• Je m'accoude à la rampe d'un escalier luxueux, un peu comme tout ce qui se trouvait dans cette grande salle. D'apparence blasé, je soupire. Un bal, convié à je ne sais plus quelle événement important, et la moitié des Shinigamis ne viennent pas. Et moi qui pensait que c'était obligatoire. En fait, ca l'est, mais quel crétin. De toute façon, je m'éclipse d'ici dès que l'occasion se présente. Je balaye la salle de mon regard tranchant. Les organisateurs de cette foutue fête, l'Association des Femmes Shinigamis, s'amusaient et riaient, buvant du saké comme si de rien n'était. Franchement, il y a des choses bien plus importantes qu'une soirée idiote comme celle-ci. Un peu plus proche de ma position, quelques hommes des 6ème et 7ème Divisions semblaient tout aussi enthousiaste que moi, c'est à dire pas du tout. Je me sers un verre d'alcool - autant en profiter un minimum - tout en contemplant tout les ornements de la salle, le visage fermé. Alors mon visage s'arrête sur une femme à l'aspect normale, si ce n'est son bandeau de Vice-Capitaine de la 4ème. Je m'approche de la brune, tentant d'engager la conversation avec cette femme qui semblait tout aussi ennuyé par cette fête ridicule.

• Je m'assis sur une des nombreuses chaises blanches éparpillés dans tout les coins, sirotant ma boisson sans appétit. Ce serait bien plus amusant d'organiser un Tournoi. Mais non, toujours des idées vaseuses et sans intérêt, nous. Je parie qu'à Las Noches, ils s'amusent plus.

« Par la couille de Scar le Terrible ! Moins serré, j'étouffe ! »

Et c'est en ces termes mélodieux que commença officiellement la soirée de la belle Satô. L'air était doux, le ciel étoilé et trois infirmières surexcitées tournaient autour de la lieutenante. Elles piaillaient comme des dindes, et le visage de Satô n'était pas loin de tourner au rouge cerise. Elle finit par arracher des mains de son habilleuse improvisée l'obi avec lequel l'ingénue cherchait à étouffer sa victime, et s'éloigna un peu. On la collait depuis le déjeuner. Évidemment, pas question pour une membre éminente de la Quatre de rater le légendaire bal de l'Asso', comme l'avait subtilement laissé sous-entendre Isane lors du dernier debriefing. Autant annuler l'événement tout de suite si telle chose venait à se produire... Inutile de préciser qu'à la suite de l'annonce, les éléments féminins de la Quatre avaient couvé la Vice-Capitaine et la Troisième Siège comme le lait sur le feu, les défiant de s'en aller. Et, si Fumiko ignorait où se trouvait Asuna, elle savait que cette dernière avait subi exactement la même chose qu'elle.

« -Et vous croyez qu'il y aura le Capitaine Himesaki ? Il est trop beaaaaaaaau- »

Elle entreprit de redresser le noeud vaguement esquissé de sa ceinture, en refit les plis, le serra plus décemment. Expira un coup. Ça allait tout de suite mieux. Elle lissa distraitement le bas de son joli kimono, observant, amusée, les trois bavardes qui gloussaient à qui mieux mieux.

« -kushiji ? Naaaan, il est trop coincé du c- »

Elles étaient tellement bruyantes que, même à un mètre d'elle, Fumiko ne pouvait discerner un mot sur deux. Et imaginez-vous un service entier rempli de donzelles dans le même état, à la même date, année après année. C'était Unohana qui avait instauré la tradition, et Isane aurait été bien en peine de la supprimer. En tant que Présidente de l'Association des Femmes Shinigami, et en tant que Capitaine épuisée des assauts répétés de ses soldats, Kotetsu avait cédé. Encore une fois, le bal aurait lieu, et les jeunes filles de la Quatre iraient glapir dans tout le Gotei en espérant que tel ou tel beau monsieur serait présent à la soirée. Autant dire que leurs efforts étaient rarement récompensés, même si à force de tannage de cuir de Capitaine-Commandant Unohana avait réussi à rendre l'affaire obligatoire. Et les sales temps qui couraient avaient rendu la fête presque nécessaire au Sereitei. On avait oublié de rire, et cela faisait trop longtemps qu'elles attendaient toutes ce moment.
Une jeune rousse s'approcha de Fumiko et accrocha dans son semblant de chignon un camélia rouge. Enfin, elle était prête. On allait pouvoir faire la fête, et elles s'égayèrent en la tirant par les manches, gentiment.


Une heure plus tard, elle était plantée, seule, un verre à la main, près du buffet, tandis que ses protégées faisaient la roue devant les rares mâles qui avaient osé se présenter (plus que d'habitude, à vrai dire: du temps d'Unohana, il était interdit pour une jeune fille de repartir accompagnée, on espérait qu'Isane serait plus souple. Ce n'était pas gagné.). Elle but une gorgée, une deuxième. Le temps se faisait long, et elle savait qu'elle devrait rester jusqu'au bout, malgré sa paperasse alanguie dans son bureau, qui l'attendait, dans le froid et la douleur, d'être classée. Fumiko eut un petit pincement au coeur à l'idée de ce triste tableau. Elle but une troisième gorgée et se plongea dans l'examen de son vêtement. C'était un fort joli furisode, vraiment, à la couleur sarcelle et aux dessins fantaisistes. Un dragon s'enroulait autour de la branche d'un pin sur l'une de ses longues manches, tandis que sur l'autre venait se poser un héron sur une rivière fleurie. A vrai dire, elle n'avait pas l'habitude de porter d'aussi jolies tenues, et elle avait été obligé d'aller emprunter cet habit de cérémonie à une amie de sa grand-mère. Et elle avait eu raison de se prêter à telle aventure: comme d'habitude, la salle était luxueuse, tout comme la réception, qui se donnait à l'européenne. Des lustres tombaient du plafond comme une pluie d'orage, illuminant mieux la salle qu'eut pu le faire cent éclairs. Les gens évoluaient, gracieux, comme s'ils savaient d'un coup se tenir, comme si la lumière des bougies les ramenaient de force à une éducation qu'ils n'avaient jamais eu, comme si leur belle tenue les transformait en un tout autre personnage.

… Belle tenue que tout le monde n'avait pas pris la peine de mettre. Fumiko sourit à la vue d'un jeune homme en uniforme militaire. Ce visage fermé, cet entrain mal dissimulé, cette ruée vers l'alcool, et le dédain des jeunes filles pour l'élément mâle... Cela ne pouvait indiquer qu'une chose. La Onzième Division était dans la place et n'était pas ravie d'y être.

« Bonsoir. »

Sa question la fit réfléchir. Amusant ? Elle ne s'était pas posée la question, à vrai dire. Cela faisait trois cent ans qu'elle assistait à ce bal, depuis ses débuts, et elle n'avait pas eu le souvenir d'avoir pu en rater aucun. Les cent cinquante premières fois, bien sûr, cela avait été une belle corvée. Mais à force... Il y a des choses auxquelles on se faisait. Elle s'y était fait, et c'était le cœur plein de résignation qu'elle se rendait à ces fêtes où rien ne l'attirait, si ce n'était le sourire béat de ses camarades -on finissait par s'attacher à ces idiotes, quoi qu'on en dise, au bout de quatre cent ans. Et puis, ça faisait toujours du bien, parfois, de s'asseoir et de regarder les mouches danser. C'était devenu la récréation de Fumiko, et elle avait fini par s'attacher à l'institution. Syndrome de Stockholm, quand tu nous tiens...
Elle reposa son verre vide sur le buffet, derrière elle, et lui sourit en lui faisant face, les yeux pétillant de malice.

« Vous devez être nouveau à la Onzième, pour venir encore au bal de l'Asso. »

- Bonsoir, Satō Fukutaishô. Puis-je me joindre à vous deux quelques instants ?

- Je n'avais jamais participé à ces bals, ces derniers n’existaient pas encore il y a trois siècles. Le concept est intéressant...

• J'hoche la tête doucement, et la tourne vers la Vice-Capitaine aux cheveux obsidiens, puis l'interpelle à mon tour. Personne de la Division n'ose se pointer ? Vraiment, je me suis fait avoir comme un bleu. Je clos les paupières à moitié et soupire, prêt à déguerpir dès que l'occasion se présentera.
  
  << C'est vrai, je suis le nouveau 3ème siège. L'ancien est décédé. >>
  
  
• Je chasse les souvenirs de la mort de mon prédécesseur qui commençait à me ronger. Et comme pour m'en extirper, un autre Vice-Capitaine, celui de la Neuvième avec qui je n'ai pas fait connaissance, s'invite dans la discussion. Aussitôt, un autre débarque, cependant, ce dernier m'intéresse beaucoup plus que les autres, car c'est mon Vice-Capitaine. Je me lève pour salue les deux nouveaux arrivants, par respect, tout en m'adressant deuxièmement au vice-Capitaine de la Neuvième.
  
  << Très bien, Ryuu-fukutaishô, et vous ? >>
  
  << Je n'ai pas encore le plaisir de connaître votre nom. >>
  
  
• Une fois les présentations faites, je me rassis là où je m'étais installé, tout en écoutant d'une oreille la conversation qui s'ensuivait. Je repris mon observation de la salle, m'apercevant de l'absence de l'essentiel des capitaines et des plus anciennes recrues. Là, c'est sûr, je me suis vraiment fais avoir. Cependant, je crois que je vais rester. Je devrais faire plus ample connaissance avec Karot, que j'ai très peu aperçu jusqu'ici, car il s'emprisonnait dans son bureau pour s'occuper de diverses paperasses. Voilà pourquoi être Capitaine me fait peur, il y a trop de documents à traiter, de rapports à éplucher. C'est vaseux. Je reprends le fil de la conversation à ce moment là.

« J'ignorais qu'il avait été remplacé. Je vous souhaite bien du courage, Troisième Siège, vous en aurez besoin. N'hésitez pas à... »

Elle n'eut pas le temps de finir. Ne prit pas le temps, en réalité. La jeune femme avait aperçu quelqu'un, à quelques pas du binôme qu'elle formait avec le Troisième Siège, dont la vision avait été autant un choc qu'une agréable surprise. Kagura Kamui, Vice-Capitaine de la Justice. Un département qu'elle craignait, et avec raison, mais un homme apprécié, bien qu'elle ne l'ait vu qu'une fois jusqu'ici. Et cette unique fois lui avait suffisante pour juger le jeune homme en bien.
Elle se détourna du Troisième Siège et fit quelques petits pas vers le nouvel arrivant, un sourire ravi aux lèvres. Finalement, peut-être que la soirée serait plus riche qu'attendue. Elle le salua très protocolairement, sans se départir de cette moue amusée qui était toujours la sienne.

« Ce sera avec plaisir, Lieutenant Kagura. »

Le jeune Kuronaga lui était complètement sorti de la tête. Que voulez-vous, Fumiko parlait en ce moment même avec un homme intelligent, sérieux, intègre et, pour ne rien gâcher, réellement beau. Le Troisième Siège n'avait pas l'ombre d'une chance face à lui... Fumiko avait des ovaires, après tout. Il y avait des choses qu'on ne pouvait changer.

« Cela date du Capitaine Unohana. Imaginez-vous qu'elle a réussi à rendre l'exercice obligatoire... Le jour où l'exploit a été accompli est encore inscrit dans ma mémoire comme celui où j'ai le plus ri. »

Elle était toujours aussi calme, détendue. Elle n'était pas du genre à faire des simagrées pour plaire, pour séduire. Fumiko était très nature. Elle replaça une de ses mèches derrière son oreille et pria très fort pour que son haleine ne sente pas trop la cigarette. Ô Dieu du Menthol, entend ma prière...

« C'est même devenu une tradition... Ni le Capitaine Kotetsu ni moi n'aurions pu supprimer cette soirée... A supposer que nous l'eussions désiré. Il y a des choses au goût de passé qui soulagent les cœurs durant les temps durs... »

Une jeune serveuse passa à leur niveau, portant des flûtes de champagne. Fumiko s'en saisit d'une, plus pour s'occuper les mains que pour s'enivrer. Non qu'elle soit mal à l'aise, mais elle n'était plus habituée à de tels contacts. Les hommes, elle les voyait couvert de sang, ouvert de partout, pleurant comme des lopettes sur les scènes horribles qu'ils avaient vécu. Cela faisait une éternité que Fumiko ne s'était pas faite belle, qu'elle n'avait pas bu de champagne, qu'elle n'avait pas discuté avec un bel homme de tout et de rien. Elle n'était pas mal à l'aise, non, ni rougissante, mais elle avait besoin d'un peu de réconfort, en la matière d'un objet pour lui remplir les mains.
L'arrivée impromptue du « Ryuu Karot-san de la Onzième » lui coupa les ailes. Littéralement. Elle faillit céder à la détresse... La soirée commençait si bien. N'allez pas croire cependant qu'elle n'aimait pas le nouveau Lieutenant, qu'elle lui en voulait de quelque manière que ce soit depuis leur dernière altercation. Non, Fumiko haïssait rarement, et pour des motifs bien plus graves. Mais le jeune Ryuu était plutôt comme ces grattons qui s'agrippaient à la base des hakamas, et qui n'acceptaient d'en partir qu'au prix de la détérioration du vêtement. Il était difficile de souffrir leur présence et, dès qu'on les voyait, on ne pensait plus qu'à une seule chose, les enlever pour les jeter au loin.
Elle salua l'homme tout aussi formellement que précédemment, sans froideur cependant.

« Bonsoir, Lieutenant. »

Elle sentit plus qu'elle n'entendit son premier interlocuteur se relever. Ah... Elle avait été impolie. Aussitôt, elle se retourna vers le Troisième Siège.

« Veuillez m'excuser, Troisième Siège, je ne vous ai pas présenté. Lieutenant Kagura, je vous présente les nouveaux Troisième Siège et Vice-Capitaine de la Onze. Messieurs, voici le Lieutenant Kagura, qui travaille dans la Justice. »

Le jeune Troisième Siège se rassit dès que sa curiosité fut satisfaite. Ryuu, lui, avait l'air particulièrement d'accord avec l'idée de leur tenir la jambe pendant un certain temps. Et il était absolument hors de question, s'il déplaisait à Kamui, que la jeune femme laisse filer une soirée agréable pour un peu de politesse. Elle se retourna encore une fois vers l'objet de ses attentions. A force de tourner, elle allait finir par avoir le vertige.

« Vous devriez venir voir la vue depuis le balcon, Lieutenant Kagura, c'est magnifique. »

Et de lui lancer un regard de détresse, invisible aux yeux de l'intrus, qui ne pouvait signifier qu'une chose: "épargnez-moi la présence de ce fat incompétent aux choses de la médecine, c'est-à-dire aux choses sérieuses, tout en me faisant la grâce de votre compagnie". Un homme particulièrement habile en psychologie eut pu discerner un « Pitiééééééé... » tout mouillé qui se glissait au fond des yeux de la jeune femme. Elle n'avait, de toute évidence, pas envie de transformer la soirée en réunion officieuse de gradés. Mais encore fallait-il que Kamui soit capable de discerner de tels signes...

- Et bien qu'attendons-nous pour nous y rendre ? Messieurs, si vous voulez bien nous excuser ? Je vous souhaite une bonne soirée.

- Dans le doute, nous devrions nous éloigner d'eux. Les hommes de la Onzième division ne sont pas réputés pour être très réceptifs et je doute que votre subtilité fonctionne bien longtemps sur eux. Si vous voulez bien me conduire...

- Oublions nos rangs, au moins pour cette soirée. Qu'en dites-vous ?

• Je me sentais étrange. Alors que Karot m'interpellait, mon esprit se tournait vers autre chose. Mes cheveux tombèrent sur mes yeux, masquant mon air pensif. Ma tête commençait à tourner, alors que mon esprit bouillonnait. Quelque chose me gênait, mais dans l'immédiat, je n'arrivais pas à discerner quoi. Ce sentiment d'euphorie, cette excitation que je ressens avant un combat, elle faisait rage à l'intérieur de moi sans raison apparente. Je me relevais de la chaise et saisit l'épaule de mon Vice-Capitaine, laissant un mince sourire fendre mon visage qui était pourtant si boudeur il y a de ça une minute. Je serrais le poing jusqu'à que mes jointures deviennent blanches, et mon autre main écrasait l'épaule de mon lieutenant sans même que je puisse m'en rendre compte. Tout à coup, je me figeais net. La réponse m'apparut, clair comme de l'eau de roche. Un petit rire s'échappa de mes fines lèvres rosâtres, alors que mes yeux de quetzal fusillèrent ce certain Kagura. Je déteste que l'on se fiche de moi impunément. Et mon impusilsivité sans limites reprit le dessus. Ils nous traitent de sauvages ? Ils nous voient comme des brutes ? Aucuns problèmes. J'allais leur faire voir ce qu'est une brute, ce soir, ici même, au bal officiel de l'Asso. Mon bras libre s'étendit en direction des pieds du lieutenant de la 9ème Division, et je visais juste à coté. Alors, je murmurais l'incantation.
  
  « Maîtres et seigneurs. Ô masque de chair et de sang... Ô
  Univers entier… Ô battements d’ailes… Ô celui qui porte le nom
  d’humain ! Vérités et tempérances à partir des murs construits de rêves
  purs et sans pêchés, n’élevez point vos griffes davantage que le strict
  nécessaire. »
  
  << Hadō #4. Byakurai. >>

- Pauvre fou ! Tu viens de lever la main sur un Lieutenant du Seireitei. Devant témoins. Mettant également en péril la vie d'innocents de par l'utilisation approximative de ton sort. Laisse-moi te montrer ce que nous appelons réellement "nécromancie". Kin !

- Bankin !

- Je place cet homme aux arrêts. Quiconque essaiera de l'aider se retrouvera de fait complice de sa folie et donc susceptible d'être jugé par la Neuvième division. Que les témoins de la scène se regroupent, ils seront interrogés ultérieurement. Lieutenant Ryuu... Je vous invite à ne pas aggraver le cas de ce Shinigami qui jette le discrédit sur votre division toute entière.

Sans se laisser prier, Fumiko attrapa le bras élégamment offert de son collègue, y posant délicatement sa main. Elle était aux anges. Non seulement la soirée promettait d'être la meilleure depuis longtemps, mais en plus elle n'aurait pas à subir les ronds de jambes de ses collègues qui, chaque année, s'entêtaient à venir lui présenter leurs hommages et à lui tenir la jambe... On ne savait pour quelle raison, Fumiko n'était pas réputée pour être particulièrement aimable avec les mielleux et cancanneurs.
Elle commença à se diriger vers la fenêtre, qui était en réalité un balcon à la balustrade ajourée, et dont les montants des murs étaient ornés de lourds rideaux de velours cramoisis. On voyait à peine le parapet, de la salle: la puissante lumière des lustres n'arrivait pas à en ôter l'intimité nocturne. Un endroit idéal, en comme. Fumiko en avait les yeux qui brillaient rien qu'à cette perspective. Et le délicieux jeune homme qui encourageait chaudement sa fuite... Vraiment, elle n'aurait pu mieux espérer. Il était aussi fin qu'attendu, plus, même. D'un autre côté, il était peu étonnant qu'un membre de la Neuvième souhaite éviter l'encombrante présence des soldats de la Onzième. Leurs deux fonctions, complémentaires, s'opposaient néanmoins quand on parlait de Tenzen et de Shinjirô. Ces deux abrutis étaient incapables d'un peu de souplesse de caractère... Un jour, cela perdrait le Gotei.
Elle ne pouvait qu'espérer que Kagura soit moins rigide que son Capitaine. Sa présence en ces lieux jouait déjà en sa faveur; et le fait qu'il se soit rebellé contre le Gotei pouvait être encore un autre attrait de l'homme aux yeux de la jeune femme, même si elle ne savait rien que de très vague à ce sujet. On n'arrêtait pas les bruits de couloirs, mais il était encore plus difficile de les rendre consistants.

- Oublions nos rangs, au moins pour cette soirée. Qu'en dites-vous ?

Elle serra un peu plus sa prise sur le bras du beau Lieutenant et leva ses yeux pétillants vers lui, toujours aussi souriante.

« Voilà une excellente idée, Ka- »

Un verre s'écrasa sur le sol. Fumiko tourna la tête, à la recherche de la source de l'incident. Elle la trouva vite. C'était Marie, le teint pâle, la bouche grande ouverte sur un cri qui ne venait pas, les mains sur le visage, les pieds mousseux d'alcool. Elle regardait derrière la Lieutenante, comme si un Arraché venait d'apparaître dans son dos. Alors une voix forte s'éleva alors derrière eux, puissante, furieuse. Elle ne saisit pas immédiatement la teneur des mots. A vrai dire, elle ne les avait pas entendu, lu, vu depuis longtemps... Fumiko ne lançait plus d'incantations parlées depuis longtemps, ne lançait plus d'incantations tout court. Avait-elle déjà combattu un véritable adversaire ? La question méritait d'être posée. En tout cas, elle n'était sûrement pas prête à faire face à une attaque surprise d'un siège durant un bal de l'Association.
Tout se passa en un éclair. Kamui se retourna, lança un bouclier qui intercepta le sort. Fumiko, déséquilibrée par le geste soudain de son cavalier, cogna contre la table de petits fours. Elle fit un pas, deux pas, marcha sur la longue manche de son kimono et... Tomba. Élégamment, cela allait sans dire.
Et le temps de se relever, de démêler les couches de tissus qui s'accumulaient entre sa liberté et elle (Personne dans la salle n'était à même de mettre à mal Kagura, elle en était certaine, si ce n'était Isane), tout était fini.
Le Troisième Siège, car c'était lui, répandait déjà son sang en des flots vermeilles sur ses vêtements. Fumiko eut à peine le temps de voir son visage qu'il disparaissait sous la cage de fer du Bankin.
Elle mis quelques secondes à reprendre contenance.

« Et bien... »

Les yeux écarquillés, la bouche entr'ouverte et les cheveux défaits, elle avait l'air légèrement sous le choc. Non, Fumiko Satô n'avait jamais vu le feu, c'était clair. Elle passa la main dans ses cheveux, le temps de constater l'ampleur du désastre.

« Quelle efficacité, Kamui... »

Elle lui adressa un regard plein d'admiration, sans même faire attention à la façon dont elle s'était adressée à lui. Si elle n'avait aucune expérience, elle savait la reconnaitre quand elle la voyait. Kamui rajoutait à la longue liste de ses qualités de grands talents de guerrier.
Cependant il fallait faire quelque chose. La musique s'était tue, nombre de verres avaient été renversés, la surprise et le choc se lisait sur tous les visages. Ce n'était pas exactement comme ça qu'elle avait envisagé la soirée. Fumiko avait désiré de la nouveauté, oui, mais pas à ce point. Elle s'avança de quelques pas. Leva le bras en direction du fou emprisonné.

« Shô ! »

Tout d'abord, rien ne se passa. Les demoiselles de la Quatre, qui avaient marqué l'événement de cris et de piailleries, s'étaient tues. On n'entendait plus rien dans la salle, si ce n'était les quelques gémissements de douleur du Troisième Siège blessé. Et puis le cube commença à trembler, doucement d'abord, puis avec plus de vigueur, son poids allant jusqu'à faire tintinnabuler les lustres du plafond. Des murmures de surprise commencèrent à monter quand on vit la cage se soulever de quelques centimètres. Un cri fut poussé quand, après quelques secondes de lévitation, l'objet disparut soudain à travers la fenêtre où se dirigeaient précédemment les deux Lieutenants, laissant une piste sanglante à sa suite. On entendit le bruit sourd de l'atterrissage, au loin, sur une pelouse.
Fumik redressa l'index de sa main levée. Les gravats, les éclats de verre et le sang du criminel -ou plutôt la victime ?- lévitèrent de même, avant de suivre la même voie que celui qui en était la source.

Et tout fut comme neuf, ou presque, d'un geste de la main, comme si de rien n'était. Satô baissa la main, tourna le regard vers sa Capitaine. Celle-ci lui fit un petit signe de la tête. Bien. La Seconde était en route. Elle lissa son kimono et toussota légèrement. Il avait été décidé, en ce bref regard de concertation, que la soirée continuerait comme à son habitude.

« Mesdemoiselles, Mesdames, Messieurs... » Les regards, partagés entre Kagura, Ryuu et elle, se concentrèrent sur sa personne. Elle éleva sa voix grave. « L'incident est clôt. Veuillez croire que toute la lumière sera faite sur ce geste de folie. Mais en attendant, je vous invite à reprendre le cours des festivités. Ne laissons pas des gestes inconsidérés jeter un froid sur un moment de détente aussi précieux. »

Et d'un geste de la main, elle intima à l'orchestre de reprendre.

- J'accepte vos excuses, Ryuu Fukutaishô. Les erreurs d'un homme ne doivent pas entacher la réputation de ceux qui combattent à ses côtés. Je ne tiens pas pour responsable la Onzième division des égarements de ce fou. Toutefois, je doute que les sanctions qui seront prises à son encontre soient du ressort de votre division. La Justice scellera le sort de ce traître.

- Je doute que l'on puisse dire cela lorsque l'on regarde autour de soi, Kirito-Fukutaishô. Mais si vous désirez vous assurer que l'affaire est close, je vous rassure : elle l'est. Je vais d'ailleurs devoir rendre compte immédiatement de ce qui se passe ici. Avant que l'affaire ne s'ébruite. Messieurs, si vous voulez bien m'excuser. Mademoiselle...