Dans la plus sombre obscurité, les mains des scientifiques de la Douzième Divisions s'agitaient frénétiquement. Chaque doigt, chaque phalange étaient mis à contribution. Le travail ne manquait pas, chez les scientifiques du Seireitei, et leur activité et leur acharnement professionnel en témoignaient mieux que n'importe quoi d'autre. Chaque touche de chaque clavier frappée d'un doigt provoquait un bruit devenu habituel, et qui hantait l'esprit torturé par la recherche de savoir et de connaissance de chaque membre de la Douzième Division. Certains s'agitaient à droite, lisant sans vraiment en avoir l'air des informations, dans un langage beaucoup trop complexe pour être compris de tous, d'autres trimaient à gauche, manipulant alambics et fioles de verre sans vraiment porter attention à leur contenu, alors que celui-ci avait l'air particulièrement dangereux, même pour un œil non-averti. Bref, il régnait dans les quartiers de la Douzième Division une zizanie coutumière, pour les scientifiques. Cependant, notre protagoniste évoluait loin de tous ces bruit parasites, et de cette production massive de transpiration.

Ashikaga Seito, récemment promu Troisième Siège de sa Division, s'afférait dans ses propres quartiers. Certes, la salle n'était pas très grande, mails elle lui offrait la possibilité d'héberger un certain nombre d'instruments à caractère scientifique. Pour le reste, il lui suffisait de s'exposer temporairement à l'agitation des ses pairs. La chambre du presque-officier était donc plutôt étroite. Des murs de métal froid cloisonnaient l'espace, enlevant toute trace d'hospitalité à la pièce. Mis à part l'éclairage artificiel, provenant du plafond, la lumière s'infiltrait par un judas, placé en hauteur, et qui renforçait la caractère carcéral de la petite pièce. Un lit, posé en-dessous du dit-judas, en désordre évident, ajoutait encore au caractère inhospitalier du lieu ... Le reste de la chambrette était envahi par des instruments à la forme et à l'utilité plus complexes les uns que les autres. Ici s'amassaient des livres anciens, à la reliure déchirée, là traînaient des bouts de plastiques ou d'aciers, par ici dégoulinaient des flaques de liquides aux couleurs trop vives pour être sains ... Bref, il s'agissait là d'un désordre total. Cependant, il régnait dans la chambre le calme le plus absolu. Il s'agissait finalement de la seule distinction enter cette pièce et le reste des quartiers de la Douzième Division. Sur un plan de travail était posé un alambic, ainsi qu'un ordinateur dont seuls bénéficiaient les Shinigamis du Gotei 13. Debout, penché sur le clavier, Ashikaga Seito tapait calmement quelques caractères à la signification obscure.

Il travaillait d'arrache-pied, bien que son rythme n'en témoigne pas, depuis quelques heures, déjà. Mais il ne souffrait pas de la fatigue. Au contraire, il était aussi excité que l'on pouvait l'être. Sa curiosité scientifiques avait déjà été remarquée, ce qui lui avait valu de sortir du lot des ses confrères. Elle était là exposée dans toute sa grandeur. Dans les yeux du Shinigami, on lisait toute sa soif de savoir. Cet éclat s'évanouit cependant presque instantanément lorsque la porte de ses quartiers s'ouvrit brusquement. Il tourna lentement la tête vers le soldat qui venait de pénétrer dans son antre. Celui-ci n'avait pas franchement l'air très assuré. D'une démarche gauche, et en résistant visiblement à l'envie de regarder autour de lui, il s'avança vers Seito.

"Comment t'appelles-tu, lui demanda celui-ci.
-Euh ... Je ... on m'a, balbutia l'autre.
-Bizarre comme nom ... De quoi as-tu besoin, Euh-Je-On-M'a ?
-J'ai un dossier à vous remettre, répondit le soldat, les joues soudainement empourprées. "

Là, il tendit à Seito une liasse de feuilles, reliées par un élastique. Le Troisième Siège lut sur la première du tas: "A transmettre à la Quatrième Division".

"Ces documents ne sont pas pour moi, il faut les amener à la Quatrième Division."

Là-dessus, il se reprit son travail. Lorsqu'il constata que le soldat, visiblement très gêné, restait à son côté, il lui demanda:

"Quel est le problème ?
-C'est à dire qu'on m'a dit de vous remettre ces dossiers ... A vous ..."

Seito hésita un instant. Il n'avait pas vraiment envie de porter ces dossiers à la Quatrième Division. Bien qu'il il fût déjà allé, l'endroit ne l'attirait pas plus que cela ... Cependant, il se dit aussi que sortir un peu ne pouvait pas lui faire de mal. S'oxygéner le cerveau était, cela avait été prouvé par le passé par le BDT, un signe de santé mentale. Il décida donc de prendre en charge la "mission".

"Bon, donne-moi ça."

Apparemment soulagé, le soldat lui tendit les documents. Dès que Seito les eût pris entre ses doigts, le soldats s’éclipsa. Le scientifique pressa une touche de son clavier. L'écran de son ordinateur s'assombrit, jusqu'à l'extinction. Seito sortit ensuite de sa chambre.
Tout en traversant les couloirs du BDT, il feuilleta rapidement le dossier. Il était question, semblait-il, de plusieurs point, entre autres de techniques de chirurgie. Il s'arrêta de lire lorsque la lumière du jour vint l'éblouir. Il cligna des paupières pendant un instant, puis se remit en marche, regardant maintenant le paysage qui l'entourait.

Seito avait toujours aimé les rues du Seireitei. Les soldats formaient une véritable communauté autonome, et leur vie commune avait toujours été un franc succès. Cependant, il semblait que l'arrivée des Reapers, il n'y a pas si longtemps que cela, avait légèrement menacé cet équilibre. Des tensions s'installaient de plus en plus entre certains membres de Divisions. Biens sûr, il s'agissait parfois de l'éternelle querelle entre des soldats de la Onzième Division et de malheureux scientifiques de la Douzième, mais le phénomène s'était aussi étendu au-delà de ces frontières. Heureusement, il restait gérable.
Très vite, Seito posa le pied sur le sol de la Quatrième Division. Aussitôt, il fut bousculé par quelqu'un. Il reconnut aussitôt le profil de la personne qui, il le pensait, allait pouvoir l'aider. Il la happa donc aussitôt par ces mots:

"Houpla, attendez !"

Seito ne fut pas surprise de la réaction de son interlocuteur. Visiblement, il arrivait au mauvais moment dans les Quartiers de la Quatrième Division. Perdu dans ses travaux, il avait échappé à toute notion de temps. Cependant, vu l'activité qui régnait dans les quartiers médicaux, on pouvait facilement deviner l'heure qu'il était. C'était le rush, tout le monde courrait partout, dossiers à la main. Quelques brancards déboulaient d'on-ne sait où et manquaient de vous embarquer dans une direction inconnue. Malgré ce tohu-bohu, Seito s'efforça de suivre son camarade, qui semblait habitué à tout ce remue-ménage. Il évitait les brancards ruant et les infirmiers chargeant avec une grâce relevant presque de l'art ...
Seito l'examina de plus près. Il avait entendu parler de lui. C'était un gradé de la Quatrième Division, Hayako Shin, si il se souvenait bien ... Il n'en savait pas plus sur lui. Ce genre de rumeur ne circulait pas trop au sein des locaux de la Douzième Division. De plus, Seito restait cloîtré dans sa chambre-laboratoire, fermant hermétiquement sa porte aux bruits extérieurs. Il n'était donc pas étonnant que certains "bruits" ne lui parviennent pas.

Seito avait toujours été fier de sa capacité à abattre du travail. Il était rapide dans sa besogne, et l'exécutait consciencieusement, sans laisser aucun détail à part. Son travail était donc le plus souvent irréprochable, qualité dont il louait les vertus. Comble de l'efficacité, il traitait chaque dossier qui lui était amené immédiatement. Ainsi, aucun travail à sa charge n'était retardé, pour quelque raison que ce soit. Il était un homme de bureau efficace, envié par certains.
Il semblait cependant que cette qualité n'était pas partagé par Hayako Shin. Lorsque les deux Shinigamis entrèrent dans le bureau du médecin, Seito remarqua immédiatement -comment aurait-il pu faire autrement- les piles de dossiers entassés sur la table de bois. La besogne et le labeur s'annonçaient longs, et certainement peu agréables pour le médecin. Visiblement, il n'aimait pas beaucoup le travail de bureau. Or, avait la quantité de papiers qu'il avait amassée sur sa table de travail, il aurait facilement pu y passer toute la sainte journée.

Seito déposa d'un geste plein de pitié envers le médecin son dossier sur une pile au bord de l'effondrement. Décidément, la situation était plutôt pathétique. Il se repassa son emploi du temps en mémoire. Sa journée était libre. Mises à part quelques expériences qu'il aurait voulu mener au terme, il n'avait aucun travail de prévu. Il se dit donc qu'il pouvait bien sacrifier cette journée à aider le médecin de la Quatrième Division.
Prenant l'initiative, il dit d'une voix qui se voulait encourageante:

"Bon. Visiblement, vous n'allez pas arriver à abattre tout ce travail tout seul. J'ai du temps à perdre, mettons-nous y à deux."

Puis, sans attendre, il prit une chaise en osier dans un coin du bureau, la plaça devant la table de travail, et s'assit dessus. D'un pan de son manteau jaune, il sortit un stylo, matériel que préférait les scientifiques de la Douzième Division à la plume ou au pinceau. Devant l'air incrédule de l'autre, il dit d'une voix autoritaire:

"Allez ! C'est pas comme ça qu'on va s'occuper de tout ça ! On se remue un peu."

Seito portait maintenant sur le médecin de la Quatrième Division un regard tout autre. Sérieusement ? "Copain des sciences" ? Pas très original ... Seito aurait largement préféré quelque chose de plus flatteur avec un peu plus d'originalité quant à sa profession. De toute évidence, si il en savait un peu sur Hayako Shin, ce dernier ne le connaissait absolument pas. Or, Seito détestait parler avec des gens qu'il ne connaît ni d'Eve ni d'Adam. Avec un ton légèrement moins sympathique qu'avant, il dit au médecin:

"Passons sur ce surnom franchement très bof (chose qu'il ne pensait pas le moins du monde) ... Il est plutôt d'usage de faire les présentations. Comme nous ne l'avons pas fait, je vais essayer de rattraper cette erreur."

Sa voix prit soudain un ton pompeux, et on sentait qu'il se gonflait d'orgueil.

"Je suis le Troisième Siège de la Douzième Division, Ashikaga Seito."

Sa voix retomba tout aussi soudainement qu'elle était montée.

"Quant à vous, vous êtes Hayako Shin."

Seito profita de ce moment. Il adorait l'instant où il se sentait supérieur. Il savait des choses que son interlocuteur ne savait pas. Jouissance éternelle. Un tel plaisir lui arracha un sourire.

"Bon, c'est bien beau d'abattre du boulot, mais aujourd'hui était ma journée libre ... J'ai trimé avec vous pendant des heures et j'ai une sacrée crampe au poignet ..."

Seito soupira longuement, et regarda au loin.

"Rend-moi ma journée."

Devant la non-compréhension évidente de son camarade, Seito précisa son propos:

"On a pas discuté un pet depuis qu'on s'est vu. Entre gradés, je pense qu'il est plutôt bien de se connaître. Donc, je propose quelque chose de très simple. Je t'ai aidé dans ton boulot, à toi de me rendre un service. On parle pendant ... -Il regarda l'heure- Disons une demi-heure. Ca rattrapera le temps perdu ..."

Un blanc s'en suivit, durant lequel Seito attendit que Hayako Shin prenne la parole. Comme il ne le faisait pas, il se décida à faire lui-même le premier pas:

"Bon, quelle est ta couleur préférée ?"

Son orgueil redescendit d'un coup.

Seito, désormais assis, comme son compagnon, sur une chaise, contemplait la rue pavée. Shinigamis en tous genres la traversaient; seuls, en groupes ... Devant les deux compagnons s'étalait le reflet parfait de la vie du Seireitei. Véritable fourmilière où chacun trouvait sa place. Chaque soldat représentait une infime partie de la puissance de cette entité qu'était le Gotei 13, chacun d'eux combattait sans relâche, chaque jour, pour préserver l'intégrité des Shinigamis. Cette combativité, bien qu'il n'en fasse pas preuve, remuait Seito, dans son for intérieur. Il admirait cette grandeur, la grandeur qui avait forgé tant de grands soldats. Et aujourd'hui, il était fier bien plus qu'autre chose de faire partie de cette grande famille que formaient les Shinigamis.

Il fut brutalement ramené à la réalité par la question de son acolyte. Il l'entendit, et s'accorda un temps pour y répondre. Un thé vert à la main, il leva le regard vers le lointain. L'esthétique était donc une préoccupation pour un zanpakuto ? C'était là une idée qui lui semblait absurde, bien qu'elle eût sans doute pu trouver oreille où se poser. Cependant, ce désir d'esthétique, bien cela puisse paraître absurde, en raison de ses choix vestimentaires, lui passait bien au-dessus. Portant son gobelet aux lèvres, il but une gorgée du breuvage qu'il contenait. Le thé lui brûla agréablement la gorge, déversant dans tous son corps les effluves d'une chaleur bienveillante. Enfin, il répondit à la question du médecin:

"Dans l'idée, j'imagine qu'il est possible de doter les Zanpakutos de nouvelles tenues. C'est tout à fait concevable. Il suffirait, j'imagine, d'incarner l'âme du Zanpakuto, à la manière de l'entraînement au Bankai. Ensuite, revêtir le Zanpakuto ne dépendrait que de lui-même ..."

Seito but une nouvelle gorgée de thé. Était-ce donc ça l'image que les autres Divisions avaient de la Douzième ? Étaient-ils simplement des esthètes des Zanpakutos ? Il préférait croire le contraire, même si le doute s'était maintenant installé dans son esprit.

"Ton zanpakuto doit avoir un caractère bien particulier ... Vous êtes très liés par l'âme. Ca se sent ... Le mien est plus ... solitaire. Je l'aime bien comme ça. Après tout, chaque Zanpakuto est unique. Je m'y intéresse. L'étude des Zanpakutos est ... Oui, j'imagine qu'on peut dire qu'il s'agit de mon domaine de prédilection. Ils sont si intéressants ..."

Seito se sentait partir dans de longs discours, et préféra s'arrêter là; tant pour lui que pour Hayako Shin. Il regarda le soleil tomber lentement, au loin. Le crépuscule allait bientôt s'installer, et plonger le Seireitei dans son manteau de sommeil. Seito se sentait mélancolique devant ce spectacle. Il se sentit de réciter un haïku:

"Ici et là
Émergeant de la brume du crépuscule
des lumières brillantes."

Seito soupira légèrement. La mélancolie l'avait envahi, il n'aimait pas ça ... C'était présage de soirées à broyer du noir. Il se leva donc, posa quelques pièces sur la table où ils étaient installés, et dit à son collègue:

"Allons marcher. Ca me changera les idées."

Il l'encouragea à se lever d'un regard plein d'ardeur.

Seito était maintenant seul, déambulant dans les rues du Seireitei avec une forme de lassitude. Sa journée libre n'avait finalement été que travail et conversation ... Lui qui comptait mener à terme quelques unes de ses expériences ... Il devrait s'en occuper demain. Cependant, cette journée n'était pas pour lui qu'un condensé événements négatifs. Cette rencontre avec Hayako Shin avait du bon, sans doute. Seito se disait bien que ce lien, encore très fin, tissé entre eux se révélerait bientôt utile. Du moins il l'espérait. Se faire des amis -du moins il pensait qu'il s'agissait là du terme qui convenait- était toujours un atout.

Marchant lentement, le scientifique en vint, une fois de plus, à être pris d'un élan de mélancolie, devant le merveilleux tableau, pourtant quotidien, qui se peignait de lui-même devant lui. Le soleil tombait derrière les douces courbes de l'horizon, laissant mourir dans sa chute toute lumière. Les étoiles entamaient déjà leur gracieuse apparition dans la voûte céleste, maintenant teintée d'orange sombre, au plus bas, et de bleu profond, au plus haut. Enfin, siégeant sur cet empire du ciel, l'astre lunaire au teint d'argent surplombait le tout. Spectacle émouvant, pour la plus sensible des âmes. Cependant, Seito ne s'abaissait pas à ce genre de mélancolie dégoulinante. Il en restait à sa poésie improvisée.

"Nuit brève
Combien de jours
Encore à vivre."

Cette inspiration poétique, certes magnifique, n'était pas de lui, et pourtant il se sentait maître des mots, en prononçant ce court poème.

"Les mots sont une science dont les subtilités m'échappent, pensa-t-il."

Finalement, Seito arriva devant les quartiers de la Douzième Division. La nuit était complètement tombée, et le ciel était maintenant coloré d'un bleu marine des plus purs. Avec un soupir, il pénétra dans la bâtiment, et se rendit machinalement dans ses quartiers. Malgré le véritable caractère labyrinthique de la Douzième Division, il s'y retrouvait maintenant facilement. Il suffisait de trouver les éléments du décor particulier, différents des autres. Il parvint finalement devant la porte de sa chambre. Il la poussa, pénétra dans la pièce, et s'affala mollement sur son lit. Dans une ultime poésie, il tomba dans les bras de Morphée, avec l'agréable souvenir de sa journée.

"Montagnes en sommeil
Chaque arbre s'efforce
De devenir un cercueil ..."