit traditionnel shinigami. Les voix s'élevèrent dans une cacophonie surnaturelle, chacune donnant son avis sur la situation puis engueulant celles qui proposaient autre chose. Pendant ce temps, Midorima s'avança vers la demoiselle. Rien de furtif, rien de cachottier. En une dizaine de pas, il avait rattrapé sa cible et sa main s'envolait pour tirer sur la robe corbeau.

-Hey c'est marrant ça, c'est quoi ? Pourquoi t'es pas habillé pareil que moi, toi ?

Pour quelqu'un de paranoïaque, le membre de la Kyuubantai avait de grosses difficultés à détecter les shinigamis « camouflé » autour. De manière générale, il était suspicieux d’élément ne se rattachant pas à la vie réelle, imaginant régulièrement des menaces où il n'y en avait pas. Du coup, lorsque menace ou dans ce cas, surveillance, il y avait, cela lui passait totalement à côté.

-T'es un patient toi aussi ? C'pour ça, ? C'pour ça ? C'pour ça ? Toi aussi, tu reviens de la quatrième ? Ils sont gentils là-bas mais ils veulent touuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut le temps parler.

Si son état d'esprit coïncidait avec son physique, le jeune homme aurait dû lever la tête pour parler à l'étrangère. En l'état, il la dépassait d'une tête et, s'étant rapproché, il avait lâché le tissu des doigts. Un peu (beaucoup) trop proche, seuls quelques centimètres séparaient les deux corps sans que cela ne le gêne particulièrement.

-T'es qui ? Comment tu t'appel ? Tu fais quoi ?

Ainsi, un peu à la manière d'un petit chien, le garçon resta souriant, presque immobile, attendant de l'attention, une réponse (un os) de l'étrangère (ou de son maître).

-Tu visites ? Haa...oui c'est bien. Moi j'aime bien me promener. Je ne peux pas beaucoup, c'est dommage.

Teippei fit une petite moue déçue tandis que son regard se perdit momentanément sur les décors sans grande inspiration du sereitei. Beaucoup de couloir, beaucoup de tuiles. Heureusement les bâtiments de division de diversifiaient les uns des autres. Pourtant, il lui fallut ramener son attention sur l'étrange demoiselle.

-Je m'appelle Midorima Teippei ! Je suis un shinigami de la neuvième division !

Le jeune homme sortit sa petite phrase d'un seul coup, sans respirer comme s'il l'avait appris par cœur (ce qui était le cas). Un grand sourire montrait la fierté qu'il avait à faire partie de cette honorable division. Il ne pouvait réellement comprendre les us et coutumes de cette dernière, surtout dans son état psychique actuel mais, ce qu'il arrivait à appréhender lui suffisait.

-On est la police. On arrête les méchants.

« Woup-Woup, c'est le son de la police ! ». Une des voix intérieures sonna dans l'esprit du blondinet, lui arrachant un éclat de rire sans trop de difficulté. Juste avant qu'une autre que les Quincy n'étaient pas des simples touristes en temps normal. Les sourcils du shinigami se froncèrent tandis que sa concentration se reportait vers le concert qui s'agitait sous ses cheveux. Beaucoup criaient aux meurtres, à la vengeance. Certains voulaient l’arrêter. Le Midorima lui...était perturbé. Plus que d'habitude.

-Ça fait longtemps que je n'ai pas vu de Quincy. Enfin, c'est ce que disent les voix. Je ne me souviens plus bien... En tout cas elles disent que j'en ai déjà rencontré, ici même, au sereitei ! Si ça n'est pas incroyable, peut-être c'était toi ? Tu me connais ? Nan tu me connais pas, tu m'aurais pas demandé mon nom. je m'appelle Midorima Teippei ! Hum... je l'ai déjà dit.

Une fois encore, le débit de parole ressemblait plus à un torrent. Peu de pause, peu de respiration, une voix montant régulièrement dans les aigus. Finalement, le membre de la Kyuubantai se courba légèrement, ses sourcils toujours froncé, pas plus avancé dans son éclaircissement de la situation qu'auparavant. Aussi décidât-il de passer outre, haussant les épaules dans un mouvement presque cliché.

-J'vais à la quatrième pour mes séances. Obligatoire les séances sinon j'irais pas. Des fois ça va, c'est sympa mais souvent je m’ennuie. Au début c'était vraiment cool. Je me disais « allez viens, on est bien » mais depuis quelque temps...c'est fun. C'est que j'entends beaucoup de choses et parfois, j'ai du mal à me contrôler. J'ai l'impression que c'est plus fort là-bas. Probablement à cause des pilules qu'ils me donnent. Ça n'a pas de goût mais je suis obligé alors je le fais. Parce que je suis un soldat et un soldat doit obéir, c'est comme ça. Enfin je crois. C'est comme ça non ?

-Oui, oui, on est mieux. On est mieux.

Le Midorima avait suivi la jeune femme sans rechigner, avec plaisir presque. Les voix le laissèrent tranquille un moment, fait rare pour être noté. Cependant, alors qu'il fit face au banc et à Imari, le shinigami hésita un instant. Que faire . S’asseoir à côté et regarder le mur ? Rester debout en face ? S’asseoir par terre ? Monter sur le mur ?

La dernière option était particulièrement tentante mais un vague souvenir remonta à son esprit lui rappelant qu'il était impoli de faire une telle manœuvre. Il ne savait plus qui lui avait dit ça ni quand mais les mots flottaient encore dans sa mémoire. Aussi décidât-il de se laisser tomber au sol, son derrière amortissant la chute.

-Ça fait trèèèèèèèèèèèèèèès longtemps. Depuis toujours je crois. On me demande souvent depuis quand je les entends. C'est bizarre quand même, comme si personne n'en entendait ? Moi j'en entends très souvent, souvent !

Le jeune homme hocha la tête avec force, un étrange sourire sur ses lèvres, comme s'il se retenait de rire. Dans les faits, ce n'était pas loin de la vérité. Il s'était déjà posé la question, pourquoi les gens lui demandait-il toujours ça ? Ce n'était pas si extraordinaire. Cet ancien capitaine avait elle aussi une voix dans la tête. Sous l'effort, le membre de la Kyuubantai sentit une migraine s'installer dans son front. Son doigt se leva naturellement pour se frotter le petit bout de peau entre ses sourcils dans une vaine tentative de la faire passer.

-J'ai toujours entendu des voix. Toujours, toujours, toujours. Les voix sont gentilles, elles sont sympas. Des fois elles n'aiment pas des gens mais c'est des fois. Là elles parlent doucement entre elles. Je crois qu'elles ne s’intéressent pas à toi c'est tout.

Teippei avait autant parlé que geignit. Une petite larme naquit au coin de son œil droit, vite enlevé avec son index. Son mal de tête partit peu de temps après, lui permettant de relever le bout de son nez vers son interlocutrice avec un visage plus aimable. Dans son esprit, les voix en effet, ne se faisaient pas aussi intrusives que d'habitudes. Cela parlait de tout et n'importe quoi, surtout n'importe quoi mais quasiment pas de la jeune Quincy en face de lui. Certaines écoutaient sagement la discussion mais elles étaient en sous-nombre, une demi-douzaine à peine. Quelques-unes pourtant émirent la question de savoir pourquoi la jeune femme assise lui posait tant de question. Elles soupçonnèrent une manœuvre louche des autres mais furent noyées dans la masse.

-Quant à ta seconde question...heu...j'en sais rien. J'ai toujours été shinigami, c'est comme ça je crois. Ça va avec les voix en fait. Toujours eut des voix, toujours été shinigami. Toujours été à la neuvième en plus ! C'est quand même vachement chouette. Et toi ? T'es Quincy depuis longtemps ? T'es à la police Quincy aussi ? Ce serait vachement bien ça ! On serait collègue ! Co-Llègue.

Le jeune homme se leva d'un coup, approchant ses doigts de sa bouche comme s'il allait se ronger les ongles. Tournant la tête de chaque côté, il se mit à plisser des yeux, surveillant tous ceux qui passaient dans son champ de vision et même ceux qui n'existaient pas (ce qui faisait beaucoup de monde au final).

-Allo, allo, 20-32, 20-32, tu es une Quincy et t'as pas de cheveux.

Aussi soudainement qu'il s'était levé, Teippei se rassit, cette fois aux côtés d Imari, Appuyant son dos contre le dossier et sa tête contre le mur dans une très mauvaise imitation de quelqu'un en train de dormir.

-Ils nous surveillent... Ils nous surveillent....Ils sont là.

À peine terminât-il sa phrase que le Midorima sembla se rigidifier, la cinquantaine de voix lui conseillant de se fondre dans l’environnement, devenant une pierre sur un banc. Ses yeux eux, bougeaient sans cesse, passant d'un shinigami chargé de dossier à une ombre, d'un endroit vide à un un bout de tuile brisé pour aller sur un autre shinigami plus loin. Tel un lapin effrayé, son cœur battait à tout rompre, suivi de près par sa tempe dans un concours de qui claquerait en premier. Bougeant à peine ses lèvres, il formula quelques mots à l'encontre de la jeune femme. Des paroles plein de sagesse schizophrène...

-Mode. Incognito.

-Hum...Ok.

Le Midorima ressortit de son mode incognito comme si de rien n’était. Aussi facilement qu'on pouvait enlever un insecte de son bras. Se remettant de bout, il s’étira quelques instants, ne faisait même pas attention à la main que la Quincy avait posée quelques secondes plus tôt.

-Heu...là » ? là elles ne disent pas grand-chose. Enfin si, elles t'aiment plus trop. Elles trouvent que tu poses trop de questions.

Le jeune homme se frotta momentanément le menton, ses yeux se perdant dans le vide, les tuiles des couloirs en plein air semblant tout d'un coup très intéressant. Il hochait régulièrement la tête, marmonnant pour lui-même alors qu'il discutait avec la demi-centaine de voix dans son esprit. Son regard revint sur Imari avec un petit sourire moqueur sur ses lèvres.

-En fait, elles ne sont pas contentes. Elles se trouvent très raisonnables déjà. Du coup elles se sentent insulter tu vois . Je trouve que tu corresponds tout à fait au prototype du justicier. Nous on en a plein des comme ça à la Kyuubantai. Ils sont tous sérieux et tout. Ils font mêmes peur tellement ils sont sérieux et du coup, ça fait plein de frictions. PLEINS !

Les bras du garçon se levèrent exprimant son haussement de ton avec une emphase gestuelle. Comme souvent avec lui en fait. Une des raisons des frictions de la neuvième division même plus que le côté cul serré de ses supérieurs mais ça, comment aurait-il pu s'en rendre compte ?

-Tu manges des donuts toi aussi ? Nous on en a plein, pleinpleinpleinplein. On a des beignets aussi. C'est un donut sans rien dessus. Enfin je crois. Je crois . Oui, je crois.

Le blondinet s'assit par la suite sur le banc dans une logique qui serait difficile à expliquer. Un mélange de fatigue, d'envie et de politesse venue d'on ne sait où. Pour lui c'était tout simplement la marche à suivre, l'étape suivante. Affichant un grand sourire joyeux, bien loin de la petite moue moqueuse d'auparavant, il reprit la parole se tournant vers la Quincy.

-Tes collègues ils t'aiment pas non plus ? Nous on a ceux de la onzième division. Ils sont très méchants. Paraît qu'ils sont dirigés par un singe argenté. J'aimerais beaucoup voir ça, ça doit être fun. Je ne sais pas trop pourquoi on les aime par mais en tout cas c'est sûr, on les aime pas. Je crois que c'est mon ancien vice capitaine qui me l'a dit. Tu l'as connu toi ? Mitsuko Aono ? Ça fait longtemps que je ne la vois plus, je me demande où elle est aller....