Las Noches. Votre forteresse. Votre emblème. Cet immense édifice blanc semble déchirer le ciel d'un noir d'encre. Et vous autres, minuscules fourmis, déambulez en son sein. Enfin, si tu peux prétendre déambuler en ce moment. A vrai dire, tu avais faim. Vraiment faim. Mais... Dévorer quelques Numeros imprudents aurait été assez mal vu. Tu sais bien que tu aurais pu le faire. Tu aurais pu. Mais tu ne l'as pas fait. Pourquoi ? Tu ne saurais guère le dire. Tu sens toujours ce pincement, cette espèce de mal être au moment de tuer un humain. Et certains de tes congénères Arrancars ont une apparence très proche de ces derniers. Peut être est-ce la cause de tes réticences à tuer des Arrancars pour te nourrir. De toutes façons, tu sais bien que les Menos ne te posent pas de problèmes. Mais pourquoi as-tu donc tant de mal à tuer ce qui a une forme humaine ? Enfin, à forme humaine et qui ne représente pas de danger immédiat. Tu sais encore discerner tes véritables ennemis de tes éventuelles proies. Bah. Autant sortir de sous le dôme. L'air est plus pur en dehors. Et surtout plus chargé en particules spirituelles. Cela devrait pouvoir apaiser ta faim. Du moins, pour l'instant. Et seulement en partie.

Tu quittes alors tes quartiers, traînant du pied à travers les immenses couloirs. Quel besoin avaient-ils de créer des structures si gigantesques ? La plupart d'entre vous ne sont pas si grand que ça. Tu sais bien qu'il reste encore des monstres de plusieurs mètres de haut, mais tout de même... Pas à ce point. Tu estimes la hauteur de plafond à plus de dix mètres. Peut être quinze. Voire plus. Et tout est tellement... Vide. Et blanc en plus. Le bruit de chacun de tes pas résonne durant plusieurs secondes avant de s'éteindre. Une oreille tendue, tu te tends alors, arquant un sourcil. Tu as entendu quelque chose. Ce que c'était ? Tu ne saurais le dire. C'était trop furtif et léger pour que tu puisses affirmer quoi que ce soit. Tu ne prends même pas la peine de te retourner. Ton instinct se serait déjà manifesté s'il y avait eu un tant soit peu de danger aux alentours.

Tu arrives enfin au bout de ces escaliers. Enfin. Ils auraient franchement pu faire moins démesuré, tu maintiens tes propos. Tu entends toujours ce bruit derrière toi. Tes grandes oreilles ne sont pas juste décoratives. Tu entends les pas qui s’élèvent, même malgré la distance. Tu soupires. Tu sors à l'air libre, inspirant profondément. Tu te sens revivre. Tu sens le poids sur ton ventre s'envoler. Ta faim grondante se calme peu à peu, un peu plus à chaque respiration. Tu t’assois alors sur le rebord du toit, te tournant légèrement pour observer l'immense coupole qui se dessine derrière toi. Tu laisses ton regard dériver, pour se poser sur le ciel. Aucune étoile. Juste l'obscurité la plus totale... Tu en profites pour fermer les yeux, ouvrant tes Pesquisa. Tu sens une présence qui s'approche. Tu ne saurais dire de qui il s'agit. Et peu importe. Tu n'as qu'à attendre et voir qui se présente à toi... De toutes façons, en ce moment même... Tu n'as pas grand chose d'autre à faire.

Honorable arrancar. Tu souris en entendant ces mots. Honorable. Quel joli mot. Malgré le fait qu'il soit très mal approprié pour toi. En voilà une qui sait comment se faire bien voir. Enfin, cela aurait marché avec d'autres que toi. La plupart. Tu ne vas pas t'en cacher, la plupart de tes semblables sont arrogants et orgueilleux par nature. Le seul bémol pour elle est que tu ne l'es pas. Ou du moins, pas autant que les autres. Alors la flatterie ne la couvrira pas. Tu pourrais très bien lui sauter dessus et la tuer. Cela te ferait un en-cas capable de calmer ta faim. Mais pour combien de temps ? Pas plus de quelques heures. Aucun intérêt à la supprimer en somme. Et tu ne tues pas vraiment par plaisir. Alors tu pourrais aussi lui dire de déguerpir. Elle et son odeur de carnivore. Tu l'as remarqué depuis qu'elle est là : elle traîne derrière elle une odeur désagréable. Une odeur animale. Probablement trop légère pour être perceptible normalement. Mais tu la sens. Une odeur de tigre. Une odeur que tu as déjà croisée quand tu n'étais qu'un Adjuchas...

Seulement... Tu t'ennuies. Tu pourrais la laisser rester. Cela pourrait même être divertissant. Jouer avec les nerfs d'un être faible... Tu ne l'as jamais fait. Ou du moins pas volontairement. Mais devant cette étendue blanche et vide, tu te dis que tu n'as rien de mieux à faire. Rien d'intéressant. Rien d'intelligent. Tu soupires. Tu prend alors la parole pour lui répondre, d'une voix légèrement traînante, avec une intonation presque lasse.

Laisse donc les enjolivures de côté. Ce n'est pas la peine de tenter les flatteries ou autres tournures de langage...

Tu laisses le silence retomber, attendant quelques secondes. Elle ne semble pas bouger. Tu te relèves alors, pour te tourner dans sa direction. Tu la fixes quelques instants. Les cheveux blancs, les yeux grenats et une cicatrice sur le visage. Elle a au moins eu la chance d'avoir un physique avantageux. Et presque totalement humain. Mais son énergie spirituelle est inférieure à la tienne. Pas besoin d'être un génie ou un expert de la détection pour s'en rendre compte. Tu reprends alors la parole, un sourire en coin sur le visage.

Enfin. Je me nomme Frey, le nouveau Septima. Et tu tombes bien, je commençais à avoir faim.

Tu es curieux de voir comment elle va réagir. Cela peut devenir rapidement amusant. Ou dégénerer. Mais cela ne dépendra que d'elle.