Sa vie s'effondrait tout autour d'elle. C'était une galère ... à laquelle elle n'aurait jamais pensé à dire vrai. Dans le sens où il y avait de cela quelques mois à peine, elle avait tout pour être heureuse. Une relation qui fonctionnait du tonnerre avec un homme qu'elle aimait plus que tout. Un poste haut gradé dans une organisation qui avait besoin de sang neuf après temps de disparitions. Des projets, peut-être bien aussi, avec celui qu'elle aimait. Seulement, dans l'équation, Yoshiko avait fini par perdre quelqu'un. Tōjō. Tōjō n'était plus. Son ancien capitaine, son ami, son homme -même s'il ne l'était pas devenu officiellement- était mort. Terrassé par le Capitaine de la Neuvième Division. Lui en voulait-il ? Non, du moins, Yoshiko ne savait plus quoi réellement penser. Elle ne savait pas ce qui s'était passé. Elle avait entendu des rumeurs. Mais elle n'avait pas encore eu le courage d'aller jusqu'à la source et de rencontrer le Yakushiji afin de savoir ce qui s'était réellement passé. Beaucoup disaient que Tōjō avait changé. Tous se fiaient, ou presque, aux différentes rumeurs à son encontre. Comme quoi il aimait les garçons. Comme il avait failli violer une siège de la Quatrième Division. Et toutes ces histoires autour des meurtres qu'il avait perpétré. En un sens, peut-être que ... et bien, peut-être que Tōjō avait fini par péter un câble. Peut-être l'avait-elle laissé trop longtemps de côté. Peut-être que s'ils avaient eu une discussion ... Oui, y'avait des moments où Yoshiko se disait que c'était de sa faute. Et c'était pour cela que, d'une certaine manière, elle était inconsolable, ou presque.

Depuis la disparition de Tōjō, c'était comme si elle avait perdu une part d'elle-même. Oh, nul doute qu'un jour, elle arriverait à remonter la pente. Seulement, elle avait l'impression que la triste histoire recommençait et que c'était une boucle sans fin. La perte de Tōjō lui faisait se rappeler qu'elle avait déjà perdu un être aimé. Misaki. Et qu'à la perte de celui-ci, elle n'avait pas mis longtemps à plier bagages et à quitter le Seireitei. A l'époque, elle avait pensé que ça serait de manière définitive. Et elle était revenue ... Parce qu'il était venu la chercher. Parce qu'il avait fait le chemin jusqu'à la Terre. Parce qu'il avait remué ciel et terre pour la convaincre de revenir. A quoi bon ... Le bonheur est éphémère ... Elle avait vécu quoi ? Quatre nouvelles années avec Tōjō ? Et quelques mois véritablement en sa compagnie en tant que couple. Et maintenant, plus rien. Tout s'était écroulé. Tout s'était envolé. Tout ce qu'elle avait pu construire, pouf, envolé en une fraction de seconde. Et ça faisait mal ... Très mal.

Le coude contre son bureau, Yoshiko soutenait sa tête avec ce dernier. Arrêterait-elle de pleurer ? Sans doute que lorsqu'elle aurait pleuré toutes les larmes de son corps, oui. Mais il y avait toujours une larme qui perlait, de temps à autre, le long de son visage. Elle savait qu'elle devait redresser la barre, mais elle n'en avait nullement envie à dire vrai. Se laisser couler ? Et se prendre un bon coup de pied au cul ? C'était peut-être la solution. Mais dans l'immédiat, elle songeait à se laisser couler un peu. Elle prit une lente inspiration, plaça ses deux bras sur le bureau et posa sa tête contre ces derniers. Ce n'était pas une position très agréable, certes, mais elle avait besoin de se reposer un peu. Elle ferma quoi ? Les yeux pendant peut-être une vingtaine de minutes. Avant de se réveiller. Cauchemar. Qui revenait sans cesse depuis la mort de Tōjō. Nouveau soupir de la brune. Elle passa une main devant son visage. Elle avait besoin de prendre l'air. Elle avait besoin de se libérer un peu l'esprit. De penser à autre chose. De voir autre chose aussi. Elle aurait été libre de ses mouvements, elle aurait, sans doute, fait un petit séjour sur Terre. Et elle y serait restée un petit moment. Quelques jours ... Peut-être semaines ... Voire peut-être qu'elle ne serait jamais rentrée. Non, elle savait que si elle repartait, à nouveau, elle ne reviendrait pas. Et Tōjō se serait battu pour elle ... pour rien. Sa place était ici. Même si elle avait beaucoup de mal à l'accepter. Dans un énième soupir, elle se leva. Mais n'alla pas si loin que tout cela à dire vrai. Non, elle s'était contentée de se rendre dans son jardin. Elle aimait bien son jardin. Il y avait une certaine zénitude et elle s'y sentait bien.

- Tout est empaqueté, capitaine.

En pleine méditation dans un coin de mon bureau, j’avais aussitôt acquiescé pour dire à la personne qui m’avait prévenu, que j’avais saisi l’information. J’eus un lourd soupir. La tâche qui allait s’en suivre était particulièrement ingrate, mais je me devais de la faire, ne serait-ce que pour honorer la mémoire de mon prédécesseur à la tête de cette division. Et puis, n’était-ce pas une occasion rêvée pour revoir et contempler la beauté de celle qui fut sa fiancée ces tous derniers mois ? C’était donc joindre l’utile à l’agréable d’une manière ou d’une autre. Posant une main sur ma poitrine, j’inspirai longuement, avant d’ouvrir mes yeux et me lever. La respiration abdominale était un exercice autant bénéfique pour le corps, qu’efficace pour amoindrir le stress. Je ne maitrisais pas encore toutes les subtilités de cette pratique, mais cela viendrait un jour. Toujours est-il que la pression finit par retomber de mon côté, et c’est donc d’un air serein que je sortis de mes nouveaux bureaux. Une fois à l’extérieur, je tombai sur cinq officiers de ma division qui portaient chacun un gros carton dans leurs bras. Ça en faisait de sacrés paquets, tout de même.

- Je devine bien que cela a dû être éprouvant pour vous tous. Alors, du fond du cœur, merci à tous.

Comme le voulait la bienséance, je m’inclinai devant mes hommes, ce qui eut pour effet de les gêner énormément. La plupart se confondait même en excuses, alors qu’ils n’avaient rien fait de mal. C’est dire toute la droiture dont ils faisaient preuve. Après les avoir gratifié d’un mince sourire, je me retournai non sans leur faire signe de me suivre. Notre cap était l’une des divisions voisines : La huitième. Et je pense que bien que les hommes qui m’accompagnaient l’avaient aisément compris. Après tout, les cartons que nous déménagions contenaient toutes les affaires de feu le capitaine Himesaki. Lors de mon aménagement, mes vassaux m’avaient suggéré de les jeter voire même de les bruler, mais je n’avais pas été d’accord avec ces idées qui me paraissaient radicales. Mais alors que je réfléchissais à une alternative, j’eus une pensée pour la capitaine de la huitième, ce qui m’avait conduit à ordonner le regroupement de ces affaires. Rangement qui avait dû être mentalement difficile pour ceux qui s’étaient collés à la tâche. En peu de temps seulement, deux anciens capitaines de cette division avaient péri. De quoi plonger cette dernière dans le désarroi.

- Nous venons voir votre capitaine. Pas la peine de m’annoncer, j’aimerais lui faire une surprise.

Une fois aux abords de la huitième division, j’avais pris les gardes de court avec ma phrase mielleuse ponctuée par une voix malicieuse et un brin enfantine. Le tout sous un sourire factice, n’oublions pas de le mentionner. J’étais peut-être très mature, mais je savais jouer de mes attributs de gosse. Perdus devant mon comportement de fils à papa et tout simplement désappointés par le haori que je portais, les gardes de la huitième n’eurent d’autres choix que de me laisser passer sans trop discuter. Ce tour de passe-passe nous permit à mes hommes et moi, de traverser rapidement les différents locaux de la division, non sans demander notre chemin à quelques passants. Notre petit cortège suscita beaucoup d’attentions. Ma nouvelle de ma promotion avait circulé comme une trainée de poudre dans tout le seireitei, mais voir la réalité différaient carrément pour ces gens-là. Je surpassais même la légende du fameux Toshiro, ce qui n’était pas forcement pour me déplaire malgré ma mine perpétuellement imperturbable. Bientôt, nous arrivâmes vers le fameux jardin de la capitaine qui n’était pas bien loin des bureaux. Et c’est alors que je la vis, à quelques mètres…

- Bien le bonjour, capitaine Miloë.

Malgré le fait que ma voix paraisse toujours aussi enfantine, elle était tout de même audible. Et c’est dès lors que mes hommes et moi avancèrent vers sa direction. Dieu qu’elle était magnifique, vraiment. Il y avait des beautés dans le seireitei, mais dès comme elle, c’était assez rare. Et il fallait avouer que j’étais quelque peu subjugué par sa beauté. Elle me rappelait un peu elle de ma défunte mère. Une fois près d’elle, je pris soin de m’incliner, avant de prendre parole, une nouvelle fois encore : « Je suis désolé de m’imposer ainsi. J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur. » Mes joues s’empourprèrent légèrement, tandis que j’eus un sourire. Sincère, cette fois-ci. Mes hommes s’inclinèrent à leur tour, avant de commencer à déposer les paquets sur un banc en pierre, tout près. Puis, je leur fis signe qu’ils pouvaient disposer, ce qu’ils firent aussitôt, non sans s’incliner vers nous une dernière fois. Bien. Je me retournai alors vers ma « collègue de travail », les mains jointes devant moi et le sourire aux lèvres. Etant donné que nous ne connaissions que peu, je préférai rentrer dans le vif du sujet pour ne pas perdre son temps, au cas où elle serait occupée.

- Je viens vous apporter ces cartons. Ils sont remplis des affaires du capitaine Himesaki. Nous ne savions que faire de ces effets personnels, et j’ai finalement jugé bon de vous les envoyer. Libre à vous d’en faire ce que vous voulez.


Une fois l’information transmise, je me tus, attendant sa réaction.

Son jardin, c'était comme son bébé, en quelque sorte. Quand ça n'allait pas, elle s'isolait dans son jardin. Parmi ses fleurs, parmi ses plantes, parmi ses arbres en fleurs. Elle adorait y rester durant des heures et des heures. Pour se ressourcer. Pour se vider l'esprit. Parfois, ça lui permettait de faire le point. D'oublier tous les ennuis qu'elle pouvait avoir. Et parfois, ce calme olympien, ça lui tapait sur le système. Dans le sens où tout ce calme, c'était pénible parfois. Elle n'en pouvait plus. Ce qu'elle cherchait aujourd'hui ? Yoshiko n'en savait trop rien. Peut-être ... une nouvelle motivation. Pour avancer. Pour oublier que ces dernières semaines avaient été particulièrement difficiles. Elle n'oublierait pas tout de suite sans doute. Non. La blessure était toujours présente, bien présente même. Son coeur saignait encore. Nul doute qu'il arrêterait de saigner à un moment ou à un autre. Mais ce n'était pas pour tout de suite. Ni demain la veille. Ou du moins, le pensait-elle.

Elle fut tirée de ses pensées par une présence à ses côtés. Enfin, pas qu'une présence. Ils étaient plusieurs à être là. Et à lui présenter leurs respects. Elle tourna la tête. Un gamin. Un adolescent. Mais un Capitaine. Celui qui avait pris la suite de Tōjō. Oh, elle ne lui en voulait pas d'avoir pris la place de son homme. Après tout, il fallait bien compléter les différentes Divisions. En ces temps difficiles, le Gotei 13 avait besoin de tous les effectifs possibles et imaginables. Il avait besoin de tous les Capitaines, Lieutenants et haut gradés possibles pour gagner les guerres. Ils avaient perdu tellement de monde en quelques années qu'on ne pouvait plus se permettre de laisser des Divisions vacantes. Et le Capitaine Commandant le savait. Pour en revenir à Heiji, non, elle ne lui en voulait pas d'avoir pris la suite de Tōjō. Mais c'était difficile de le voir dans ce haori qui fut, autrefois, à l'homme qu'elle aimait. S'excusant pour son intrusion, il lui expliqua le comment du pourquoi de sa venue en ces lieux. S'ils étaient là, lui et ses hommes, c'était ... pour lui confier des objets, des choses qui avaient appartenu à Tōjō. Il était vrai qu'elle aurait pu aller vider son bureau. Et récupérer elle-même ses affaires. Mais elle n'en avait pas eu le courage à dire vrai. Elle n'avait pas eu le courage de se déplacer dans ses locaux. Elle n'avait pas eu la force de ranger tout ça. Ca aurait été pour quelqu'un d'autre, dont elle aurait été un peu moins proche, oui, peut-être qu'elle aurait pu le faire. Mais là, pour Tōjō ... Tout ce dont elle aurait été capable de faire, ça aurait été, sans doute, fondre en larme à chaque minute. Et elle n'avait pas besoin de cela.

Mais il était vrai qu'en voyant Heiji là, avec ses hommes, et les différents cartons, Yoshiko avait comme une boule qui lui faisait mal. Comme si son coeur était en train de se serrer. Ca lui faisait mal. Mal de voir que quelqu'un d'autre s'était occupé de cela. Et mal de voir qu'on avait cru bon de penser à elle pour garder les affaires de Tōjō. Qu'allait-elle en faire ? Yoshiko n'en savait trop rien. Elle aurait pu penser que c'était une délicate attention. Mais elle avait aussi l'impression que ça allait la conserver dans le passé et que ça allait l'empêcher d'avancer. Si son interlocuteur souriait, ce n'était pas le cas de la brune. Disons qu'elle n'avait plus, dans l'immédiat, de raison de sourire. Du moins, dans l'immédiat. Peut-être qu'elle retrouverait ce sourire et cette joie de vivre qu'elle avait. A un moment ou à un autre. "Je ... Merci de cette attention." répondit-elle dans un demi-sourire. Elle était sincère. C'était pas un véritable sourire mais bon. C'était le mieux qu'elle pouvait faire, dans l'immédiat. "Je n'ai ... pas eu ... l'occasion de te féliciter pour ... ta promotion." Enfin, féliciter était un grand mot. "Reprendre une Division n'est jamais ... une chose facile." Elle l'avait vécue quand elle avait repris la Huitième après le transfert d'Otsu. On la regardait ... comme si elle était une intruse. Comme si elle n'avait pas sa place. Mais elle avait réussi à se faire un trou. "J'espère pour toi que tu t'adapteras facilement. Mais si besoin est, la porte de mon bureau te sera toujours grande ouverte." Ca serait difficile pour elle les premiers temps. Mais s'il avait besoin, elle serait là quand même. Et elle essayerait de passer outre la difficulté.

La présence du jeune Heiji à ses côtés ? Disons que ça lui faisait bizarre. C'était peut-être plus le fait qu'il portait le haori de celui qu'elle avait pu aimer. Que Tōjō subisse une rétrogradation, elle ne l'aurait pas vécu aussi mal. Mais là, son homme était mort ... Et sa place avait bien vite été comblée. Yoshiko n'en voulait aucunement à Heiji. Ni au Gotei 13. Elle savait qu'une place de Capitaine, ça ne se laissait pas vacante très longtemps. Dans le sens où ils avaient besoin de tous les hommes, de toutes les femmes capables de se battre. Qu'ils soient jeunes ou plus âgés. Et Heiji était quelqu'un de doué. Du moins, de ce que la jeune femme se souvenait. Il était bon dans ce qu'il faisait. Yoshiko se souvenait de tous les conseils qu'elle avait pu lui donner, par-ci, par là. Il les avait toujours acceptés avec grand plaisir. Et les avait, par la même occasion, appliqués. Voilà pourquoi Yoshiko lui proposait, tout simplement, à nouveau son aide. Que ça soit pour tout. Ou pour un rien. Quand bien même Heiji était Capitaine, il n'était qu'un enfant. Ou du moins, quand bien même il avait peut-être la sagesse d'un adulte, il n'avait pas spécialement toute l'expérience et l'expertise entre ses mains. Et elle se doutait que ça pouvait être déroutant. Qu'il pouvait être perdu. Et elle ne comptait pas le laisser tomber. Elle ne ferait pas sa mauvaise tête. Et elle l'aiderait. Si aide il avait besoin. Après tout, si ça se trouvait, tout irait bien pour lui. Si ça se trouvait, il n'aurait pas besoin d'aide. Elle en doutait, mais bon.

Quoi qu'il en soit, Yoshiko l'avait félicité. Et dans le même temps, lui avait proposé un quelconque coup de main. Elle ne disait pas qu'il devait venir la déranger en plein milieu de la nuit et la sortir de son lit. Ca, elle risquait de ne pas apprécier. Quoi qu'en ce moment, elle dormait mal. Mais de manière généralement, il pouvait venir. Quand il le voulait. Sauf la nuit quoi. Ce qui était normal. Le jeune Heiji ne semblait pas vouloir rester très longtemps. Car après lui avoir présenté ses respects, le voilà prêt, ou presque, à s'en aller. Ne voulant aucunement lui faire perdre son temps. Du temps ... Yoshiko était un peu amorphe ces derniers jours. Elle avait du temps pour elle. Beaucoup de temps. On la laissait tranquille. Peut-être trop. A dire vrai, si on lui parlait, si on la sollicitait pour telle ou telle chose, elle pensait qu'elle irait mieux. Parce que ça lui permettrait de moins penser à la mort de Tōjō. Elle ne voulait pas oublier sa mort. Elle souhaitait juste ... s'en libérer un peu. Avoir l'esprit tranquille. Penser à autre chose. D'une certaine manière, elle avait besoin qu'on la distrait. Qu'on lui fasse penser à autre chose. Cependant, personne ne semblait être en mesure de lui offrir cela. Au contraire. On l'isolait, en quelque sorte. On la laissait seule. Elle avait son deuil à faire, certes, mais l'isolation et la solitude n'étaient pas la meilleure des choses. Loin de là.

Alors, quand Heiji en vint à lui demander si elle avait d'autres choses à lui dire, ou bien à lui demander, Yoshiko vit là une opportunité. L'opportunité d'avoir de la compagnie, encore pendant un moment. Et l'opportunité, peut-être, de sourire. De penser autre chose qu'à une mort qui la peinait terriblement. "Oui ... J'aurais ... deux ou trois choses à dire." Ou demander. Elle ne savait pas trop bien encore de quoi elle allait parler à dire vrai. De la main, elle lui fit signe de s'asseoir. Libre à lui de le faire, ou non. "Je sais qu'il y a des personnes qui seraient plus qualifiées pour ça ... mais j'ai l'impression qu'on m'éviter ces derniers jours." La raison principale était qu'on ne savait pas trop comment elle allait réagir, surtout si on lui parlait de l'ancien Capitaine de la Septième. "Je peux comprendre ... Mais ça me fout les nerfs à vif." Enfin, façon de parler. Yoshiko n'était pas énervée. Elle avait juste ... Et bien, elle ne savait pas ce qu'elle voulait réellement. Mais tout ce qu'elle savait, c'était que plus on la laissait de côté, et moins ça irait pour elle. Peut-être qu'elle se trompait. Si ça se trouvait, il était possible qu'au final, elle regrette et qu'elle ait besoin un peu de solitude. Mais ce n'était pas là son souhait dans l'immédiat. "Le champ ... de thé... Que comptes-tu en faire ?" Une grande question. Parce que Tōjō avait l'habitude de s'en occuper. Lui et ses hommes d'ailleurs. Mais qu'en était-il d'Heiji ? Que comptait-il en faire ? Le détruire ? Ou poursuivre ladite culture du thé ? Une bonne question. Même si elle redoutait un peu la réponse. "Je sais que certains appréciaient de travailler là-bas. Mais je sais aussi que ça peut-être difficile pour ceux qui y allaient." Parce qu'ils penseraient, forcément, à un moment ou à un autre, leur défunt Capitaine. D'où le fait que c'était un peu problématique mine de rien.

- Je ne suis pas sûr d’être le mieux qualifié pour répondre à vos questions effectivement, mais je vais essayer de le faire avec toute la sagesse qui est mienne.

Alors que je m’apprêtais à m’en aller et à la laisser seule, la capitaine de la huitième division avait jugé bon de me retenir sur place, ce que je compris après qu’elle m’en donna les raisons. Quelque part, j’eus un pincement au cœur et je baissais les yeux vers le sol. Elle semblait vraiment seule. Assez perdue. Complètement déboussolée, ce qui me faisait de la peine à voir. Après tout, il s’agissait d’une personne que j’admirais non seulement pour sa douceur, son intellect mais aussi pour sa beauté à en couper le souffle. Comment être honnête quand on apprécie une personne qui se trouve être en deuil ? Dur tâche que voilà. Je me mis à regarder vaguement le sol. Un blanc s’installa progressivement entre nous. La conversation prenait une tournure que je n’aurai pas imaginée, ce qui me mettait bizarrement mal à l’aise. Fuir n’était pas non plus une option, sans compter qu’une telle entreprise ne me ressemblait pas. Aussi m’étais-je assis près d’elle, avant de prendre une grande inspiration. Autant sa dernière question était très facile, autant la première s’avérait extrêmement compliquée. Je me alors mis à jouer avec mes doigts comme un vrai enfant, réfléchissant sérieusement à ce que je pourrais lui dire. Puis in fine, les mots commencèrent à sortir :

- La bienséance voudrait que l’on souhaite nos condoléances à la famille affligée par la perte d’un être cher, sans essayer d’exagérer le soutien qu’on apporte. Je pense aussi que les personnes qui vous connaissent ne vous évitent pas en tant que tel. Ils veulent juste vous laisser du temps. Du temps pour digérer la perte de votre fiancée. N’y voyez rien de mal, car après tout, personne ne vous déteste ici. Tout du moins, c'est ce que je pense vraiment. Vous avez peut-être des détracteurs, mais bon.

En effet, personne ne détestait la capitaine des lieux, ou presque. Certes, sa discrétion et son absence sur le terrain pour combattre faisaient jaser quelques personnes, mais dans l’ensemble, cette femme était plus appréciée qu’autre chose. Elle n’avait dans son entourage que des personnes qui l’estimaient, de ce que j’avais entendu de quelques bouches des soldats de ma propre division. Ce que je ne savais pas néanmoins, c’est si elle avait de véritables amis, ou non. Sa seule relation notable connue de tous, était celle qu’elle entretenait avec feu le capitaine Himesaki. Pour le reste, elle demeurait un mystère aux yeux de beaucoup de personnes, dont moi. Il n’empêchait que je l’aimais bien tout de même, en raison de notre quotidien commun à la septième, il y a encore quelques temps. « Ce que je vais vous dire va peut-être vous choquer et ne le prenez pas mal, mais en reconsidérant bien votre situation, quelques personnes pourraient penser que vous étiez à l’image de notre ancien capitaine, ce qui expliquerait votre impression. » Voilà. Le plus dur avait été dit. J’avais voulu ne pas y penser, mais il aura finalement fallu que je lui parle avec franchise. Peut-être me détesterait-elle après cette entrevue, mais bon, l’hypocrisie ne me ressemblait pas.

- Ce champ de thé est l’empreinte d’un capitaine qui a donné du sens à la septième division pendant un bon moment. Personnellement, je ne le toucherais pas.

Ce champ n’était pas gênant dans le sens où il m’arrivait de cueillir certains plants pour en faire des infusions. Le capitaine me l’avait permis un jour, par le passé, compte-tenu de la froideur que j’entretenais à son égard. Cette permission avait failli briser la glace, mais je n’avais tout de même pas pu me départir du sentiment de malaise que j’éprouvais lorsque j’étais à ses côtés. Finalement, c’eut été l’un des rares moments où il m’avait plutôt fait bonne impression. Le thé qu’il cultivait était de bonne qualité, mais sans plus. En gros, ses productions se consommaient bien, mais qu’en serait-il à l’avenir ? Très bonne question. « Je laisserai le choix aux soldats de l’entretenir ou non. C’est à eux que reviendra le dernier mot. » Je n’étais pas despotique. Froid, asocial, rigoureux, mais pas du tout despotique, qu’on se le dise. Ce pourquoi j’avais pris cette décision depuis longtemps. Il me fallait l’annoncer à mes hommes, mais je préférai attendre que le temps du deuil soit passé pour commencer à envisager des changements notables dans notre division. Il valait effectivement mieux ne pas précipiter les choses, sans quoi je me ferais détester ; déjà que je ne faisais pas bonne impression à tout le monde, vu ma perpétuelle froideur.

- Si vous le désirez par contre, nous pouvons déterrer quelques plants et vous les envoyer ici. Qu’en dites-vous, capitaine ?

Heiji était jeune. Certes, c'était indéniable. Seulement, c'était le seul à être venu, jusqu'à présent. Elle savait qu'il n'était pas là pour lui tenir compagnie. Ou bien lui remonter le moral. Mais au moins, il était là. Et ça lui faisait un certain bien, en quelque sorte. Ca lui permettait ... de sortir la tête de l'eau. Pas totalement, certes, ça lui faisait plaisir d'avoir un peu de compagnie. Un sacré plaisir à dire vrai. Elle ne voulait pas s'enfermer dans sa solitude. Parce que si elle le faisait, elle avait peur ... de ne pas arriver à remonter. Elle avait peur de se laisser couler totalement. Et de ne jamais atteindre la surface de l'eau. Elle n'avait pas besoin de cela. Elle avait besoin ... de retrouver une certaine joie de vivre. Elle avait besoin d'être entourée. Et pas d'être laissée de côté. Elle avait besoin de parler. De tout. De rien. De banalités. En temps normal, elle n'aurait pas occupé un poste important au sein du Gotei 13, nul doute qu'elle serait partie se planquer quelque part durant un temps. Quelques jours. Voire quelques semaines. Et elle serait revenue. Ou pas. Mais là, elle ne pouvait pas se le permettre. Elle ne pouvait pas disparaître sans prévenir. Elle ne pouvait pas prendre du temps pour elle. Elle ne le voulait pas. Tōjō était mort. C'était un fait. Mais se complaindre dans son malheur, elle ne le souhaitait pas. Elle voulait marcher la tête haut. Et pas la tête basse. Elle ne voulait pas voir tous ces regards attristés, affligés. Certes, il n'y avait rien de mal dans ces regards. C'était de la compassion. Mais il était temps de passer à autre chose. Il était temps ... de penser à autre chose. Oublier sa mort, elle ne le pouvait pas. Yoshiko le laissait partir. Tout simplement. Elle acceptait qu'il ne soit plus de ce monde. C'était difficile. Mais elle devait avancer. Pour son propre bien. Parce que se raccrocher au passé, c'était impossible.

Les gens l'évitaient. Bien. Peut-être que c'était, alors, à elle de ... Et bien d'aller vers les autres. Et de se mêler aux autres. C'était pas son genre. Parce qu'elle aimait bien sa tranquillité. Et il fallait dire. Plus solitaire que Yoshiko, à une certaine période, tu meurs. Après son retour, une fois que Tōjō l'avait ramenée, elle avait été un mystère. Pour de nombreuses personnes. Parce qu'elle était seule. Parce qu'elle était discrète. Parce qu'elle restait dans son coin. Parce qu'elle ne faisait pas de vague. Et elle avait gardé une partie de sa timidité, au plus profond d'elle. Yoshiko devait la chasser, cette timidité. Elle devait passer outre. Elle devait devenir plus forte. Voire devenir quelqu'un d'autre. Elle devait changer. Pour son bien. Pour le bien de sa propre Division. Enfiler, se forger une belle carapace. Ne pas devenir, néanmoins, une personne au coeur de glace, et ce même si la glace la caractérisait. Elle ne voulait pas dégager une certaine froideur. Mais elle allait devoir s'endurcir. C'était certain. "Je te remercie de ta franchise Heiji." dit-elle dans un léger sourire. C'était pas un vrai sourire, certes, mais c'était ... un début, en quelque sorte.

Heiji ne toucherait pas au champ de thé. Il allait le conserver. D'une certaine manière, Yoshiko en était ravie. Ca laissait ... comment dire ... une trace, en quelque sorte. Une trace du passage de Tōjō en ces lieux. Tout détruire, maintenant, ça aurait été cruel. Mais ça aurait pu la délivrer totalement. Libre à lui, un de ses jours, de tout détruire s'il le fallait. Tant que c'était pas tout de suite, c'était pas plus mal. Heiji lui proposa de ramener quelques brins dans son propre jardin. Yoshiko pencha la tête sur le côté. D'abord vers la droite, puis vers la gauche. Elle y réfléchissait, en quelque sorte. Elle fit une drôle de moue. "Et bien, c'est gentil de proposer. Je crois que je pourrais leur trouver une petite place ou deux dans les parages." Elle tourna la tête complètement, regardant son jardin. Elle était en train d'imaginer le truc dans sa tête et parlait, d'ailleurs, toute seule quant à la disposition de tout cela. "Je devrais peut-être déplacer les orchidées dans ce coin là ... Les géraniums par là-bas ... Nan, il leur faut beaucoup de soleil." De la façon dont elle parlait de ses plantes, Heiji pouvait voir un certain changement. Comme si elle avait laissé la tristesse et la peine et qu'elle était passée à autre chose. Une Yoshiko un peu plus vive, en quelque sorte. "Cultiver le thé ... Faudra que je me renseigne si risque pas d'y avoir des interférences avec certaines de mes plantes." Elle porta la main à son menton. En pleine réflexion. Mais elle s'arrêta subitement et se tourna à nouveau vers Heiji. Y'avait comme une petite étincelle dans son regard. Une petite étincelle qui n'était pas présente y'avait de cela quelques minutes encore. "Oui, je devrais pouvoir m'occuper d'un ou deux plans je pense." Parce qu'à la base, c'était la question d'Heiji de savoir si elle en voulait ou non. "Les plus jeunes plans, ça serait les meilleurs. Histoire de voir s'ils s'acclimatent bien avec toutes les plantes ici présentes." Parce qu'elle n'avait pas envie de perturber le petit éco-système dont elle s'occupait.

Contre toute attente, le capitaine Aokiji avait bien réagi à mes interventions, à un tel point que j’eus un sourire ravi. Mais finalement, était-ce vraiment surprenant de sa part ? Étant bien connue pour sa bonté et sa douceur, elle n’avait fait que consolider ce qui se disait d’elle en bien. Une personne admirable pour ma part, vraiment. Et parti comme ça l’était, nos divisions continueraient très certainement à entretenir une très bonne relation au contraire de certaines, ce qui, dans un sens, était particulièrement déplorable pour notre armée toute entière. Mais je m’égare, je m’égare. Reprenant contenance après cette pensée, je portai mon attention aux dires de la jeune femme -Certainement en apparence- et m’amusai à la voir reprendre des couleurs tout doucement. Nous n’allions pas dire qu’elle avait complétement tourné la page, mais il y avait là une légère amélioration de son état, ce qui me faisait bizarrement plaisir. En suivant ses réflexions et son regard, je me mis moi aussi à contempler son jardin. Il était vraiment beau et bien entretenu. Son niveau de botaniste devait certainement surpasser le mien à bien des égards, encore que je n’étais bon que pour tailler et rempoter certaines plantes spécifiques. Rien de bien extraordinaire, en somme.

- Je suis sûr que le choix que vous ferez sera le bon. Je vous enverrai au plus vite les meilleurs plants que je prendrai le soin de chercher moi-même.

Étonnamment, j’avais l’impression d’être d’une aide précieuse pour cette femme. Un nouveau souffle, ou presque. Cela démontrait à quel point elle n’avait que peu ou presque pas de relations au seireitei. Juste des connaissances ou encore des collègues de travail. Pour une adulte comme elle, cela était vraiment dommage, et de mon côté, je ne pouvais franchement rien y faire, ce pourquoi j’eus un léger soupir. Je me demandais bien comment était l’ambiance ici et si elle différait vraiment de celle de ma division maintenant que j’en étais le capitaine. « J’espère surtout que ces plants ne vous rendront pas mélancoliques, en auquel cas je viendrai moi-même les déterrer. » Cette fois, ma voix avait été nette, tranchante, froide comme d’habitude, mais ma compagne d’infortune devait avoir compris mon allusion. Le passé était derrière nous, l’avenir était devant et promettait monts et merveilles. Même si je n’étais pas aussi proche d’elle, il était de mon devoir en tant que collègue de la secouer un peu pour qu’elle se reprenne. Tout du moins c’est ce que je m’efforçais de penser. Mais en vérité, c’était plutôt parce que je nourrissais une sympathie sans égal pour elle que j’avais eu le culot de lui parler sur ce ton et sans détours. Ce que je n'aurai pas du faire, finalement...

- Je suis désolé d’avoir fait preuve d’insolence, cela ne se reproduira plus.

Finalement, c’était mieux ainsi. J’avais été maladroit. Bien trop maladroit pour lui faire comprendre les sentiments qui m’animaient. Et c’était comme ça avec tout le monde. A croire que j’étais plus asocial que je ne le pensais. En même temps, était-ce normal pour un garçon de mon âge d’avoir une telle puissance et de telles responsabilités plutôt que de jouer et rigoler dans l’insouciance ? De bonnes interrogations que voilà, mais peut-être était-ce trop tard pour y penser et répondre convenablement. Sans dire un mot, je me relevai de mon siège, avant de porter un regard dans les airs. Il était peut-être vraiment temps de m’en aller. Cela atténuerait un peu l’erreur que j’avais commise toute à l’heure. En soi, il ne s’agissait pas vraiment d’une gaffe, mais je ne pouvais pas m’empêcher de m’en vouloir. Aussi m’étais posté tout juste devant elle, avant de m’incliner le plus bas possible. « Ce fut un réel plaisir de vous revoir. Portez-vous bien. » Il était vrai que depuis qu’elle était devenue capitaine, je n’avais plus eu la chance ou même l’occasion de m’approcher d’elle ne serait-ce qu’une seconde. Une fois ma salutation effectuée et sans même attendre qu’elle fasse de même, j’avais commencé à marcher tout doucement vers la sortie de son jardin...



Spoiler:

Son jardin ... Oui, elle allait se concentrer sur son jardin. Sur ce qu'elle aimait faire. C'était un bon début. Yoshiko n'irait pas jusqu'à dire que c'était ce qui allait lui permettre de remonter totalement la pente. Parce qu'elle se doutait que ça ne serait pas suffisant. Qu'il lui faudrait encore un peu de temps. Et de l'espace. Mais au final, ce n'était pas une si mauvaise idée que le jeune Heiji soit venu lui rendre visite. Parce que la belle brune avait l'impression de se sentir un peu mieux. Certes, ce n'était pas encore cela. Elle conservait, néanmoins, cette certaine mélancolie qui l'animait. Mais disons qu'elle se sentait bien et que c'était là le début de sa rémission, en quelque sorte. Parce que oui, elle était malade. Malade du coeur. Oui, elle avait une blessure béante au niveau de son coeur. Mais avec un peu de temps, de soutien, et de compréhension, ça finirait par aller mieux. De cela, la belle brune au regard de glace en était certaine. Elle finirait par s'en sortir. Ca prendrait sans doute un peu de temps. Mais c'était ce qu'elle avait besoin. Encore un peu de temps. Pour aller mieux. Pour sûr.

Heiji reviendrait. Quand ? Il n'en avait rien dit. Une fois qu'il aurait trouvé les meilleurs plants pour s'acclimater au jardin de la belle. Et ça n'allait pas se trouver en un claquement de doigts. Ca irait bien ... Qu'il prenne le temps qu'il lui fallait. Comme ça, ça laisserait le temps à Yoshiko de réagencer un peu son jardin et de trouver la meilleure place pour faire pousser les plants de thé et de les faire perdurer. Enfin, perdurer, façon de parler. Encore fallait-il qu'elle trouve comment s'en occuper. Parce qu'elle n'était pas une spécialiste du thé. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle n'en serait jamais une mais bon. Ca prenait du temps ces choses-là. Comme on le dit bien souvent, Rome ne s'est pas construite en un jour, n'est-ce pas ? Yoshiko crut voir rouge lorsqu'elle entendit Heiji lui dire que s'il le fallait, il reviendrait arracher les plants donnés si jamais ... Et bien, si jamais elle sombrait dans la mélancolie et qu'elle s'accrochait au passé. La brune eut un drôle d'air sur son visage. Etait-il fou d'oser penser qu'elle le laisserait faire ? C'était la chose à ne pas dire et qui pouvait la faire sortir de ses gongs. Mieux aurait-il mieux valu qu'il garde ça pour lui et qu'il évite de lui en parler. Venait-il de la mettre en colère ? Non, il en fallait plus. Seulement, elle allait lui faire comprendre qu'elle n'accepterait pas qu'il fasse intrusion de la sorte dans son jardin. "Et dès lors que tu le feras, je serais obligée de te considérer comme un destructeur de jardin. Ou bien un voleur. Et je présume que tu sais ce qui arrive aux voleurs." Son ton n'avait rien de menaçant. Elle lui expliquait juste sa façon de voir les choses. "On leur coupe le membre incriminé. Et je pense qu'il serait dommage d'en arriver à cet extrême, tu ne crois pas ?" avait-elle demandé en concluant sa phrase par un sourire. En aurait-elle était capable ? Bonne question. Ce n'était peut-être que du bluff. Mais mieux valait-il qu'il soit prévenu. Avant que ça ne dégénère. Sait-on jamais après tout.

Quoi qu'il en soit, je ne saurais dire si Heiji s'en était allé à cause de ce qu'il avait pu dire. Ou bien si c'était à cause d'elle. Mais en tout cas, Heiji n'avait guère attendu plus longtemps pour lui fausser compagnie. La laissant quelque peu surprise, à dire vrai. Elle ne s'attendait pas à cela. Elle se gratta l'arrière du crâne. Vraiment, il était étrange. Oui, un comportement quelque peu bizarre. Pourquoi avait-il filé si subitement ? Yoshiko poussa un soupir. Elle ne pouvait pas laisser Heiji s'en aller ainsi. Pas tant qu'elle ne serait pas ce qui avait pu se passer dans sa tête. Voilà pourquoi elle avait donc fini par se lever. Et voilà pourquoi elle avait eu le temps de le rattraper avant qu'il ne quitte son jardin. "Est-ce moi ? Ou ai-je l'impression qu'il vient d'y avoir un certain malaise entre nous ?" Yoshiko était sûre que non. Mais elle devait en avoir le coeur net. Peut-être se faisait-elle des idées. Peut-être voyait-elle quelque chose qui n'existait pas. Peut-être que son esprit était plus torturé qu'elle n'aurait plus l'imaginer. Va savoir. "Tu sais, tu peux tout me dire. Sauf parler de dévaster mon jardin." Quand bien même lui ou une toute autre personne aurait pu avoir une bonne raison de mettre à sac son jardin, elle aurait beaucoup eu de mal à l'entendre et à l'accepter. Pour sûr. Une sentimentale Yoshiko ? Bien évidemment. Qui ne l'est pas ? Mais voilà, son jardin, c'était son jardin. Et elle n'aimait pas qu'on y touche. Ni plus, ni moins. "Y aurait-il quelque chose qui te tracasse et dont tu aimerais me parler ?" demanda-t-elle en penchant la tête sur le côté. Toujours ce petit air mignon que ça lui donnait quand elle penchant la tête de la sorte. "J'vais pas te manger." D'une certaine manière, elle voulait qu'il se confie. Elle voulait qu'il lui parle. Elle voulait qu'ils mettent les choses au point. Elle ne voulait pas que ça parte en sucette. "Je sais qu'en ce moment, je suis pas au meilleur de ma forme. Et que je ne parle pas beaucoup." En vérité, elle n'avait jamais beaucoup parlé. "Mais j'ai toujours eu une oreille attentive. Donc, si y'a des choses dont tu veux me parler ..." Il ne devait pas hésiter. Même si c'était pas plaisant à entendre, même s'il lui crachait ses quatre vérités en pleine face. Ils devaient crever l'abcès avant qu'il ne se forme. Voilà tout.

Destabilisé ... Voilà ce qu'elle était arrivée à faire. Elle avait destabilisé le pauvre Heiji qui ne savait plus réellement où se mettre. En même temps, ce n'était pas ce qu'elle cherchait. Elle voulait juste ... Et bien, Yoshiko voulait juste arrondir les angles. Et faire en sorte qu'il ne parte pas fâché. Ou qu'il ne parte pas en pensant que Yoshiko l'avait dans le nez. Ou quelque chose dans le genre. Mais tout ce qu'elle avait réussi à faire, dans l'immédiat, c'était le décontenancé. Elle n'aurait jamais cru cela possible. En tout cas, elle avait été fortement étonnée par ses propos et en était quelque peu restée bouche bée, elle aussi. Et finalement, Heiji brisa ce silence qui venait de s'instaurer. Avant de prendre finalement congé. "Une agréable journée à toi aussi." Elle cligna des yeux quelque peu, comprenant que Heiji s'éloignait et que c'était la fin de leur conversation. Du moins, pour aujourd'hui. Parce qu'elle se doutait qu'ils finiraient par se revoir à un moment ou à un autre. D'une, il avait dit qu'il reviendrait pour lui apporter les plants de thé. Et si jamais ce n'était pas lui qui venait, c'est elle qui irait à lui. Donc, forcément, elle savait très bien qu'ils allaient finir par se recroiser.

Les mains ddans le dos, Yoshiko se tourna finalement et marcha en direction de sa Division. Y'avait pas à dire. Heiji était un petit homme, enfin, un enfant étrange. Elle l'appréciait bien, y'avait pas de doute là dessus. Mais ils ne se connaissaient pas vraiment tous les deux. Du moins, ils s'étaient rencontrés, ils avaient pu se côtoyer quand elle était encore à la Septième Division. Quoi qu'il en soit, la Capitaine comptait bien avoir une nouvelle conversation un de ses jours avec le jeune Heiji. Quand ? Peut-être pas directement après qu'il lui ait ramené les plants de thé. Mais il était clair qu'ils n'allaient pas en rester là, pour sûr. L'air de rien, la voilà donc se dirigeant vers les quartiers de sa Division. Il était temps de sortir de sa torpeur. Temps de balayer tous les mauvais souvenirs et de se concentrer sur son avenir. De se concentrer sur les choses importantes. Une part d'elle n'avait pas spécialement envie de laisser s'envoler tout ce qui avait attrait à Tojo. Mais elle le devait. Pour son propre bien. Elle ne pouvait pas se permettre de s'enfermer dans une bulle. Non. Elle allait ... devoir s'ouvrir aux autres. C'était pas des plus évidents. Dans le sens où elle avait toujours pu compter sur le soutien de Tojo. N'étant plus là, il était temps qu'elle reprenne en mains les rênes de sa vie. Et mieux valait-il qu'elle le fasse maintenant. Pour sûr.

Ce qu'elle comptait faire à présent ? Et bien, elle ne savait pas trop à dire vrai. Peut-être ... et bien, peut-être qu'elle allait arranger son jardin, encore pendant quelques heures, histoire qu'il soit resplandissant et qu'elle ait la possibilité de se concentrer sur autre chose. Comme, par exemple, de finir de trier la paperasse qui était en train de s'accumuler sur son bureau. Ou bien reprendre la supervision des entraînements de ses hommes. Des points importants, nul doute là dessus. Affaire à suivre.

Michi pour le RP