Les Dieux de la mort, aussi appelés Shinigami, depuis quelques temps j'avais cru remarquer qu'ils étaient sensiblement moins nombreux en ville. Ce n'est pas tellement que leur nombre semblait avoir diminué mais les Hollow, eux, étaient en plus grande quantité. Alors qu'à mon arrivée à Karakura je revenais de mes soirs de chasse avec maximum deux prises, maintenant ce chiffre avait doublé. Il ne me fallut pas bien longtemps pour relier ce phénomène à celui qui a ravagé quelques endroits de la ville le même soir. En réfléchissant, je me disais qu'un ennemi des Shinigami avait du découvrir certains de leurs repères et tout exploser en une nuit pour les affaiblir, ce qui avait donné lieu à des affrontements divers. Mais qui étaient-ils? Des Arrancars? Je me souvenais que Real m'avait dit qu'elle avait été contrôlée, est-ce qu'un Arrancar peut faire ça? Tout ceci était bien étrange et je continuais chaque jour ma petite enquête pour découvrir ce qu'il s'était vraiment passé. En attendant, ma chasse continuait inlassablement.

Ce soir là j'errais dans les rues de Karakura. La chasse - ou purge comme je l'appelais - était devenu un passe-temps important, je la pratiquais quatre fois par semaine. Soit, plus d'un jour sur deux. Consacrant les trois autres à mes rendez-vous ou à mon travail. Je n'avais d'ailleurs même plus le temps de rencontrer des jeunes et jolies jeunes femmes comme avant. En fait, je n'avais même plus le temps d'y penser, si obnubilé par cette organisation dont la jeune mademoiselle Mayer m'avait parlé et par cette histoire de défenses de la ville affaiblies. A chaque fois que je tuais un Hollow je ne pouvais m'empêcher de me dire qu'il avait déjà dur absorber des dizaines d'âmes et qu'il y en avait encore d'autres des comme lui. L'envie de rejoindre une structure parfaitement organisée afin d'éradiquer cette espèce ne s'en faisait que plus pressante. Au détour d'une ruelle, je ressentais une énergie spirituelle à proximité. Cela ne ressemblait pas à celle d'un Hollow mais je ne pouvais être sur à cent pour cent. Aussi, décidais-je de m'en approcher afin d'être fixé. A quelques pas de lui, je fus surpris de découvrir qu'il s'agissait d'un dieu de la mort. C'était l'occasion rêvée de tenter d'en savoir plus sur les événements d'il y a quelques semaines.

Les hommes qui passent, les femmes qui passent, les enfants qui s’amusent, les familles… Et Uriô restait là depuis près d’une heure, sous sa forme de Shinigami pour ne pas être dérangé. Plongé dans ses pensées sans doute plus brumeuses que jamais, il avait décidé de s’accorder un peu de temps. De toute façon, il n’avait pas grand-chose à faire. Sa vie d’humain était bien moins excitante qu’avant, quant à celle de Dieu de la Mort, on pouvait dire qu’elle n’existait qu’à moitié.

Tous ces passants ne pouvaient pas s’imaginer ce que ressentait l’être qu’ils ne voyaient pas. Après tout, leur ignorance faisait leur charme, c’était quelque-chose que le Ketsueki n’avait pas arrêté de se dire. Mais à présent, il ne les voyait plus tellement comme des êtres calmes, ignorants de cette violence. Non, même sans connaître les autres mondes, eux aussi se faisaient la guerre. Après tout, tant qu’il y a l’amour et la tristesse, on en vient à la vengeance.

Au final, qu’importe la race, qu’importe le monde : les sentiments sont universels.

Alors qu’Uriô a pu rencontrer quelques humains possédant des pouvoirs spirituels, il a perdu le peu de repères qu’il avait pu avoir ces dernières années. Que faire entre une race à laquelle on appartient mais qui a enfermé son père, victime d’un système étranglant et toujours à la recherche d’écraser la race adversaire, cette même race à laquelle il ne peut de toute façon pas se joindre. Quant aux humains, eux aussi commencent à vouloir se confronter aux autres. Shinigamis, Hollows, Arrancars : les Hommes veulent défendre leur monde et attaquent tous les étrangers. Au final, trois mondes s’embrasent à tour de rôle. Le combat est partout.

Ce n’est qu’à moitié que le Ketsueki est sorti de ses pensées, avec le ressenti d’une puissance spirituelle, la même qu’il a pu ressentir d’autres fois. Un humain approche, et le fixe. Encore un, pas vrai ? Tranquillement assis sur un bac, les mains croisées et reposées sur ses genoux, Uriô accueille l’étranger sans même le regarder. Les yeux vides de toute envie, tout espoir.

─ Que me veux-tu ?

Un soupir. Puis le retour de cette pensée. De cette brume.
Et une question : en sortira-t-il un jour ?

Sa réponse vint assez rapidement. Cependant, elle lui rappela qu’il ne l’avait pas salué. Un « bonsoir » de sa part qui laissait présager qu’il n’allait pas être comme l’autre gars au cigare par exemple. Quel était son nom déjà… Koshira, ou Koshiro ? Enfin, Uriô n’y accorda pas plus d’importance. Sans se retourner, toujours les mains croisées et reposées sur ses jambes, il voulut rendre la pareille à son invité. Quoi que ce dénominatif ne fut sans doute pas très approprié…

─ Ah oui, bonsoir.

Sa situation et ses pensées lui donnaient-elles le droit de ne pas répondre à une politesse ? Le Shinigami avait jugé que non, et considéra même que c’était plutôt une chance de se trouver avec un homme aux pouvoirs spirituels développés qui commençait par saluer avant toute chose. Pas d’agressivité de sa part, pas d’étrangeté. Certains se seraient douté de quelque-chose, Uriô n’en avait tout simplement rien à faire.

Allant encore plus loin dans la politesse, l’inconnu se décida à vouvoyer le Dieu de la Mort. Avait-il peur de son interlocuteur ? C’était possible, mais là encore, c’était une réflexion qui était inutile d’approfondir. Uriô ne voulait pas se battre. Kawaki n’était réservé qu’à la défense et aux affrontements contre les Hollows. D’ailleurs, dans son état de pensée, il n’était même plus sûr de savoir si exterminer les Hollows étaient une bonne chose. Après tout, si toutes les races et tous les mondes étaient animés par leur propre conviction et par les conflits, pourquoi les Hollows seraient moins « justes » que les autres ? Il fut d’ailleurs étrange pour Uriô de voir qu’il se dégoûtait lui-même à penser ça. Les Hollows étaient le mal. Mais pourtant…

─ J’en ai aucune idée, même si j’ai entendu des trucs comme ça aussi. Je t’avouerai qu’il m’arrive de voyager de temps à autre. Je n’étais probablement pas là quand ces évènements se sont produits.

La simple et pure des vérités. Uriô ne s’était de toute façon pas accoutumé de mentir. Lui qui n’était ni un vrai Shinigami ni un vrai humain, il avait du temps pour lui. Il aimait voyager, se reposer, être au calme. Et souvent tout cela était à la détresse de sa situation.

Quels étaient les évènements dont parlait l’inconnu ? Il n’en avait aucune idée, mais étrangement il était prêt à parier que c’était encore une querelle entre races et donc, entre mondes. Et bien entendu, il eut fallu que ce probable conflit prenne place à Karakura, dans l’unique monde dont la grande majorité des habitants n’avait pas conscience des autres races. Comme quoi la naïveté n’a que rarement des bons côtés.