C'était avec un bel enthousiasme que les gens de la Douzième se mettaient, lentement mais sûrement, au travail sur le Projet Stronghold.

Tout restait néanmoins à faire. Ryuusei avait fixé bon nombre d'objectifs à ses équipes, attribuant telle ou telle tâche à ceux qu'il estimait être les plus aptes à mener leurs recherches à bien; ce n'était pas pour le talent de ses hommes qu'il craignait, mais pour le jugement du reste du Seireitei. Le Bureau de Développement Technique, s'il avait globalement perdu son aura terrifiante en même temps que son précédent Capitaine, demeurait un lieu secret duquel on ne parlait jamais... et dans lequel personne n'avait l'autorisation - ni l'envie ! - de s'introduire, histoire d'éviter tout accident malencontreux. Du coup, on avait tendance à nourrir une méfiance absolue concernant tout ce qui pouvait s'y tramer.

C'était précisément ce point qui tourmentait le Capitaine Yuurei. Mener le projet à bien était une chose... convaincre le Seireitei de l'adopter en était une autre. Un système d'une telle envergure devrait forcément être d'abord soumis au jugement du Capitaine-Commandant, une fois terminé, puis porté devant la Chambre des 46 pour validation définitive. Autrement dit: il courait au suicide s'il ne savait pas exactement ce qu'il faisait.

Pour combler cette lacune, il s'était déplacé jusqu'aux baraquements de la Neuvième Division, afin d'obtenir quelques informations sur ce qu'il avait le droit de faire ou non. Les limites de son projet devaient coïncider avec celles de la loi, et la loi pouvait parfois être particulièrement obscure. Un seul recours, donc...


- Je viens voir le Capitaine Yakushiji. Est-il en état de me recevoir? demanda Ryuusei à un Shinigami de la Neuvième, situé près de la porte principale. Dites-lui que j'ai des questions à lui poser quant aux lois anciennes du Seireitei, voulez-vous?


Ledit Shinigami s'inclina et se précipita dans les locaux pour y trouver son bien-aimé supérieur. Inutile de lui préciser de qui provenait cette visite; il l'avait compris sans mal, sitôt ses yeux posés sur le haori blanc aux armes de la Division scientifique.

Justice et application des peines... Qui disait "justice" disait "lois". On ne condamne pas un homme sans connaître ses crimes, et Ryuusei espérait que Tenzen en saurait un rayon sur les quelques interdictions que pourrait rencontrer son projet. L'homme derrière le grade, il ne le connaissait qu'assez peu, et principalement par le biais de rumeurs diverses et variées à son sujet; leurs contacts avaient été très rares, et jamais si directs - le scientifique s'étant surtout concentré sur la refonte de son ordre -, si bien que c'était peut-être la première fois que les deux Capitaines allaient se trouver seul à seul.

Du moins, si Tenzen ne se trouvait pas totalement ailleurs...

Le combat avait été intéressant sous bien des aspects. Comme il s'en était douté, croiser le fer avec le Kenpachi ne pouvait être qu'une bonne chose. Avait-il gagné, perdu, ou s'étaient-ils quittés sans pouvoir se départager ? Cela, seules trois personnes pourraient en parler, et il n'était pas du genre de Tenzen de le faire quel que soit le résultat. Cela n'avait pas le moindre intérêt à son sens, car il n'était tout simplement pas question d'honneur. Trop longtemps il avait laissé dormir ses pouvoirs, perdant de son efficacité. Et ce ne serait que par des combats de ce style qu'il pourrait redevenir celui qu'il était. Heureusement d'ailleurs qu'ils s'étaient tenus à l'écart, la confrontation de deux puissances telles que les leurs ne pouvait que laisser la zone dans un sale état. Les blessures heureusement n'étaient pas trop graves et avaient pu être soit soignées rapidement, soit suffisamment camouflées pour que l'on ne puisse s'en rendre compte. Si cela revenait aux oreilles du Sotaishô, bien sûr, les Capitaines de la Neuvième et de la Onzième Division en prendraient pour leur grade, surtout suite à l'échauffourée musclée qui avait déjà eu lieu entre eux au devant des quartiers du nabot des glaces.

Lorsque l'on vint l'interrompre, le Yakushiji se trouvait à méditer en ses quartiers. Ce qu'il faisait d'ailleurs le plus gros de son temps, lorsqu'il n'était pas à prester ses cours de Jinzen à l'Académie. Et "méditer" dans son langage pouvait prendre un aspect bien plus large. La simple réflexion tout d'abord. Remettre en question ses actes et ceux des gens qui l'entourent, ressasser les enseignements acquis et ce qu'il convient le mieux dans sa quête personnelle, son chemin du Juste ! Mais pas seulement... Communiquer avec Kagami ainsi que tempérer Ikarib faisaient également partie de ses tâches quotidiennes. Et ce dernier devait particulièrement l'être dernièrement, notablement excité par les combats derniers auxquels il a pu être impliqué. Soit ! L'interruption fut donc produite par l'un de ses seizième siège, venant le mettre au fait que le Capitaine de la Douzième Division demandait une audience. Les deux hommes n'avaient eu que peu de contacts, aussi Tenzen ne s'était pas encore forgé d'avis sur lui. Aucune raison de la lui refuser donc. En conséquence, qu'il soit convié à le rejoindre dans cette petite salle où le Yakushiji passait le plus clair de son temps. Ce qu'il considérait comme son bureau alors même qu'aucun meuble n'y était présent. Un endroit vide et donc austère, mais dont la porte toujours ouverte donnait sur un magnifique jardin de calme et de sérénité. Il fit également mander à ce qu'on leur apporte du thé. Il détestait avoir la gorge sèche en pleine discussion...

Haletant, le Shinigami revint chercher Ryuusei, qui patientait sagement devant la porte, semblant porter la plus haute attention à une petite fêlure du mur en attendant la réponse de son collègue. Il l'invita à le suivre, et le guida au travers des quartiers de la Neuvième Division, avant de s'arrêter devant une salle à l'entrée déjà ouverte. Là, il s'inclina sans mot dire et fit volte-face, s'en retournant vaquer à ses occupations premières.

Le Capitaine scientifique, lui, entra.


- Yakushiji-san, fit-il en s'inclinant légèrement.


Prenant soin d'ôter ses chaussures et de les laisser sur le seuil, il se dirigea vers Tenzen, jetant tout de même un coup d'oeil circulaire. Aucun meuble, aucune fourniture particulière... Que pouvait donc bien faire le Vizard, seul, assis au beau milieu de ce sublime rien-du-tout? Contempler le jardin à longueur de journée? Celui-ci était particulièrement bien entretenu - sans parler de l'ambiance relaxante qu'il apportait aux lieux -, mais tout de même...

Sans attendre d'invitation particulière de la part de son vis-à-vis, Ryuusei s'assit face à lui, son haori un peu trop grand flottant autour de lui comme un halo drapé. Il avait bien pris garde à l'enfiler correctement, sans laisser pendre librement cette manche droite qui le gênait dans ses manipulations habituelles, au fin fond de son laboratoire. Son regard bleu rencontra, en silence, les prunelles noires et rétrécies de Tenzen, qu'il jaugea un instant. Maintenant qu'il y faisait attention, il fallait croire que les rumeurs concernant son "horrible tic de paupière" étaient infondées - ou, simplement, qu'il fallait un peu l'agiter pour déclencher une telle réaction. Or, Ryuusei ne parvenait pas à imaginer un tel homme en train de s'agiter. La rumeur avait dû enfler dramatiquement, en conclut-il.


- Merci d'avoir accepté de me recevoir, entama le scientifique après quelques secondes. Je vais en venir directement au fait. J'aurais besoin de vos connaissances en matière de lois - les lois anciennes de la Soul Society...


Il s'interrompit. Un Shinigami entra, les bras chargés d'un petit plateau supportant deux gobelets traditionnels, ainsi que du thé demandé par le vieux Vizard. Il versa la boisson encore brûlante dans chacun des deux récipients, qu'il tendit aux Capitaines, puis s'inclina et prit congé, laissant tout sur place. Ryuusei porta son gobelet à ses lèvres, but une minuscule gorgée - Encore trop chaud - et reprit où il s'était arrêté.


- Etant donné le domaine dans lequel votre Division se spécialise, j'ai cru judicieux de vous faire part de mes projets. Voyez-vous, la Douzième Division a dû arborer une image négative durant des décennies, conservant la grande majorité de sa science pour elle. A mes yeux, ce qui a eu lieu il y a trois ans ne fait que souligner l'évidence: le Seireitei a besoin de sécurités supplémentaires, d'un support technique irréprochable et entièrement dévoué à notre cause commune.
Par conséquent, j'ai lancé il y a peu un projet destiné à mettre au point divers systèmes défensifs spécialement étudiés, destinés à empêcher - ou repousser - toute fâcheuse intrusion, à l'avenir. Mes hommes ont plusieurs objectifs; il s'avère que l'une des pistes explorées est celle d'une formidable arme défensive, utilisable en cas d'extrême urgence, dont les détails concrets sont en cours d'évaluation.
Nous en arrivons au souci délicat: on m'a parlé d'une ancienne interdiction à ce sujet - créer et détenir une arme potentiellement dangereuse au sein même de la Soul Society, j'entends. Or, vous comprendrez qu'il serait fort fâcheux pour moi de me trouver exilé pour avoir voulu aider le Seireitei, par simple excès de zèle. Vous qui rendez la Justice, savez-vous ce qu'elle nous dicte dans cette situation?


Il se tut, et en profita pour siroter à nouveau son thé. Cette fois, la température était idéale. Pas une seule fois son regard n'avait quitté celui de Tenzen durant son monologue; il finit enfin par ciller, reportant vaguement son attention sur les remous du liquide aromatisé au fond du gobelet.

On disait Tenzen extrêmement ancien. Ryuusei le connaissait très mal, mais il sentait tout à fait la force d'esprit dégagée par son collègue. Son expérience lui permettrait-elle de pouvoir lui apporter une réponse claire?

Yuurei Ryuusei se présenta donc face à lui. Son salut se fit suffisamment respectueux pour qu'il le tolère, même si son titre ne lui avait pas été donné. Très chatouilleux sur ce genre de choses, Tenzen était néanmoins capable d'en faire fi dès lors que l'intention semblait y être. Le « san » ne valait donc pas le « taishô », mais soit, il ferait avec pour l'instant. Pour sa part, le Yakushiji respecta l'étiquette, en inclinant légèrement la tête tout en lui adressant un simple « Yuurei-Taishô ».
Son visiteur se déchaussa alors avant d'entrer et s'installa face à lui, non sans s'être visiblement questionné en premier lieu sur l'absence totale d'ameublement, manifesté par un coup d’œil qui en disait long. Une sobriété abusive dont il ne serait pas le premier à s'étonner, et certainement pas le dernier. Soit. Le Shirohasu préférait plutôt s'intéresser précisément au motif de sa venue, et ne dût pas attendre bien longtemps avant que le sujet ne soit évoqué. Juste un simple énoncé de la raison globale sans plus de précision alors qu'il se trouva rapidement interrompu par Rosai, apportant le thé plus tôt réclamé. Ainsi, le Capitaine de la Division scientifique désirait se renseigner en matière législative. En cette matière, le Yakushiji était en effet sans doute le plus érudit parmi le capitanat du Gotei 13 à l'exception peut-être du Sotaishô qui en sa qualité devait sans doute même connaître quelques points qui resteraient à jamais secrets pour quelqu'un du rang de Tenzen. Celui-ci néanmoins avait l'avantage d'en voir certaines directement en application, se faisant le bras armé de la Justice rendue par la Chambre des quarante-six.

Le Capitaine au Lotus se saisit alors posément de son bol sans répondre quoi que ce soit. Il se le posa dans le creux de sa main gauche, le fit tourner de trois quarts de tour avant de finalement y tremper ses lèvres et d'en boire quelques gorgées. Une question d'habitude. Rien à dire pour le moment, tant que le gros du sujet ne serait pas abordé. Ce qui vint d'ailleurs rapidement, Ryuusei ne goûtant qu'à peine à son breuvage avant d'en reposer le contenant.
Et bien... Cela allait bien plus loin que ce à quoi il aurait pu s'attendre. La bureau de développement et de recherches avait été fondé alors que Tenzen ne faisait déjà plus partie des forces du Gotei. Autant dire qu'il n'en savait que ce qu'il avait pu en lire. Diverses expériences notables, mais effectivement une certaine aura de mystère entourant celui qui en avait occupé la tête le plus longuement jusqu'à tout simplement disparaître dans la nature il y a de cela quelques temps. Mayuri, décrit généralement comme un excentrique impitoyable mais néanmoins l'un des esprits les plus féconds de toute l'histoire de la Soul Society. En ce jour, avec un autre meneur, ces recherches pourraient en effet apporter un plus certain. Développer plus avant les défenses sans pour autant devoir chambouler le fonctionnement des troupes, voilà qui pourrait avoir du bon. Cependant...

Ce que l'on vous a dit est vrai, j'en ai peur. Toute arme pouvait porter un risque à l'encontre du Seireitei et de la Soul Society est en effet totalement proscrite. Si je puis comprendre votre désir d'apporter votre pierre à l'édifice comme tant d'autres, je pense pouvoir affirmer que vous savez aussi ce que la science peut laisser comme impression négative à ceux qui n'y comprennent rien.
Ainsi, même si votre projet me parait partir d'un intention fortement louable, il aura besoin d'être avalisé par la Chambre ainsi que le Sotaishô avant de se voir finalisé.

Il laissa s'installer un court moment de flottement tout comme il terminait son thé. Il aimait à le boire rapidement afin qu'il ne refroidisse pas, ou que peu.

Vos inquiétudes sont donc bien fondées, à cela près que l'exil n'est sans doute pas la pire des sanctions que l'on puisse énoncer...
Je ne saurais que trop vous recommander de passer par la voie hiérarchique. Demandez audience auprès du Sotaishô, où vous pourrez lui évoquer votre projet avec précision, documents à l'appui. Suivant son avis, vous pourriez ainsi pouvoir plaider la cause de votre création auprès des juges et dignitaires. Eux seuls pourront vous donner la permission que vous devrez obtenir. J'ai en effet bien peur de ce qu'il pourrait vous arriver si vous poursuiviez sans obtenir au préalable leur assentiment...
Cela dit... je ne saurais que trop vous conseiller de ne pas perdre de vue les autres pistes que vous semblez avoir. Si cette arme dont vous me parlez s'avère pouvoir être une menace pour le Seireitei si elle tombait entre de mauvaises mains, l'accord ne vous sera sans doute jamais donné. Car, du point de vue de la Chambre, aucun des Capitaines ne peut être clairement établi comme « de bonne intention ». Le passé ne saurait leur donner entièrement tort à ce propos...

En effet... Lui-même était bien placé pour en savoir quelque chose, n'est-il pas ?

Alors que Tenzen lui expliquait patiemment quelle était la démarche à adopter, Ryuusei l'écoutait en silence, marquant d'un hochement de tête chaque information pertinente quant à la façon dont il devait se conduire vis-à-vis du Gotei. Effectivement, l'accord de Kyôraku était bien là un souci majeur... L'homme à la tête des treize Divisions avait beau être conciliant et relativement facile à vivre, il n'en était pas pour autant laxiste, et pouvait émettre les mêmes réserves que son interlocuteur actuel en entendant parler du projet.

Il sourit, ramenant à nouveau les yeux sur son bol. Il avait siroté la boisson - excellente - sans vraiment s'en rendre compte, tout occupé qu'il était à ouvrir grand ses oreilles pour écouter le Capitaine Yakushiji discourir. Il demeura ainsi, la tête basse, perdu dans le vague quelques instants; beaucoup de questions soulevées, et des plus épineuses... et il lui appartenait d'y apporter une solution convenable.


- Le Sôkyoku, fit-il finalement. Je suppose que vous vous souvenez tout aussi bien que moi de cette relique - et de son emplacement. Un symbole d'ordre et de justice, une menace rappelant à tous que même le plus puissant des Capitaines peut être exécuté par le pouvoir du Gotei. Sa colline est vacante depuis sa destruction... Je me disais qu'il serait probablement judicieux d'y finaliser ce projet dont je vous parlais. Les temps ont changé, et, désormais, je pense qu'un symbole de protection et de sécurité, visible dans tout le Seireitei, aiderait à effacer les stigmates laissés par les Sternritters.


Il releva les yeux, semblant s'arracher à l'effet hypnotique des légers remous de son thé pour le finir tout à fait, sans se presser.


- Cependant, vous avez raison: comment faire confiance à nos Capitaines? Caresser la Chambre dans le sens du poil resterait la meilleure option - faire en sorte, par exemple, que cette arme défensive ne puisse être activée que par le Sotaishô et la Chambre simultanément, et opérée uniquement depuis le Bureau de Développement Technique. Mais, là encore, il se trouvera des mauvaises langues pour énoncer une vérité toute simple: au final, qui crée la machine peut y intégrer des secrets connus de lui seul. Il serait dommage, alors, que le précieux symbole de protection dont je rêve ne soit plus perçu que comme une menace constante pouvant frapper n'importe qui, n'importe où, n'est-ce pas?


Il soupira. Il avait beau se creuser les méninges, rien n'y faisait: entre la rébellion d'Aizen et l'échec du Gotei 13 en lui-même face aux Sternritters, les Capitaines avaient sérieusement perdu en crédibilité aux yeux de la Chambre des 46. Et, dans son propre cas, la disparition des deux Kurotsuchi ainsi que l'histoire mouvementée du Bureau de Développement Technique depuis Urahara allaient totalement en sa défaveur. Sa position était précaire, et sa bonne volonté ne l'aiderait en rien...


- Enfin... Tout est encore à l'état de projet, ajouta-t-il, la mine sombre. Rien ne sera créé sans accord. Je garde à l'esprit, moi, que même mes recherches relèvent de plus hautes sphères... contrairement à ce que faisait Mayuri.


Il était évident, au ton employé, qu'il ne portait absolument pas son prédécesseur dans son coeur. A raison, d'ailleurs: la précarité de sa position, c'était à lui qu'il la devait, et même son travail acharné durant les trois dernières années n'avait pu totalement effacer des mémoires les projets les plus sinistres entamés par le Kurotsuchi. Cependant, il ne faisait rien pour s'en cacher.

D'ailleurs... en parlant de Mayuri, son cas n'avait-il jamais été examiné par la Division de Tenzen? Une désertion - si c'en était bien une - n'était pas un acte anodin, et le vieux Vizard devait avoir eu vent de l'affaire...


- Qu'en est-il de lui, Yakushiji-san? A-t-il vraiment déserté, comme certains se plaisent à le dire?


Cela, il ne l'avouerait jamais, mais il conservait la hantise du retour de Mayuri. S'il avait été forcé de se tenir à l'écart quelque temps, qu'il revenait, et, innocenté, revendiquait son ancien poste... A quoi rimeraient ses efforts?

Ryuusei semblait réfléchir à voix haute plus qu'autre chose. Le Capitaine de la Neuvième Division était bien aise d'apprendre que son interlocuteur souhaitait voir sa création tenir place sur la colline du Sôkyoku afin de remplacer ce Zanpakutô millénaire ayant été détruit voilà de cela une bonne dizaine d'années. Mais au final, la localisation n'avait que peu d'importance face aux difficultés qui attendaient encore le Capitaine de la Douzième Division et dont il venait de faire mention. Une nouvelle fois, l'idée n'était pas mauvaise, mais Tenzen n'y pourrait rien. Le fait qu'il dispose de plus d'informations à ce propos donc n'y changeait rien tant que cela ne serait pas à un stade plus avancé de négociation.

Ses réflexions suivantes corroboraient avec ce que le Shirohasu venait d'annoncer. Il ne fallait pas douter que la confiance de la Chambre envers les Capitaines s'était effritée, le massacre de la précédente génération par Aizen-Taishô ne pouvant que justifier ce fait, à raison... Il voyait en tout cas les choses selon le bon angle, comprenant que sa propre création ne pourrait au final qu'être considérée comme une arme entre ses propres mains, et qu'il serait donc long et difficile de convaincre les 46 du bien-fondé de cette arme, si tant est qu'il y parvienne un jour. Ah, si seulement tous luttaient dans le même but, la trahison et donc la méfiance ne seraient pas de ce monde... Mais ces deux tares étaient sans doute trop profondément ancrée en toute âme pour qu'il soit possible un jour d'espérer une vie qui en serait dépourvue, malheureusement.

Le Yakushiji ne fit que hocher du chef, manifestant par là son accord avec ce qui venait d'être dit, sans pour autant avoir quoi que ce soit à rajouter. Puis vint finalement un sujet que Tenzen aurait abordé lui-même si son confrère ne l'avait fait. Kurotsuchi Mayuri... Toujours une énigme !

Selon toutes vraisemblances...

En vérité, il n'en savait rien... Le précédent directeur du bureau de recherche et développement s'était tout simplement évanoui durant la dernière bataille opposant le Gotei 13 au Vandenreich. L'enquête ne lui avait tout d'abord pas été confiée, la confiance nécessitant de se regagner. Et même si à présent elle était de son ressort, les éléments récoltés à l'époque et qui ne pourraient plus être observés ne dépendaient pas de lui. Trop maigre, quoi qu'il en soit.

En vérité, à ce que j'en sais, rien ne permet d'affirmer avec certitude qu'il ne se trouve plus à la Soul Society. Rien ne permet non plus de décréter qu'il est ailleurs... Nous savons qu'il n'a pas emprunté le Senkaimon, ou du moins il n'y a pas laissé de trace. Nous savons que son système permettant l'ouverture d'un passage entre les mondes a été détruit, peut-être pour camoufler une récente utilisation mais en cela non plus, nous ne pouvons rien affirmer. Et si vos scientifiques ont pu en assurer la réparation, aucun n'est capable de démontrer ce que Kurotsuchi-san a pu en faire...
En somme, c'est un mystère. Quelqu'un de son génie a pu aisément effacer toutes ses traces, et à l'heure où nous parlons nous n'avons rien pouvant établir s'il est même toujours en vie...

C'est bien sûr à regret qu'il disait cela. Cette désertion pourrait, un jour ou l'autre, s'avérer dangereuse pour l'intégrité du Seireitei, compte-tenu de la somme des connaissances de ce Dieu de la Mort...

Bien entendu, si vous pensez détenir la moindre information intéressante à son propos, je vous serais reconnaissant de m'en faire part. Et ce même si je doute que vous puissiez en dire plus que lors de votre prise de fonction...

Trois ans déjà depuis cette disparition, et toujours aucune nouvelle... Non, en effet, il ne pensait pas pouvoir trouver subitement une information pouvant éclairer ses recherches, mais après tout, sait-on jamais ?

Pouvoir en dire plus que lorsqu'il avait été appelé à son poste, Ryuusei en aurait été bien incapable. Discret opposant aux méthodes du Kurotsuchi, il ne faisait pas partie des confidents de celui-ci - à supposer que Mayuri ait eu pour habitude de se confier à qui que ce fût... Il haussa les épaules d'un air désolé, hochant négativement la tête pour signifier sa totale ignorance sur la question.


- Navré de ne pas être d'une plus grande aide. Vous aurez probablement entendu dire que l'ex-Capitaine et moi-même n'entretenions pas les meilleurs rapports - et ce n'est pas moi qui viendrais infirmer la rumeur...


La mine subitement grave, il se pencha imperceptiblement vers Tenzen, adoptant un ton plus bas...


- L'ex-Capitaine Kurotsuchi était infiniment plus intelligent que ce que vous pouvez imaginer, Yakushiji-san. J'ai vu ses travaux. J'ai évalué ses recherches. Cela me coûte de l'avouer, mais son talent surpasse de beaucoup le mien... et s'il était un jour retourné contre nous, la catastrophe pourrait être immense. Sauf miracle, ma propre science ne saurait contrer longtemps la sienne.


Enième soupir. Pour un homme absent, Mayuri était décidément une préoccupation majeure. Cela se comprenait - on le qualifiait de génie, après tout -, mais la piste de la mort pure et simple était aussi une possibilité. Trop souvent écartée, selon Ryuusei; en son for intérieur, il savait que son prédécesseur, compte tenu de toutes les précautions qu'il était habitué à prendre concernant sa propre sauvegarde, n'aurait eu que de minces chances de se laisser surprendre au point d'être... quoi, atomisé? vaporisé?..., mais il voulait s'efforcer de penser positif afin de ne pas compromettre sa propre implication dans la tâche qui lui incombait désormais.

Finalement, après un court silence, le scientifique s'étira et se leva, non sans avoir au préalable déposé le récipient à thé près de lui. Relevant un instant le regard sur le jardin - décidément superbe -, il se dirigea à reculons vers l'entrée de la pièce, où l'attendaient les chaussures complétant traditionnellement l'uniforme Shinigami.


- Ah... Concernant cette affaire, la parole ne mènera à rien, j'en ai peur. Quant à mes propres questions, vous m'avez beaucoup éclairé. En cela, je vous remercie. Je vais cesser d'abuser de votre temps, d'autant plus que j'ai moi-même quelques affaires à régler, mais soyez sûr que j'apprécie beaucoup votre hospitalité. Si vous avez besoin de moi, vous savez où me trouver, et je vous rendrai la faveur avec grand plaisir.


Et il s'inclina profondément avant de s'éclipser, tirant sa révérence au propre comme au figuré.

Voilà qui ne l'aidait pas réellement. Qui ne l'avançait même pas du tout, en fait. Ryûsei lui avoua juste n'avoir jamais été proche du précédent Capitaine de la Douzième Division. Mais ce n'était pas là une nouvelle : personne n'avait jamais été réellement proche de Mayuri, mis à part peut-être Urahara qui l'avait fait sortir de prison pour en faire son second dans le cadre du bureau de recherche scientifique. Pouvait-on dire pour autant que les deux hommes étaient réellement proches ? Pas vraiment, ce n'était que dans le cadre de leur collaboration, les deux hommes respectant chacun le génie de l'autre. La remarque suivante de Yûrei ne fit d'ailleurs que confirmer que la pensée selon laquelle Mayuri disposait d'un génie inégalable. Ce qui était également loin d'être une nouvelle...

De ce que Tenzen en savait, depuis la disparition tragique de l'ancienne génération des membres de la garde royale, Kisuke se trouvait être le seul capable d'arriver à la cheville du Kurotsuchi. Et de ce fait, la probabilité que l'on entende à nouveau parler de l'ignoble Mayuri était effectivement parfaitement inquiétante. Malheureusement, il n'y avait rien que le Gotei 13 puisse faire d'ici là, sinon prier pour qu'il ne se retourne pas contre son ancienne allégeance.

Soit. Le scientifique se retirait désormais qu'il avait obtenu quelques réponses partielles à ses questions, lui témoignant être à présent redevable. Tenzen ne voyait pas ce qu'il pourrait avoir à réclamer de la part du bureau de recherche et développement, mais notait tout de même la proposition tout en saluant son visiteur d'un signe de tête. Ne restait plus au Shirohasu qu'à reprendre le rythme normal de ses activités, s'il y trouvait encore le cœur...