Alors c'était ça, Karakura?

Perché sur le toit de ce qui semblait être une vieille grange défoncée, l'Arrancar se laissa choir mollement, étirant ses muscles endoloris par le voyage. Il aurait balancé ses valises autour de lui s'il en avait possédé; toutefois, il ne s'était pointé qu'avec sa lanterne et une sorte de baluchon en toile d'araignée rempli de Snickers (il avait beau se nourrir principalement d'énergie spirituelle, il adorait ces conneries que les humains bouffaient sans cesse), et le baluchon désormais vide gisait maintenant quelque part dans un champ. La lanterne, en revanche, était toujours à sa ceinture, et un grognement de protestation s'en éleva lorsqu'elle heurta la surface légèrement inclinée du bâtiment qui servait de perchoir à son porteur.


- Hé ho, fais gaffe ! T'es pas le seul à être crevé ! J'ai des crampes dans la chaîne, la vache...


L'Arrancar blanc, lui, était plongé dans un profond mutisme. Il contemplait la ville qui s'étendait sous ses yeux - sa future résidence, peut-être pour un bon bout de temps. Aussi ne remarqua-t-il pas l'arrivée de son semblable, tout absorbé qu'il était, avant que celui-ci ne lui adresse la parole. Il sursauta d'un bon mètre, et sa main plongea dans sa tenue, se refermant sur la garde de son Zanpakutô, pour réaliser seulement après coup que l'inconnu n'avait pas l'air agressif pour un sou. Bon, c'était toujours ça de gagné; au moins, il n'aurait pas à se battre à peine arrivé. Il en profita pour le zieuter furtivement avant de lui répondre, tout en se relevant.


- Eh bien, je viens tout juste d'arriver... On m'a recommandé Karakura pour un séjour prolongé. Et c'est bien simple ! J'ai écumé Londres et hanté Milan; j'ai secoué Paris et retourné Munich; de Bucarest à Copenhague, j'ai laissé mon empreinte, et même les villes du Nouveau Monde ont tremblé sous mon action. Mais ici... c'est incroyable ! Cet air frais ! Ce calme apparent ! Cette ambiance... c'est AAABSOLUMEEENT...


Il avait ouvert les bras en grand, entraîné petit à petit par son discours. Soudain, son ton changea du tout au tout alors qu'il se laissait choir sur le dos, juste aux pieds de Shin, poussant un long soupir.


- ... chiant à en crever. Celui qui m'a conseillé de me pointer a bien mérité de se faire bouffer, tiens. J'imaginais un petit bled, ok, pas du genre village quand même, mais quelque chose de décent. Et là, je vois... ça. Crois-moi, ça fait mille ans que je traîne ma lanterne aux quatre coins du monde, et j'ai jamais eu un aussi mauvais a priori sur un endroit, à part en Australie - c'est dire ! Alors si tu cherches à t'amuser, fais pas la même connerie que moi et va à Tokyo. Là-bas, au moins, y a des maid cafés...


Des maid cafés... Un trou comme Karakura n'en aurait pas, pour sûr. Quid de son passe-temps, se cacher dans le vestiaire pour regarder les serveuses se changer et les effrayer juste au bon moment pour les faire paniquer et sortir à poil? Hein? Nouveau soupir. On lui avait bien indiqué qu'il fallait qu'il reste un bout de temps "pour comprendre l'intérêt de la ville", mais des bleds sans intérêt de ce genre, il en avait vu des millions. Non, vraiment, il n'attendait rien de cette ville. Cessant de fixer Shin par en dessous, il tourna la tête et lâcha, avec un détachement parfait, un crachat qui s'envola joyeusement dans l'air matinal, plana quelque temps et s'écrasa dans l'herbe, en contrebas, avec un bruit mou.

Quelque temps plus tard, il se rendrait bien compte qu'il ne pouvait probablement trouver aucun chien-Hollow, femme-serpent géante, truc énorme qui attaque comme dans Godzilla ou cavalier de l'Apocalypse autre part qu'à Karakura - mais pour le moment, à chaud et sans connaître le mystérieux pouvoir de cette ville (celui d'attirer la poisse, manifestement), il fallait admettre que la première impression était plutôt pourrie.