Depuis déjà quelques temps je sentais le vent tourner dans ma carrière de militaire au Seireitei. C'était un vent tel celui du printemps, frais et apportant le changement. Un hiver qui laissait place à la saison des bourgeons et des arbres en fleur puis ensuite à la douceur de l'été. Mais celui-ci n'en avait pas toujours été ainsi, au début il s'agissait d'un mistral violent, glacial qui m'avait glacé le sang et m'avait fait prendre conscience qu'il était temps de réagir. Celui-ci avait apporté de nombreux tourments pendant mes méditations, de nombreuses questions auxquelles je ne pouvais répondre à cet instant. Puis, inévitablement, certaines "erreurs" se produisirent et cela me mena enfin à la conclusion que je n'étais pas fait pour cette division. Les rafales avaient frappées.

En y réfléchissant davantage, cette division était-elle faite pour moi déjà au départ? Je n'étais pas de nature fouineur, au contraire même, les ragots, les secrets et tout ce qui se dit en chuchotant et en faisant des messes basses ne m'intéressaient pas du tout. Là en l'occurrence il ne s'agissait évidemment pas de rumeurs mais d'espionnage, c'était des informations bien plus importantes qu'il s'agissait d'aller récolter parfois en terrain hostile, mais même dans cette optique, aller à la pêche aux informations n'était pas ce qui me convenait. Moi, j'étais plutôt du genre à régler les problèmes quand ils survenaient et rien de plus. Un soldat tout ce qu'il y a de plus normal, en somme. Mais ce qui nous différenciait tous était notre personnalité propre.

En ce qui concernait la mienne, depuis mon enfance j'avais toujours été quelqu'un de patient, de posé et très calme. Ce qui me menait souvent à chercher des lieux paisibles, des temples, des forêts ou rivières et de m'y poser ainsi des heures durant. Ce que j'aimais vraiment, c'était transmettre, échanger envers des personnes intéressées, les sujets qui me passionnaient. Lors de mes méditations, il était parfois question de mes conflits intérieurs mais également de m'entrainer à la pratique des sorts de Kidô. Réunissant mes deux passions pour l'enseignement et pour les techniques spirituelles, c'est tout naturellement que j'ai tourné mon regard vers l'académie shinô qui formait les potentiels nouveaux Shinigamis lorsque le vent tourna et apporta le changement. Là bas, je serais assuré de pouvoir y transmettre tout ce qui me faisait aimer l'existence tout en aidant le Gotei 13. J'apporterais ma pierre à l'édifice tout en enseignant ce qui me faisait vibrer et rien qu'à cette idée, je me sentais plein d'entrain.

Aussitôt cette idée en tête, je décidais d'aller en faire part à Kyuusei-taishô qui m'avait déjà tant enseigné en si peu de temps et avait une foi totale en lui. Celui-ci avait reçu ma demande, peu commune dans une unité militaire, avec beaucoup de compréhension comme je m'y attendais. En effet, ce genre de demandes n'arrive quasiment jamais. Normalement c'est un capitaine qui décide du transfert de son lieutenant et pas l'inverse ou sur demande du Sotaishô lui-même et en général il s'agit alors soit d'une promotion soit d'une rétrogradation. En l'occurrence il ne s'agissait d'aucun de ces deux cas mais malgré cela, le vif argent s'était montré très ouvert, tout comme le tout nouveau capitaine de la sixième division, cette dernière avait été récemment nommée division responsable de l'académie.

C'est donc dans ce contexte que je me retrouvais ici, dans les quartiers mêmes de la sixième division avec Kyuusei-taishô et Kaogake-taishô pour officialiser ce transfert. Mes deux aînés étaient là, debout en face de moi et je m'inclinais silencieusement devant eux le plus humblement possible afin de les remercier comme il se devait, attendant que l'un d'eux prenne la parole.

En position baissé, le sabre de bois plaqué près du rein de son adversaire, l'Ardent interpella posément celui-ci.

« Ton flanc droit est trop exposé... Fais attention à tes appuis... » - il tapota le flanc puis les chevilles de l'élève, tout en gardant sa position - « Et ne te jette pas comme ça sur ton adversaire. N'est pas Kenpachi qui veut, hm ? »

Sourire aux lèvres, il se redressa, invitant l'étudiant de premier cycle à se remettre en garde. Retour aux sources pour le capitaine de la sixième division. Il se retrouvait là où il avait fait ses preuves, là où ses talents de bretteur s'étaient affirmés. Dans les dojos de la Shinōreijutsuin. Sa division se chargeait désormais de la gestion de l'établissement, une grande joie pour Haiko qui connaissait déjà un peu les rouages de l'académie de part son passé d'instructeur. C'est d'ailleurs en occupant de nouveau cette fonction que le capitaine officiait une classe mixant tous les cycles. Un cours particulier qui permettait à ceux qui le désiraient de pratiquer et parfaire leur technique.

Ainsi, Haiko faisait maintenant face à son opposant. Avec, sérieux, sans nonchalance, il reçu l'assaut de son vis-à-vis sans broncher, déviant par trois fois l'attaque. Il se ménageait, un œil extérieur un temps soit peu expérimenté aurait pu le voir. Il corrigea encore une fois l'apprenti en l'esquivant une dernière fois tout en frappant son dos d'un coup sec.

« Observe ton adversaire, non son arme. Les yeux, les mouvements qui pourraient te sembler anodins, la posture, tu dois te concentrer sur ces trois points sans t'égarer pour autant. Trop penser te rend distrait. Trouve le juste milieu pour que tes parades et tes attaques deviennent intuitive. »

L'air bienveillant, il donna son arme d'entraînement à l'élève avant de terminer son cours d'aujourd'hui et de les laisser quitter la pièce. D'autres affaires attendaient le capitaine aujourd'hui. Une en particuliers retenait déjà son attention alors que le jeune homme venait juste de se mettre en chemin. Une demande de transfert. Akucho Uragami, un ancien compatriote vice-capitaine, bien trop sérieux dans son travail selon Haiko. Leur dernière rencontre lui avait donné l'image d'un homme strict et protocolaire, peu loquace également. Oui, il fut surpris par la demande, mais après tout, maintenant qu'il portait le haori, il lui fallait bien trouver quelqu'un pour enfiler le brassard. Même s'il n'avait pas vraiment besoin d'aide, le petit shinigami devrait bien apprendre à déléguer un peu les affaires qu'il gérait seul depuis des mois.

C'est ainsi que, quelques dizaines de minutes plus tard, il reçu son futur lieutenant en compagnie de Noboru dans le jardin intérieur près de son bureau, une réunion d'anciens vice-capitaine. Cela rendait l'Ardent nostalgique. Face à Akucho qui, égal à lui-même, donnait un peu l'impression de prendre ce transfert trop au sérieux. Haiko intervint à la suite de son homologue de la deuxième. Comme lui, il ne s'attendait pas à ce que la rencontre dure une éternité. Tous avaient sans doute des choses plus importantes à faire.

« Allons, redresse-toi Akucho-san, nous avons partagé le brassard ensemble. Inutile d'être aussi solennel. Je suis heureux de t'accueillir parmi nous. Ça va sûrement te changer de la seconde, mais je ne pense pas qu'il y ai de soucis vis-à-vis des hommes. Enfin, tu verras bien ! »

Conclut-il joyeusement avant de tendre son brassard à son vice-capitaine.

« Bienvenue à la sixième division, vice-capitaine Akucho. Nous verrons plus avant les détails une fois que tu te seras installé dans tes nouveaux quartiers. »

Jetant un regard entendu au Vif-argent, le petit shinigami continua en faisant mine de s'allumer une clope. Tout aussi formel que le colosse, Haiko admettait volontiers qu'à son poste, certains vices et autres écarts au protocole étaient permissible. De plus, tout l'administratif concernant le transfert avait déjà été bouclé. Ainsi, l'atmosphère se voulait plutôt détendu. Soufflant sa fumée sur le côté, le petit shinigami interpella Uragami comme s'il venait de se souvenir d'une chose.

« Ah oui, aussi, Akucho-san, si tu as le moindre soucis, question, demande particulière, n'hésite pas à m'en faire part. Sinon, je pense que nous en avons terminé, hm ? »

Cela s'était fait vite, mais l'Ardent laissait tout de même la porte ouverte à son nouveau vice-capitaine au cas où celui-ci souhaiterait au préalable entamer le dialogue au sujet de son transfert. Noboru, lui, se verrait sans doute proposé une cigarette si la discutions venait à s'éterniser. D'autres sujets trottaient dans la tête d'Haiko, mais il se dit que cela serait préférable s'il en faisait part à l'Argenté en privée.

Je me relevais lentement et regardait mes deux interlocuteurs dans les yeux. Tous deux semblaient n'avoir qu'envie de partir vaquer à leurs occupations, ce que je pouvais comprendre dans un sens. Etant donné l'importance qu'avais ce transfert pour moi et pour ma carrière personnelle, j'aurais souhaité que cela se fasse de façon un peu moins formelle et pouvoir dialoguer mais au vu de la situation, je n'avais pas très envie de leur tenir la jambe. J'espère seulement que si un jour je suis promu au grade de capitaine, chose que j'attends depuis longue date, la cérémonie sera un peu plus longue qu'un simple au revoir d'un côté et bienvenu de l'autre, comme si on échangeait un simple objet. De toutes façons l'important pour moi était ma nouvelle condition car l'ancienne ne me convenait plus.

Désormais je pourrais réellement faire ce qui me plaît, c'est à dire enseigner et en plus un art que je maîtrise et que j'aime, que demander de plus? Il me tardait déjà de rencontrer mes élèves. Je n'avais que peu de souvenirs de mes professeurs de l'académie, aucun ne m'avait vraiment marqué, j'espérais intérieurement qu'il en serait autrement pour moi, que mes élèves partagent ma passion pour les arts des arcanes magiques et qu'un jour ils se souviennent de moi comme leur senpai. Ce n'était pas par vanité mais par satisfaction personnelle, d'avoir porté ma pierre à l'édifice. Mon rêve absolu serait que l'un d'entre eux devienne un jour Sotaishô, mais ne mettons pas la charrue avant les boeufs, attendons d'abord de voir comment les choses vont se dérouler.

Pour l'heure, je ne souhaitais par retenir davantage les deux capitaines.


- Pour l'instant je n'ai rien à ajouter mais je ne manquerai pas de vous le faire savoir dans le cas contraire. Kyuusei-taishô, merci pour ce que vous m'avez apporté, je garderai un bon souvenir d'avoir été votre lieutenant. Kaogake-taishô, j'espère qu'il en sera de même de notre côté.

Je m'inclinais à nouveau brièvement et quittais la pièce d'un pas normal, ni lent ni rapide. Aussitôt sorti, je me dirigeais vers mes nouveaux quartiers où j'avais déjà fait porter mes affaires afin de faire un peu de rangement.