- Nakatoto-San! Ohé Nakatoto-San! Réveillez-vous!

Le Shinigami secouait vigoureusement l'épaule de Otsu affalée sur son bureau de la sixième division, endormie, un filet de bave s'écoulant de sa bouche dans un effet des plus disgracieux. Cela ne faisait que peu de temps qu'elle avait été destituée et après que Haiko été venue la chercher dans ce bar du 74eme district, elle tentait tant bien que mal de se reprendre en main et acceptait toutes les tâches qui lui étaient confiées. Elle ne sortait que très peu et elle soupçonnait son Vice-Capitaine de lui faire éviter au maximum les missions qui pouvaient l’amener à rester trop longtemps à l'extérieur. Et pour l'instant, elle lui en était plutôt reconnaissante. Elle n'était pas encore prête à affronter le regard des autres, déjà que dans sa nouvelle division, on la regardait un peu comme une sorte d'être étrange, même si on évitait de lui poser trop de questions.

En fait pour tout dire, Otsu était assez satisfaite de sa situation actuelle, elle travaillait dur sans pour avoir autant de responsabilités qu'avant ce qui l'arrangeait grandement et elle se sentait en paix avec elle même. Elle était bien loin de l'état dans lequel elle c'était mis lorsqu'elle avait quitté les rênes de la huitième division. Elle avait entendu dire, mais ce n'était encore que des rumeurs, que celle-ci allait d'ailleurs trouver preneur ou plutôt preneuse. La jeune femme avait une bonne idée de qui pouvait être son successeur, mais elle ne voulait pas trop s'avancer dans des élucubrations. En tout cas, elle s'empresserait de la féliciter si les rumeurs s'avéraient fondées.

- Hein? Qui? Quoi? Où ça?

Elle se leva brusquement, le filet de bave tombant mollement sur la pile de papier qui lui servait de coussin, s'essuya la commissure des lèvres, se frotta les yeux et regarda sévèrement le Shinigami qui venait d'interrompre son repos. Le visage de celui-ci vira au rouge tomate et il se fit tout petit. Otsu se pris la tête dans ses mains pour rassembler les fragments éparses de son esprit, encore embué, puis fixa de son unique œil valide le bourreau qui l'avait arraché de son rêve.

- Oui Souji-Kun, j'espère que la raison pour laquelle tu m'as réveillé est bonne, enfin meilleure que le rêve que j'étais en train de faire.

Le garçon repris son assurance en entendant le ton bienveillant quoi que un poil agacé de la belle. Il inspira et lui tendit la missive qu'il tenait alors serrée contre son torse.

- Tenez, on m'a donné ça dans la rue, on m'a dit que c'était urgent et qu'il fallait que je voulais la remette personnellement.

Otsu soupira, prit la lettre qu'on lui tendait, l'ouvrit et la lu à haute-voix.

- Belle Otsu, viens me retrouver près de la troisième division vers 12h, viens seule, j'ai une surprise pour toi. Signé un admirateur.

La jeune femme reposa la missive sur son bureau avec lassitude, elle ignorait qui avait envoyé cela mais elle allait lui botter l'arrière-train. Elle n'aimait pas qu'on lui fasses du charme aussi grossièrement et elle comptait bien remettre cet homme à sa place. Elle remarqua alors que le petit Shinigami était resté planté là, les yeux brillants.

- Oui Souji-Kun?

- Vous allez y aller? Il en a de la chance dis donc le gars qui a écrit ça si vous y allez!

Otsu sourit devant l'innocence du jeune garçon, elle se leva et se planta devant lui, s'agenouilla et lui chuchota à l'oreille.

- Oui mais lui il n'aura pas ça.

Elle lui donna une bise sur la joue et il passa au rouge vif, elle se redressa, se retourna.

- Allez, file maintenant je ne voudrais pas faire attendre ce "galant" homme.

Il s'inclina alors, toujours écarlate et s'en alla sans demandé son reste. Otsu se rassit dans son siège, enfin se laissa tomber dedans en poussant un profond soupir. Sale manie qu'elle avait prise, pensa-t-elle, il faudrait qu'elle se contrôle cela trahit souvent ses sentiments. Elle tourna la tête pour voir qu'il était presque midi à l'horloge. Elle se leva, sortit de son bureau et partit en direction du lieux mentionné dans la lettre.

Elle y arriva et poussa un petit cri de surprise en voyant l'homme qui l'attendait, planté devant un arbre comme dans un mauvais film à l'eau de rose.

- Toi?

Comme tous les jours depuis des semaines, Shogo s'était levé tôt, ayant beaucoup de travail à effectuer pour le capitaine Mitsurugi. Depuis qu'il avait intégré la troisième, l'insouciant tatoué avait appris ce que signifiait le mot responsabilité, surtout avec une vice-capitaine qui ne perdait jamais une occasion de lui déléguer les taches les plus crasses. Entre les patrouilles, les rapports et leurs projets de spécialisation de division, le séducteur né qu'il était ne sortait plus tant que ça et était même parfois trop fatigué pour rendre ces demoiselles heureuses entre les draps. Il avait des cernes, et ses rapports se tachaient parfois de café bien fort.

Alors, lorsque son pote Takeda lui annonça que Lexie avait prévu de lui rendre visite plus tard dans l'après midi, il ne dit pas non à la distraction. Après tout, il en avait bien besoin, ne serait-ce que pour retrouver des couleurs en mettant enfin un pied dehors. Véritable greffier alors que son talent principal restait d’être un bretteur hors pair, le tatoué avait rempli des rapports de jour en jour, sur leurs conjectures de brigade d'intervention et de capture. Jusqu'à ce que celle-ci voie le jour, il ne verrait que peu d'action. Finalement, il posa sa plume dans l'encrier après avoir signé au bas d'une énième page, et quitta son bureau, retrouvant après une volée de marches la lumière d'un soleil radieux.

Il s'adossa ensuite a un vieux platane qui ornait la petite cour depuis des siècles, à présent. Les ombres des branches s'étiraient comme de la guimauve au sol, et la sienne possédait des jambes d'au moins trois mètres. Il était absorbé par ce détail et ne chercha pas vraiment à voir arriver celle qui, à en croire Takeda, désirait ardemment un nouveau rendez-vous avec lui. Il sifflotait même une chanson de bar au hasard, une bluette énergique qui lui rappelait les effets enivrants d'une série de vodkas sans dilution aucune.

Puis il releva la tête, et sa mâchoire s'entrouvrit de surprise. Il était hébété.

- Quoi moi ? Pourquoi vous êtes dans l'coin, vous, d'abord ?

Il n'en avait fichtrement aucune idée, d'ailleurs, mais elle lui avait adressé la parole, alors il avait répondu, vieux réflexe qui avait du mal à partir. Il dévisagea son ancienne capitaine, le regard toujours baladeur. Il s'attarda sur ses courbes, sans pour autant penser à mal, pour une fois. Il la vouvoyait toujours. Il avait du mal à se dire, même s'il avait su la nouvelle par un ami, qu'ils occupaient tous deux le même grade à présent. Rétrogradée. Rien que ça. Il replongea ensuite son regard dans celui de la jeune femme et haussa un sourcil, se risquant au tutoiement.

- J'te d'mande ca comme ça, mais t'as un message pour l'capitaine Mitsurugi ? Si c'est l'cas, refile le moi, ça finira sur mon bureau de t'facon.

Il sortit ensuite un splendide briquet ouvragé et s'alluma une clope au nez de son ancienne supérieure. Pas qu'il lui en voulait, non, comment aurait-il pu ? Il s'était fait virer dans la période de flottement après le départ de celle-ci. Mais on s'attache, et ça faisait partie des raisons pour lesquelles il avait pété les plombs et contredit les ordres. Parce que sous ses airs rebelles, le tatoué avait aimé ses années à la huitième, et avait apprécié de servir sous les ordres de cette capitaine certes jeune mais à son sens compétente. Mais il était gêné. Oui.

Il affichait néanmoins un sourire narquois qui pouvait aisément être mal interprété. Il attendait toujours la cinquième siège de la onzième division, pour une raison qui lui échappait parfois, mais pas toujours. Et à la place, il retrouvait quelqu'un qu'il n'aurait pas vraiment pu qualifier de vieille connaissance mais presque. Il ne savait absolument pas que Takeda lui avait envoyé un billet doux et ce qu'elle s'attendait à trouver en venant ici.

Otsu était médusée, la personne qui l'attendait au pied du magnifique platane, près de la troisième division n'était autre que Tastugami Shogo, dragueur invétéré mais également son ancien troisième siège au sein de la huitième division. Cet homme, même s'il avait vainement tenté de la mettre dans son lit, comme la plupart des femmes du Seireitei à vrai dire, elle s'y était toujours refusée. Non pas qu'elle n'aimait pas les plaisirs charnels, bien au contraire, mais bon elle n'avait pas envie d'être la cible de la vindicte populaire et être considérée comme une femme facile lorsqu'elle était à la tête de son ancienne division. Pour elle, Shogo était parfaitement du genre à être l'auteur de la lettre qu'elle tenait dans sa main.

Mais la réaction de l'homme la stupéfia. Il avait visiblement l'air surpris de la voir, comme s'il ne savait pas de quoi elle parlait. Sa mimique ne pouvait le tromper, il n'avait pas donné rendez-vous à Otsu. Néanmoins, ce qui perturbait la belle c'est qu'il attendait quand même quelqu'un. Elle réfléchit un instant et en arriva à la conclusion qu'il s'agissait d'une stratégie de la part de son ancien 3 ème siège. L'insolent, il allait le payer.

- Comment-ça "moi"? Ce que je fais dans le coin? Tu te moques de moi ma parole?

Bien qu'elle n'avait plus aucune autorité sur lui, elle ne pouvait s'empêcher de tenter de s'établir en position de supériorité. Sa prochaine phrase la mise hors d'elle. Elle se déplaça d'un Shunpo pour se mettre à son niveau, bien qu'elle soit plus petite elle pensait que cela l'impressionnerait un peu. Elle lui plaqua la lettre contre la poitrine.

- Non je n'ai pas de message pour ton capitaine.

Elle avait appuyé sur le dernier mot par rancœur. Mais devant l'attitude décalé de l'homme, elle du bien se rendre à l'évidence que ce n'était pas lui qui l'avait quémandé pour un rendez-vous galant. Elle soupira et se passa la main dans les cheveux.

- Excuses moi je suis un peu à cran en ce moment. Alors ce n'est vraiment pas toi qui m'a envoyé ça? Tu peux y jeter un coup d’œil pour voir qui sa pourrait être, enfin sauf si t'as autre chose de mieux à faire.

Elle était un poil déçue, elle ne pouvait se détendre en passant ses nerfs sur le responsable de ce quiproquo. Pour tout avouer, un rancard lui aurait bien plut... Bon pas avec un ancien membre de sa précédente division, même si elle n'avait rien contre Shogo elle gardait certains principes.

Elle se rendit compte qu'elle était restée presque collée à lui et rougit. Elle s'éloigna un peu de lui et s'assit de l'autre côté de l'arbre où il était adossé.

- Et sinon ça va?

Elle n'aimait pas se déplacer pour rien, alors autant prendre des nouvelles.

La suite ne fut pas pour lui déplaire, loin de là. Même dans son état de lassitude, avoir une jeune femme aussi bien roulée tout contre lui ne pouvait que le faire sourire. Le tableau aurait été parfait sans la vindicte qu'il détectait très bien dans le ton d'Otsu. Le troisième siège ne fit même pas mine de la repousser ou de répliquer à ses accusations. Il avait passé ce stade ou l'insolence était sa seule manière de traiter avec les gens. Il prenait son nouveau rôle dans la reconstruction de sa division très à cœur.

- Excuses acceptées, Otsu-san.

Il marqua une pause et eut un nouveau sourire empli de volutes de fumée, hésitant presque à obéir aux pulsions de ses mains baladeuses. Il n'en fit rien, il était trop perplexe pour ça.

- J'suis moi aussi un peu à cran, pour tout t'avouer. Non, c'pas moi qu'ai écrit ce papelard, au vu d'l'écriture c't'un de mes potes d'la troisième.

Elle s'était dégagée, et il ne fit même pas mine de la retenir, se ré-adossant à son platane, regardant la donzelle en contrebas qui visiblement était très gênée. Le tatoué jouait à domicile, et il était habitué à cet effet qu'il avait d'habitude tendance à provoquer par ses avances. Il leva un sourcil alors qu'elle tentait de relancer la conversation sur des rails plus anodins. Décidément, il était déçu. Pas de Lexie à l'horizon et une ex-capitaine qui aimait manifestement jouer avec le feu en guise de remplaçante.

Alors il resta silencieux un moment, laissant ses yeux se balader sur les courbes de son ancien officier supérieur. Elle avait toujours été bien foutue. Et elle faisait partie de ces nanas qui ne le savaient que trop bien. Allait-il tenter sa chance, malgré tout, sachant qu'il avait encore une tonne de rapports à lire et signer sous le coude, et une impression latente qu'il allait se manger un mur s'il lui faisait la cour. Mais Shogo aimait le risque. Et il lança la partition qu'il jouait chaque soir sans plus d'états d’âme.

- Les rapports, la routine, l'ennui quoi. T'dois en savoir quelque chose maintenant qu'on est au même poste.

Il était certain de raviver l'énervement de la jeune femme de par cette simple phrase assortie d'un clin d'oeil bien senti, mains dans les poches. Il écrasa son mégot sous sa sandale.

- Et qui m'dit que t'as pas monté tout ça toi même ? J'te vois bien user d'ce joli corps pour persuader Takeda d'm'amener ici et d'écrire une lettre, eheh.

Distraction, distraction toujours. Dans un monde ou la plume et l'encre avaient remplacé les baisers et les nuits osées chez notre tatoué, autant profiter de chaque occasion de s'amuser un peu. Et puis, bien sur, il y avait cette autorité à peine ravalée qu'il percevait chez la jeune femme. Elle avait un mal fou à lui faire face sans le rabaisser. Mais il était un autre type, désormais, et au moins le capitaine Mitsurugi ne le sous-estimait pas, lui. Il avait beau être considéré comme un moins que rien par un paquet de gens au Seireitei, c'était à la troisième qu'il avait trouvé à la fois la lassitude et la satisfaction, paradoxal mais vrai.

Otsu restée perplexe assise dos à l'arbre et dos à son interlocuteur. Comment être sure que c'était vraiment un ami de Shogo qui avait écrit la lettre et non pas lui?

- Comment pourrais-je faire confiance à un homme dont le seule but et de coucher avec toutes les femmes existantes à la Soul Society et plus? Tu le ferais avec une Hollow si tu la trouvais à ton goût.

La jeune femme jouait nonchalamment avec sa mèche de cheveux présente devant son œil invalide, un sourire sur le visage, invisible au regard du Shinigami. Elle était satisfaite de sa pique, après tout elle pouvait se le permettre maintenant qu'elle n'était plus Capitaine, à vrai dire, elle pouvait se permettre beaucoup de choses. Même la réponse arrogante que Shogo avait faite à un banal et amical "ça va?" ne la fit pas réagir. Elle était plutôt zen et était prête à jouer au jeu des nerfs avec lui. Elle partit d'un petit rire.

- Et bien a vrai dire, j'ai même moins de rapports à remplir que quand j'étais à la Huitième. Les deux lieutenants que j'y avais étais vraiment des fainéants, l'un arrivant toujours en retard à cause de folle nuit d'amour et réfléchissant plus à draguer tout ce qui a une paire de seins et l'autre était trop occupée à lire des magazines douteux. Non vraiment, je ne regrette pas d'être partie de la huitième, après je ne dis pas que je regrette pas le Haori, même si cela m'apporte un peu plus de liberté je me trouvais plus séduisante en blanc que en noir.

Elle ferma les yeux, profitant d'un instant de calme, pour sentir le soleil. Elle fut vite interrompue par le bruit d'un mégot qu'on écrase sous son pied. La voix du jeune homme lui parvint de l'autre côté de l'arbre. Ses joues se teintèrent de rouges à l'accusation. Elle exécuta un Shunpo pour se retrouver face à lui.

- Ecoutez-moi bien Tatsugami-San, je n'ai jamais eu aucune attirance pour vous, et dans les hommes à femmes en général. Je pensais que vous seriez plus respectueux et j'aurez pu envisager de vous revoir en tant qu'ami. Vous venez de perdre vos dernières onces de crédibilité dans mon esprit, et vous n'êtes pas prêt des les regagner.

Elle avait volontairement employé le vouvoiement pour bien faire comprendre à l'arrogant qu'il dépassait les limites avec ses accusations. Elle reprit son calme et un sourire sadique apparut sur ses lèvres, elle ferma les yeux.

- Cependant, c'est gentil de votre part de me dire le nom de l'envoyeur de la lettre je suis sure que Suto sera ravi de faire sa connaissance.

A peine, avait elle prononcé le nom de son indésirable, mais tout de même serviable lorsqu'il s'agit d'une tâche funeste, colocataire, que celui-ci se manifesta dans ses pensées.

- Cool! Tu me laisseras l'encorné dis dis?

Elle laissa flotter cette pensée, puis fit taire les détails peu ragoutants que son Hollow lui susurrait à l'oreille.

- Je vous conseil, Tatsugami-Shogo de dire à Takeda, puisque c'est comme ça qu'il s'appelle, de ne plus dormir que d'une oreille et de ne pas s'aventurer trop loin de la Soul Society. Il est dangereux de contrarier une personne qui n'a rien à perdre.

Elle ne se rendait certainement pas compte, avec cette menace qu'elle rentrait peu à peu dans le doux jeu du séducteur...

Elle le méprisait, c'était un fait, mais le troisième siège s'en amusait. Pas ouvertement, des petits détails, la commissure de ses lèvres qui s'arquait, un regard ou deux dans les yeux, cette fois, avec cette étincelle d'espièglerie qui l'avait toujours caractérisé. De plus, elle semblait pleine de rancœur envers son ancienne division et la vice-capitaine Yadomaru. De là à le qualifier, lui, de lieutenant, il y avait de l'analogie un brin tirée par les cheveux. Il sentait l'énervement face à l'attitude condescendante d'Otsu poindre en lui. Parce qu'il s'était toujours bien entendu avec Lisa, d'une part, et parce qu'elle n'avait visiblement pas conscience qu'il n'était pas si idiot qu'il en avait l'air d'autre part. Qui l'était, de toute façon ?

Depuis quelques temps, le troisième siège dissimulait le fait qu'il avait réussi à obtenir un bankai lors d'une de ses séances d'entrainement en solo dans les forets. Étant à présent un gratte-papier aguerri et un troisième siège qui lentement mais surement arrivait à se faire respecter, il appréciait sa nouvelle stabilité. Si il en voulait à Takeda ? Non, c'était normal qu'il cherche à lui changer les idées. Le faire avec Otsu était un choix désastreux, cependant. Il n'allait donc pas dénoncer son meilleur ami pour une nana qui clairement avait de très mauvais à priori sur lui, même si il comprenait ces à priori. Mais son nom lui échappa tout de même, la fatigue sans doute.

- Bon, j'vais arrêter mon petit jeu ici, si ça t'dérange pas.

Il avait cessé de sourire, et toute la lassitude du monde transparaissait dans ses propos.

- Takeda a pas tendance à s'éloigner trop d'la troisième, sauf avec moi. Il pensait bien faire. Pour toi comme pour moi, sois en assurée.

Son accent trainant avait beau rendre la phrase narquoise, l'homme à femmes, comme elle l'avait appelé, était à présent parfaitement sérieux, et son regard éteint mettait en valeur les cernes qu'il arborait à présent lorsqu'il passait des nuits blanches. Au fond, ils étaient pareils. Un officier jadis considéré comme "à problèmes" par le Gotei qui faisait à présent de l'excellent travail et une des plus jeunes capitaines de l'histoire rétrogradée après avoir été l'enfant chérie des treize divisions. Des électrons libres, avec leurs fêlures et leurs égos, tous deux forts. Il ne pouvait lui en vouloir, en fin de compte.

- Si j'te dis que j't'offre un verre si tu veux, en tout bien tout honneur, tu m'crois ? J'aurais bien b'soin d'une pause, et à c'que j'vois, toi aussi. T'es à cran.

Il se tenait droit, à présent, et il songea que si elle n'acceptait pas ce fameux verre, il irait tout de même s'en mettre un derrière la cravate. Parce qu'on ne vivait qu'une fois pour l'éternité, comme il avait coutume de dire en se marrant à ses collègues et subordonnés. D'ailleurs, un petit groupe, de retour de patrouille, le salua respectueusement, ce à quoi il répondit d'un signe désinvolte de la main.

- Salut les mecs.