Le vice-capitaine de la deuxième division avait passé presque quatre heures sur le dossier. Recompilant les informations, élaborant des suppositions, prenant en compte certains arguments, il avait relié les différents éléments du cas jusqu’à en tisser une toile mentale autour de sa cible. Mais il n’était pas convaincu par les conclusions. Trop de variables, et pas assez de constantes crédibles… Ce n’était pas un bon plan, et il n’en était clairement pas satisfait.

L’ancien tueur à gages étira son bras vers sa tasse de thé, et constata avec amertume que le liquide s’était tari. Peut-être l’avait-il bu quelques heures auparavant. Ou bien encore peut-être que cette chope n’avait jamais eu de contenu, qu’il s’était évaporé depuis belle lurette ? Quand bien même, il avait envie d’aspirer quelques gorgées de cette boisson. Maintenant. Pestant, grognant presque, il se leva, prenant son récipient avec lui. Il n’eut pas besoin de fermer la porte, les autres shinigamis de la deuxième division savaient qu’il saurait reconnaître une incursion étrangère en son bureau.

La fontaine n’était pas bien loin, et l’aller-retour fut des plus succincts, pourtant il fut surpris par la présence d’une silhouette face à sa porte. « Putain, encore un casse-couilles. » manqua-t-il de marmonner, se retenant tout juste. D’un coup d’œil il reconnu le shinigami qui prenait le soin d’interrompre son travail. Le vice-capitaine de la treizième, Clotho. Un ingénu, idéaliste en quelques sortes, qui avait apparemment quelques différents avec son supérieur, l’outre à vin connue sous le nom de Igarashi Shu. A peine le nouveau venu avait-il fini de prononcer sa phrase qu’une voix froide se fit entendre à sa gauche. « Il est là. Que me vaut cette visite, vice-capitaine Clotho ? »

Sans attendre sa réponse, il se permit de pousser la porte et de pénétrer dans son antre. Une pile de dossiers à sa droite. Une autre à sa gauche. Le Serpent ferma celui sur lequel il était en train de travailler et le fit disparaître dans le premier tiroir de son bureau en même temps qu’il posait sa tasse de thé devant lui. Il se passa la main sur le visage mal rasé et fixa son interlocuteur de son œil unique.

« L’homme de la situation ? » répéta lentement le Serpent, comme sorti d’une torpeur inattendue. Il avait l’impression d’halluciner, tout simplement. Un vice-capitaine venait le voir pour qu’il … lui donne des cours particuliers ? Quand bien même il n’aurait pas grand-chose à faire – ce qui n’était évidemment pas le cas – l’ancien tueur à gages aurait trouvé une parade quelconque. Mais le fait était qu’il était, de surcroît, fort occupé. Il n’avait pas vraiment envie de dispenser de conseils. Déjà parce qu’il n’aimait pas enseigner, ses quelques passages à l’académie s’étant soldé par des échecs retentissants. Mais aussi parce qu’il n’avait pas grand-chose à montrer. Ses techniques étaient, au mieux personnelles, au pire secrètes, et il savait comptait bien trop dessus pour les montrer à qui que ce soit en dehors d’un combat. Toute personne pouvait changer, et le plus honnête des Shinigamis pouvait se retrouver déserteur le lendemain. Donner des conseils à d’hypothétiques futurs adversaires ne rentrait pas dans ses plans.

« Non. » lança-t-il d’un ton calme. S’il avait été face à un simple shinigami, cette réponse se serait suffit à elle-même, mais ce n’était pas le cas. Le rang de vice-capitaine de son interlocuteur requérait un semblant d’explication. Le Serpent s’humecta les lèvres avant de reprendre.

« Je n’ai pas pour habitude de donner de cours, encore moins à des gradés. Si vous voulez des instructions, je vous conseille de vous rendre à l’académie. Les cours qui y sont dispensés sont une bonne base pour vous améliorer, vice-capitaine Clotho. » lança-t-il lentement après quelques secondes d'un silence pesant. Ce n’était pas une question d’envie. C’était qu’il ne fallait pas s’appuyer sur ses semblables pour monter en compétence. Ce n’était ni souhaitable, ni agréable.

« Chaque ange de la mort est amené à s’entraîner seul, telle est ma devise. Chaque être doit développer son style de combat. Pour ce faire il ne peut se tourner que vers lui-même. Vers lui-même et vers son Zanpakuto. J’espère que vous comprenez. » ajouta-t-il, de manière à expliquer son point de vue un peu plus profondément. S’il ne comprenait pas, de toutes façons, il n’y pouvait rien. Les hommes de la deuxième division avaient compris eux, qu’à part pour des exercices basiques, ils ne pouvaient s’appuyer sur lui. Car tel n’était pas le rôle du lieutenant Serpiente. Il ne l’avait été et ne le serait probablement jamais.