Dark fixait d'un air buté sa main bandée. Le monolithe avait été détruit depuis une poignée de jours déjà et sa blessure peinait encore à se résorber. Le soi-disant Mahōtsukai avait retourné sa propre puissance contre lui et il en payait le prix. La colère qui l'avait envahi au moment où il avait pris la fuite n'avait pas disparu. Au contraire, elle n'avait fait que croître et menacerait d'exploser d'ici peu si rien n'était fait pour s'en délester. Malgré un hierro respectable sans être exceptionnel et le fait qu'il ait pu contrer ce retour à l'envoyeur, son poing avait eu à souffrir de cette mauvaise surprise. La plaie n'était guère profonde – rien qui laisse envisager qu'il puisse subir des complications – mais le lancinait à longueur de journée, ce qui ne le rendait que plus irritable. Déjà peu sociable à l'accoutumée, l'ancien Quincy s'était d'autant plus renfermé après avoir été humilié de la sorte. Ce n'était pourtant pas le seul dans ce cas : aucun d'eux n'avait rien pu faire – Fou-Lu n'avait même pas essayé.

Aussi n'aurait-il pas dû s'en offusquer. Pour sa part, ce n'était cependant pas si simple. Il avait horreur de voir un obstacle lui résister, car cela voulait dire qu'il était encore bien loin de pouvoir concrétiser ses ambitions. Voir le monolithe tenir bon après son premier coup ne l'avait déjà pas mis d'excellente humeur, mais la facilité avec laquelle l'intrus avait éludé son attaque pour ensuite le laisser sur le carreau. Une attitude qu'il pouvait d'autant moins digérer qu'il ne savait rien de cet individu et que l'absence chez lui de toute émission de reiatsu l'empêcherait de le retrouver facilement. La seule idée qu'il puisse se cacher dans les environs suffisait à le mettre hors de lui tant il brûlait de le réduire à néant pour lui faire payer cet affront. La pulsion était si forte qu'il n'avait d'autre choix que de se défouler sur tous ceux passant à sa portée s'il ne voulait pas y perdre la raison.

Son poing meurtri n'en avait que plus de mal à cicatriser mais quand il pouvait céder au besoin impérieux de violence qui l'accablait à longueur de journée, cela n'avait plus d'importance. Son état de nerfs était bien plus préoccupant que la douleur physique qu'il était capable d'endurer sans ciller. Plus que le mal qu'il avait à s'en remettre, ce qui le dérangeait était surtout ce que symbolisait cette blessure de guerre. Dark avait toujours appliqué à la lettre la loi du Talion, ce non sans d'occasionnels excès de zèle. Or, cette marque d'infamie, il n'avait pu la lui rendre. Et il aurait beau se promettre de le faire avec les intérêts, le fait est qu'il en avait été incapable à ce moment précis. Le coupable avait disparu dans la nature, sans laisser d'indices à l'exception des informations qu'il leur avait cédé de bonne grâce.

Une bien maigre piste pour retrouver sa trace et enfin lui rendre la monnaie de sa pièce. Dark n'avait jamais ressenti une telle haine à l'encontre de qui que ce soit, et le simple souvenir de son rire guttural déclenchait en lui une colère meurtrière que rien ne semblait pouvoir arrêter avant qu'il ne soit à bout de forces. Le fait de sentir la présence de Borick en approche parvint toutefois à couper court à cette frénésie alors qu'il brisait la nuque d'un Hollow dont la forme n'était pas sans rappeler celle d'un hibou. Sans ménagement, il jeta son cadavre – ou ce qui le serait bientôt – au pied du monticule. Alentours s'étendait un vaste charnier, corps amoncelés au fil d'une tuerie sans nom comme lui seul en était capable. En son sommet gisait un trône à l'aspect squelettique, probablement bâti au moyen des restes d'une partie d'entre eux où Dark alla se jucher confortablement. C'est là qu'il attendrait son alter ego.

— Déjà de retour ? demanda-t-il dès qu'il le sentit à proximité.

Avant que Borick n'ait pu le questionner sur les raisons de son absence, il sortit de sa poche sa main ceinte d'épais bandages de lin. Un traitement peu commun pour un Arrancar, qu'il devait à ses lacunes en terme de régénération. S'il en était capable à très bas niveau, avoir encaissé l'une de ses propres décharge d'énergie ne lui permettait pas de guérir aussi facilement. Entre ses lèvres, une cigarette déjà bien entamée libérait d'épaisses volutes de fumée – laquelle ne faisait qu'accentuer l'aspect sinistre qu'il avait donné à cette région du Hueco Mundo. Il reprit avec un détachement surprenant pour quelqu'un qui venait de perpétrer un massacre de cette envergure.

— Désolé de n'être pas venu au rendez-vous, mais comme tu as pu le constater j'ai eu quelques problèmes de mon côté.

N'affichant qu'un profond dédain, Dark envoya voler d'un simple coup de pied un crâne évidé trônant au sommet de la pile. Ce carnage n'avait de toute évidence pas suffi à assouvir sa soif de violence. N'ayant rencontré aucune résistance, il s'était contenté de les briser les uns après les autres jusqu'à ce qu'il n'en reste plus aucun à des kilomètres à la ronde. Aucun n'était bien sûr digne de rejoindre les rangs de Las Noches et c'était tant mieux, sans quoi il n'était pas sûr qu'il aurait pu faire l'effort de l'épargner. Même si Grimmjow n'en aurait probablement jamais eu vent, c'était le genre de bavure qu'il serait préférable d'éviter s'il tenait à garder sa tête sur ses épaules. Non, le roi n'avait pour l'heure rien à lui reprocher – et c'était préférable. Dans cet état de nerfs, il ne reculait devant nulle folie et aurait même été susceptible de s'en prendre à lui. Inutile de dire que s'il avait dû en arriver à cette extrémité, il n'aurait pas eu le temps de le regretter qu'il aurait déjà été exécuté.

Étant donné le mal qu'il s'était donné pour se tenir à carreau jusque là, il n'avait pas le droit de se saborder sur un coup de sang. La panthère bleue ne se souciait que de bien peu de choses mais s'il en était une qu'il ne pouvait tolérer, c'était sans nul doute l'insubordination, ô combien familière de Dark qui l'avait déjà frôlée à maintes reprises. Même s'il l'impulsivité faisait partie de lui, sa vie n'était pas régie par elle comme il pouvait parfois le laisser penser. Sous des airs de brute épaisse se cachait en fait un fin stratège qui se contentait d'attendre son heure en se faisant passer pour ce qu'il n'est pas – ou plutôt en tirant parti de ses compétences naturelles pour exacerber cette allure sanguinaire. Il demeurait fortement enclin à la violence, mais guère autant que certains pouvaient le penser. Et là où même Fou-Lu, qui l'avait côtoyé pendant des années, semblait le sous-estimer, Borick était seul à connaître la vérité.

— J'en doute pas. Pourquoi c'est toujours quand j'essaie de partir en vacances qu'on se prend des cailloux géants sur le coin de la gueule ? Tu sais, parfois je me dis que si j'ai pu survivre jusque là c'est pour qu'on puisse me casser les couilles pendant encore un siècle ou deux.

Ce qui n'était pas totalement faux. Sa première évasion d'un laboratoire lui avait valu d'atterrir ici, au Hueco Mundo, où un humain comme lui n'avait pas sa place. Car tout Quincy qu'il soit, il n'en était pas moins profondément humain. Il n'était alors qu'un rat de laboratoire tout juste à même de contrôler ses pouvoirs. Cela ne l'avait pourtant pas empêché de se créer une place ici à la seule force du poing. La seconde avait eu pour conséquence de le transformer en Arrancar, lui faisant incarner tout ce qu'il avait toujours combattu. Ces créatures qu'il n'avait eu de cesse de rejeter par instinct faisaient maintenant partie de lui, peu importe combien cette pensée lui était exécrable. La tour d'ossements acheva de s'effondrer quand il parvint à ses pieds, et Dark en profita pour l'examiner. Alors que son regard se posait sur son visage, Borick dut lui révéler l'emplacement de son nouveau tatouage. Dans son regard revint à la vie l'éclat disparu de son intérêt.

— T'aurais mieux fait de m'écouter. Enfin, il a pas l'air de t'avoir trop abîmé au moins, tous n'ont pas cette chance. Il parut suivre du regard chaque angle du chiffre 9 que son alter ego venait de lui mettre sous les yeux. Effectivement, c'est pas assez, mais ça peut pas être pire que de rester Fraccion de l'autre fossile. 'Faut bien commencer quelque part, pas vrai ?

Par réflexe, Dark avait porté la main à sa clavicule, comme si sa propre marque était entrée en résonance. Situé sur son omoplate, elle lui semblait à vif. L'Espada avait plus désempli qu'elle n'avait gagné en puissance ces derniers temps, mais l'entrée en scène d'El Emperador risquait fort de changer la donne. Les Shinigamis, leurs ennemis héréditaires, n'avaient qu'à bien se tenir. Rares seraient ceux à pouvoir résister à leur puissance combinée, il n'y avait aucun doute là-dessus. S'il était second en partant du haut, Borick l'était en partant du bas. Cela respectait un certain équilibre. Et puis, occuper une place si mal située dans l'Espada lui permettrait d'en faire partie tout en restant plus en retrait que les plus puissants de ce monde. Pas autant qu'il pouvait le faire en étant Fraccion, mais au moins n'avait-il pas tout perdu. Pour la première fois de la conversation, l'ex-Quincy esquissa un sourire en coin.

— Et puis... Si t'as besoin d'aide pour qu'une place se libère, tu sais où me trouver.

Une lueur mauvaise s'alluma dans son regard tandis qu'il lui posait une main sur l'épaule. Dans l'état actuel des choses, Borick pourrait facilement gravir les échelons jusqu'à devenir la Cuarta Espada. Pour ce qu'il en savait, le chiffre avait récemment changé de main, et il serait fâcheux qu'il le fasse à nouveau en un laps de temps si court. Le Segunda n'avait jamais eu l'occasion de le rencontrer mais, le considérait d'ores et déjà comme un homme mort, en prévision du jour où il devrait disparaître pour lui céder sa place. Ôtant sa main – Borick n'était pas toujours d'humeur à supporter le contact physique, même si c'était lui – il repoussa à son tour quelques mèches, non pour dévoiler quoi que ce soit mais par simple habitude. Et autant la nouvelle de la mort d'un capitaine fit s'agrandir son rictus, autant la question qui lui succéda assombrit son visage. Il serra le poing à en faire blanchir ses phalanges. Cet énervement passé – tout au plus contenu en vérité – il éleva une fois de plus sa main bandée et accomplit quelques flexions afin de lui faire voir qu'elle marchait encore parfaitement. Un soupir agacé lui échappa.

— Je suppose qu'on peut dire que je vais plutôt bien. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle soit de nouveau opérationnelle. En revanche je ne peux pas en dire autant de ma blessure à l'ego, elle mettra beaucoup plus longtemps à cicatriser. J'avais déjà du mal à digérer le fait qu'un rocher résiste à l'un de mes coups, mais c'était encore rien à côté de cet enfoiré. Je me suis juré que j'aurai sa peau et qu'une fois que ce sera fait je m'en ferai un putain de tapis pour lui marcher sur la gueule chaque jour de ma foutue vie.

Malgré l'agacement qui transparaissait de ses propos, c'était encore bien loin de la vérité. Dire cela l'avait quelque peu soulagé mais la haine qu'il nourrissait à son égard n'avait jamais cessé de s'accroître. Il ne pourrait plus la réprimer bien longtemps, et se hâter de retrouver sa trace en devenait indispensable. Rien qu'à y repenser, son reiryoku se mit à flamber autour de lui un bref instant avant de s'éteindre sans même qu'il paraisse s'en apercevoir. Il n'aurait pas autant de chance la prochaine fois car Dark prendrait sa tête même si ce devait être la dernière chose qu'il ferait. Il laissa tomber sa cigarette dans le sable et et l'écrasa sous sa semelle pour mieux profiter d'une longue inspiration. L'air du Hueco Mundo n'avait rien de pur, bien au contraire : il semblait aussi vicié que les créatures qui y vivaient. Cela lui fit pourtant le plus grand bien. Sa main retrouva le chemin de sa poche alors qu'il se tournait vers Borick, revenu à son habituelle nonchalance.

— Et toi, je peux savoir comment t'es tombé sur un capitaine ?

- En effet, je saurai où te trouver. Mais je doute que cela soit indispensable. Tu sais comme je préfère me débrouiller seul pour ce genre de tâche ingrate, n'est-ce pas ? Je préfère compter sur toi pour des missions autrement plus difficile, là où tu seras vraiment indispensable. Et elles ne manqueront pas d'arriver, sois en sûr. Alors tiens-toi prêt, mon frère.

- Au retour de Karakura, dans le Gargantua que j'avais ouvert pour rentrer. J'aime prendre mon temps - tu me connais - et je réfléchissais à ce que j'avais aperçu sur cette terre. J'ai alors perçu la présence d'une dizaine de Shinigamis qui ne m'avaient pas remarqué. Alors que j'observais ce groupe, leur chef m'a enfin découvert. Un Capitaine. Autant dire que je ne pouvais plus me permettre de les laisser partir sans réagir. Seule une poignée d'entre eux sont parvenus à quitter la Dangai. Les autres sont tombés sous mes coups. Le Capitaine y comprit.

- Tu retrouveras ton honneur, je n'en ai pas le moindre doute. Et je te prêterai ma force pour y parvenir. Qui saurait résister à notre puissance conjuguée, mon frère ? Mais au sujet de cette roche, sache qu'une chose similaire est tombée sur Karakura juste avant mon départ. Je n'ai aucune certitude mais je doute qu'il s'agisse d'une simple coïncidence. Le Roi en a été informé par moi-même. Il s'agit peut-être d'une piste pour retrouver cette créature, qu'en penses-tu ? Il ne me suffirait que de retourner sur terre pour confirmer mes dires mais ce ne sera pas pour toute suite.

Les yeux rivés sur son bandage, Dark exécuta une rapide rotation du poignet. Celui-ci n'avait été touché que très légèrement et était déjà presque rétabli, mais une brûlure mal placé faillit lui arracher une grimace. Du moins pouvait-il s'estimer heureux de ne pas – ou plus - être un humain tout ce qu'il y a de plus ordinaire, sans quoi il n'aurait pas été près de voir disparaître cette cicatrice disgracieuse. Une maigre consolation, mais que pouvait-il espérer de mieux ? La mission avait été un succès puisque le monolithe avait bel et bien été détruit, mais le mystère, lui, restait entier. À ses yeux, c'était à peine si un échec complet aurait été plus humiliant. Mais le responsable ne s'en tirerait pas à si bon compte. Si d'ordinaire il n'y avait rien de personnel ou presque dans ses diverses querelles, cette fois-ci était toute différente. Car cette fois, il en faisait une affaire personnelle.

Plutôt que de ressasser une fois de plus ce mauvais souvenir qui l'obsédait déjà au point d'en rêver la nuit, il préféra ranger les mains dans ses poches faute de mieux. Pour la première fois, il se surprit à envier les capacités de régénération qu'il avait pu observer chez certains de ses congénères. S'il en avait été pourvu, il n'aurait pas eu le temps de se plaindre que son bras aurait déjà été en parfait état. Dans le pire des cas, il n'aurait eu qu'à l'arracher pour s'en faire pousser un nouveau sans plus tarder, lequel aurait été dénué de toute imperfection. Hélas, c'était un luxe qu'il ne pouvait s'offrir. S'il venait à perdre l'un de ses membres, ce serait définitivement. En cela, il était resté bien plus humain qu'il ne l'aurait voulu. La frustration que cela lui causait n'était connue que de lui seul. Il y a des choses qui ne changent pas, songea-t-il avec résignation avant de continuer la conversation.

— J'en viens à me demander si je suis vraiment indispensable à quoi que ce soit. Segunda Espada ou pas, je n'ai rien pu faire contre ce type. Je vais tout faire pour lui régler son compte, mais cet enfoiré m'a montré que quelle que soit la force que je peux accumuler elle ne servira à rien. Que je ne suis pas à l'abri. Pas plus qu'aucun d'entre nous. J'ai le sentiment que si je veux le saigner, il va me falloir autre chose.

Son regard se perdit dans le lointain un bref instant. De tels propos défaitistes n'étaient guère dans ses habitudes, mais il lui fallait prendre conscience des réalités. À la différence de Fou-Lu qui se croyait au-dessus de tout et n'analysait que rarement la situation plus en détails lorsqu'il pensait pouvoir s'en sortir facilement, Dark n'avait pas perdu le sens des réalités. Il aurait bien sûr aimé pouvoir croire à un coup de chance, mais ne devait pas exclure l'hypothèse que cette chose soit plus forte que lui – peut-être même plus forte que Grimmjow. Auquel cas force serait de constater que le Hueco Mundo était une fois de plus en danger. Inutile de se leurrer : pour l'heure, même leurs forces combinées n'arrivaient pas à la cheville de celle du Roi si tant est que celui-ci use de la botte secrète qui l'avait fait monter sur le trône. S'il devait être défait lui aussi, c'en serait fini de l'Espada une bonne fois pour toute.

L'ex-Quincy se renfrogna. Il était hors de question de laisser cela se produire. Un tel scénario n'avait pas sa place dans son royaume – car nul doute que s'il était épargné cette fois-ci, ce ne serait que pour mieux essuyer l'ire de ses propres hommes d'ici quelques temps. Mais ni lui, ni Fou-Lu, ni Borick ni aucun autre ne laisserait le privilège de lui arracher sa couronne à ce parfait inconnu dont les manières avait suffi à lui valoir tout leur mépris. Le sien allait croissant en tout cas, et atteindrait très bientôt son paroxysme. Aussi était-il dans son intérêt de trouver un moyen de canaliser sa colère s'il n'avait pas la chance inespérée de retrouver son agresseur dans les plus brefs délais. Et dans l'immensité du Hueco Mundo, sans compter l'absence totale de reiatsu chez lui, ils n'avaient guère d'autre choix que d'attendre qu'il se manifeste une fois de plus. Les mots de Borick lui firent l'effet d'un baume apaisant. Savoir qu'il avait son soutien, même s'il n'en avait jamais douté, l'aidait à relativiser.

— C'est ce qui s'appelle tirer le gros lot. Si tu veux mon avis, t'aurais dû y retourner pour choper un ticket de loto. Dès lors qu'il prit conscience de ce que cette référence obscure ne devait rien dire à Borick, il reprit sans ambages. Dommage que j'aie pas pu venir, ça aurait été parfait pour me passer les nerfs. Tu as ramené sa tête ?

Si barbare qu'il puisse être parfois, Dark n'entendait pas forcément par là que son alter ego ait pu décapiter son adversaire. Ce qu'il voulait, c'était savoir s'il avait ramené de cette rencontre un quelconque trophée bien qu'il connaisse d'ores et déjà la réponse. Même si l'Espada n'était pas au mieux de sa forme, Grimmjow n'en était pas encore au point de croire sur parole tous ceux qui prétendaient avoir mis fin aux jours d'un capitaine – quand bien il y avait tout lieu de penser que personne ne se risquerait à lui mentir de peur d'être annihilé quand la vérité serait enfin dévoilée. Non, plus que de savoir s'il avait ramené quelque chose, c'était ce pourquoi son jumeau avait opté qui l'intéressait. Contrairement à lui, Borick n'était pas du genre à mutiler le corps de son adversaire pour en apporter un morceau en guise de preuve – quand bien même son Disco Desgarrador y serait on ne peut plus adapté.

Bien que d'un rang plus élevé, il n'avait pas encore eu l'honneur d'ajouter à son actif de pareils faits d'armes et dut avouer en être quelque peu envieux. Ce soupçon de jalousie fut néanmoins très vite dissipé quand les pièces du puzzle commencèrent à se mettre en place. Sourcils froncés, Dark se lança dans une intense réflexion qui consista pour beaucoup se repasser dans les moindres détails la scène de sa déconvenue. Borick avait amplement mérité sa place dans l'Espada, cela ne faisait aucun doute, mais son discours avait mis en évidence un détail que lui-même semblait à première vue ne pas avoir remarqué. Dark releva la tête dans un éclair de lucidité avec un vif signe de dénégation. Il avait en tête une idée bien précise et avait tout lieu de la faire passer en priorité. Toutes les pistes avaient été éliminées sauf une, et cette dernière pourrait bien les mener à la clé de cette énigme.

— Non. Il nous faut un Shinigami. On doit savoir si un de ces trucs est aussi tombé à la Soul Society. Si c'est pas le cas, on saura à qui on doit botter le cul. Bien sûr ils peuvent essayer de mentir mais... Nous avons les moyens de les faire parler. et je doute que les simples troufions aient été mis au courant d'une opération de ce genre. On en chope un, on lui fout deux ou trois mandales et on attend qu'il crache le morceau. Qu'est-ce que t'en dis ?

- T’avoir à mes côtés aurait été préférable, j’en conviens. Mais ce n’est que partie remise, crois-moi. Cette expédition n’était que la première, juste pour vérifier quelques petites choses. Et la Terre recèle tant de secrets qu’il me sera difficile de tout découvrir en une fois.

- Quelle plus grande marque de victoire que de rapporter le fameux manteau dont ces capitaines sont si fiers ? Eux qui ne s’en séparent jamais, je trouvais que c’était un joli message à laisser que de lui prélever ce butin. Je regrette seulement de ne pas avoir pu préserver la blancheur de cet Haori. Mais je dois m’estimer heureux d’avoir pu ramasser quelque chose, je présume.

- Doucement, doucement… Je trouve que c’est une excellente idée. Attraper un responsable et le questionner, voilà un concept qui me plait. Outre essayer d’apprendre s’ils ont eu le même problème ou s’ils en sont les responsables, j’espère également obtenir des informations sur ce qu’ils projettent de faire sur terre. Après tout, je suis directement concerné… Mais cela ne sera pas facile, Dark. Tu sais comme moi qu’ils vont se montrer extrêmement prudents avec la mort de leur Capitaine. Qui plus est, et ce n’est qu’une supposition, s’ils ont été touchés comme nous par cette chose, ils risquent de penser que nous sommes responsables de ces maux. C’est une opération délicate qui mérite de prendre le temps de la réflexion. Et si je te fais entièrement confiance lorsqu’il s’agit de réduire une armée en cendre, je préfère éviter de te demander conseil pour les opérations plus subtiles. Pardonne-moi, mais c’est un fait.

- Il nous faut avant tout décider de notre stratégie de départ. Soit nous convions l’Espada à cette traque. Soit nous agissons seuls. Et dans ce cas, je sais vers qui me tourner pour obtenir une aide bienvenue.

En le voyant y toucher, il comprit qu'il lui faudrait un certain temps pour s'y habituer.

Borick devrait apprendre à connaître ce qu'impliquait ce nouveau statut, et Dark entendait l'y aider. Comme toute chose, cela avait bien sûr ses mauvais côtés. Inutile de dire que lui-même aurait cent fois préféré se rendre à Karakura comme prévu plutôt que de tomber sur l'ordure à qui il devait que sa main soit dans son état actuel. Mais il ne fallait pas non plus oublier que si les Fraccions et Numeros bénéficiaient d'une telle liberté de mouvements c'était principalement parce que personne ne se souciait d'eux. À moins qu'ils ne manifestent les qualités demandées pour s'élever au-dessus de la masse, le Roi ne daignerait jamais poser les yeux sur yeux – tout au plus lever la main pour les exécuter s'ils lui faisaient honte ou lui manquaient de respect. En cela, le sort qui leur était réservé était le même pour tout le monde. Il n'y a guère d'exception. Mais en contrepartie de cette lacune qui n'en était pas une – les ordres demeurant sporadiques – il y avait aussi les privilèges.

Après y avoir goûté, sans doute serait-il plus enclin à mettre de l'eau dans son vin. Pour Dark, l'intérêt premier de ces prérogatives consistait surtout à pouvoir massacrer sans états d'âmes tous ceux qui passaient à sa portée sans jamais que cela lui soit reproché. Ayant lui-même ramené jusqu'ici la majorité des serviteurs qui circulaient à longueur de journée dans les couloirs de Las Noches, il allait sans dire qu'il devait avoir sur eux droit de vie et de mort. Car c'était à lui seul qu'ils devaient d'être encore en vie et non en train de croupir dans la fange qui les avait vu naître. La plupart ne se seraient sans doute jamais élevés au stade d'Arrancars s'il ne les avait pas ramené jusqu'à la forteresse pour que le Roi en fasse ses loyaux sujets. Certes pour mieux écoper d'un travail ingrat, mais n'était-ce pas mieux que de finir dévorés par leurs propres congénères au fin fond du Yermo ?

Ce n'était cependant qu'une petite partie de l'intérêt que l'on pouvait y trouver. La notoriété en était un autre. En étant au service de Fou-Lu, il avait dû lui arriver plus d'une fois de parler en son nom et de voir quel pouvoir cela avait sur son entourage. D'ici très peu de temps, quand la nouvelle de sa nomination se serait répandue, ce serait en son nom qu'il inspirerait le respect – même si compte tenu de sa puissance tout sauf dérisoire il n'aurait tenu qu'à lui de s'accaparer ce prestige, mais il aurait alors dû en assumer les conséquences. Dark songea avec ironie que l'Espada n'avait jamais dû être aussi peu représentative de l'échelle de puissance qu'elle devait être à l'origine. Lui-même était plus fort que le Primera, il n'en démordrait pas. Et à présent, le Novena aurait sans mal pu se hisser jusqu'à la quatrième place tant il rencontrerait en chemin peu de résistance.

— Je garde pas un très bon souvenir de ma dernière visite dans le monde des humains. J'étais tombé sur un connard qui m'a pris de haut et j'ai même pas pu lui mettre mon poing dans la gueule, y'avait trop de monde. Faudra que je pense à lui botter le cul si je retombe dessus un jour, vu la tête de con qu'il se paie je devrais pas avoir trop de mal à le reconnaître. Alors, qu'est-ce que t'as trouvé de beau ?

En sa qualité d'empereur autoproclamé, il n'y avait que peu de choses que Borick puisse juger dignes de son intérêt. Aussi ne prit-il pas la peine de préciser cette question tant il était certain de n'en tirer que ce qui pourrait réellement en valoir la peine. Un détail le frappa : aussi loin qu'il s'en souvienne, il n'avait jamais entendu son alter ego parler du monde des humains sauf en tant qu'ultime étape de ses ambitions. Pendant combien de temps ne s'y était-il plus rendu depuis cette petite visite ? Cela n'avait au fond pas grande importance, mais il était curieux de savoir à quel fréquence il allait explorer « son » royaume. Il savait que son semblable n'userait pas d'un terme aussi fort à la légère et n'en était que plus impatient de connaître le contenu de ces fameux secrets.

Du reste, peut-être se souvenait-il de cet incident que Dark n'avait daigné mentionner que très vaguement à l'époque, encore sous le coup de la frustration que cela avait été pour lui de ne pouvoir abattre Yakushiji Tenzen. Mais l'heure n'était pas à ressasser de tels souvenirs, surtout compte tenu du fait que ce misérable cloporte était certainement mort à l'heure qu'il est. C'est du moins tout ce que lui souhaitait le Segunda, même s'il aurait préféré s'en charger lui-même tant ses airs supérieurs et son ton moralisateur le rendaient malade encore aujourd'hui. Ce fut alors que Borick expliqua n'avoir ramené que son haori. Dark fit mine d'en être désappointé, même s'il n'en était rien. À la vérité, ce choix n'était guère surprenant, même s'il aurait quant à lui préféré un trophée plus sanglant. Et si les Shinigamis étaient aussi à cheval sur l'honneur qu'on le lui avait laissé croire, la perte de ce vêtement serait pour eux plus dégradante que de profaner le corps du défunt. Une logique qu'il ne comprendrait décidément jamais.

— Comme tu dis, c'est toujours ça de pris. Je t'aurais bien conseillé de le faire nettoyer, mais il y a quand même plus classe comme premier ordre à donner et je doute que tu le revoies jamais si tu le files à l'un de ces tocards. Au pire, tu peux toujours essayer de le porter quand on ira leur dire bonjour, je suis convaincu qu'ils apprécieront de voir qu'on a pris soin de pas trop l'abîmer... Dommage que le type en-dessous ait pas eu autant de chance.

Il feignit de hausser les épaules, un sourire ironique au coin des lèvres. Il lui semblait avoir lu que par le passé, de grands conquérants avaient pour habitude de s'emparer des biens de celui qui avait péri de leur main et de les arborer fièrement sur le champ de bataille pour intimider ceux qui avaient survécu. Une manière exquise de leur faire savoir que ce serait bientôt leur tour et qu'ils devaient s'apprêter à connaître le même sort. Dark devait avouer beaucoup aimer ces méthodes mais doutait que Borick soit du même avis : porter leurs couleurs, même afin de les provoquer, serait leur faire trop d'honneur. Enfin, il avait gardé le meilleur pour la fin. Et tandis que rebondissait le crâne dont Borick venait de se débarrasser d'un coup de pied, il étendit ses Pesquisas jusqu'à Las Noches pour procéder à une ultime vérification.

— Tu ne sens pas ? se contenta-t-il de dire dans un premier temps.

Aucun doute possible. Il était toujours là et servirait leurs desseins qu'il le veuille ou non. Les raisons pour lesquelles un Shinigami avait approché de l'enceinte de leur place forte étaient obscures mais force était de constater qu'il tombait à point nommé. S'il fallait y voir un inconvénient, il résidait dans le fait qu'il soit vraisemblablement tombé sur Fou-Lu à en juger par la proximité de leurs auras, mais Dark eut l'espoir que celui-ci n'aurait pas la stupidité de l'éliminer avant qu'ils n'aient le temps d'arriver. Un tel invité leur serait bien plus utile vivant que mort et le Primera Espada devait comprendre cela lui aussi. Au cas où El Emperador ne se serait pas encore rendu compte de sa présence, il pointa du doigt la direction de Las Noches. Il allait sans dire que cela suffirait à ce qu'il s'y penche plus avant et décèle cette anomalie comme lui l'avait fait un instant auparavant.

— Pas besoin d'aller aussi loin. On a tout ce qu'il faut à portée de main. Je sais pas ce qu'il est venu foutre ici, mais il a bien choisi son moment. Pour être con au point de venir ici jouer les touristes, j'aurais tendance à penser que si le même truc a atterri chez eux il a dû lui tomber droit sur la gueule, mais c'est toujours ça de pris. J'espère pour lui qu'il a posé ses congés parce que j'ai pas l'intention de le laisser repartir tant qu'on l'aura pas pressé comme un citron.

Au propre comme au figuré.

- Tant de choses, mon frère. Je trouve cette terre magnifique en tout point. Cela me change de ce monde austère et de ces bêtes que nous côtoyons si souvent. Je n’ai pas souvent eu l’occasion de parcourir ce monde, n’ayant de ma vie passée aucun souvenir tangible, je l’ai donc redécouvert avec grand plaisir.

- Hum ?

- Ne trouves-tu pas étrange que nous puissions si facilement capter sa présence alors même qu’il semble seul ? S’il est ici, si proche de nos quartiers, ce n’est pas sans raison ! Seul un suicidaire se montrerait de la sorte. Je pense que tu as raison… Il est sans doute temps d’aller accueillir notre visiteur. Avant que notre cher Primera ne décide de se débarrasser de l’importun. Mais ne fonce pas dans le tas pour autant… Je reste persuadé que cette personne, qui qu’elle puisse être, n’est pas aussi stupide qu’elle semble le laisser croire. D’ailleurs, pourquoi n’y a-t-il que Fou-Lu qui se dirige vers lui ? Je ne ressens pas la présence de l’Exequias. Ils auraient du l’intercepter avant lui !

Entendre Borick parler du monde des humains avec tant d'emphase amusa le Segunda. Lui qui y avait vu le jour n'avait jamais pu discerner toutes ces merveilles qu'il aurait soi-disant à offrir et cela suffisait à démontrer que sa place n'y avait jamais été. Et s'il était vrai que le monde où il vivait désormais était tout sauf accueillant, au moins s'y était-il acclimaté. La violence avait toujours été son quotidien, et y vivre en permanence n'avait fait qu'exacerber cet aspect de sa personnalité. Si triste que ce soit, il y était plus à sa place et rien ne pourrait changer cela. Cet état d'esprit était le seul qui lui permette de comprendre pourquoi son alter ego pouvait ainsi s'émerveiller de ce qu'il avait passé ces dernières années à rejeter. Ses années passées là-bas étaient de toute façon plus nébuleuses que jamais, et pourraient bien ne jamais refaire surface – même s'il en doutait. Ce serait trop facile et avec lui, rien ne l'avait jamais été. Le secret qui entourait son passé était la preuve la plus formelle qu'il puisse en apporter. Mais nul doute qu'il avait assez de soucis en tête que pour en plus s'attarder sur cette époque dont il ne souhaitait plus entendre parler.

— Il faudra y retourner. Ça fait longtemps que j'y suis pas allé, mais je suis sûr qu'il y a un tas de trucs que je peux te montrer. Je me demande quand même dans quel coin tu as pu vivre par le passé, ça mérite qu'on s'y intéresse. Enfin, je suis mal placé pour causer mais de toute façon qu'est-ce qu'on se fout ? On a toute l'éternité devant nous.

Telle était la vérité derrière sa condition d'Arrancar. Condamné à une vie d'immortalité. Cela ne posait pas grand problème pour lui qui ne se voyait pas périr autrement que dans une dernière explosion, mais pour Borick, qu'en était-il ? Devenir un être spirituel avait éveillé en lui nombre de questions d'ordre plus ou moins philosophique. Car s'il désirait mourir dans la déflagration il n'en faudrait pas moins un certain nombre d'années avant qu'elle se réalise. Et en attendant et bien, que ferait-il ? Il avait tout simplement du mal à se faire à l'idée que si personne ne faisait en sorte de l'abréger, sa vie pouvait durer une éternité. Borick lui-même ignorait quel était son âge exact, ce qui laissait supposer que tant de temps s'était écoulé qu'il avait fini par oublier. Il était complexe pour lui de définir la mémoire d'un Arrancar, plus encore pour lui qui l'avait déjà perdue avant d'en acquérir les tares.

Mais la mentalité de son sosie était la bonne alors qu'elle était d'une simplicité enfantine. Si quelque chose devait leur sortir de la tête ils n'auraient qu'à le réapprendre. Un raisonnement élémentaire mais qu'il aurait été incapable de tenir tant il lui était difficile d'appréhender cette nouvelle réalité. Les découvertes dont il voulait faire profiter le Novena étaient avant tout d'ordre culinaire, sans qu'il puisse un instant imaginer que celui-ci s'y était déjà essayé. Mais ce qui sonnait pour l'heure ce n'était pas la sonnerie de la récréation mais les trompettes de la cavalerie. Heure grave et situation épineuse faisaient mauvais mélange, il n'en avait déjà que trop tâté. Et tandis qu'ils discutaient la présence ressentie venait de s'évanouir. Était-il reparti, ou avait-il été exécuté ? Impossible de le savoir. Seul Fou-Lu connaissait la réponse. Et l'ancien Quincy n'avait nulle envie d'aller lui demander.

— Tu as raison, c'est étrange. Trop tard de toute façon. L'oiseau s'est envolé. Faut croire que le destin veut qu'on aille à la Soul Society pour botter des culs. Je vais pas m'en plaindre, je commençais à avoir besoin d'exercice. Ces déchets ne m'auront pas donné beaucoup de fil à retordre, et je suis curieux de voir ce que ces capitaines peuvent avoir dans le bide.

Cette réponse avait laissé le temps à Dark de défaire son bandage. Ses phalanges demeuraient couvertes de cicatrices, mais la gravité de ses blessures avait grandement diminué. Il fit jouer les doigts de sa main d'épée avant de la porter à celle-ci et de la dégainer sans difficulté – tout en prenant soin de ne pas menacer involontairement Borick à la pointe de sa lame. Rengainant derechef, il porta un regard critique sur ses jointures endolories et leur fit exécuter de légères flexions afin de s'assurer de leur bon fonctionnement. À la vérité, il n'en était pas entièrement satisfait, mais c'était plus qu'il n'en faut pour la déclarer valide. Il ne laisserait pas une éraflure quelle qu'elle soit l'empêcher de mener ses projets à bien, et encore moins ceux ourdis avec ce frère qu'il n'avait jamais eu.

En tout cas n'en gardait-il aucun souvenir et Borick non plus selon toute vraisemblance – et pour une raison qui lui échappait, il s'imaginait plus aisément flanqué d'une soeur. Allez savoir pourquoi. Toujours est-il qu'il était toujours en état de se battre, et s'il venait à montrer des signes de défaillance, sa colère serait amplement suffisante pour lui faire dépasser la douleur. Ainsi la bande de gaze gisait-elle désormais à ses pieds, dépouillée de son utilité, et il en profita pour plonger la main dans la poche qui lui avait tant manqué. Le contact de l'étoffe suffit à le faire frémir tant son épiderme était sensible à cet endroit - mais pour être un inconvénient, il en faudrait un peu plus que cela. C'est alors qu'un serviteur fit irruption à leurs côtés, coupant court à une discussion censée être privée. N'appréciant guère ce genre d'entrée fracassante, Dark faillit avoir le réflexe de lui faire sauter la tête, mais le messager se protégea de ses deux bras et s'empressa de s'exclamer :

— Se... Segunda-sama, désolé de vous déranger, le Roi a demandé à vous voir immédiatement ! Je vous en prie, ne me frappez pas !

Moment de flottement. Son geste demeura en suspens de longues secondes durant, avant qu'il ne se décide à laisser retomber son bras. Il échangea avec Borick un regard de connivence, teinté de perplexité. Que Grimmjow fasse mander quelqu'un personnellement était tout sauf courant, le Novena le savait fort bien, lui qui venait tout juste d'être convoqué par ses bons soins. Aussi l'ancien Quincy se contenta-t-il de hausser un sourcil. Son secret aurait-il été découvert ? Et si tel était le cas, le Roi aurait-il décidé de le destituer ? Théorie peu probable puisque cela ne ferait qu'affaiblir une Espada déjà sur le déclin, mais ce ne serait pas la première fois que sa paranoïa engendrerait de lourds dégâts. Dans un geste devenu habituel, il repoussa quelques-unes de ses mèches et adressa à son frère un regard entendu. Pour avoir été témoin de la réception de ce message, il saurait ce qu'il en était si malheur devant lui arriver.

— On en parlera à mon retour. Ne m'attends pas pour prendre des dispositions. Plus vite on partira et mieux ce sera.

Quoi que Grimmjow ait à lui dire, il n'allait pas tarder à le savoir.