C'était dur. Très dur. La jeune femme venait d'ouvrir les yeux sur un jour de congé et regardait à présent le plafond, alanguie, et plus particulièrement une lampe qui y était suspendue. Éteinte, la lampe. Tout comme son esprit, actuellement. Elle ne s'offrait que peu de jours de congé, car elle avait énormément de travail à la tête de la division des recherches, étant donné qu'en plus elle aimait le travail de terrain en labo avec ses subordonnés. Mais aujourd'hui, aussi brillante qu'elle soit d'ordinaire, c'est bel et bien son corps et ses aptitudes physiques qu'elle allait mettre à l'épreuve. Le kenpachi en personne avait accepté de lui donner un cours particulier de Zanjutsu aux quartiers de la onzième.

Elle ne savait pas à quoi s'attendre, même si sa première rencontre avec l'homme s'était bien passée. Bourru, avec son franc parler, il lui avait plu en tant que nouveau collègue. Et c'est bel et bien pour cela qu'elle lui avait envoyé une missive il y avait trois jours de cela. Elle s'inquiétait pour ses faibles aptitudes lame en main, et il était le mieux placé pour la guider. Elle s'était levée, à présent, et marcha tranquillement jusqu'à un petit tiroir de son bureau, d’où elle sortit son service à thé, sachets compris. Elle laissa infuser le nombre de minutes exact, puis but d'une traite un breuvage pourtant bouillant. Une fois cela fait, elle fit claquer sa langue, passa son Haori et attrapa Masshusebone. Elle était nerveuse, bien malgré elle. Avant de partir, elle vérifia sa coiffure, rajustant une ou deux mèches devant son miroir ouvragé.

Cinq minutes plus tard, elle parlait à l'un des hommes de Kiryu-Taisho, un type baraqué a la barbe mal rasée. Elle était apparue devant le pauvre diable, le faisant sursauter, puis le calmant de sa gentillesse habituelle. Ai inspirait tout de suite confiance, elle avait beau être capitaine, elle avait l'air de ne pas pouvoir faire de mal à une mouche. Elle demanda, inquiète de l'heure

- Pouvez vous m'annoncer au Kenpachi ? Je crains d’être légèrement en retard.

- Très bien, capitaine.

- Oh, au fait, Tsunemi Ai, capitaine de la douzième division, enchantée.

Sur ces entrefaites, manifestement surpris que la gradée se présente alors qu'il savait manifestement qui elle était, comme tout le monde au Seireitei, le type la guida dans un couloir étroit, jusqu'à une porte massive. Pas étonnant, étant donné la stature du maitre des lieux. Le shinigami frappa ensuite, et annonça Tsunemi-Taisho de la division scientifique, avant de se retirer après un bref signe de tête. Ai regarda la porte, puis le couloir, puis la porte à nouveau. Elle attendait, et se mordillait légèrement la lèvre inférieure. Elle allait sans doute être ridicule.

Kaimetsu posé négligemment dans un coin du bureau, contre un mur, Shinjirô étudiait avec une attention particulière un dossier comportant plusieurs feuillets. L'attention qu'il portait au document n'était pas courant, le colosse étant réputé pour fourguer aux autres les tâches administratives. Toutefois, ce livret n'avait strictement rien à voir avec des rapports de missions ou autres : ce document était en quelque sorte le compte-rendu des paris qu’organisait la Onzième Division. Shinjirô n'était pas bon joueur et avait tendance à perdre ce qu'il misait. Mais en sa qualité de Capitaine de la division et en étant un des instigateurs de cette machination, il touchait une partie sur les gains des autres. Ce dossier comportait donc les sommes engagées et le résultat de chaque paris, quel qu'il soit. Un compte-rendu régulier lui était donné par les Bookmakers qui organisaient les rencontres. Noboru possédait également des parts sur le marché, plutôt importantes, en plus de ses gains réguliers. Le fourbe était doué lorsqu'il s'agissait de plumer les autres. Le colosse le savait pour en avoir déjà fait les frais.

Quoi qu'il en soit, le sourire qu'affichait le géant était plutôt révélateur. Depuis quelques semaines, certaines cotes avaient littéralement explosées, lui permettant de gagner gros sur le dos des autres. Il allait pouvoir solder quelques dettes. Voyez-vous, le problème lorsque l'on porte une arme aussi imposante que Kaimetsu, on a tendance à "abîmer" certaines choses. La Dixième, la Neuvième, la Treizième et même la Douzième en avaient fait les frais. Sans compter les locaux de sa propre division. Noboru était intransigeant sur ce point : on casse, on paye. Cela évitait les problèmes avec Shunsui. Le Commandant ayant dans le collimateur le Kenpachi pour ces débordements quelques fois excessifs. Enfin... Tout ça pour dire que les choses tournaient bien en ce moment et il en était ravi.

Il sortit de son étude de force, lorsqu'un de ses gars lui annonça que son invité était arrivée. C'est vrai qu'il devait dispenser un cours particulier aujourd'hui. Si l'homme était un expert dans la gestion de ses troupes, il n'en était pas de même de sa mémoire et de l'organisation de ce que les autres appelaient "emploi du temps". Le colosse devait admettre que sans Noboru, il aurait été dépassé depuis bien longtemps. La demande du Capitaine Tsunemi n'avait pas surpris outre mesure le colosse. Ce ne serait ni la première, ni la dernière à lui demander un cours sur l'art du Zanjutsu, un art qui selon le Kenpachi se perdait. Cela lui permettrait d'évaluer le niveau de cette femme qu'il avait déjà rencontré et qu'il avait trouvé brillante. Il faut dire que son idée de Gigai l'avait particulièrement impressionné, démontrant un talent certain chez celle qui avait pris le poste depuis peu de temps finalement. Mais pour une fois, la discussion tournait autour d'un domaine qu'il maîtrisait à la perfection. La jeune femme pénétrait déjà dans son bureau, visiblement mal à l'aise. Attitude que Shinjirô avait l'habitude de voir chez ceux qui se présentaient face à lui, dans ses quartiers.

- Hey ! Comment va le petit génie ? On va pouvoir s'y mettre dès maintenant si tu veux bien. Suis-moi, on sera plus à l'aise dehors.

Absente les notions de politesse, oublié l'usage qui voulait que l'on propose quelque chose à boire à un invité, une consœur. Shinjirô était un homme brut de décoffrage, qui ne s'embarrassait jamais de ce qu'il considérait comme superflu. Ai avait demandé un cours de Zanjutsu, c'est ce qu'elle aurait. Prenant soin de ranger son ouvrage là où personne n'irait - sa réputation suffisait à protéger ses effets personnels de al convoitise des autres - il tendit la main vers Kaimetsu qui, sous l'effet du magnétisme qui liait les deux êtres, se détacha du mur pour lui arriver dans la main. Ainsi armé, l'Argenté semblait plus dangereux que jamais. Mais aujourd'hui, c'était son savoir qui serait utilisé. S'approchant de la jeune femme, il lui décrocha un sourire avant de reprendre :

- Tu vas voir, on va s'marrer.

Ce qui était plutôt inquiétant en réalité : Shinjirô n'avait très certainement pas le même humour que la jeune femme. D'ailleurs, qui avait le même que lui en dehors de son Lieutenant et de ses gars ? L'endroit où il conduisait Ai se trouvait proche du bureau. Dans le couloir, une seconde porte menait à un vaste terrain, visiblement utilisé de manière régulière. Il s'agissait purement et simplement de la "salle" d'entraînement privé du géant, là où s'entraînait quotidiennement. De vieux mannequins étaient éparpillés çà et là, entourés d'une végétation plutôt inégale. Quelques roches complétaient la toile. D'un geste sec, le Kenpachi planta sa lame près de lui, laissant celle-ci s'enfoncer de plusieurs centimètres dans le sol.

- Avant de commencer, j'ai une p'tite question... Pourquoi le Zanjutsu ?

Elle n'eut pas à patienter longtemps, vraiment. Elle eut à peine le temps de passer son doigts sur le cadre de la porte, absorbée, que celui-ci se dérobait pour laisser la place à son professeur du jour, le colossal Kiryu Shinjiro, Kenpachi de la onzième division. Ça faisait un moment qu'elle ne l'avait pas croisé, depuis la fameuse réunion des capitaines ou ils avaient décidé de l'offensive au Hueco Mundo. Que d'agitation depuis. Ses blessures à elle avaient été dument pansées à la quatrième, mais c'était pour ne pas en avoir d'autres qu'elle était venue aujourd'hui. Ses jambes fonctionnaient de nouveau à plein régime, et c'était tant mieux. Toujours aussi intimidée par son collègue, elle fit quelques pas pour pénétrer dans son antre.

Il la salua, à sa manière, aussi familière qu'elle soit. C'était un trait de caractère qui lui plaisait beaucoup, puisque la scientifique détestait les fanfreluches et autres courbettes, même si elle ne se serait pas risquée à tutoyer le Kenpachi. Du moins, pas encore. Elle répondit avec un petit sourire en coin bien involontaire, d'une voix ou on sentait bien qu'elle dormait il y avait de ça une heure à peine. Elle était cependant bien apprêtée, cheveux attachés, Haori repassé et impeccable. Rien ne laissait présager qu'elle venait prendre une leçon d'escrime.

- Je me porte bien, et vous, cher... "professeur" ? Je vous suis, à l'attaque.

La jeune capitaine était plutôt fière de l'aplomb avec lequel elle avait répondu à son collègue. Un aplomb qui lui était venu tout naturellement, d'ailleurs. Il fallait dire que le Kenpachi était l'une des seules personnes qu'elle connaissait à pouvoir la mettre instantanément à l'aise. Elle s’étonnait toujours de ce détail lorsqu'il lui tourna le dos pour aller ramasser son impressionnant zanpakuto. Elle le suivit du regard, s'assurant d'abord d'avoir bien emmené Masshusebone (et oui, il était dans son fourreau, en bandoulière) et remettant ensuite une de ses longues mèches noires derrière son oreille.

Elle ne se formalisa pas outre mesure de son allusion à une franche rigolade, et sortit d'un pan de son haori un petit panier d'osier, dans lequel reposaient une quinzaine de gâteaux de riz décorés avec virtuosité par Ai en personne. Elle les avait confectionnés hier, pensant à l'éventuelle pause qu'ils prendraient au cours de leur entrainement. Si pause il y avait. Mais bon, elle les avait faits, alors elle comptait bien convaincre le combattant en chef d'y gouter. Elle lui lanca d'ailleurs avec enthousiasme.

- J'ai même fait des... Ooooh.

Le suivant à petits pas rapides pour rattraper son retard sur les enjambées du géant, elle découvrit le terrain d'entrainement à l'extérieur après avoir franchi le seuil, et surtout après que son imposant compagnon se soie écarté. Il n'y avait pas de doute, elle se trouvait dans la salle d'entrainement personnelle de Shinjiro-Taisho. Et l'endroit était plutôt mal tenu, d'ailleurs, mais elle ne jugea pas. Après tout, il avait eu la gentillesse de l'y inviter, elle, une scientifique avec deux notions en Zanjutsu seulement.

Elle revint finalement à la réalité et coupa court à sa curiosité -elle avait commencé à marcher vers le centre de la salle, regardant chaque détail- lorsque le Kenpachi lui posa une question bien précise. Pourquoi le Zanjutsu ? Pour une fois, sa réponse à une question allait être concise et brève.

- Disons que je veux m'améliorer, dans ce domaine en particulier d'ailleurs. La mission au Hueco Mundo m'a fait prendre conscience de mes limites, et du fait qu'il faut s'entrainer toujours plus pour être digne du Haori. C'est ce que je compte faire, et le faire avec vous m'a semblé être la meilleure manière de progresser, Kiryu-Taisho.

Sur ces mots, voyant qu'il se mettait déjà dans son élément à coups d'épée dans le sol, elle se défit de son haori, le plia près de la porte et y posa son petit panier d'en-cas. Elle dévoila ainsi un Shihakusho sans manches, qui laissait ses bras bien en évidence. Une cicatrice toute récente serpentait le long du bras gauche, souvenir de son affrontement avec le chef de l'Exequias. Et elle dégaina Masshusebone, afin de s'échauffer un peu, avec toute la bonne volonté du monde. C'était bien ca qu'ils faisaient, les combattants, non ? Ils s'échauffaient ?

Elle fit un ou deux mouvements dans le vide, tenta une estocade... Et s’emmêla les pinceaux, se désarmant elle même en manquant de s'étaler de tout son long sur le sol stérile de la salle.

- Comme vous le voyez... je ne suis pas très au point, mais je veux apprendre !

L’assurance de la jeune femme était plaisante. Il fallait au moins ça pour pouvoir résister à un entraînement du Kenpachi. Car le fait qu’elle soit Capitaine n’allait certainement pas lui faciliter la tâche. De par son statut, elle devait s’attendre à un exercice compliqué, à la hauteur de ce qu’elle représentait. Car s’il y a une chose sur laquelle Shinjirô ne transigeait pas, c’était ce symbole de puissance que chaque Taishô devait arborer. Porter le Haori n’était en rien suffisant et il fallait se montrer à la hauteur. Bien sûr qu’il savait qu’au niveau intellectuel, il ne lui arrivait pas à la cheville. Mais ce n’est pas ce que l’on demandait à un Kenpachi. Lui, son rôle se bornait à être en première ligne et à diminuer drastiquement les rangs ennemis afin de laisser place nette pour les autres divisions d’intervention. Et à ce petit jeu, la Onzième Division était excellente.

Il ignorait pour le moment le panier dans lequel reposaient quelques gâteaux, n’étant pas un adepte du sucré. Fort heureusement, il n’avait même pas eu besoin de refuser l’offrande, Ai se perdant dans la contemplation du terrain d’entraînement. C’est vrai qu’il n’était pas commun, tant les éclats de Kaimetsu apparaissaient partout. La réponse à sa propre question vint aussitôt. Et c’est un grand sourire qui accueillit les propos de Tsunemi. Elle avait mit dans le mile, sans le moindre doute.

- Voilà ce que j’aime entendre. Y’a pas des masses de truc que je respecte, c’est vrai. Mais l’honneur de porter ce foutu manteau, je ne le prends pas à la légère. Je vois que c’est la même pour toi. Bien. Puis t’as visé juste… Si tu veux progresser en Zanjutsu ou en Hakuda, c’est en effet le meilleur que tu dois aller voir.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les paroles qu’il venait de prononcer n’étaient en rien arrogantes. Il énonçait un fait évident. Ces deux domaines étaient ses spécialités de combat. Il n’était ni le plus rapide, ni le plus malin. Mais lorsqu’il s’agissait d’utiliser son Zanpakutô ou ses poings, il ne connaissait que peu de rivaux. Ai avait frappé à la bonne porte. Et vu son talent, il devinait le travail qu’il faudrait pour qu’elle parvienne à progresser.

Car sa petite démonstration n’eut qu’un effet : faire soupirer le géant. Reprendre les bases le saoulait. Mais sans doute aurait-il besoin de le faire si Ai parvenait à se désarmer seule. Clair qu’elle n’était pas au point. Pourtant il allait devoir veiller à ce qu’elle le soit au plus tôt. La cicatrice qu’elle portait semblait récente. Sans doute le résultat de son propre combat au Hueco Mundo. Lui-même n’était pas parfaitement rétabli et il devait veiller à ne pas rouvrir ses sutures. Ce foutu requin ne lui avait pas fait que du bien avant qu’il la démonte. Et sa mâchoire aurait tout aussi bien pu le trancher en deux.

- On va d’abord faire simple. Parade de base et coup simple. Pas de combinaison. La plupart des professeurs pensent que l’arme doit être le prolongement de ton corps, une partie de toi quoi. Moi j’dis que ce sont des conneries : c’est un objet que tu dois apprendre manier si tu veux survivre sur le champ de bataille. Y’a pas trente-six façons de se battre avec un sabre. Soit tu frappes suffisamment fort pour trancher un membre, soit tu cherches à user ton adversaire avec de petites touches. Perso, je préfère la première option : Kaimetsu ne me permet rien d’autre. Toi par contre… Ce serait la seconde.

Son physique ne lui permettait sans doute pas de porter de coups très puissants, encore que cela ne signifie évidemment rien pour un Shinigami. S’il voulait donner un cours instructif, il se devait de ne pas utiliser Kaimetsu. Son allonge était trop importante pour le moment et il devait revoir certaines bases. Ce pourquoi il prit la direction du coffre en bois qui se trouvait à proximité de l’entrée pour en sortir une épée d’entraînement. Celle-ci était en acier basique, ce qui la rendait obsolète pour un combat contre un véritable Zanpakutô. Cela ferait toutefois l’affaire. Laissant son Reiatsu recouvrir la lame pour la rendre un peu plus résistante aux impacts, il se rapprocha de la jeune femme, concentré. La pratique valait mille mots.

- Donc comme j’t’ai dit, on commence par parade et contre-attaque basiques. Cherche pas à me repousser, seulement à me contenir. Tu cherches une ouverture, tu frappes. Simple mais efficace.

Elle devait se fier à son arme comme si elle souhaitait en utiliser le pouvoir. La différence était ténue mais tout de même là. Levant le bras, il engageait l’entraînement. Son arme se dirigeait vers l’épaule de la jeune femme, cherchant simplement à la toucher. Il n’y mettait aucune puissance même si le coup fut rapide.

Se redressant, elle sentit que mettre son poids sur sa mauvaise jambe était une très mauvais idée. Elle retint un gémissement de douleur alors qu'elle revenait en position debout, dos droit, regard vissé à celui du Kenpachi. Elle avait omis de prendre sa canne ce matin, pensant qu'elle était à un stade de sa rééducation ou elle n'en aurait plus besoin. Et surtout, pour une raison n'appartenant qu'à elle, elle ne voulait pas montrer de signe de faiblesse face à cet homme en particulier. Pour une raison ou une autre, il lui rappelait le capitaine Hirako, l'homme qu'elle respectait le plus au monde des âmes. Il avait son franc parler, il ne prenait pas de gants... Et Ai écoutait posément.

- Petites touches ciblées... Bien compris, j'aime assez l'idée.

Alors qu'il allait chercher une épée d'entrainement pour ne pas obliger sa jeune invitée à faire face au redoutable Kaimetsu, la scientifique se surprit à suivre le contour de ses muscles, mouvant sous les couches de tissus. Elle rougit et se remit en position, attendant qu'il revienne, soupesant sa propre lame. Comme tous les Zanpakuto, Masshusebone avait le mérite d’être parfaitement équilibré sur le point de vue physique... Pour ce qui était du mental, par contre. Mais elle avait bon espoir de progresser aujourd'hui. Cette lame était faite pour ferrailler, après tout, comme ses consœurs.

Elle écouta une nouvelle tirade, perdue cette fois dans ses rêveries habituelles. Son déficit d'attention et son attrait inné pour le Kido en avaient fait une élève correcte à l'académie, mais c'était aussi pour ça que toutes les disciplines martiales avaient vu un échec cuisant de la future capitaine du bureau de recherche technologique. Elle comprit néanmoins l'essentiel, qu'il ne fallait pas essayer de le repousser, mais n'offrit pour toute réponse au colosse qu'un regard effaré au moment ou il lançait son attaque. Par chance, ils étaient deux contre un à combattre, et le feu qui brulait à toute heure en Masshusebone pouvait maintenant briller de mille feux.

Elle para du plat de la lame juste avant le point d'impact, sentant toute la force naturelle du Kenpachi dans le coup qu'elle avait à peine dévié. C'était suffisant, ceci dit, et elle se rappela même un vieux conseil de son sensei à l'académie, à savoir que le combat se déroulait autant au niveau du placement des pieds qu'au niveau des coups portés eux mêmes. Elle interpréta ensuite les consignes, et lança une petite estocade vers l'avant, rien de bien méchant, mais, elle le pensait, à contrepied du coup que le Kenpachi venait de lui donner.

- Ha !

Elle modifia instinctivement la position de ses jambes, se sentant tomber en avant. Un éclair de douleur vint illuminer son regard d'une poignée d'étoiles alors qu'elle observait le regard de son adversaire pour essayer de déterminer d’où allait venir le prochain coup... Au lieu de regarder sa lame. Avec son dernier coup, à la fin de son envoi, elle risquait d’être collée à lui. Elle n'y avait pas pensé, et la simple idée dans son esprit d'habitude si innocent la fit rougir comme une pivoine, bien loin du standing que lui imposait sa condition de femme capitaine. C'était donc pour cela qu'on appelait ce genre de discipline le "corps à corps".

La première parade eut l'effet escompté, permettant à Ai de contenir l'assaut du Kenpachi, déviant ainsi suffisamment l'attaque que ce dernier venait de lui porter. Elle avait astucieusement géré l'assaut mais allait devoir contre-attaquer. Tout se passait très vite mais rien n'échappait au regard aguerri de Shinjirô. La jeune Capitaine avait réajustée sa position, prenant soin de parfaitement se placer pour tenter une contre-attaque. Pieds calés, corps légèrement penché en avant, la volonté de bien faire était évidente. Mais peu naturelle. Le colosse sentait clairement la réflexion de son élève du jour. Le Zanjutsu ne permettait pas ce genre de chose. Il fallait réagir à l'instinct, s'adapter aux autres, prendre le dessus par la force ou la technique. La réflexion convenait au Kidô et autres manipulations de Reiatsu.

La lame fut déviée d'une simple torsion du poignet. Shinjirô venait tout simplement de briser la distance d'un pas, précipitant sa main gauche vers le bras armé de la jeune femme. Un unique pas permettant d'annihiler tout simplement l’offensive avant que celle-ci ne l'atteigne. La lame passa à proximité de son flanc droit sans le toucher, le corps de la jeune femme percutant celui du Kiryû. Un bref instant, il observa la Capitaine. Rougissait-elle ? Pas de doute là-dessus. Toutefois, Shinjirô n'en devinait pas les raisons. Il attribuait cela à l'erreur qu'elle venait de faire et à rien d'autre. Lent à la détente sur ce genre de chose, il n'y avait prêté aucune attention. Toutefois, c'est avec délicatesse qu'il la repoussa en arrière. Sans même y réfléchir. La différence de taille des deux Shinigami était impressionnante et sans doute est-ce cela qui le poussait à prendre plus de précaution.

- Tu réfléchis trop. L'instinct, y'a que ça de vrai. Ensuite viens la technique. Adapte-toi à moi. Calque mes mouvements. Trouve une faille. Et tente ta chance ! La surprise est ta meilleure alliée.

Le mentor qu'il était prenait très au sérieux son enseignement. La jeune femme se montrait encore trop prudente pour être réellement dangereuse. Abandonner toute réserve n'était pas donné à tout le monde mais Shinjirô savait qu'un Capitaine pouvait le faire avec plus de facilité qu'un simple Shinigami. Il attendait la perfection d'un être commandant une division. Rien de moins. Car l'avenir du Seireitei reposait en grande partie sur ces hommes et ces femmes.

Pendant qu'il attendait que Ai intègre ces notions élémentaires, Shinjirô détaillait Ai avec plus d'attention encore qu'il ne l'avait jamais fait. Belle, elle l'était sans le moindre doute. Quoi que son intelligence soit assez déstabilisante pour un homme comme lui. L'effort rosissait les joues de la jeune femme, lui donnant l'air plus vulnérable que d'ordinaire. Elle semblait en proie à un trouble qu'il ne comprenait pas encore. Et il espérait qu'elle saurait faire face à ce dernier pour parvenir à ses fins. Brut qu'il était, il prit la seule décision qui lui venait à l'esprit. Une décision absurde pour ne pas dire stupide : poursuivre. Sans un autre mot, il se jeta vers elle, accélérant ses propres foulées pour rendre ses coups plus rapides. Le morceau de bois prit pour cible la main de la jeune femme, cherchant ainsi à frapper suffisamment fort pour désarmer son adversaire. A la suite de cela, son sabre frapperait au niveau de la hanche de Ai pour ensuite finir sur un coup basique au niveau de la rotule. Si l'enchaînement arrivait à son terme, Ai serait non seulement désarmée mais également à terre. Il fallait que Tsunemi réagisse désormais.

Elle était si sure d'elle au début de son attaque qu'elle avait presque oublié qui l'entrainait: Le meilleur combattant du Gotei en personne. Et puis, surtout, son trouble manifeste et si inhabituel l'avait rendue inattentive. Son attaque se fracassa donc sans plus de cérémonie comme la marée sur les rochers. Elle sentit toute la force, pourtant à peine mobilisée, du capitaine de la division du combat la projeter en avant, et elle finit contre le torse du géant, dans une position qui, décidément c'était son jour, la fit rougir encore plus. Elle tenta de se redonner une contenance et s'écarta à toute vitesse, profitant du léger élan qu'il lui donna, et reprenant son souffle en constatant que son échec n'avait pas augmenté la douleur de ses jambes. C'était au moins ça de gagné.

Elle espérait simplement qu'il attribuerait le feu de ses joues à la honte et à rien d'autre, mais elle vit qu'à présent le regard de son professeur et collègue la détaillait plus avant. Elle détourna le regard, et écouta les divers conseils qu'il avait à lui donner. C'était dur de se concentrer, pour un esprit comme le sien. Elle était à présent habituée eux théories et autres conjectures, et aux machines complexes aux centaines de rouages, mais l'art de la guerre était autre. Plus brutal et plus abstrait à la fois, en un sens.

Alors qu'elle se remettait bravement en position, elle songea qu'elle aurait tout donné pour une pause et l'ingestion d'un des gâteaux de riz qu'elle avait passé l'après-midi d'hier à préparer, confiant les labos de Stronghold à Akon. Depuis son retour de Karakura il y avait de cela quelques mois déjà, ses relations avec le vice-capitaine s'étaient adoucies, et la cohabitation fonctionnait, celui-ci se révélant plus coopératif.

- D'accord.

Ce fut le seul mot qu'elle prononça avant de faire un gros effort et de repartir à l'attaque, vers sa montagne de muscles de partenaire d'entrainement. Elle tenta alors de mettre de coté ce que ses professeurs d'Académie lui avaient inculqué au cours de ses études, se disant qu'elle s'entrainait avec un combattant bien plus qualifié, et séduisant, qu'eux. Avait-elle vraiment pensé ce qu'elle venait de penser ? Rougissant à peine, cette fois, elle repartit à l'attaque, silencieuse et leste, usant sans s'en rendre compte de son impressionnante propension au Shunpo pour se retrouver à moins d'un mètre de lui en un dixième de seconde. Elle lança une attaque de tranche, puis se décala.

Elle était contente d'elle, et manqua de sourire de toutes ses dents, mais elle décida ensuite qu'il lui fallait rester concentrée sur son objectif, à savoir toucher, même légèrement, le Kenpachi. Elle ne s'en pensait pas capable, hélas, et le coup horizontal qu'elle lança ensuite avait moins d'enthousiasme que le premier. Elle devait chercher une faille, mais face à un tel as de la lame, cette faille serait-elle visible à l’œil nu ?

- Ha !

Elle se décala une nouvelle fois, faisant fi de la douleur commençant à se réveiller, et partit en shunpo de l'autre coté du chef de la division du combat. Vive comme une guêpe, elle tenta une attaque d'estoc. C'était au final une bien meilleure rééducation que toutes celles que lui prodiguait quotidiennement une infirmière de la quatrième division venant tout spécialement dans ses quartiers, à sa demande. Elle ne voulait pas qu'on interrompe son processus de recherches, aussi ne se déplaçait-elle que rarement. Néanmoins, après ces quelques attaques, la jeune femme devait bien admettre qu'elle avait un travail de conditionnement physique à faire. Sa frêle stature commençait déjà à fatiguer, et elle devait admettre qu'elle comprenait à présent pourquoi Shinjiro était si sculptural.

Il n’avait aucun doute quant à la vitesse de Ai : elle le surclassait complètement dans ce domaine de compétence et certainement de beaucoup. En un instant elle fut sur lui. Et s’il percevait clairement les mouvements, il ne parvenait pas pour autant à se mettre en opposition pour esquiver l’ensemble de l’attaque. Ce fut surtout grâce à ses réflexes de guerrier qu’il parvint à parer le premier assaut, mettant sa propre lame de bois en travers de la route de ce sabre. Il en résulta un effet étrange mais logique : le bois se brisa sous le choc, bien qu’il n’y ait eu que peu de force déployée. Le colosse en devinait la raison, bien sûr. Le Zanpakutô d’un Shinigami surclasserait toujours les armes d’entraînements, quelles soient en bois ou en métal d’ailleurs. Il s’agissait là d’une capacité latente de chaque Zanpakutô, âme réelle du Shinigami.

Le décalage de la donzelle n’était pas absurde et Shinjirô en fut satisfait. Ai comprenait enfin la logique de ce style de combat, avant même qu’il ne lui en ait parlé concrètement. Comme il l’avait expliqué, il y avait deux écoles : ceux qui frappaient forts et ceux qui étaient plus subtils. La seconde catégorie se devait de toujours être mobile, afin d’éviter les attaques frontales. Au contraire de la première catégorie : Shinjirô n’avait jamais éprouvé le besoin de se sortir d’une attaque. Son endurance était telle qu’il pouvait encaisser pendant très longtemps. Il allait pouvoir le lui prouver ici et maintenant. Car elle frappait à nouveau, profitant de son mouvement précédent.

Le coup, il le dévia d’extrême justesse à l’aide du pauvre tronc qui lui restait en main suite à la première attaque. Cette manœuvre achevait évidemment de détruire son sabre, donnant au bois l’allure d’un simple gourdin. Et tandis qu’il le jetait négligemment au sol, Ai se dissipa de nouveau. Il eut tôt fait de se tourner vers elle que la pointe de la lame ennemie l’atteignait. Un coup d’estoc parfait à vrai dire, combinant vitesse et précision. Elle avait non seulement parfaitement intégrée cette leçon vitale mais avait su rapidement la mettre en application. Décidément, cette Capitaine possédait des talents surprenants. Fort heureusement pour lui, la différence entre leurs deux niveaux lui permit d’encaisser le coup sans ressentir la moindre gêne. En de rares occasions, Shinjirô faisait appel à ce qu’il nommait « le cuir » de sa peau. Son Reiatsu était si concentré qu’il était capable de subir quelques attaques au sabre sans pour autant être tranché. Bien entendu, cela dépendait exclusivement des compétences de son adversaire dans l’art du Zanjutsu. Ici-même, pour ce coup d’estoc, il avait seulement ignoré l’attaque, ne laissant même pas une goutte de sang perler.

Le sourire qu’il adressait à Ai était d’ailleurs cohérent avec ce qui se passait. Il se recula et lui adressa un petit clin d’œil. Sous la fierté, sa voix éclata tel un coup de tonnerre.

- C’est exactement ça ! T’as carrément pigé le principe ma belle. Joli coup. Vraiment très joli coup.

Bien sûr, elle y aurait mit plus d’enthousiasme, il l’aurait certainement senti passer. Mais en l’état, c’était comme donner un coup d’épée dans l’eau. La puissance du Kenpachi suffisait à arrêter la lame avant qu’elle le tranche ou le transperce.

- T’es rapide, tu devrais garder ce principe à l’esprit pour tes attaques. Plus tu seras vive, moins tu seras touché. Je viens de te prouver que mon objectif à moi, c’est d’encaisser. Toi, tu dois esquiver. Kaimetsu !

Levant seulement sa main, il attendit que sa lame décolle du sol pour lui arriver directement en main. Avantage non négligeable du magnétisme. Il savait qu’il devait ménager la jeune femme, il savait qu’il devait veiller à ce qu’elle ne se blesse pas. Mais en demandant de l’aide au Kenpachi, elle s’attendait nécessairement à ne pas être chouchoutée. A peine Kaimetsu arrivait-elle dans sa main qu’il frappa. Bien sûr, il y avait de l’espace vide entre les deux Shinigamis mais l’onde générée par son mouvement n’était pas anodine : il souhaitait repousser Ai grâce à celle-ci. Et d’un bond, il se précipita vers elle, abattant l’imposant Zanpakutô vers son épaule. Il retenait toutefois son coup, cherchant seulement à la faire réagir. Frapper, c’était une chose. Il fallait toutefois rester vigilante et s’adapter. S’il percevait une faiblesse, il arrêterait son mouvement. Quoi que… Il se permit seulement de glisser une nouvelle phrase à son attention. Elle avait une chance unique de saisir l’occasion.

- Si tu veux t’arrêter, t’as qu’un mot à dire !

Ai n'était pas exactement une combattante, puisqu'elle réfléchissait en permanence et avait donc tous les défauts possibles lorsqu'il s'agissait de se laisser porter par ses mouvements. Mais elle était aussi musicienne, et les improvisations requéraient une bonne dose d'instinct et d'intuition. Elle s'était donc mis en tête de rythmer ses attaques, un peu comme une partition dont elle changeait le tempo à sa guise. Ça avait été son style de combat depuis toujours, et ça avait toujours bien marché, jusqu'à cette fatidique rencontre dans le désert avec un membre de l'Espada. Pour cette attaque d'estoc, qui avait littéralement démoli l'épée d'entrainement du Kenpachi, elle avait fait un gros effort, et à présent elle était hors d'haleine. Mais elle avait agi à l'instinct, et, tout ouïe, elle accepta les félicitations de son collègue sans piper mot.

Mais elle fut de nouveau obligé d'exprimer toute sa gêne par une coloration indésirée de ses veines capillaires, rougissant de plus belle en prenant bien soin de se détourner et de mimer un éternuement, afin de couvrir son trouble de plus en plus handicapant combiné à un souffle rauque engendré par l'effort. La scientifique poussa même la comédie jusqu'à éternuer pour de bon, prise à son propre jeu, avant de se redresser, le dos droit, et d'offrir son plus beau sourire au colosse.

- Excusez-moi.

Ma belle. Il l'avait appelée ma belle, comme si elle était une pauvre cruche. Elle était à la fois révoltée et attirée, fait étrange qu'elle tentait tant bien que mal d'effacer de son esprit d'habitude si rationnel. Ai se jura de lui prouver encore un peu plus qu'elle était loin d’être une potiche et qu'il allait falloir la mériter... Mais elle s'égarait encore dans des dédales qui n'avaient pas le moindre sens. Elle était venue pour une leçon d'escrime, et voilà qu'elle laissait son esprit divaguer plutôt que de frapper de toutes ses forces afin de s'améliorer pour le Gotei.

Elle se remit donc en position, regardant Kaimetsu alors que la gigantesque lame allait se loger dans les mains de son maitre. C'était véritablement un engin impressionnant, et à regarder la forme scellée de Masshusebone, qui était la seule avec laquelle elle avait combattu jusqu'à présent, elle ne put s’empêcher de vouloir élever les débats à un autre niveau, sans les envenimer pour autant. C'était un combat amical après tout. Mais elle se retint de prononcer les mots libérant son Shikai, étant donné la rapidité de l'attaque qui suivit. Elle n'avait qu'un mot à dire. Mais elle n'avait rien dit sur l'état encore convalescent de ses jambes, et sa position au sol n'était donc pas aussi stable qu'elle le paraissait. Elle se sentit tomber avant même de parer le coup du Kenpachi. Elle le para de toutes ses forces, mais elle se retrouva les deux épaules au sol, cette absence quasi-totale de résistance risquait en plus de faire s'étaler le Kenpachi de tout son long sur elle, penché comme il l'était. Pour sauver la face, d'une voix qu'elle ne se connaissait pas, elle articula, amusée.

- Eh bien, c'était brutal. Vous êtes comme ça avec toutes ?

Attends, elle avait dit quoi là ?

Elle n’était pas vraiment concentrée et ça se voyait clairement. S’il ne pouvait en deviner la raison, Shinjirô remarquait surtout que cela pénalisait le travail du jour. Certes, il savait que ce serait laborieux mais il n’avait pas imaginé qu’elle puisse être si maladroite. Tête en l’air aurait sans doute mieux convenu d’ailleurs. A l’image des scientifiques et des grosses têtes du Seireitei. Pour le Capitaine de la Douzième, il n’y avait donc rien de bien surprenant. Mais le Kenpachi ne pouvait s’arrêter à cela : en lui demandant de l’aide, Ai aurait du savoir à quoi s’attendre. Son implication ici laissait clairement à désirer et il regrettait quelque peu ce comportement. Un autre que elle se serait prit une sacrée soufflante. Mais il avait sans doute suffisamment tiré sur la corde pour poursuivre ainsi.

Emporté par son élan, il manqua lui aussi de s’affaler sur elle. Fort heureusement, il se reprit rapidement, usant de sa dextérité au corps à corps pour ne pas s’affaisser. Sa main droite envoya projeter Kaimetsu au loin tandis que de la gauche, il donnait une impulsion sur le sol pour se redresser complètement. Et s’il ne s’était manqué que d’un cheveu, ce n’était que parce la jeune femme avait cédé sous la puissance du Kenpachi. Pas assez stable, pas assez présente physiquement. Il entendit alors les propos de Ai, ne pouvant s’empêcher de sourire. Il avait compris l’allusion, il n’était pas si sot, et trouvait la remarque amusante.

Laissant Kaimetsu là où elle avait atterrit, Shinjirô se rapprocha de la jeune femme pour l’aider à se relever, avec une douceur qu’il ne reconnut pas. Sans doute qu’il se rattrapait là de l’échange un peu musclé qu’il y avait eu. Ou était-ce autre chose ? Quoi qu’il en soit, il était certainement temps de cesser là l’entraînement, voyant qu’elle ne se focalisait pas sur les parades au Zanjutsu.

- Pas avec toutes, non. Ca va, toi ? J’ai l’impression que tu es blessé ou gêné par quelque chose. J’me trompe peut-être mais j’sais pas, t’es pas d’dans quoi.

Il ne parlait pas que mentalement sur le coup. Il avait remarqué le mouvement lors de sa dernière attaque. Elle avait nécessairement quelque chose qui n’allait pas, sans quoi elle aurait au moins pu se mouvoir plus facilement. Non pas qu’il s’en inquiète mais si tel était le cas, il comprenait mieux qu’elle ne puisse opposer aucune résistance à son cours.

- Et je t’avais prévenu que je ne te ferai pas de cadeau. On arrête un peu, j’pense qu’on s’y prend mal. Tiens, file-moi un de tes machins là, que t’as ramené. Ca creuse de faire des efforts hein ? On va s’poser deux secondes, que tu reprennes un peu ton souffle.

Blessée ou gênée ? Elle était surtout confuse. Elle se laissait effectivement aller alors qu'elle était venue avec la ferme intention de travailler dur, de devenir plus forte grâce aux conseils avisés du Kenpachi. Et la, elle était à terre, honteuse, tentant désespérément de sauver la face devant cet homme qui, elle le savait, ne la jugerait pas pourtant. Il savait qu'elle était une cérébrale, loin des arts martiaux qu'il affectionnait et auxquels elle s'intéressait à présent. Mais, loin d’être une potiche, elle se doutait que son commentaire, qui l'avait fait rougir de plus belle, avait du encore aggraver son cas. Elle devait passer pour une jeune femme dotée d'une propension impressionnante à perdre sa concentration.

Elle avait pourtant admiré, sans vraiment le vouloir, l'athlétisme du capitaine de la division du combat, lequel s'était redressé dans un impeccable mouvement réflexe sans qu'une goutte de sueur ne perle de son front. Elle comprenait mieux pourquoi il était considéré comme le combattant le plus puissant du Seireitei après le Sotaisho, lorsqu'elle voyait que même les gestes les plus simples avaient cette beauté intrinsèque que seuls les meilleurs athlètes parvenaient a atteindre. Et lorsqu'elle se releva, elle, elle accepta avec plaisir l'aide du Kenpachi, s’agrippant à lui et tentant de ne pas faire transparaitre la douleur qui avait ressurgi sans crier gare dans sa pauvre jambe. Elle n'était décidément pas en état de s'entrainer, du moins d'un point de vue médical. Mais elle s'en fichait, la volonté faisant le reste.

- Ravie de l'entendre, je suis flattée.

Sans le vouloir, elle avait encore dit une énormité.

- Je vais bien, je m'adapte, c'est seulement ça. J'ai beaucoup de lacunes dans le domaine de l'escrime, comme tu as pu t'en apercevoir.

Elle avait glissé vers le tutoiement sans s'en rendre compte, se dirigeant toute en naturel vers un rocher sur lequel elle s'assit avec bonheur, tout près de son petit panier, puisqu'il semblait d'humeur à faire une pause. Une pause ! Le moment rêvé pour se remettre de son trouble, de ses émotions et de sa douleur. Elle se saisit du panier, laissant le temps au colosse de s'installer à son tour. Il lui fallait plus de place qu'à elle, en tout cas, et elle avait déjà replié ses jambes contre elles alors qu'elle tendait un des gâteaux de riz au Kenpachi.

- Il n'y a aucun problème, je ne suis pas venue pour que tu m'en fasses. J'ai vraiment envie de progresser, mais je ne pensais pas être si loin du but. Je les ai faits tout spécialement ce matin !

Elle était fière de peu de choses, mais sa cuisine en faisait partie. Cette passion lui était venue presque en même temps que la musique, quand elle était encore cette souillon au fond du Rukongai, bien loin de se douter qu'elle serait shinigami un jour, et encore moins capitaine. Alors lorsqu'elle se mettait derrière les fourneaux, elle oubliait ses responsabilités et se laissait aller. Elle regardait à présent le colosse droit dans les yeux, puisqu'ils étaient assis, et son regard intense était en réalité le reflet de ces souvenirs défilant dans sa tête. Mais ça pouvait aisément être mal interprété. Ceci dit, en y repensant, elle se dit que si elle arrivait à atteindre ce niveau d'abstraction lors de ses combats à l'épée, elle progresserait. Mais comment ?

Tandis qu'ils se posaient et qu'il attrapait l'un des gâteaux proposés par Ai, Shinjirô poussa un petit soupir de contentement. On avait veau apprécier l'art de la guerre, on pouvait aussi aimer souffler un peu. Mordre dans une de ces pâtisseries faisait donc parti des petits moments de plaisir que s'accordait le colosse. Et au petit grognement qu'il poussa alors que la première bouchée se terminait au fin fond de son estomac, on pouvait facilement deviner qu'il appréciait la chose. Elle n'était sans doute pas très douée dans l'art de l'escrime, comme elle le disait si bien, mais elle se défendait foutrement dans la cuisine. Et cette pensée lui arracha un sourire. Non pas par moquerie mais plutôt parce que cela fit remonter un souvenir du temps ou lui et Noboru parcouraient les terres au-delà du Rukongai et où ils étaient tombés sur cette étrange bonne femme. Elle avait bien failli les avoir en leur faisant bouffer du poison. Il chassa toutefois la réminiscence rapidement. Ce n'était ni le lieu, ni le moment pour se rappeler de ça.

Ai avait enfin opté pour le tutoiement. Shinjirô s'en rendit compte. Si elle se détendait un peu, ce ne serait que meilleur pour la suite. Shinjirô connaissait les règles de la bienséance mais ne les suivait pas. Ainsi, il partait du principe qu'il n'y avait pas de chichis à avoir lorsque l'on se retrouvait entre Capitaine. Savoir que ce fait progressait dans l'état d'esprit de Tsunemi était donc forcément une bonne chose. Il finit par avaler la dernière bouchée puis, après s'être tapoté les mains pour en virer les quelques miettes qui y étaient nichées, il reporta son attention sur la Capitaine des Scientifiques. Jolie brin de femme, c'était une évidence.

- Sur ce point-là, tu vas devoir bosser deux fois plus dur que les autres. Ton niveau en Zanjutsu n'est pas acceptable pour un Capitaine. J'sais bien qu'il y a deux catégories dans cette équipe : ceux qui réfléchissent et ceux qui cognent. Mais faut pas oublier nos fondamentaux ! Savoir tenir son Zanpakutô est indispensable.

Le terme équipe, à ses yeux, regroupait évidemment l’intégralité des Capitaines. Qu'il en apprécie certain ou non n'entrait même pas en ligne de compte. Ils étaient les treize Shinigamis les plus puissants du Seireitei. Ceux sur qui les autres prenaient exemple et se reposaient. Ils avaient donc un devoir moral envers eux. Une notion importante pour le colosse qui, même s'il s'en cachait, éprouvait un respect profond envers l'aura des Capitaines. Ainsi, si le cerveau n'était pas un muscle obligatoire pour mener des hommes, pouvoir se défendre seul faisait partie des impératifs. Certes, Ai se reposait très certainement sur d'autres talents mais ce n'était pas suffisant. Sa défaite au Hueco Mundo en était une preuve absolue et irréfutable. Et elle s'en rendait compte, sans quoi elle ne serait pas venue à lui.

Ce dernier point était évidemment obscur pour Shinjirô. Lui-même ne lisait pratiquement jamais les rapports de missions, préférant laisser la corvée à Noboru. Mais comme ce gredin avait été élevé au plus haut rang, il oubliait de temps la mission qui était la sienne. Ainsi savait-il seulement que l'équipe de la Tsunemi avait été défaite face à plus fort qu'eux et que la jeune femme n'avait donc pas tiré son épingle du jeu. Il ne lui jetait pas la pierre pour autant. Au final, rare était celui qui s'en était sorti avec les honneurs. Son équipe à lui et Tenzen. Bien maigre résultat pour une opération de ce genre.

- Ça a été si terrible, le Hueco Mundo ?

Tranquillement assise là à discuter, Ai aurait pu facilement oublier qu'elle se trouvait au beau milieu d'un entrainement qui se voulait intensif. Elle prêtait beaucoup plus d'attention aux réactions du colosse quant à la dégustation des biscuits qu'elle avait préparés qu'à son Zanpakuto, négligemment posé en travers de ses jambes. Elle devait apprendre à manier Masshusebone, pourtant, c'était une évidence. Mais autre chose l'intéressait davantage. Pour la première fois et alors qu'il avait savouré cette bouchée de gâteau de riz le Kenpachi avait eu l'air réellement détendu, laissant tomber l'espace d'une demi-seconde son visage dur et sa verve habituelle. Laquelle était revenue au galop tout de suite après, n'en déplaise à la jeune femme. Mais dans ce bref instant, elle l'avait trouvé beau. Mais elle n'avait pas rougi. Elle s'était contenté de se composer la mine de celle qui boit les paroles de son instructeur. Ce n'était pas un rôle difficile à jouer.

Elle se repassa le déroulement de leur séance jusque là, les bottes, les coups de lames et le corps à corps inéluctable de pareille situation, si étrangère pour elle. Elle connaissait tout du mélange de deux produits pour en composer un troisième, et maitrisait les arcanes de la technologie de pointe jusque dans ses propres stratégies de combat. Mais elle n'était pas une combattante. C'était un paradoxe complet, et pourtant ca faisait sens. D'un point de vue purement philosophique, elle était en train de s'éveiller à la voie du guerrier, pavée d'honneur et de grace. De fureur, aussi. Comme dans le Japon médiéval, finalement. Cette pensée éveilla un étrange écho en elle, la mettant mal à l'aise. Elle réajusta une mèche derrière son oreille.

- Et je comprends parfaitement cela. De plus, on gagne à maitriser plusieurs techniques, que ce soit en attaque ou en défense, ça nous rend beaucoup moins prévisibles.

Par exemple, elle maitrisait parfaitement les kido sans incantation, ce qui, elle le savait, était considéré comme une pratique de combat particulièrement dépourvue d'honneur à la onzième. C'était pourtant en partie grâce à sa maitrise exceptionnelle des kido que le Sotaisho avait appuyé sa nomination au poste de capitaine. Replongeant ses yeux noirs d'encre dans ceux du géant, elle ne dit rien lorsqu'il la questionna quant au Hueco Mundo. Rien ou presque.

- Oui.

Pourtant dans son regard était passé toute la honte et la tristesse liée à cet échec, ainsi que la frustration de devoir recourir à une canne pour se déplacer. Elle était diminuée, et elle n'était plus si sure de sa force. Elle était donc avide d'apprendre, avide de se perfectionner et d'atteindre un niveau qui lui permettrait de balayer l'Espada la prochaine fois qu'elle croiserait l'un de ses membres. Elle se l'était jurée à elle même. Perdue dans ses pensées, agitées comme on peut s'en douter, elle glissa légèrement de son rocher et se rattrapa, ferme mais délicate, au bras massif de son collègue. Elle rougit une nouvelle fois de honte, grimaça de douleur cette fois, et émit un léger gémissement. Sa mauvaise jambe avait retenu son poids. Elle se ressaisit rapidement, et, attrapant la garde de Masshusebone, lança:

- On devrait se remettre au travail.

Mais la difficulté à se lever et le ton peu enthousiaste de la scientifique disaient tout le contraire. Elle était à la fois motivée, gênée et très abattue. Un cocktail détonant.

Cette fois, le doute ne lui était plus permis. Elle était bien plus blessée qu'elle ne semblait vouloir l'admettre et lorsqu'elle s'était rattrapé à son bras, Shinjirô avait perçu sa douleur. Si elle faisait bonne figure, son visage exprimait tout de même la fatigue et la souffrance. Même si à chaque fois, elle se recomposait ce masque pour aller de l'avant. En d'autres circonstances, Shinjirô aurait félicité la personne pour son courage et sa dévotion. Mais en l'état actuel des choses, il ne pouvait permettre à un Capitaine de s'opposer à lui si celle-ci n'était pas en pleine possession de ses forces. Même pour un simple apprentissage. Car le colosse ne savait pas lever le pied. Par conséquent, il risquait de blesser plus gravement encore la jeune femme si celle-ci se laissait surprendre. Et de ce qu'elle avait déjà dévoilé, il ne doutait pas un instant de parvenir à son but s'ils continuaient. Trop risqué.

Un bon soldat devait toujours aller de l'avant. Mais un gradé, Capitaine de surcroit, devait savoir quand s'arrêter. Surtout avec la menace qui planait au-dessus de leur tête à tous. La proximité des deux êtres permettait à Shinjirô d'agir directement sans avoir à s'avancer vers Ai. De sa main droite, il prit la main armée du sabre de Tsunemi et abaissa celle-ci vers le sol, en guise de capitulation. Son visage n'exprimait rien. Ni fermeté, ni déception. Il était trop tôt pour elle. Et s'il était déterminé à en faire une vraie épéiste, il allait encore attendre quelques jours le temps qu'elle se remette de ses blessures. Ce n'était évidemment pas négociable. Car s'ils avaient un rang équivalant, la parole de Shinjirô avait autrement plus de poids que celle de la jeune femme.

- Hors de question. Ta blessure est un véritable handicap et tu ne parviens même plus à le cacher. Si tu poursuis, tu seras dans un état pire que celui-ci. Et ce n'est pas comme ça qu'on apprend. Range ton arme, Ai. Je ne te donnerais plus de cours aujourd'hui.

Lâchant sa main, il se recula de quelques pas, tendit la main vers Kaimetsu et attendit que celle-ci arrive à lui grâce au pouvoir du magnétisme. Et tandis qu'il remettait l'arme en place dans son dos, prenant soin de rattacher les sangles afin de ne pas la perdre en route, il se mit à réfléchir sur le moyen d'aider cette femme à s'améliorer. Il lui paraissait déjà évident qu'un petit tour à la Quatrième s'imposait. Ne lui en déplaise. Il leva les yeux vers elle. Et se surprit à la regarder autrement que comme une simple collègue. Belle, elle l'était. Il se mit une baffe mentale qui eut pour effet de le recadrer un peu.

- Faut que tu ailles soigner ça à la Quatrième. Ils sauront te remettre sur pied rapidement et ensuite j'envisagerais un entraînement plus complet. Je...

Il se figea juste à temps, évitant de terminer sa phrase. Qu'est-ce qui lui prenait ? La douceur de la jeune femme semblait l'atteindre et il ne réagissait plus exactement comme il l'aurait fait avec n'importe qui d'autre. Le fait qu'elle soit une femme n'y était évidemment pour rien puisqu'il n'avait jamais changé son comportement en fonction du sexe en face. Shinjirô était un homme intègre. Mais là, quelque chose le troublait. Et il ne parvenait pas à mettre le doigt sur le problème. A moins qu'elle lui plaise ?

- Si tu veux, j'viens avec toi. J'ai deux ou trois connaissances là-bas en qui j'ai confiance. Ça te va ?

Citation :

Comment ça j'ai oublié ce rp ? Mais non, pas du tout ! Pas du tout ! xD
Plus sérieusement, si tu veux cloturer, tu le peux. A toi de voir. Et si tu veux poursuivre, je suis OK.