- Vous m'avez appelé, Maîtresse?

— Bien sûr que je t’ai fait appeler, imbécile.

La voix teintée d’une agressivité aucunement altérée par un désir de débuter sur de bonnes bases, elle venait de répliquer à la question qu’elle jugeait stupide sans délicatesse apparente. Limite d’avoir été sur le point de lui couper la parole, elle ne tarda guère à prolonger sa première remontrance, puisque ses pensées furent orientées vers le géant qui venait de faire apparition à la sortie du palais. À chaque fois qu’elle le croisait, elle avait l’impression d’être un minuscule insecte aux côtés de ce mastodonte; sentiment qu’elle n’appréciait guère vu les rôles de chacun. Si la maitresse donnait plutôt l’air d’une puce du haut de ses trois pommes, comment pourrait-elle le soumettre à sa moindre volonté, si d’une unique chiquenaude il pouvait la tasser? Ce n’était pas une question de puissance, en fait, car elle était persuadée qu’elle avait davantage de moyens derrière son maigre gabarit qu’il en cachait sous cet imposant squelette. Toutefois, les apparences donnaient plutôt l’impression à un quelconque tiers qu’elle était la servante et lui le maître. Qu’on le veuille ou non, les préjugés, quoiqu’infondés, demeuraient, et elle ne pouvait rien y changer. À moins qu’elle décide de lui scier une partie de ses jambes…

Elle n’avait pas trop de temps à perdre aujourd’hui avec ce microbe. Elle avait besoin de connaitre ses capacités en vue de le désigner à un rôle spécifique, selon les atouts qu’il montrerait dans l’entrainement qu’elle avait eu la brillance de préparer. Encore fallait-il qu’il ait quelques qualités à faire valoir; elle l’espérait fortement pour lui, sinon il risquait d’être envoyé à la poubelle pour son incompétence. Quoi qu’il en soit, elle avait envie de fouetter d’autres chats que ce gros matou, mais l’étape était importante, autant pour le connaitre davantage que pour évaluer ses pouvoirs. Elle était si pressée qu’elle ne semblait guère se préoccuper des convenances, soit celles de se prosterner en guise de salutation à son maitre. Chance ou pas, elle n’avait pas la tête à cela pour l’instant, mais se promit de l’admonester une prochaine fois, lorsque l’heure s’y prêtera mieux. Curieusement, elle avait une impatiente envie de se mesurer à lui, afin de faire taire une fois pour toutes son impression d’infériorité à la vue de sa taille d’envergure. Dans un geste vif, elle dégaina son épée et planta la lame d’un brusque mouvement dans le sable. Son doigt vint alors pointer l’arme, immobile et menaçante, qui brillait dans la noirceur du désert, puis elle le releva afin de désigner de son index sa future cible.

Sans prononcer une quelconque parole, une lueur apparut au bout de son ongle, plus que menaçante. L’attaque semblait prendre en expansion sous la forme d’une sphère aux attributs particuliers, dont la teinte noirâtre, contrastée à un peu de rose, ne présageait rien de bon. Dans un spasme involontaire de dernière seconde, l’attaque fut envoyée complètement à gauche, allant ébranler la muraille du palais de dommages plus ou moins importants vu la puissance du coup. Médusée pas le fait qu’elle ait manqué une si grosse cible, elle en chassa rapidement la surprise, reprenant un air arrogant, comme si cette première attaque n’était en fait qu’un bref échauffement. Bien entendu, il en était tout autre: elle n'avait juste pas su faire mouche... Sa main revint prendre appui sur la garde de son ninjato puis elle pointa la lame en direction de la brute, un amalgame de défi et d’arrogance venant soudainement poindre sur son joli minois :

— Bref! T’as compris! Allez, sous merde, montre-moi ce que tu sais faire!