Une douce sérénade berçait la sixième division.

« Je ne peux te voir, consumé par tes larmes. Si quelqu’un doit pleurer, c’est moi. Je voudrai réparer mes erreurs, avant que Dieu couse des ailes à ta peau, avant que tu ne rejoignes le Nirvana. Mais, notre lien est déjà brisé, ce soir je n’aspire qu’à hurler ma peine… »

Personne n’osait interrompre le séraphin. Namida avait substitué son traditionnel haori par un kimono immaculé. L’heure n’était guère au devoir mais bien à la musique. Tourmentant son piano depuis déjà quelques heures, toute la Soul Society écoutait les lamentations musicales du Capitaine. Harmonieux amalgame entre le piano et le chant, les rimes furent écartées, en cette fin d’après-midi. L’olympe écarlate contemplait l’instigateur de la sixième division, au paroxysme de son art. Les nuages vermeils dansaient et les feuilles ambrées valsaient, au rythme de la partition. Toute la faune et la flore de la Soul Society vibrait au rythme des paroles. Cette osmose avec la nature n’était pas anodine… Sa relation fusionnelle avec l’esprit de son Zanpakutô - arbre millénaire – y jouait, indubitablement. Quelques merles interprétaient les cœurs. Un tableau fugace qu’il n’était pas donné de voir régulièrement.

« Je voulais voir ton sourire, se dessiner dans mes rêves, je voulais que tes rires, habillent mon cœur dépravé, et que ta tristesse accompagne mon ivresse en enfer. Hanté par Lucifer, par ta colère, par celle d'mes pères. »

Seule une poignée pouvait connaitre le sens des paroles. Seulement quelques uns pouvaient se vanter de connaitre cette période peu glorieuse de son passé. Néanmoins, lors de son ascension au capitanat, l’ange s’était juré de faire abnégation de ce qu’il avait de plus cher, Elle. Il n'avait jamais réussi. Chaque jour depuis son décès était une plaie qui grandissait un peu plus, seul lui rendre hommage via ces odes lui permettait d’anesthésier sa peine. Une blessure que nul autre adversaire n’avait réalisée à ce jour. Quatre vingt ans, trois mois et vingt huit jours qu’elle s’en était allée. Une passion non évanescente, inébranlable, inaltérable… Chaque instant était gravé dans son esprit d’argile et il savait que ces derniers l’hanteraient toute sa futile existence. Peut-il y a voir une torture plus douloureuse ? Peut-on survivre sans sa moitié ?

« Je suis enchainé à ses yeux. Je ne les reverrais jamais, sinon leurs reflets en enfer. Pâle copie éphémère qui étreinte mon cœur brisé. Aube d'une mélancolie, sonnez douze coups de minuit. »

Son égérie l’avait emporté dans une transe mélodieuse. Le Shinigami avait d’ailleurs enivré toutes ses troupes. En cette soirée paisible, tous se mussaient derrière la porte, écoutant le récital de leur premier siège. C’était un honneur pour le compositeur, heureux qu’on ne l’admire pas uniquement pour ses faits d’armes. Néanmoins, ces quelques moments intimes devaient le rester. Dans son flegme légendaire, il sortit de son bureau avant d’adresser ses remerciements à ses subalternes et les prier de prendre congé. Alors qu’il retournait vaquer à son occupation préférée, l’ange débonnaire sentit une aura spirituelle familière. Une énergie qu’il avait eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois via ses nombreux dialogues interminables avec Tojo. Il s’agissait de sa délicieuse vice capitaine. Une femme aussi élégante ne pouvait que sublimer ce moment empreint de lyrisme et d’amour. Cependant, une question demeurait, prendrait-elle du thé, ou du saké ?

La vie n'est pas toujours simple. Parfois, on fait un pas vers l'avant, on regarde ce qu'on a, ce qui se dessine devant nous et au final, ce n'est pas réellement ce à quoi on pouvait s'attendre. La vie est d'un compliqué, si on peut dire ça comme ça. Parce qu'on n'est jamais réellement mort. La preuve ...

Yoshiko se baladait, tranquillement, dans le Seireitei, comme elle avait l'habitude de le faire si souvent. Oh, combien de fois par semaine, ou même par jour, arpentait-elle les rues ? Elle n'aurait su le dire. Elle était toujours là, à tracer sa route, comme si ... comme si elle en avait besoin pour se libérer les pensées, pour penser à autre chose que le travail ou l'amoncèlement de paperasse qui pouvait s'accumuler dans le bureau de Tōjō. Quel pître celui-là. Il essayait toujours d'égayer sa journée, même si parfois, c'est lui même qui la démoralisait. Pourquoi ? Parce que monsieur était du genre ... comment dire ... à avoir un poil dans la main. Un gros poil dans la main même. Si bien que, la plupart du temps, c'était elle qui devait traiter toute sa paperasse alors qu'elle n'avait pas que ça à faire non plus. Quoi que ... Rester planquée derrière les papiers, ça ne la dérangeait pas plus que ça. Comme ça, on ne lui demandait pas de se battre ou bien de montrer ce qu'elle savait faire. Combien de fois Tōjō lui avait, d'ailleurs, demandé de bien vouloir lui faire voir ses pouvoirs. A croire qu'il mettait un point d'honneur à vouloir le découvrir. En quoi était-ce important ? Qu'est-ce que ça lui apporterait de plus ? Est-ce que c'était pour sa sécurité ? Ou plutôt, leur sécurité ? Ou y avait-il une autre raison là dessous ? Aucune idée. Et sans doute que Yoshiko ne trouverait pas la réponse à cette question avant un long mais très long moment.

Quoi qu'il en soit, la jeune femme flânait, comme à son habitude. On devait, sans doute, se demander pourquoi elle marchait autant. Ce que ça pouvait bien lui apporter. Elle aimait ça, tout simplement. Et une bonne marche ne fait jamais de mal. Même si elle ne savait jamais où elle pouvait atterrir. D'ailleurs, c'était ça le plus important. A chaque fois qu'elle laissait ses pas la guider, elle arrivait toujours à un endroit où elle faisait une belle rencontre. Ou bien voyait quelque chose qui l'émerveillait. Et elle n'allait pas y couper cette fois-ci non plus. Yoshiko avait fermé les yeux juste durant quelques instants. Il lui semblait entendre une mélodie, au loin, si elle se concentrait bien. Peut-être rêvait-elle ... Probablement, sans doute. Non. Plus elle marchait, et plus elle avait l'impression de se rapprocher de cette voix qui psaumaldiait. Un peu trop curieuse ? Oui, sans doute. Parce qu'elle aurait pu détourner ses pas et reprendre sa route comme si de rien n'était. Mais non, elle s'était dirigée vers la voix. Et au final, elle tomba sur l'un de ses confrères, comme elle pouvait s'y attendre d'ailleurs. "Belle soirée, n'est-ce pas ?" avait-elle fini par lui dire. "J'espère que je ne vous ai pas interrompu." Parce qu'elle en aurait été franchement désolée.

Le Shinigami s'était arrêté de psaumaldier. Et Yoshiko espérait que ça ne soit pas totalement de sa faute. Enfin, d'un certain sens, elle l'avait stoppé dans ses faits et gestes. Et si ça se trouvait, sans interruption de la brune, il aurait pu continuer à changer pendant un long petit moment. Mais non, il avait fallu, sans qu'elle le veuille réellement, qu'elle l'interrompe. Trop curieuse elle était. Et trop curieuse elle l'avait toujours été d'ailleurs. Ce n'était pas comme si ce trait de caractère était apparu dans sa personnalité comme ça, d'un claquement de doigt. Ca avait été toujours là. Et nul doute que ça serait toujours le cas d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, Yoshiko avait adressé quelques mots à Namida. Concernant la belle soirée. Les étoiles qui scintillaient de mille feux, et ce même si Yoshiko trouvait que celles-ci ne brillaient pas autant que sur Terre ... Diable ... Que la Terre pouvait lui manquer parfois ! Nombre de fois où elle s'était retrouvée sur la terrasse de son petit jardin et qu'elle restait là toute la nuit, à contempler les étoiles. Une manie qu'elle avait. Et dont elle avait un peu perdu au fil de ses trois dernières années. Même si, fallait bien l'avouer, Yoshiko se hasardait à quelques voyages sur Terre, de temps à autre, histoire de ... Et bien, de retourner voir les étoiles. D'ailleurs, elle prenait toujours soin de prévenir Tōjō parce qu'elle avait peur qu'il ne pique une crise si jamais elle ne lui disait pas où elle allait. Lui et sa peur grandissante de toujours la voir disparaître du jour au lendemain, comme la première fois. Enfin, passons.

Quoi qu'il en soit, Yoshiko était ravie. Et elle eut un léger sourire au coin des lèvres, d'ailleurs, quand il en vint à lui dire qu'elle n'interrompait rien du tout. Quel soulagement tout de même. "Bien. Je m'en serais voulue dans le cas contraire." Elle n'aimait pas vraiment quand elle dérangeait les gens. Elle préférait rester dans son coin, pour ainsi dire, et attendre que la tempête passe. Si on peut dire ça comme ça. Discrète à souhait, pour sûr. C'était là, encore, un autre de ses traits de caractère. Y en avait-il encore de nombreux à découvrir ? Nul doute là dessus.

La sonder ? Là, c'était très compliqué. Parce que Yoshiko avait vécu durant des années et des années, des décennies même, de siècles, loin de la société. Loin de la Soul Society. Et il était très compliqué de savoir ce qu'elle avait en tête. Parce qu'elle n'était pas du genre à exposer ses sentiments. Elle avait été discrète et seule durant tellement d'années que ça n'allait pas changer du jour au lendemain. Difficile de lire dans sa petite tête de moineau ce qui pouvait se cacher, ou bien ce qu'elle pouvait penser. Le seul, et encore, qui pouvait arriver à la déchiffrer, et avec beaucoup de mal, c'était son Capitaine. Parce qu'ils se connaissaient depuis cinq siècles et qu'ils avaient toujours été proches. Mais même parfois, il avait du mal à la comprendre. Et elle aimait bien le faire tourner en bourrique d'ailleurs. "Insomnie." lui répondit-elle le plus simplement possible. "Comme toutes les nuits ou presque d'ailleurs." Elle ne dormait que rarement. Au moins, fallait voir le bon côté des choses. Elle pouvait traiter toute la paperasse de Tōjō si besoin était. "Et j'aime me promener quand le jour se couche." Toutes les promenades au cllair de lune qu'elle avait pu faire. Elle avait tant apprécié ça. Y'avait pas à dire. "Et j'aime le calme et la sérénité qu'offrent la nuit."