Il était temps. Après des semaines de réflexion, j'avais enfin trouvé comment remplir mes quartiers, dont la décoration était jusque là extrêmement sobre, à l'image de Las Noches lui-même. Des murs et un sol aussi pâles que ma peau, j'avais parfois l'impression de me confondre avec le décor. Impression renforcée par le fait que j'utilisais réellement ma pâleur comme camouflage naturel dans le désert, me confondant avec le sable pour mieux surprendre mes proies lors de mes innombrables parties de chasses. Mais avec mon rangs et les responsabilités l'accompagnant, je n'avais plus besoin de me cacher. Tout cela allait donc changer.

J'avais beau chasser souvent dans le désert, le problème n'était pas que mes capacités périclitaient. Le vrai problème était que je ne progressais plus, ou du moins je ne voyais pas les progrès que j'effectuais (sans doute car ils étaient trop minces). Et pourtant, il le fallait, car les faibles n'avaient pas leur place dans l'Espada. Depuis la mort de Reira, la Septima Espada avec qui j'ai eus l'occasion de parler une fois, j'étais le moins gradé de toute les lieutenants de sa Majesté. Cela voulait dire ce que cela voulait dire : j'étais aussi théoriquement le moins puissant. Dans la pratique, je n'étais encore sûr de rien car je n'avais jamais encore affronté un autre Espada... Mais le jour ou cela arriverait (car il était certain que cela se produirait un jour ou l'autre), je ne voulais pas sortir perdant. Alors j'avais décidé de reprendre l'entraînement, avec une priorité : maîtriser à son paroxysme la puissance que m'offrait ma Resureccion.

Lors de la transformation en Arrancar, une partie du Hollow que nous sommes deviens un Zampakuto. La folie présente chez chaque Hollow était et est toujours ce qui a formé Caballero. En libérant cet aspect de moi, je devenais méconnaissable. Du lancier blanc voulant bâtir un monde meilleur, je devenais le chevalier noir, méconnaissable et violent dont la seule raison d'être était de provoquer la fin de mes adversaires. Durant mon errance dans le désert, je n'ai jamais eus à m'en servir une fois car je rencontrais rarement des adversaires susceptibles de me mettre en difficulté. Mais désormais je ne jouais plus exactement au même niveau, et ne pas me servir de cette puissance serait une grosse erreur de ma part. Et quand la moindre erreur coûtait la vie... Mieux valait parfois laisser son amour propre de côté et tenter de combattre ses démons.

Tout cela pour en arriver à là : la pièce autrefois vierge de toute décoration hormis le strict minimum (à savoir un lit) était désormais remplie de sacs de sable et de mannequins d'entraînement fabriqué à partir du quartz des arbres du désert. Augmenter la force de mes coups et affûter ma lame afin que chacun de mes coups soit mortel. Tel était mon objectif. Au moins, cela me permettrait de tuer le temps. Temps que je pouvais désormais compter, car j'avais également fabriqué un sablier qui se retournait automatiquement toutes les heures via un système de balancier. J'étais déterminé, aussi je n'attendis pas plus longtemps pour commencer.

Mon poing transperça le sac de sable qui subissait depuis plusieurs minutes déjà une grêle de coups. Éventré, son contenu se libéra lentement sur le sol, tandis que se profilait une silhouette derrière moi. Ouvrant la porte de mes quartiers, l'individu pénétra en chantonnant une comptine (de son invention sans aucun doute). C'était plutôt troublant, d'autant plus qu'il arborait sur son visage un sourire dément qui mettrait mal à l'aise n'importe qui. J'avais énormément de mal à percevoir complètement son reiatsu : soit ce dernier était quasiment inexistant (ce qui serait franchement improbable car il ne serait pas resté aussi longtemps en vie), soit il possédait une maîtrise de celui-çi qui dépassait de loin la mienne. Un individu dangereux, en sommes. Je devais me préparer au pire. Mais avant cela, je me devais au moins lui demander la raison de sa présence ici.

Aucune réaction. Toute son attention était portée vers le sablier. C'était comme si je n'existais plus dans la pièce. Il avait l'air envoûté, subjugué par l'objet. Je pouvais comprendre que cela surprenne les visiteurs (c'était à ma connaissance le seul de Las Noches), mais j'avais l'impression d'avoir offert à cet Arrancar le Saint Graal... Rapidement, il se reprit et s'inclina vers moi en se présentant. Il disait s'appeler Belial, sous-entendait être un Numéro et qu'il s'était retrouvé ici totalement par hasard. Il semblait aussi être totalement obsédé par ce sablier, appréciant de voir le temps maîtrisé. Un drôle de personnage. Je me baissais pour ramasser le sac que j'avais perforé, évitant de déverser sur le sol ce qui restait de son contenu.

Cette chose avait éveillé chez lui de l'intérêt, disait-il. J'ignorais ce qu'il recherchait réellement. Une sorte de messie ? Fabriquer un instrument de mesure du temps ne signifiait pas que j'étais ingénieur, ou quoi que ce soit. Toute ma vie a été tournée vers la guerre. Encore plus depuis mon trépas. J'étais un soldat. J'avais peut être plus de principes moraux que d'autres au palais, mais je n'étais pas plus important que Belial, contrairement à ce qu'il pensait... Ou faisait croire qu'il pensait. Mais il désirait comprendre mon passé ? Très bien. Mais il allait tomber de haut.

Je prenais une serviette que posais sur ma tête pour essuyer ma transpiration. C'était plutôt comique, de perdre de l'eau dans un endroit ou elle était une denrée rare. Et avec elle, la vie était pratiquement invisible ici. Presque.