Que de rencontres ces derniers temps, tout ceci commençait quelque peu à devenir épuisant. Entre les uns qui guettaient la moindre occasion pour démontrer à quel point ils étaient supérieurs, et les autres qui tentaient de s'accaparer mes proies, la fatigue me gagnait. Sans parler de ma récente rencontre avec la Quinta, véritable phénomène unique en son genre. Pas désagréable pour autant, tant physiquement que mentalement. Oh évidemment, il y avait un temps d'adaptation nécessaire avec son caractère, mais une fois habitué, elle n'était pas de plus mauvaise compagnie qu'un autre Arrancar belliqueux. Se faire connaître, trouver ce qui me distingue de mes semblables et l'exploiter au maximum, afin d'attirer l'attention du Roi Grimmjow, les conseils de Borick étaient suivis à la lettre.

Pour autant, aujourd'hui serait l'exception. Fatigué, le visage marqué par ce fait, j'avais décidé de me retirer dans mes appartements afin d'y prendre une journée de repos complet. Enfin, ce qui me servait d'habitat, soit pas grand-chose. Une simple pièce au sein de Las Noches, grossièrement aménagé, avec tout juste de quoi y dormir et se laver un minimum. Rien en comparaison de la beauté de ce palais, largement suffisant pour un Arrancar de mon rang. Le principal était là, soit la tranquillité et l'assurance de ne pas être dérangé durant le temps que je m'y trouvais. Qui pourrait bien vouloir me trouver, de toute manière ? Mains dans les poches, avançant lentement, la porte de ma chambre fut en vue. Un détail attira immédiatement mon attention, la porte était ouverte et de la lumière s'échappait de la pièce, éclairant faiblement le couloir.

Contrairement à ce que je pensais, quelque chose ou quelqu'un souhaitait me trouver. Quant à savoir qui, il n'y avait qu'à entrer pour le découvrir. Lorsque ce fut le cas, je découvris une femme à la chevelure rousse, assise sur ma chaise, face à mon miroir, en pleine séance de ce qui semblait être de l'auto-mutilation. En y regardant de plus près, elle était dans un piteux état, comme quelqu'un qui sortirait d'un lourd combat. Lequel il n'aurait pas forcément remporté, ou alors au prix de lourds dommages, comme c'était le cas avec cette personne. Annonçant ma présence d'un raclement de gorge, la situation fut clarifiée l'instant d'après, en une unique phrase de la demoiselle. Zora Marquesa était son nom. Sans dire un mot, j'acquiesçais d'un hochement de tête, pénétrant dans la chambre et refermant la porte derrière-moi.

- Soejima Gesshin. Ne vous excusez pas, la situation était urgente, comme vous me l'avez fait remarquer. Je ne m'attendais simplement pas à trouver une charmante demoiselle dans ma chambre, le ventre ensanglanté, les vêtements en lambeaux, tentant de s'opérer toute seule.

Résumé de cette manière, la situation semblait quelque peu invraisemblable. Elle était simplement là, des bouts de tissus recouvrant sa peau, ne masquant que légèrement ses courbes généreuses, sollicitant mon aide. Un autre que moi, plus primitif et moins respectueux lui aurait sauté dessus et l'aurait certainement purement et simplement violé. Ventre qui pisse le sang ou non, elle n'aurait pas eu son mot à dire. Une chance que je ne sois pas ce genre d'homme. Mon regard s'attarda sur le sien, ses yeux étaient magnifiques, à la hauteur du reste de son visage. Pour autant, il n'y avait pas de temps à perdre en contemplation, son état était critique et il n'y avait que moi pour lui empêcher une fin funeste. A croire que je n'étais bon qu'à cela, empêcher les femmes de se vider de leur sang. Avec la Quinta il y a quelques jours, Zoras serait la deuxième.

Inutile de relever que toutes les deux semblaient avoir été faite pour me tenter. Un corps somptueux et un visage ravissant, le tout m'était offert uniquement à observer. Ne pas toucher, sauf cas particulier comme aujourd’hui, afin de retirer les bouts de chitine dans la chair de la rousse. Me rapprochant d'elle, je m'accroupissais à ses côtés, afin de jeter un œil à ses blessures et découvrir toute l'étendue des dégâts. La grimace déformant les traits de mon visage fut significative de ce que j'en pensais. Moche, vraiment moche. Comment avait-elle bien pu arriver jusqu'ici avec de telles blessures ? D'un signe de tête, je lui conseillais de remettre le morceau de tissu entre ses dents et entreprenait de retirer les morceaux empêchant la régénération.

- Je ne vous promets pas de faire cela sans douleur, veuillez me pardonner à l'avance et essayez de bouger le moins possible. Maintenant si vous êtes prête, je vais commencer.

Elle refusait de mordre dans le tissu, une réaction surprenante. Ne craignait-elle pas le mal qui la saisirait ou était-ce autre chose ? Quoi qu'il en soit, même si cela me peinait, je ne pouvais pas la forcer à le faire. Seulement prier pour qu'elle n'ait pas trop mal et m'assurer de la soigner avec la plus grande des efficacités. Pas avec délicatesse, c'était quasiment impossible à réaliser étant donné à quelle profondeur les fragments s'étaient logés dans la peau de la demoiselle. Focalisant mon attention sur le travail à accomplir, mes doigts se frayaient déjà un chemin à travers la chair de la Marquesa, à la recherche du premier bout de carapace parasite. Et lorsque ce fut le cas, que mes doigts s'en emparaient, le tout fut retiré aussi sec sans même un avertissement.

Résultat évident, Zora était assaillit par une soudaine vague de douleur.

- Je comprends parfaitement votre situation, ne vous en faites pas. Je ne suis pas bien différent, dans le fond. Aucune attache, pas de connaissance vers qui me tournait en cas de problème... La seule différence avec vous serait cette pièce, à l'intérieur de laquelle je peux me réfugier à ma guise.

Et cette chambre, qui est tout ce que je possède depuis ma transformation en Hollow, est bien plus indispensable qu'on pourrait le croire. Elle n'est pas seulement un lieu de repos lorsque les forces m'abandonnent, ou que je cherche à fuir un peu la monotonie de ma vie en tant qu'Arrancar errant. Ce n'était pas vraiment le meilleur instant pour se perdre dans de telles réflexions, la Marquesa attendait. La plaie saignait, on pouvait toutefois remarquer que la capacité de régénération nous étant propre se mettait doucement en marche. Très lentement. La faute aux autres bouts de carapace restants. De ma main droite, je farfouillais déjà à la recherche de l'un d'eux. Suivre la conversation tout en agissant avec délicatesse pour ne pas empirer l'état de la rousse n'était pas simple, loin de là même.

M'enfermant momentanément dans un mutisme total, le temps de mettre les doigts sur la chose tant recherchée, le même procédé fut répété lorsque je parvins à en localiser un autre. Le fragment fut tiré de force à l'air libre. Recouvert du sang de l'Arrancar, lequel se répandait désormais sur le sol de la pièce tandis que je le levais à quelques centimètres de mes yeux pour l'examiner. Cela me fit tirer une grimace. Même s'il était difficile d'imaginer ce que devait ressentir Zora avec plusieurs de ces choses lui rongeant la chair de l'intérieur, je n'en compatissais pas moins. Et cela ne faisait que me rendre plus ravi que de savoir que je contribuais à la soulager de cette lourde peine. Et puis, ce n'est pas comme si c'était la deuxième fois que j'accomplissais un acte similaire...

- Rendre un service vital, hein ? Peu d'Arrancars peuvent se vanter de le faire, malheureusement... Nombreux seraient ceux qui auraient profité de l'opportunité de s'offrir un repas sans avoir à se fatiguer pour l'obtenir. Soyez plus prudente à l'avenir, s'il vous plaît, vous n'aurez pas tout le temps la chance de choisir la bonne chambre.

Un affrontement. Quoi d'autre ? Nous sommes faits pour nous battre nuits et jours, rien de plus. Si cela ne me surprend guère, ma curiosité me pousse tout de même à vouloir en savoir plus sur le sujet. Quelques éclaircissements ne seraient pas de trop, j'imagine.

- Si j'accepte de vous renseigner sur mon rôle au sein des armées du Roi Panthère, voudriez-vous prendre la peine de me raconter votre mésaventure ? J'avoue nourrir une certaine curiosité quant à connaître l’identité de la personne assez brutale pour amocher à ce point une si charmante demoiselle.

Et en attendant qu'une réponse soit donnée, mes doigts retournaient à l'effort, en quête de ce qui serait le dernier parasite. Après celui-ci, tout serait terminé et la régénération de Zora pourrait pleinement se mettre en action.